" Samedi, neuf heures, salle de duel. N'oublie pas de ramener un Serdaigle qui sache au moins lire et compter. " disait le parchemin que Sarah avait reçu de son adversaire quelques jours plutôt. Ainsi il s'en était tenu à ce qu'ils avaient dit lors de cette triste rencontre au sommet de cette maudite tour ? Elle n'en aurait jamais espéré tant et s'était même mise à prier pour qu'il oublie, qu'il abandonne ou n'importe quoi d'autre pourvu que cela l'empêche de se ridiculiser comme elle s'était promis de le faire. Elle n'avait malheureusement pas changé d'avis sur la question, la défaite serait certainement bien plus simple à digérer pour elle et qui donc pourrait la railler d'avoir échouer ? Après tout, tout le château ne la connaissait que comme l'idiote gloussante et superficielle qu'elle feignait d'être. Il y avait bien Elliott qui avait eu vent de qui elle était réellement mais elle ne l'imaginait pas venir lui tirer les oreilles pour avoir massacré la loyauté qu'elle avait demandé lors d'un duel inutile avec le dernier des crétins... Scarlett, peut-être, s'étonnerait de son incapacité à lancer un sortilège correct si jamais elle ne venait qu'à l'apprendre et encore, elles étaient plus occupées à parler chiffon, ou pire à jouer les véritables amies, qu'à bavasser de leurs capacités magiques. Elle ne savait pas si elle avait eu vent de cet affrontement, elle n'avait pas osé aborder avec elle le sujet, il fallait dire aussi qu'elle préférait éviter de prononcer le nom du Gryffondor depuis qu'elle s'était effondrée en larmes dans la même pièce que la pauvre fille, peut-être le savait-elle malgré tout et peut-être se tiendrait-elle au courant du résultat... Non, il fallait être bête pour mettre un peut-être à cette phrase, il n'y avait là pas la moindre trace d'hypothèse, Scarlett le savait tout comme elle en saurait la sombre issue puisque rien ne lui échappait jamais...

Le rappel qui avait accompagné le rendez-vous la laissa perplexe, lui offrant tout de même quelques jours pour trouver une idée convenables. Elle ne croulait pas sous les amis, encore moins dans cette maison où elle ne se souvenait pas avoir réellement partagé une conversation avec qui que ce soit... Elle était dans une impasse et elle avait même songé un instant à demander à la soeur de Sélené, histoire d'achever de mettre sa vie en morceaux mais elle avait tout de même eu la décence de s'en abstenir. Qui serait le Serpentard ramené par celui-ci ? Elle avait pensé à Naïa, puisqu'elle les avait déjà vu traîner ensemble... Elles n'étaient pas très proches et se voyaient généralement uniquement lorsqu'il y avait un intérêt à le faire mais ça l'attristait de se ridiculiser de la sorte devant ce qui se rapprochait le plus, après Scarlett bien sûr, d'une amie. Non, elle ne serait pas là, ni elle ni personne avec qui elle pouvait avoir eu un jour une relation de quelque nature que ce soit. Ce serait un parfait inconnu et le monde serait parfait... Ce qui ne lui donnait toujours pas de Serdaigle à embarquer avec elle pour ce jour abominable que serait Samedi. Ce fut le hasard total qui la mena sur le chemin Alexander Maddox... Elle avait totalement oublié qu'il n'y avait pas que Cooper et elle comme préfets et que par conséquent, il pouvait également y avoir des Serdaigles à porter de main même si elle n'avait jamais fait preuve d'un très grand intérêt à leurs égards. Elle n'avait pas non plus besoin de voir chez lui le meilleur ami qu'elle avait au monde, juste un gars avec un blason bleu. Ce fut avec un sourire radieux quoi qu'un peu hypocrite qu'elle lui exposa son problème en bloquant distraitement la porte de la salle des préfets pour éviter qu'il ne se mette à fuir avant d'avoir accepté. Ce qu'il fit à son plus grand étonnement. Elle lui balança l'heure et l'endroit et disparut sans demander son reste, bien consciente de se jeter de son plein gré dans la gueule grande ouverte du loup alors qu'elle aurait très bien pu ne pas si rendre le plus normalement du monde...

Les jours qui la séparaient de la fin se dissipèrent sans qu'elle n'ait le temps d'en retenir aucun. Et puis Vendredi arriva. Les cours ne furent qu'une suite d'heure à se lamenter silencieusement sur son sort, à s'entraîner à avoir l'air plus cruche encore qu'elle ne l'avait jamais été, trouvant le moyen de faire exploser malencontreusement son chaudron et transformer son rat en épingle à cheveux au lieu de le rendre rose... Personne n'avait paru trouver cela choquant ce qui lui donnait confiance en la suite, la confortant dans son idée : son échec passerait totalement inaperçu, et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, au détail près qu'elle s'enfonçait plus encore dans ce rôle qu'elle avait un temps souhaité fuir. La nuit ne lui porta pas le moindre conseil, elle était restée allongée sur son lit à attendre que le temps passe, qu'il soit l'heure de se lever et d'affronter la triste réalité. D'une; la guerre était belle et bien terminée et là allait être leur dernière bataille, de deux; elle allait lui offrir la victoire qu'elle avait espéré depuis tant d'années sans se battre un seul instant, et de trois; sa prétendue supériorité était entrain de faire son testament tant elle allait être maltraitée pour ne pas dire achevée... Il allait finalement réduire à néant la vie qu'elle s'était construite ici, ou plutôt elle allait le forcer à le faire. Il fallait vraiment être dérangée pour en arriver à un tel extrême, mais cela ne l'étonnait même plus. Le jour se leva sans qu'elle ne le remarque. Ce fut l'agitation de ses camarades de dortoir qui la ramena à la réalité. Et quelle réalité... On était Samedi. Le Samedi. Elle se leva sans broncher, et adressa un habituel sourire moqueur aux filles qui se disputaient à voix basse pour savoir qui aurait le droit de porter la robe qu'elles avaient en double. Tout allait bien, il ne se passerait rien qu'elle n'aurait prévu avant cela. Elle se prépara vite fait. Mini-jupe, talons hauts et maquillage appuyé lui rendaient l'air encore plus superficielle et écervelée qu'elle pouvait l'être en temps normal. Un dernier coup de peigne dans ses boucles blondes et il ne lui restait plus qu'à affronter la sentence qu'elle s'était donné.

Son attitude ne changea pas des jours précédents sur le chemin, gloussant aux histoires stupides de la camarade de maison qui lui tenait compagnie pour le moment. Elle se rendit dans la Grande Salle et déjeuna on ne peut plus normalement en discutant de la dernière interview de la jeune mannequin qui faisait la couverture de Sorcière Hebdo, puis elle prit congé avec un sourire qui sonnait faux et remonta les escaliers. Elle n'était pas en retard, aussi elle prit son temps mais malheureusement le trajet se boucla rapidement, la porte de la salle de duel était déjà là. Un vague coup d'oeil à sa montre lui apprit qu'il restait encore quelques minutes avant que cela ne commence réellement. Sarah se décida à entrer malgré tout, persuadée d'être seule. Elle pourrait ainsi s'entraîner une dernière fois à être convaincante dans son rôle d'incapable. Manque de chance, Scipion était déjà là. Elle sourit une nouvelle fois, sûre d'elle et prétentieuse, alors qu'elle s'avançait gracieusement à l'intérieur. Elle alla poser son sac sur une chaise dans un coin et fouilla à l'intérieur.

"Tu es bien en avance. Tu avais hâte de voir ta fin arriver ?" railla t-elle en sortant sa baguette.

La Poufsouffle faisait son possible pour sauver les apparences et donner l'apparence d'une fille aussi confiante que possible mais au fond, elle n'en menait pas large... Ce n'était qu'un mauvais moment à passer, tout allait bientôt être terminé. Ou du moins, il fallait l'espérer...

Il était là, à quelques pas d'elle à peine, prêt à lui faire regretter son petit jeu de la dernière fois, ou du moins c'était ce qu'elle supposait... Son petit jeu de la dernière fois... Malheureusement, elle en avait été la première victime. Ce qu'elle avait fait pour le déstabiliser le plus possible l'avait perturbée plus qu'elle ne l'aurait cru, imposant avec plus de force encore la triste réalité : elle était loin, très loin de le détester comme elle l'aurait dû. Le manque de distance qu'elle avait laissé entre eux avant de disparaître n'avait plus cessé de la tourmenter. Elle ne savait plus vraiment si elle aurait préféré éviter ou rester contre lui plus longtemps... Sur quoi elle pestait contre son idiotie et partait à la chasse aux premières années, histoire de penser à autre chose mais plus les jours passaient, moins cette technique marchait, la confrontant malgré elle aux conséquences de ses actes stupides. Elle avait fait son maximum pour l'éviter autant que possible, le rayer de sa vie au mieux mais ne pouvait s'empêcher de soupirer tristement lorsqu'elle l'apercevait au détour d'un couloir. Elle agissait comme ces gamines qu'elle raillait mais tâchait de faire bonne figure devant le Tout Poudlard qui, supposait-elle, n'avait rien remarqué. Et voilà qu'ils se retrouvaient de nouveau dans la même pièce. Oui, Sarah commençait sérieusement à s'en vouloir d'avoir mis les pieds dans la tour d'Astronomie, de ne pas avoir respecté les limites de leur espace vital, d'avoir accepté ce duel aujourd'hui alors qu'elle se doutait pertinemment qu'il serait là. C'était mieux pour se battre, c'était vrai... Peut-être aurait-elle dû renoncer sur le chemin, tant qu'il en était encore temps ? Maintenant, il était trop tard. Il fallait tenir bon jusqu'au bout et prendre la porte dès la défaite acquise pour ne pas le voir jubiler trop longtemps en sachant pertinemment que ce n'était pas juste...

" Je te ferais remarquer que tu es en avance aussi, et je ne vois pas de quelle fin tu parles. C'est juste que je suis le premier. Enfin, comme d'habitude, j'ai toujours été le premier. "

Elle était en avance mais elle ne l'avait pas fait exprès, elle avait déjeuné, bavardé, pris son temps pour se préparer... Ce n'était pas comme si elle avait eu peur d'être en retard ou hâte de le retrouver... Elle ne pensait pas qu'il serait là si tôt. Ce n'était tout de même pas utile de le lui préciser. Elle était en avance, ils étaient quitte sur la question, fin de l'histoire. La Poufsouffle n'avait pas la moindre envie de se lancer dans des explications sans queue ni tête qui ne ferait que l'enfoncer davantage pour lui prouver que non, elle n'était pas véritablement en avance, elle n'était juste pas en retard... Il s'en ficherait probablement et il aurait bien raison. Ce n'était sûrement pas le moment pour chercher à faire la conversation de toute manière... Ils n'étaient pas là pour prendre le thé bien que cette option paraisse plus agréable à envisager que celle de se rendre ridicule de son bon vouloir pour éviter à son pire ennemi une déchéance trop difficile à supporter. Elle fouilla un peu plus dans son sac et en sortit son miroir avant de vérifier son maquillage et sa coiffure avec un certain désintérêt. Dans le reflet de celui-ci, elle ne put s'empêcher de remarquer le regard du Gryffondor posé sur elle. Un regard plein de suffisance, certes, mais ça n'avait aucune importance. Elle le rangea avec un sourire hautain et satisfait avant de se tourner vers lui, s'adossant négligemment au mur derrière elle.

"Je sais que je suis la plus jolie fille de cette école mais si tu pouvais arrêter de me fixer, ce serait gentil. Et pour revenir sur ce que tu as dit, tu vas continuer à être le premier aujourd'hui encore. Le premier à te ramasser lamentablement, c'est une idée prometteuse, non ?"

Il fallait faire comme d'habitude, se montrer confiante et prétentieuse alors qu'elle n'en pensait finalement pas un mot... Peut-être aurait-elle dû puisque son apparence serait la seule chose qui lui resterait en sortant d'ici. Il ne serait plus question d'avoir l'air intelligente un jour, pas même intéressante et encore moins douée en quoi que ce soit... Elle serait à jamais l'amie de Scarlett, cette blonde idiote qui gloussait à chacun de ses ragots et qui devait rester dans son ombre faute de pouvoir briller par elle-même... Quelle triste perspective. Elle n'avait jamais vu les choses sous cet angle. Jusque là, elle n'avait jamais fait preuve d'une intelligence hors du commun mais ses bonnes notes laissaient planer le doute, lui donnant l'occasion d'être vaguement au dessus de son amie, mais là... Elle serait achevée par l'un des pires cancres que l'école ait porté, par un garçon qui ne connaissait pas le chemin des salles de cours et qui devait être incapable de réciter plus de quatre formules magiques sans se tromper... Et si cela arrivait jusqu'aux oreilles de Danah ? Qu'en dirait-elle ? Elle n'avait jamais approuvé l'image que renvoyait sa soeur mais elle, elle saurait bien qu'elle savait lancer correctement les sortilèges élémentaires qu'elle avait bien l'intention de rater pitoyablement aujourd'hui... Et ses parents ? Ne craindraient-ils pas d'apprendre par la suite que sa réussite scolaire n'était en fait qu'une imposture, qu'elle avait triché pour y arriver ? Elle trouverait bien le moyen d'expliquer à son père les véritables raisons de ce échec sans rentrer véritablement dans les détails, sauvant ainsi le peu d'honneur qu'il pourrait encore lui rester tout en prenant le risque de voir sa génitrice débarquer dans sa chambre avec un sourire attendri qui lui donnerait la nausée. Elle se poserait sur son lit en lui prenant la main avant de lui balancer d'une voix douceâtre qu'elle aurait dû venir lui en parler de ce jeune homme qui la troublait à l'école et son cauchemar commencerait véritablement... Ce qu'elle allait devoir supporter entre les murs de Poudlard ne serait rien, absolument rien comparé à ce qu'il l'attendrait chez elle.

" Qu'est-ce qu'il y a, Wotton? Tu restes en retrait... tu as peur de connaître l'issue de ce duel? Tu peux toujours abandonner maintenant, si tu crains de ne pas être à la hauteur. "

Qu'il était loin le temps où il l'appelait par son prénom... Elle avait l'impression qu'une vie s'était passée depuis cet moment-là... Peut-être était-ce vraiment le cas finalement... Elle avait réalisé que ça n'avait plus aucun sens, ses doutes n'en étaient plus mais elle continuait sans envie pour ne pas être qu'une élève de plus dans la masse de celles qu'il devait côtoyer perpétuellement. Être sa rivale était au fond mieux que rien... Et dans quelques minutes, que serait-elle ? Sa victime ? Elle n'en savait trop rien. Bien sûr, la guerre serait finie. Bien sûr, elle ne serait pas qu'une idiote parmi tant d'autres puisqu'il l'aurait vaincue après tant d'efforts. Elle resterait probablement "la preuve de sa réussite et de sa supériorité". Sarah n'était pas certaine que ce soit la meilleure chose qui puisse lui arriver mais c'était sûrement mieux que de le battre, de remporter la guerre et de s'en vouloir pour l'avoir enfoncé plus qu'il ne pouvait déjà le faire seul. Ce n'était pas juste ! Tout était tellement plus simple quand elle n'avait que ses propres intérêts à servir ! Pourquoi avait-il fallu qu'il arrive et vienne tout gâcher ?! Il n'avait rien fait consciemment mais le résultat était le même : tout était de sa faute. Seulement et simplement de sa faute. Ca n'avait pas grande importance puisqu'elle ne pouvait pas lui reprocher. Difficile de lui hurler dessus qu'il n'aurait jamais dû la laisser tomber amoureuse d'un crétin comme lui. Non, c'était véritablement pas envisageable.

"Je connais l'issue de ce duel." avoua t-elle avec une sincérité qui n'était pas feinte. "Je te laisse juste profiter de ton ignorance avant de te faire tomber de haut, rien de plus."

Là encore, c'était on ne pouvait plus vrai... S'attendait-il un seul instant à ce qu'elle puisse lui offrir la victoire, oublier toute loyauté pour s'effacer de la sorte ? Probablement pas... Avec un peu de chance, il ne remarquerait pas que c'était volontaire, il resterait persuadé que c'était son intelligence hors du commun qui l'avait porté jusqu'à la victoire. Ce serait mieux pour tout le monde. Elle n'avait pas envie de le décevoir plus que ce ne serait le cas lorsqu'elle jouerait les idiotes. Elle avait envie de lui demander de l'excuser d'avance, de ne pas trop lui en vouloir pour l'imaginer incapable de gagner normalement mais elle ne pouvait décemment pas descendre aussi bas, ce serait inhumain, presque l'aveu d'un suicide proche. De la tour d'Astronomie, peut-être ? Qui sait, les rôles pourraient toujours être inversés...

" Te fixer? Réellement? Je ne fais que contempler le gouffre qui nous sépare. Et je ne suis pas à la veille de me ramasser, voilà tout. "

La blonde aurait espéré un instant qu'il ne le nie pas, qu'il la laisse rêver, espérer ce que bon lui semblait sans venir tout réduire à néant dans la seconde suivante, mais non, ça aurait été bien trop beau et bien trop éloigné du personnage pour pouvoir être réel. Elle soupira et joua néglemment avec sa baguette, s'excusant silencieusement auprès d'elle de la piètre utilisation qu'elle allait en faire dans quelques minutes. Qu'il ait l'air sûr de lui la rassurait sans pour autant l'étonner, au moins il ne serait pas surpris de voir la victoire lui arrive tout droit dans les mains, sa supériorité à la limite de l'inhumain serait récompensée et il pourrait continuer à se pavaner dans tout le château en prétendant en avoir les rennes sans que rien ni personne ne se mette jamais en travers de son chemin, puisque cela avait toujours été son rôle, à elle. Rôle qu'elle abandonnait lâchement parce qu'il fallait qu'il y ait un perdant dans cette histoire. Quelle idée avait-il eu, aussi, de lui proposer ce satané duel ? Il devait bien se douter qu'elle accepterait, qu'elle ne lui laisserait jamais l'occasion de crier sur tout les toits que Sarah Wotton était la fille la plus lâche de cette école. C'était déjà une garce, une commère, une idiote et une traîtresse, qu'on laisse loin d'elle cet énième qualificatif agréable. Elle n'en avait pas besoin. Mais sachant qu'elle accepterait et que cela signerait la fin de leur guerre, pourquoi l'avait-il fait ? N'avait-il pas prétendu qu'il ne voulait pas que cela s'arrête ? Ou alors était-ce simplement un moyen comme un autre de la faire cesser de chouiner comme une enfant ? Possible... Elle ne s'était jamais posée la question, bien trop perturbée par la suite des évènements pour se préoccuper du manque de logique qu'il pouvait y avoir... Elle alla s'asseoir sur le rebord de la fenêtre, plongeant son regard clair entre les arbres de la forêt qu'on apercevait, l'air lointain. Et si elle changeait d'avis ? Et si elle jouait véritablement la carte de la loyauté comme ils en avaient convenu ? Qu'elle mettait ses heures d'apprentissage à profit ? Et remportait cette bataille... Que se passerait-il ? Là encore, bien trop prise par l'idée de s'effacer, elle n'y avait pas songé jusqu'à présent. La guerre serait finie de la même manière, elle serait toujours une écervelée aux yeux du château et après ? L'avenir serait sensiblement le même en fin de compte. Pour elle. Elle aurait pu s'en tenir là, remarquer que d'une manière ou d'une autre rien ne changerait vraiment et refuser de s'inflinger une défaite qu'elle ne méritait pas. Elle aurait dû s'en tenir là. Elle quitta la forêt pour se reconcentrer sur son adversaire. C'était stupide d'en arriver là. N'auraient-ils pas pu continué à se tirer dans les pattes jusqu'à ce qu'il obtienne ses ASPICs et quitte le château ? Il restait quoi, trois mois maximum ? A moins qu'il ne veuille pas laisser cette guerre inachevée avant de partir et que c'était pour lui le meilleur moyen d'y mettre un terme. C'était plausible. C'était de toute façon la seule explication rassurante qu'elle puisse trouver, l'autre étant "Sélené est un crétin", ce dont elle n'avait jamais vraiment douté jusqu'à cette maudite rentrée. Elle ne pouvait pas le battre, la simple pensée d'être la seule et unique cause de sa déchéance lui nouait l'estomac. Qu'importe ce qu'il pourrait se passer, il gagnerait. Il partirait de l'école avec cette victoire en poche et son habituelle confiance en lui intacte. L'ombre d'un sourire attristé passa sur son visage alors qu'elle se redressait sur son siège improvisé.

"Oh, ça c'est ce que nous verrons. Si nos arbitres daignent arriver un jour bien sûr. D'ailleurs, on fait quoi s'ils ne viennent pas ? Alexander semblait d'accord lorsque je lui ai demandé de venir, je doute qu'il ait oublié mais peut-être a t-il changé d'avis en cours de route ?"

S'ils venaient pas, le duel n'aurait probablement pas lieu... A moins qu'il lui fasse suffisamment confiance pour décréter qu'ils n'avaient pas besoin d'eux, ce qui l'étonnerait au plus au point. Il lui avait fait confiance l'autre jour, parce qu'il n'avait guère d'autre choix, ce n'était sûrement pas entré dans la liste de ses habitudes pour autant. Enfin, c'était pour elle qu'ils en étaient arrivé à un tel accord, pour qu'elle daigne accepter de se battre sans craindre de triches ou d'énièmes coups bas alors théoriquement, si elle reconnaissait qu'elle était prête à croire en sa loyauté pour cette fois, peut-être pourraient-ils tout de même mettre un terme à tout ça. Les témoins de son échec lamentable en moins... Ce serait tout à son intérêt qu'ils ne passent jamais cette fichue porte. Inutile néanmois de le mettre au courant de ce détail. S'ils venaient pour de vrai, et bien elle ferait avec. Elle s'était fait à l'idée de se ridiculiser devant un public aussi minime soit-il alors qu'ils viennent, elle n'était plus à ça près. L'envie de fuir se fit plus forte encore. Elle ne se souvenait pas avoir rien qu'une fois eu aussi peu envie de prouver de quoi elle était capable... C'était dans un sens un peu tiré par les cheveux mais au fond, c'était encore le cas... Elle devait se prouver qu'elle pouvait rater absolument tous les sortilèges qu'elle tenait à lancer sans éveiller les soupçons des arbitres. C'était un but comme un autre, un peu plus rassurant que le simple fait de renoncer à la victoire pour les beaux yeux de son pire ennemi. Ca se résumerait à une nouvelle comédie et tout serait plus facile ainsi. Pourquoi avait-il fallu que cela tombe sur lui ? Il y avait un nombre impressionnant de garçons au château pourtant... Jake avec qui elle flirtait vaguement pour passer le temps, Elliott qui en savait beaucoup plus à son sujet que tous ses proches réunnis, ou même Alexander ou Cooper puisqu'elle était amenée à les voir régulièrement... Mais non... Sa vie aurait ressemblé à un long fleuve tranquille si tel avait été le cas et ça aurait été bien dommage de la dispencer de tracas supplémentaires, comme si mener une double vie en quasi-permanence n'était pas assez compliqué comme ça... Elle n'avait pas été épargnée par les épreuves adolescentes au-dessus desquelles elle avait cru pouvoir passer. Elle était une fille comme toutes les autres, malheureusement... Quoi qu'un peu plus compliquée et hypocrite que nombre de ses camarades... Elle n'avait absolument rien de plus qu'elles malgré ce qu'elle avait aimé imaginer jusque là et il avait fallu que ce soit lui qui lui ouvre les yeux, ou qui la force à le faire... C'était de sa faute, jusque là c'était de sa faute. Ne pouvait-il donc pas la laisser vivre sa vie rien qu'une fois sans lui mettre des bâtons dans les roues ? Où était l'intérêt de lui faire remarquer qu'elle était capable de ressentir autre chose qu'un désintérêt quasi-parfait pour quelqu'un ? Surtout qu'il était déjà bien au-dessus de la masse grouillante des élèves insignifiants... Pourquoi en vouloir plus pour lui laisser voir par la suite qu'elle n'était et ne serait jamais rien d'autre que la fille à éradiquer en priorité, sa rivale, son ennemie, n'importe quoi pourvu que ce soit négatif et à des lustres de la manière dont elle pouvait, elle, le voir désormais ? D'accord, il n'avait rien demandé de tout ça mais il aurait pu lui éviter de tomber si bas bien qu'elle ne sache pas véritablement comment...

" Tomber d'où? Si tu connais l'issue de ce duel, c'est une raison supplémentaire pour baisser les armes dès maintenant, non? "

Sarah baissa les yeux, fixant ses chaussures comme si elles pouvaient lui donner l'ultime solution, celle qui arrangerait tout le monde et lui permettrait d'éviter le désastre. Qu'il cesse donc de la tenter comme ça. Elle ne demandait rien d'autre que de baisser les armes et de fuir mais si elle était prête à lui laisser crier haut et fort qu'il l'avait vaincue, elle ne voulait pas qu'il puisse prétendre qu'elle s'était défilée, qu'il lui faisait peur. Rien ne serait plus faux que cela. Elle n'avait pas peur de lui, seulement de ce qu'elle pouvait ressentir et des situations dans lesquelles cela l'amenait. Jamais elle n'aurait cru quelques mois plutôt qu'elle pourrait tout abandonner aux portes de la réussite suprême, de cette victoire qu'elle avait tant attendue, tant espérée, en laquelle elle avait tant crue. Elle se savait capable de la remporter, mais ça n'avait plus d'importance, elle se savait surtout capable d'y renoncer. Elle finit par se reprendre, et secoua la tête. Elle n'était pas fière de ce qu'elle s'apprêtait à faire, non, et cela devait se voir si on prenait la peine de chercher autre chose qu'une assurance aussi fausse que forcée mais il ne devait pas s'abaisser à cela, lui qui savait à raison qu'il sortirait couvert des honneurs qui pouvaient être en jeu. D'un geste distrait, pour ne pas dire absent, elle entortillait sa baguette autours de quelques mèches, comme pour accentuer davantage les ondulations qu'il pouvait déjà y avoir dans ses cheveux. Cela ne servait à rien d'autre que de l'éloigner de la réalité, plus encore de lui. Elle ne pouvait pas sortir décemment le livre qu'elle avait emprunté à la bibliothèque si elle voulait véritablement passer pour une imbécile et elle avait eu la maladresse d'oublier son magazine. Le temps jouait contre elle, il refusait de s'écouler normalement, lui laissant bien sentir chaque seconde qui la séparait de la fin. Elle soupira une nouvelle fois et releva les yeux vers le Gryffondor.

"C'est plutôt à toi qu'il faudrait dire ça, non ? Ca doit être humiliant de se faire battre par une fille... Je n'aimerai vraiment pas être à ta place. Tu as tout de même réussi à trouver le sommeil cette nuit ? Hmm... Non, oublie cette question, on voit bien que tu n'as pas dû beaucoup fermer l'oeil. Je te fais peur ?"

Parler pour oublier dans quelle situation elle s'était fourrée, pour évacuer l'angoisse qui commençait à monter réellement peut-être aussi. Elle aurait aimé avoir quelqu'un pour la rassurer, comme Scarlett avait pu le faire la dernière fois mais elle ne pouvait bien entendu pas compter sur son adversaire pour cela. D'ailleurs, pourquoi Scarlett n'était jamais là quand on avait besoin d'elle ?

Sarah peinait à comprendre véritablement pourquoi elle était là, bien sûr en théorie c'était on ne pouvait plus simple à comprendre mais au delà du simple fait qui disait qu'elle était là pour mener ce duel à bien, il y avait quoi ? Leur guerre ne s'était-elle pas déjà terminée la dernière fois ? Lorsqu'au lieu de se tirer dans les pattes comme ils l'avaient toujours fait ils n'avaient eu d'autre choix que de travailler ensemble dans le seul et unique but de rester en vie à la fin ? Quoi qu'ils pourraient en dire, quelque chose s'était brisé ce jour-là, cette même chose qui les avait poussé à se rendre la vie dure pendant des années. Ils n'avaient d'ailleurs pas recommencé depuis. Si elle savait pertinemment pourquoi elle mettait un soin particulier à l'éviter, qu'en était-il de lui ? Pas une remarque, pas le moindre coup bas, ni le plus petit sourire moqueur et supérieur, absolument rien... Elle l'apercevait parfois dans un couloir ou à la Grande Salle mais si elle ne l'avait pas elle-même vécu, jamais elle n'aurait pensé qu'ils se livraient une guerre sans merci. La guerre était finie depuis plusieurs jours sans qu'elle ne l'ait réellement réalisé. S'il était ici, c'était qu'il ne l'avait pas remarqué davantage. Ils semblaient essayer de sauver ce qui pouvait encore l'être, de préserver les ruines de leur relation pour, peut-être, la rebâtir à l'identique par la suite ? Elle n'était pas certaine que ce soit exactement ce qu'elle désirait mais si tel était ce qu'il voulait, lui, alors peut-être pourrait-elle s'y faire. De toute façon, ils n'étaient bien bons qu'à ça, qu'à guerroyer sans réfléchir plus loin, qu'à faire ce qu'ils avaient toujours fait sans se poser plus de questions... Sauf qu'elle ne serait jamais debout de nouveau, ça ne tiendrait pas, ça ne serait pas logique... Il faudrait jouer les hypocrites en permanence et si ça ne la gênait pas d'habitude, elle ne l'avait jamais vraiment été avec lui. Oh, bien entendu le ton de sa voix avait parfois été un peu plus caressant qu'elle ne le pensait, ses sourires un peu trop innocents mais jamais elle n'avait composé avec autre chose que ce qu'elle pouvait ressentir, elle l'avait détesté donc elle l'avait cherché sans arrêt et s'en était tirée à merveilles mais maintenant ? Là qu'elle ne le détestait plus vraiment ? Elle ne se voyait pas continuer à faire comme si rien n'avait changé pour aller chouiner tous les soirs dans les bras de Scarlett qui, même si elle s'était montrée sous un jour beaucoup plus amical qu'elle ne l'avait jamais été et avait étonnamment su tenir sa langue sur ce qu'il s'était passé, avait tout de même ses limites. Elle n'était pas certaine que son amie puisse le supporter bien longtemps, ce qui était tout à fait compréhensible.

" Maddox? C'est tout ce que t'as trouvé? On avait parlé d'arbitre, pas du bisounours du coin... ah, formidable. Et si lui et Richards ne viennent pas, je suppose qu'il... nous faudra improviser. "

La blonde tenta tant bien que mal de réprimer un sourire amusé en entendant le jeune homme râler contre son choix d'arbitre. Il ne lui avait jamais dit qu'il y avait des gens à qui elle n'avait pas le droit de demander. Il avait sûrement choisi son Serpentard pour éviter qu'elle ne demande à O'Connor, ce qu'elle n'aurait jamais fait, mais visiblement il avait oublié qu'il y avait également des gens qu'il n'appréciait pas parmi les Aigles. Pour une fois, ça avait été en toute innocence qu'elle avait demandé à Alexander de jouer ce rôle. Elle n'avait jamais pris la peine de chercher qui étaient les ennemis de Scipion, ça lui aurait certainement pris trop de temps pour tous les répertoriés et puis, elle n'avait jamais pris "L'union fait la force" comme un dicton valable, voyant là juste une excuse pour jouer les lâches, ce qu'elle n'avait heureusement fait qu'une seule fois et avec quelques circonstances atténuantes. Et sans le savoir, elle était tombée pile là où il ne fallait pas... Le hasard faisait bien les choses, elle aurait pu croiser Tampton de la même manière et le lui aurait demandé à elle, faute de réaliser tout de suite qu'elle avait un co-préfet. Il s'en remettrait probablement de toute façon. Maddox ou pas, il ne pourrait pas faire grand chose face à son ignorance. Quand on ne savait pas lancer un sortilège correct, on acceptait pas un duel. Qu'elle pouvait être stupide parfois... Néanmoins, elle ne réagit pas au nom de Richards. Si ses souvenirs étaient bons, il devait s'appeler Gregory ou un truc dans le genre, elle ne lui avait jamais adressé la parole de ce qu'elle se souvenait et ne parvenait même pas à mettre un nom sur son visage... Au moins, elle n'aurait pas à subir le regard aussi désapprobateur que moqueur d'une hypothétique amie. C'était toujours ça... Maintenant, elle ne savait pas non plus si c'était quelqu'un digne de confiance mais au fond, ça n'avait pas grande importance. Il interviendrait uniquement si le Gryffondor perdait la face mais comme ce n'était pas dans ses projets, elle n'avait pas à s'inquiéter. Finalement, elle haussa distraitement les épaules.

"Tu n'avais qu'à me faire la liste des gens que tu voulais bien voir débarquer dans ce cas. Tu m'as dit un Serdaigle qui savait lire et compter, jusqu'à preuve du contraire j'ai respecté toutes tes exigences. Je n'y suis pas pour grand chose si personne ne te supporte au château. J'ai bien imaginé demander à ta soeur mais je me suis dit que ce serait méchant de lui infliger ça alors qu'elle n'avait strictement rien demandé. Tu me remercieras plus tard, on est pas pressés."

Elle se tut un instant, repensant à cette histoire d'abandon d'arbitres... Si jamais ils ne venaient vraiment pas, il était tout simplement hors de question qu'elle sorte d'ici sans avoir combattu. Elle n'avait pas la moindre envie de passer encore des semaines à se demander si c'était une bonne idée ou non, s'il n'avait pas mérité de se faire écraser lamentablement pour tout ce qu'il lui avait fait subir depuis que la guerre avait été déclaré voire même pour toutes les heures de colle dont elle avait écopées alors qu'elle était sous ses ordres... A chaque fois qu'elle y repensait, cela ne faisait que la faire culpabiliser un peu plus, lui donnant l'impression de faillir à ses objectifs, de renoncer à tout ce en quoi elle avait cru un jour... Ce n'était pas ce qu'il y avait de plus agréable, bien loin de là et elle ne souhaitait pas se le faire subir plus longtemps qu'elle ne l'avait déjà fait. La blonde soupira et commença à jouer négligemment avec un petit caillou qui traînait sur le sol, probablement ramené par un crétin qui pensait que cela pouvait l'aider à gagner... Lancer manuellement des projectiles sur son adversaire n'était pas très réglementaire.

"Et si je suis prête à..." commença t-elle malgré les doutes. "A te faire confiance ? Pour cette fois j'entends, on peut pas régler ça même s'ils ne viennent pas ? J'ai envie d'en finir au plus vite. Et bien entendu, pas de magie noire et blablabla. De toute façon, tu es plus doué que moi pour te terrasser avec ça donc je n'ai aucune raison de le faire. Après, ça risque de traîner pendant des semaines et les vacances arriveront avant que nous ayons pu mettre un terme à tout ça. Et dans la mesure où tu réussirais tes ASPICs, ce qui me semble trop utopique pour être réel, je crains que cette guerre ne soit jamais achevée comme elle le devrait. C'est tout à notre intérêt de le faire quoi qu'il arrive. Sauf si tu préfères attraper deux crétins de première année dans le couloir qui n'auront probablement jamais entendu parler de duel, juste pour dire qu'on a des arbitres. Et dans un tel cas, je ne promets pas de m'en prendre qu'à toi, je n'ai pas une patience exemplaire avec les microbes."

Elle finit par laisser le silence s'installer de nouveau. Peut-être devrait-elle songer à se taire ? Elle n'était pas d'un naturel silencieux en temps normal mais le flot incessant de paroles pourrait finir par trahir son manque de confiance et l'envie qu'elle avait d'être n'importe où sauf ici... Elle savait que son meilleur ennemi n'avait jamais brillé par sa perspicacité mais cela risquait d'être suffisamment flagrant pour qu'il le remarque. Sur quoi il prendrait davantage confiance en lui et la catastrophe se transformerait en massacre, et si elle était prête à perdre, elle l'était beaucoup moins à faire un séjour à l'infirmerie par la suite... Il avait été prêt à l'envoyer à Azkaban alors Saint Mangouste ne devait probablement pas lui faire bien peur. Il prétendrait sûrement qu'elle l'avait de toute manière bien mérité, que ce n'était pas de sa faute à lui, qu'il lui fallait une bonne leçon pour apprendre à respecter ses supérieurs et tout ce qui allait avec, elle connaissait déjà la chanson. Il fallait espérer qu'il soit bien trop bête pour connaître des sortilèges véritablement dangereux, ou en tout cas douloureux. Elle comptait bien ressortir entière de cette salle, même si son honneur, lui, risquait d'être atrophié.

" Si tu veux tout savoir, mes opérations me prennent pas mal de temps, c'est peut-être pourquoi je ne suis presque pas au meilleur de ma forme. Heureusement, j'ai tellement de ressources que je peux surmonter tout ça sans problème. Mais effectivement, tu m'as découvert, je ne peux plus fuir la réalité plus longtemps : tu me terrifies. Je ne comprends d'ailleurs même pas pourquoi tu ne t'en es pas rendue compte plus tôt, ce n'est pourtant pas faute de trembler lorsque tu te trouves dans la même pièce que moi... "

Elle l'écouta parler sans broncher, un sourire vaguement satisfait naissant sur ses lèvres. S'il réagissait de la même manière qu'elle, alors il devait être au moins aussi mal à l'aise, cachant son appréhension derrière une confiance feinte. Ou alors elle se trompait lamentablement et se plaisait à renvoyer ses propres sentiments sur lui pour avoir l'impression de ne plus être la seule à regretter d'être venue. Au fond, elle ne voulait pas le savoir. Comment l'aurait-elle pu de toute façon ? Il n'allait jamais clairement lui avouer qu'il ne craignait pour l'issue de ce duel, tout comme elle ne l'aurait jamais fait à sa place, à la différence près qu'elle ne la craignait réellement pas pour la connaître déjà... Et s'y être habituée d'ailleurs avant même d'avoir une preuve concrète que ce serait là la seule et véritable fin... Elle laissa le petit caillou tranquille et s'intéressa de nouveau au jeune homme, non sans cesser de jouer avec sa baguette.

"Ah. C'était donc ça. Je ne pensais pas un instant que le Grand Scipion Sélené, maître incontesté du château puisse avoir peur de qui que ce soit. Quelle drame d'avoir vécu dans l'illusion si longtemps. Je crains de ne jamais pouvoir m'en remettre. Même si d'un côté c'est très flatteur. C'est le plus beau compliment que tu n'aurais jamais pu me faire, tu sais..."

Sur quoi elle gloussa d'un air particulièrement bête et enfantin. Entrer dans son jeu ne servait pas à grand chose mais elle n'avait pas particulièrement envie d'ouvrir les hostilités plus tôt que prévu alors autant le laisser mener la danse. D'ailleurs, il lui en devait toujours une...

" Eve? Bien sûr, j'aurais du y penser plus tôt, et aller demander à ta soeur de mon côté. Elle est bien à Serpentard, non? Il n'y aurait plus eu qu'à installer le buffet et on aurait même pu entamer le repas de famille avant de commencer. "

Sa soeur ? Alors comme ça il connaissait Danah ? Comment ? Elles se voyaient régulièrement mais elles ne criaient pas sur tous les toits qu'elles faisaient partie de la même famille. Enfin, Sarah en tout cas ne le faisait pas puisqu'il lui faudrait ensuite expliquer qu'elle était en réalité la pièce rapportée de leur parfaite petite famille et c'était suffisamment difficile à accepter comme ça pour ne pas avoir envie de le raconter à qui voulait l'entendre. Oh bien sûr, il y avait suffisamment de personnes à le savoir pour qu'il puisse le savoir également mais elle ne pouvait qu'être surprise de remarquer qu'il avait fait en sorte de récolter un minimum d'informations à son sujet. Manque de chance, elle n'avait pas la moindre intention de se vexer pour si peu. Il aurait pu l'inviter si l'envie lui avait pris, elle aurait discuté joyeusement avec la Serpentard en en oubliant presque le duel qui se profilait, ou du moins l'aurait-elle feint. Enfin, la question n'était pas là puisqu'il lui avait préféré un garçon dont elle ne savait strictement rien et dont elle se fichait plus que tout. C'était pas plus mal, tout de même. Néanmoins, l'idée du repas de famille la fit sourire franchement, bien qu'une fausse lueur moqueuse traînait quand même dans ses yeux clairs. L'idée n'était pas déplaisante si bien sûr ils étaient capables de se supporter le temps d'un repas sans essayer de s’entre-tuer avec les fourchettes. Ce dont elle n'était malheureusement pas certaine, bien au contraire. Elle n'avait plus la moindre envie de le tuer, ni même de le faire renvoyer mais il fallait être honnête, il n'était pas plus supportable qu'avant. Elle avait, au contraire, l'impression que les choses allaient en s'empirant comme s'il se doutait de quelque chose et qu'il voulait faire en sorte qu'elle en revienne à leur point de départ et recommence à le détester comme elle l'aurait dû. Et leurs frangines ? Peut-être se seraient-elles bien entendu ? Elle n'avait jamais entendu dire qu'elles se côtoyaient déjà, du moins pas en dehors des salles de classe puisqu'il lui semblait bien qu'elles étaient dans la même année... Mais après tout, elle ne surveillait pas toujours les fréquentations de sa soeur, bien mal placée pour le faire: sa simple présence ici en était une preuve suffisante. Elle ne savait d'ailleurs rien de la fille Sélené. Elle était à Serdaigle et ça s'arrêtait bien là. Elle ne lui avait d'ailleurs jamais adressé la parole et c'était très bien comme ça. Si elle était aussi désespérante que son aîné, elle préférait ne pas le savoir.

"Oh ! Comme c'est dommage ! Je suis sûre que tu aurais adoré ma soeur. On aurait passé un bon moment. Il faudrait vraiment qu'on fasse ça un jour. Tu as des idées merveilleuses !" gloussa t-elle bêtement.

Comme si c'était vraiment envisageable. Rester assise bien sagement face à ce crétin sans avoir à se moquer de lui ne lui semblait pas réaliste. Non pas qu'elle craigne de ne pas savoir se retenir de le faire enrager mais plutôt qu'elle ne saurait absolument pas quoi lui dire à la place et rester à le regarder dans le blanc des yeux pendant plusieurs dizaines de minutes ne faisait pas partie de ce qu'elle voudrait faire à tout prix. Elle s'en passerait sans le moindre mal, et tant pis pour le chouette moment qu'ils loupaient tous les quatre. Lorsqu'elle parla de lui faire confiance, il ne réagit pas tout de suite, la confortant dans son impression d'être une véritable idiote. Ce n'était pas la personne idéale à qui parler de ça, tout comme elle n'était pas celle qui devrait en parler. Elle ne voyait cependant pas foule d'autres solutions. Et puis de toute façon, ils s'étaient déjà fait confiance une fois sans qu'ils ne le désirent alors une fois de plus... Il y avait beaucoup moins à craindre de cette fois-là, du moins, c'était ce qu'elle pensait. Elle n'avait pas spécialement envie d'en arriver à un tel extrême mais tout en elle clamait le contraire sans qu'elle ne daigne l'écouter. Pourquoi lui ferait-elle confiance en dehors de cette affaire alors qu'il avait failli la faire renvoyer ? Elle n'avait jamais fait confiance à qui que ce soit et lui n'était pas la meilleure personne pour commencer. Pourtant, elle savait pertinemment qu'il n'avait qu'à lui assurer qu'elle le pouvait sans craintes qu'elle se laisserait aller sans mal, revoyant toute sa manière de vivre juste parce qu'il le lui demanderait indirectement. C'était triste d'en arriver là. Elle était à deux doigts de devenir comme ses pauvres filles à dire amen à tout ce que disait un crétin qui ne valait rien... Elle savait qu'elle ne voulait surtout pas finir ainsi mais elle ne pouvait strictement rien faire pour lutter, c'était indépendant de sa propre volonté et elle ne pouvait rien faire d'autre que de culpabiliser face à tant de laisser aller.

" C'est d'accord. Enfin, ça me va. Je vais, disons, te faire confiance aussi. Pour cette fois. Pour éviter les gamins. Et pour ce qui est de la magie noire, désolé de ne pas me balader avec des rouleaux de parchemin suspects, ça ne figure pas dans mes habitudes. On fixe nous-mêmes les règles alors? "

Ses premiers mots lui firent un drôle d'effet. Elle le fixa un instant, sans chercher à fuir son regard ni même rougir. Pour cette fois... Pensait-il la même chose qu'elle ou s'agissait-il véritablement d'une seule et unique fois ? Elle n'avait plus envie de se battre. Ils n'étaient pas les meilleurs amis du monde et même si leur discussion était basée sur des piques des deux côtés, ils étaient capables d'en entretenir une sans faire usage de leur baguette ou se menacer de tous les maux du monde. C'était plutôt encourageant. Elle cessa de jouer avec sa baguette magique, comme si elle ne souhaitait plus s'en servir du tout. Elle n'avait pas l'intention de remporter cette victoire mais elle préférait encore creuser une autre piste avec le Gryffondor. Si au lieu de se détester en permanence et sans condition, ils étaient capables de se supporter, de bavasser sans pour autant jouer les hypocrites à tout va ? C'était probablement trop demander. Elle finit par s'intéresser à ses chaussures, bien plus rassurantes à l'instant que le visage de son adversaire. Elle avait la sensation désagréable de sentir de nouveau cette proximité, lors de leur rencontre au sommet de la tour, alors qu'il était à plusieurs mètres d'elle. Elle se fit violence pour rester à sa place. Il était hors de question de faire tout voler en éclats maintenant. Les apparences restaient saines et sauves et il ne lui restait que quelques minutes à tenir ainsi avant de disparaître de la vie de son ennemi. Elle ne lui servirait plus à rien une fois qu'il aurait obtenu tout ce qu'il pouvait tirer de cette guerre. Elle devrait apprendre à ne plus avoir le moindre intérêt pour lui, plus la moindre importance. Elle ne consentit pas à relever les yeux, bien plus à l'aise lorsqu'elle ne le regardait pas mais fit tout de même l'effort de lui répondre.

"Tu aurais dû me le dire, je t'aurais rapporté le mien. Tu crois qu'ils ne viendront pas alors ? Mais soit. Libre à toi de fixer tes règles, je m'y plierai. Ils prendront le duel en chemin s'ils arrivent un jour."

La Poufsouffle quitta son siège improvisé et tira machinalement sur sa jupe, bien plus mal à l'aise qu'elle n'aurait jamais pu l'imaginer. Ce n'était pas dans ses habitudes de se sentir ainsi. Elle ne s'embarrassait pas de tout ça en temps normal, préférant de loin se pavaner fièrement que de se sentir comme une enfant qui n'avait pas à être là. Elle s'étonnait qu'il n'ait pas déjà sauté sur l'occasion pour l'enfoncer autant que possible. Normalement, il n'aurait pas attendu si longtemps pour profiter de ses faiblesses pour prendre et garder l'avantage mais là, il n'en faisait rien. Cela faisait deux fois qu'il ne s'attaquait pas à elle avec ce qu'elle lui laissait sans le vouloir vraiment. Ses larmes, son malaise... Il laissait couler comme si ça ne pouvait pas lui être utile alors que cela suffisait largement à la mettre hors d'état de nuire. L'idée qu'il puisse vouloir éviter de s'en prendre à elle comme ça avait été et était toujours son cas lui traversa l'esprit sans s'arrêter. C'était Scipion Sélené, il ne pouvait pas culpabiliser pour des sottises pareilles. Il devait préparer autre chose. Quelque chose de bien pire et dont elle ne se remettrait sûrement jamais... Il restait encore à savoir quoi...

" Parce qu'il est tellement exceptionnel d'arriver à ma hauteur. Tu as déjà tellement de chance que je te consacre ma matinée, tu devrais en être fière. Bon, il me semble qu'on doit s'incliner avant de commencer. Ca ne me réjouit pas plus ça, mais comme je sais faire preuve d'une galanterie indéniable, je laisserais l'honneur au dames. "

Les yeux toujours rivés au sol, Sarah esquissa un vague sourire à ses mots. Sous-entendait-il qu'elle y était plus ou moins parvenue ? Et que c'était pour cela qu'il daignait lui offrir l'honneur de lui accorder quelques instants ? Elle n'en savait trop rien et ne voulait pas se faire de faux espoirs. Elle avait certainement dû prendre ses paroles dans le sens qui l'arrangeait le plus sans chercher à savoir si c'était véritablement ce qu'il avait voulu dire...

"Je le suis." souffla t-elle en s'inclinant sans broncher.

S'il s'attendait à ce qu'elle refuse catégoriquement de se soumettre à cela, c'était raté. C'était les règles habituelles de toute façon, difficile de ne pas y passer si on ne voulait pas faire passer le combat pour une pâle copie d'un vrai duel. Au moins, ça ne serait pas de sa faute. Néanmoins, il restait encore une chose qui la chagrinait...

"Il se passera quoi après ?"

"Oh ! Comme c'est dommage ! Je suis sûre que tu aurais adoré ma soeur. On aurait passé un bon moment. Il faudrait vraiment qu'on fasse ça un jour. Tu as des idées merveilleuses !"

A l’entendre glousser de la sorte, c’était comme s’il n’y avait jamais eu de guerre au fond. Ou comme si les hostilités étaient terminées depuis un bon bout de temps. Une fois de plus et certainement une fois de trop, Scipion ne savait réellement plus quoi penser de la situation. Comment diable pouvait-il mettre fin à cette confusion qui régnait dans son esprit ? Jamais un seul instant il n’avait douté de lui-même, jusqu’au sinistre épisode de la tour d’astronomie. Toujours démesurément confiant en lui-même et en ses compétences qu’il avait toujours évaluées au dessus de la moyenne, et de la fourmilière qui lui servait d’entourage au quotidien, il n’avait jamais envisagé pouvoir être surpassé par quelqu’un, et pourtant cela avait été le cas lorsqu’elle l’avait aidé à se dépêtrer d’une situation dont il avait perdu le contrôle. Cela avait été un moment très humiliant pour lui, beaucoup plus qu’elle ne pourrait probablement jamais l’imaginer. Etaient-ils réellement les ennemis qu’ils prétendaient être en fin de compte ? Elle n’avait rien dit après son échec cuisant sur le mur de la tour d’astronomie alors que le colporter aurait pu anéantir sa réputation en un rien de temps. Il aurait pu s’en relever, nier, se battre pour que cette défaite ne reste qu’une simple défaite, mais au fond le fait que ce soit elle qui l’ait provoquée aurait été pire que tout ce qu’il aurait pu endurer à ce sujet. Et lui, quant à lui, ne savait toujours pas quelle avait été la signification de ses larmes soudaines, mais il n’avait pas cherché à s’en servir à son profit en retour. Nouvelle opportunité qu’il aurait pu saisir, ce que Scarlett avait prétendu au sujet de sa meilleure amie. Mais non, comme le lui avait justement dit la Rouge & Or, il avait préféré rester planter comme un piquet au milieu du couloir, peinant à essayer de calmer le feu destructeur qui déferlait en lui, terminant de l’achever pour de bon. Pourquoi était-il resté sans réagir au d’éclater de rire et d’aller faire diffuser l’information si elle en était réellement une dans la grande salle, afin que tout le monde soit au courant ? Ce n’était certainement par compassion qu’il était resté sans rien faire, seulement… il ne se comprenait même plus lui-même. Il n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait ressentir, si ce n’était que c’était absolument anormal, jamais il n’aurait du être capable d’éprouver quoi que ce soit, pour personne et encore moins pour son ennemie par excellence. Il avait été décidé qu’ils devaient se détester dans les règles de l’art, alors pourquoi n’était-il pas apte à remplir sa part du contrat ? Au fond l’idée qu’elle proposait très certainement ironiquement, sans imaginer un seul instant qu’elle était sérieuse, était plutôt curieuse… il ne connaissait absolument pas sa sœur, était simplement parti du principe qu’il s’agissait d’une Sarah II en apprenant qu’elle en avait une, et n’avait pas cherché plus loin. La règle de l’époque était que les sœurs de ses ennemies étaient ses ennemies, par conséquent il ne s’était pas pris la tête à ce sujet. Mais à présent… était-ce seulement envisageable ? Le lien qui semblait désormais le relier à la Poufsouffle était beaucoup plus ambigu qu’il ne l’avait jamais été, c’était comme s’il était devenu soudainement beaucoup plus difficile de la détester. A part approuver pour ce qui était des idées merveilleuses, qu’on lui disait souvent, etc, il ne voyait pas exactement quoi lui répondre.

"Tu aurais dû me le dire, je t'aurais rapporté le mien. Tu crois qu'ils ne viendront pas alors ? Mais soit. Libre à toi de fixer tes règles, je m'y plierai. Ils prendront le duel en chemin s'ils arrivent un jour."

Qu’est-ce que c’était que cette soudaine docilité dont elle faisait désormais preuve face aux décisions qu’il prenait ? Il aurait presque préféré se même insulter de tous les noms d’espèces d’hippogriffe existantes à ce jour, l’entendre dire que jamais elle ne se plierait à ses exigences, qu’il était le roi des imbéciles et autres compliments flatteurs, cela aurait été plus simple. Après tout, elle avait bien précisé elle-même qu’il s’agissait là d’un cas d’exception, qu’elle ne comptait certainement pas remettre cet accord de confiance tous les quatre matins. C’était pourtant la toute première personne à laquelle Scipion accordait pleinement la sienne, et ce pour la seconde fois consécutive. Ironie dramatique, lorsque l’on y songeait. En même temps, c’était plus simple de cette manière que de voir débarquer Maddox, dont la présence ne serait pas pour le combler de joie, ou même Richards puisque moins il y avait de témoins, mieux il se porterait.

« Très bien, on arrêtera lorsque l’un de nous déclarera forfait ou ne sera plus en état de se battre. Cinq sortilèges chacun, le vainqueur sera désigné en fonction de leur réussite. Même si on ne sait pas arbitrer, on devrait tout de même savoir reconnaître s’ils sont valables ou non. »

Il avait inventé ces règles sans trop réfléchir à pourquoi ou comment, le principal était qu’ils puissent en finir avec ce duel une bonne fois pour toutes, de préférence avant que quelqu'un ne soit témoin de la scène ou que l'un de leurs arbitres n'arrive au beau milieu de l'échange de formules. De toutes manières, il était incapable de conserver bonne figure et de faire face à la Poufsouffle, comment voulait-il faire autrement...

"Je le suis."

Un peu surpris, Scipion laissa passer quelques instants avant de s'incliner à son tour, ce qu'il ne referait certainement pas de sitôt. C'était là le fond d'honneur qui lui restait encore, en même temps que sa fierté et son orgueil était violemment piétinés, néanmoins il ne s'en formalisa pas. Au point où ils en étaient, qu'avait-il à perdre de plus? A présent que ce salut était effectué, le duel pouvait à présent commencer. Appréhendant plus que de raison, Scipion avait toutefois refermé les doigts autour de sa baguette, sa main légérement crispée mais le regard toujours vitreux.

"Il se passera quoi après ?"

La question désarçonna Scipion une fois de plus. Il avait immédiatement compris le sens de sa question, puisque c’était celle qu’il se posait continuellement depuis leur confrontation en haut de la tour d’astronomie. Mais il était étrange de constater qu’elle s’en préoccupait peut-être autant que lui… après tout, il se souvenait toujours des paroles qu’elle avait formulé avant de le quitter. Elle ne voulait pas non plus que ça s’arrête… En fin de compte, peut-être traversaient-ils le même problème, même si cette idée était difficilement envisageable pour lui. Ce qui se passerait après… après une guerre dans laquelle il s’était pleinement impliqué, accordant peut-être finalement plus d’importance à la Poufsouffle qu’il n’aurait du, ce qui faisait qu’aujourd’hui il était assailli de doutes qu’il aurait voulu ne jamais voir naître. Pourquoi ne pouvait-il pas se contenter des armes que l’on lui avait données pour l’évincer et mettre fin à tout cela ? Pourquoi tenait-il tant à chercher plus loin, plus loin encore ? Au final, c’était lui qui allait se brûler les ailes, et il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même. Ce qui se passerait après… il n’en savait vraiment trop rien. Seulement, il était certain d’une chose, il ne voulait pas que cela s’arrête, peu importait la manière dont cela devait se terminer. Il fallait trouver une solution quelque chose, un moyen, une diversion, un subterfuge, une excuse, n’importe quoi. Il ne pouvait pas partir ainsi, il ne pouvait même pas l’envisager. Seulement, tout cela risquait fort de le compromettre, il en était bien conscient… veillant à rester de marbre et à ne rien laisser paraître des songes qui le parcouraient à ce moment-là, Scipion brandit sa baguette sans mot dire, droit et le regard fier, même si en réalité il n’en était rien.

« Aguamenti ! »

Une fois de plus, Scipion venait de fuir la situation à laquelle il était confronté de manière à ne plus se préoccuper inutilement avec des problèmes auxquels il ne voulait pas faire face. Tout ce qu'il voulait, c'était en finir le plus rapidement et repartir comme il était venu, du moins c'était ce qu'il se répétait depuis le début, comme cherchant à implanter cette idée dans sa cervelle de manière à ce qu'il retrouve sa fierté originelle. Il n'avait pas prêté attention aux effets de son sortilège, trop concentré sur cette question qui lui tiraillait l'esprit. Ce qui se passerait ensuite... ils allaient donc se quitter, peut-être pour de bon... non, il avait beau tourner cette phrase dans tous les sens, il refusait de l'admettre. C'était peut-être la fin de la guerre, finalement. Peut-être qu'il n'y pouvait rien, qu'il ne pouvait rien faire d'autre que d'assister avec impuissance à leur séparation. Peut-être qu'un jour il s'en remettrait et recommencerait à parcourir le château en quête d'opérations à y effectuer, ce serait alors comme s'il n'avait rien éprouvé pour rien ni personne, comme si les sentiments sur lesquels il s'était interrogé n'étaient jamais nés, comme s'il n'avait jamais été rien d'autre que le magnifique, que l'invulnérable, que le grand Scipion qui n'avait que faire des personnes qui l'entouraient.

" Est-ce que c'est vrai? "

A peine ses mots prononcés, et sans prêter davantage d'attention au sortilège qu'il venait de formuler à peine quelques instants plus tôt, il avait envie de s'enfuir en courant, le plus loin possible de cette salle, d'elle. Il était resté abstrait sur sa question et c'était probablement mieux ainsi, il n'avait pas envie de préciser exactement à quoi il faisait allusion de crainte de se retrouver dans le même état dans lequel il avait été lorsque Scarlett le lui avait annoncé de but en blanc. Son malaise reprenant le dessus, les émotions différentes qui le parcouraient à ce moment précis lui causant des nausées, il avait tenté en vain de conserver un visage impassible, feignant d'être trop concentré sur sa baguette et de faire abstraction du reste. C'était comme s'il avait de nouveau affaire à Sarah, et non à cette ennemie contre laquelle il s'évertuait de mener cette guerre qui devenait chaque jour plus absurde et dépourvue de sens.

" Non, oublie. "

C'était probablement mieux ainsi, il valait peut-être finalement mieux ne rien savoir, l'ignorance avait aussi ses vertus et il pouvait toujours envisager l'hypothèse selon laquelle elle et son amie de Gryffondor avaient concocté cela depuis le début dans l'optique de le rouler dans la farine. Sauf que cela fonctionnait plutôt bien...

Spoiler:

Le membre 'Scipion N. Sélené' a effectué l'action suivante : Le Hasard

'Le Hasard' : 1

« Très bien, on arrêtera lorsque l’un de nous déclarera forfait ou ne sera plus en état de se battre. Cinq sortilèges chacun, le vainqueur sera désigné en fonction de leur réussite. Même si on ne sait pas arbitrer, on devrait tout de même savoir reconnaître s’ils sont valables ou non. »

Sarah ne put s'empêcher de se demander si cela compterait si elle déclarait forfait avant même de commencer. L'idée de prendre le risque de ne pas se planter aussi pitoyablement qu'elle l'espérait ne l'enchantait pas. Et si l'un de ses sortilèges fonctionnait par le plus grand des hasards, comment pourrait-elle reprendre les choses en main sans se laisser submerger par l'envie — étouffée mais cependant réelle — de remporter cette dernière victoire sans se soucier d'une possible culpabilité ? Si malgré ses efforts sa baguette effectuait correctement son travail, pourrait-elle faire autrement que de le prendre comme un signe lui montrant à quel point son entreprise était insensée ? Et si ce n'était pas le cas, quand abandonner sans qu'il ne comprenne qu'elle n'avait jamais eu l'intention de gagner ? C'était stupide. Plus l'heure de la sentence approchait moins elle se sentait confiante. Il découvrirait tout, comprendrait tout. Il avait beau ne pas être une lumière, il ne fallait pas avoir faire des études supérieures en psychologie magique pour comprendre ce qu'il se passait... Malheureusement, ce n'était qu'une suite logique d'évènements troublants que n'importe qui les connaissant pouvait interpréter à la perfection, et plus malheureusement encore, le Gryffondor n'en avait pas évité suffisamment pour ne pas faire le rapprochement... Son inquiétude lors de leur entrevue dans cette même salle voilà déjà plusieurs mois, le silence qu'elle avait gardé par la suite, ses plans étranges d'Halloween dont elle n'avait jamais parlé de peur que ce soit suffisamment grave pour qu'il ait des ennuis, son absence de jubilation et sa disparition lorsqu'elle lui était tombée dessus avec Cooper, l'aide qu'elle lui avait apporté lors des sombrs évènements de la tour, ses larmes, le secret qu'elle avait gardé jusque là alors qu'il lui aurait été d'une simplicité étonnante de mettre un terme à son règne, le malaise qu'elle tentait de cacher tant bien que mal depuis qu'elle était arrivée ici... Et voilà qu'elle allait y rajouter une défaite cuisante qui ne lui ressemblait pas le moins du monde. Il ne pouvait que comprendre. Ou alors c'était qu'il ne le voulait surtout pas. A moins que ça ne soit déjà fait et qu'il tienne à aller jusqu'au bout pour lui prouver qu'il n'en avait strictement rien à faire et qu'il ne comptait pas la ménager pour autant. Elle ne lui avait jamais rien demandé de toute manière. Elle ne l'imaginait pas brillant, loin de là, mais elle n'avait jamais eu la bêtise de réellement le sous-estimer, ne serait-ce qu'à cause de sa fourberie alors il lui semblait évident qu'il sache tout ce qu'elle avait pu vouloir lui cacher sans qu'elle n'en ait la moindre preuve. Cependant, pourquoi n'aurait-il rien dit ? Pourquoi ne se serait-il pas moquer d'elle alors qu'il en avait l'occasion ? C'était probablement la plus belle chose qu'elle pouvait lui offrir pour la détruire, pire encore que les quelques larmes qu'elle avait versé la dernière fois... Il restait là, silencieux, sans même y faire allusion. Peut-être attendait-il une preuve supplémentaire pour fondre sur elle et l'achever avant même qu'elle n'ait le temps de réagir ? Il n'y avait guère d'autre explication. Et cette preuve, il l'aurait malheureusement trop vite. Il ne fallait pas qu'il sache, qu'il la détruise passe encore mais pas qu'il se serve de ça pour l'enfoncer à tout jamais. Elle n'y était pour rien et elle ne pouvait rien y faire non plus. Il n'avait pas le droit de retourner ses sentiments contre elle. Ce ne serait pas juste. Il ne se gênerait sûrement pas...

"Très bien."

Elle n'avait même pas essayé de le contredire sur un détail insignifiant juste pour lui rappeler qu'il n'avait pas le moindre contrôle sur la situation et qu'elle ne comptait pas le laisser faire ce que bon lui semblait. Au mieux, il le prendrait comme une fleur avant de l'abattre sans ménagement, au pire... Elle ne ferait que s'enfoncer davantage. Etait-elle véritablement à ça près ? Elle n'en savait trop rien. Quelque soit le chemin qu'elle comptait suivre, elle savait qu'elle aurait à y faire des concessions... Il était moins difficile lui semblait-il de s'oublier un moment que d'avoir à faire comme si de rien n'était jusqu'à la fin de son année. Elle s'en voudrait probablement un temps d'avoir laissé la victoire lui échapper et puis il quitterait l'école et elle pourrait reprendre un semblant de confiance et de supériorité dans cette école... Oui... C'était certainement plus simple ainsi... Elle observa un instant sa baguette. La victoire était pourtant envisageable, pour ne pas dire à portée de main. Elle secoua la tête et reporta son regard sur le jeune homme. Sa question sembla le perturber. Elle n'avait pourtant rien dit qui puisse être dérangeant. Il ne pouvait pas prétendre ne se l'être jamais lui-même posée puisque même s'il la détestait comme au premier jour, ils avaient passé tant de temps à se livrer cette guerre qu'il allait bien devoir faire sans une fois ce dernier duel terminé... C'était on ne peut plus logique qu'elle finisse par aborder le sujet avant de s'enfuir de la salle sans demander son reste. Elle avait l'occasion de le faire pour le moment, elle n'allait certainement pas attendre qu'il lui échappe... Il y avait déjà bien trop de choses qui allait lui filer entre les doigts aujourd'hui. Elle attendait bien sagement qu'il daigne l'éclairer de son point de vue sur la question mais il n'en fit rien. Il se contenta de brandir sa baguette sans qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit. Le temps qu'elle réalise réellement ce qu'il se passait, elle aurait été bien incapable de se protéger.

« Aguamenti ! »

Heureusement pour elle, il ne se passa rien. Mais elle ne comprenait pas l'utiliter du sortilège au delà du changement de sujet évident. Même si elle avait été trempé, elle ne serait pas partie en courant se changer, ça ne l'empêcherait pas de continuer malgré tout. Elle avait tout de même eu le bon goût — ou le bon sens — d'éviter sa chemise d'uniforme. Il fallait rester réaliste, ce sortilège était, en plus d'être inefficace, d'une inutilité parfaite. N'avait-il que cela en réserve ? Si tel était le cas, elle ne voyait pas comment elle pourrait abandonner ou ne plus être en état de se battre... Il fallait espérer que ce soit dans le seul but de la faire taire... Cependant, son idée n'était pas mauvaise... Utiliser des sortilèges dénués de sens pour ne pas risquer de gagner si jamais ils fonctionnaient correctement... La Poufsouffle ne trouva même pas le courage de se moquer de lui pour sa piètre performance, se contenant de le regarder plus tristement qu'elle ne l'aurait voulu. Que ça se termine vite ! Elle n'avait pas envie de sentir chaque seconde les éloigner davantage, il serait suffisamment dur de se réveiller le lendemain en réalisant pleinement que tout était terminé, pas la peine en plus de le remarquer pour l'instant. Il n'avait toujours pas répondu à sa question. Elle ne savait toujours pas ce qu'il en serait après. Avait-il finalement les mêmes craintes qu'elle ? Préférait-il également ne pas penser à ce que serait demain, au vide que cette querelle enfantine laisserait derrière elle ? Probablement pas... Après tout, il n'avait que faire de cette histoire, des ennemis il en avait par dizaine, un de plus ou un de moins, quelle différence ? Alors pourquoi ne daignait-il pas prononcer un traître mot ? La Préfète ouvrit la bouche pour insister mais elle n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il avait repris la parole.

" Est-ce que c'est vrai? "

Ses doigts se resserrèrent brusquement sur sa baguette comme s'ils tentaient de se raccrocher à l'espoir que ses mots soient innocents. Il pouvait y avoir des tonnes de choses dont il n'était pas certain de la véracité, des tonnes de rumeurs qu'il pouvait avoir entendu à son sujet mais elle savait. Elle ne savait que trop bien de quoi il était question. Non, il n'était pas stupide. C'était lâche, comme technique. Avait-il remarqué qu'il n'aurait jamais le dessus et que c'était pour cela qu'il utilisait cet affreux stratagème, histoire de parvenir à ses fins ? Il devait jubiler en voyant à quel point cela marchait bien. Le visage de l'adolescente avait perdu toute trace de couleur tandis que ses jambes s'étaient mises à trembler. Elle regrettait de s'être levée, d'avoir quitté le bord de la fenêtre qui au moins l'aurait soutenue. Là, elle craignait que le moindre geste suffise à la faire s'effondrer. Etait-ce suffisant pour un abandon ? Elle en doutait, malheureusement... Son silence avait valeur d'aveux mais elle ne parvenait pas à jouer l'ignorante ou à nier. Les mots se perdaient avant même d'être prononcés comme s'ils refusaient d'être complices du plus énorme mensonge qu'elle ait espéré prononcé un jour. Alors elle restait immobile et silencieuse, horrifiée. Il devait être ravi de son effet, de sa victoire. Même sans son aide, il avait gagné. Cette simple question, bourrée malgré elle de sous-entendus difficiles à accepter, venait de l'achever mieux que tous les sortilèges du monde...

" Non, oublie. "

Ce n'était pas à elle d'oublier... Il devait... Elle pouvait faire quelque chose pour cela. Elle n'avait jamais véritablement essayer mais rien ne disait dans le règlement qu'il était interdit d'effacer la mémoire de ses camarades de classe... C'était une question de survie. Elle voulait bien lui laisser l'honneur d'annoncer à qui voulait l'entendre qu'il l'avait vaincue mais certainement pas qu'elle avait fini par tomber amoureuse de son bourreau. Si elle pouvait être assez bête pour ne pas savoir utiliser sa baguette, il était hors de question qu'on apprenne l'incapacité dont elle faisait preuve à gérer ses sentiments et à se protéger de ce genre d'attaque qu'elle aurait préféré ne jamais remarquer... C'était la seule solution envisageable si elle souhaitait pouvoir espérer sortir de son dortoir avant les dix prochaines années. Il fallait qu'il oublie, qu'il soit incapable de se rappeler ce qu'il avait compris, il fallait rayer tous ces éléments de sa vie, de sa mémoire...

"Oubl..." commença t-elle en brandissant à son tour sa baguette d'une main tremblante avant de réaliser qu'il pouvait oublier jusqu'à son existence de la même manière qu'il oublierait le reste. Elle n'avait jamais tenté ce maléfice sur qui que ce soit alors elle était totalement ignorante quant à la manière de procéder pour sélectionner les passages à effacer puisque cela devait être faisaible... Il fallait tout de même prendre le risque, elle ne pouvait décemment pas lui laisser un tel avantage sans rien faire. Mais elle préférait encore qu'il raconte à tout Poudlard ce qu'il savait plutôt qu'il ne souvienne plus de leur histoire, aussi haineuse soit-elle. "Confundo !"

Avec un peu de chance, il serait certain que non, ce n'était pas vrai. Peut-être parviendrait-il même à se convaincre que c'était l'idée la plus stupide de sa vie au point de ne plus jamais y repenser...

Spoiler:

Le membre 'Sarah E. Wotton' a effectué l'action suivante : Le Hasard

'Le Hasard' : 3

" Sarah? "

Et c'était ainsi qu'on sombrait dans un véritable cauchemar. La Poufsouffle ne s'était jamais véritablement demandé comment cela pouvait bien arrivé avant cela puisqu'elle était toujours parvenue à se sortir de tout et n'importe quoi sans grand mal. Si sa vie était censée être rendue infernale par le Gryffondor, elle ne l'avait jamais réellement pris ainsi puisqu'il lui était rassurant de voir cette espèce de routine malsaine s'installer. Si sa vie au château n'avait jamais été semblable au Paradis, elle n'avait jamais été aux portes de l'enfer. Jamais, sauf maintenant... Que restait-il de la fille sûre d'elle et prétentieuse qu'elle s'appliquait à être depuis des années ? De ce sourire moqueur et supérieur qui s'était installé sur son visage sans qu'elle ne fasse rien pour l'en déloger ? De cette certitude de pouvoir passer au dessus de tout et de tout le monde sans craindre d'être un jour inquiétée par le commun des élèves ? Tout venait de s'effondrer d'un coup. Il ne lui restait plus qu'à ramasser ses affaires à la hâte et disparaître au plus vite. Elle pouvait toujours prendre la direction de Pré-au-Lard, appeler le Magicobus et rentrer à Newcastle pour ne plus jamais sortir de sa chambre. Qu'importe ces histoires d'avenir et d'ASPICs, elle s'en passerait. Ce serait bien plus facile de jouer les moldues jusqu'à la fin de ses jours que de supporter le regard de Sélené...

D'ailleurs, à quoi jouait-il ? Où étaient les railleries et son sourire victorieux ? Qu'attendait-il pour l'achever là qu'il avait plus de cartes en main qu'il n'aurait jamais pu en espérer ? Son sortilège n'avait pas fonctionné mais avait eu le rôle de tous les aveux du monde, bien plus véridiques encore que si elle venait de tout lui confesser de vive voix. Elle aurait pu mentir une fois encore mais là, il lui aurait été bien difficile de feindre se sentir aussi mal, aussi effrayée même avec tous les efforts et la bonne volonté du monde. Elle venait de lui révéler bien malgré elle ce qu'elle aurait préféré garder secret à n'importe quel prix. Il ne semblait pas très à l'aise non plus. Elle mettait ça sur le fait qu'il venait de risquer de perdre la mémoire par sa faute, ce qui devait être assez traumatisant en y repensant. Ca ne pouvait qu'être ça de toute façon. Il n'y avait pas la moindre autre explication... Et pourquoi avait-il pris cette facheuse manie de l'appeler par son prénom lorsque la situation était plus que critique ? Ne pouvait-il pas se contenter de la railler, de se vanter de lui être mille fois supérieur puisque lui ne s'attardait pas avec ce genre d'imbécilités humaines comme il se serait toujours empressé de le faire ? S'il comptait la déstabiliser davantage avant de lui administrer le coup de grâce, qu'il fasse donc mais vite. Elle n'avait jamais autant espéré retrouver son chambre, son lit, sa mère même s'il fallait la supporter pour pouvoir y arriver...

Il lui était impossible de bouger alors elle restait là, immobile comme pétrifiée, à le fixer. La panique n'avait jamais aussi bien joué son rôle. Elle était incapable de réfléchir, de trouver une solution... Même tout nier en bloc lui semblait bien trop compliqué pour être à sa portée. De toute façon, cela ne servirait plus à rien désormais. Pourquoi aurait-elle réagi aussi stupidement si elle n'avait rien eu à cacher, à se reprocher ? Au fond, c'était ça... Plus encore que de lui chercher des ennuis, elle s'en voulait de tout ce qui avait changé sans qu'elle ne le remarque avant de se le prendre de plein fouet. Tout était de sa faute. Si elle avait fait attention, qu'elle ne s'était pas crue intouchable, si elle l'avait véritablement pris comme une menace au lieu de s'attendre simplement à ce qu'il lui fasse quelques crasses... Si elle avait su devoir s'attendre à celle-ci... Jamais elle n'aurait pu l'imaginer un seul instant. Elle l'avait toujours détesté, ou du moins l'avait-elle cru, pourquoi cela n'avait-il pas continué jusqu'au bout ? Plus de la moitié du chemin avait été faite, c'était idiot d'être obligée de renoncer maintenant et pourtant... Sarah finit par reprendre un minimum ses esprits et secoua doucement la tête. Il fallait qu'il réagisse comme il le devait, qu'il y en ait au moins un des deux qui sauve la situation et puisqu'elle était bien incapable de le faire, il devait le faire à sa place...

Elle ne cherchait même plus à fuir son regard. Si le malaise n'avait jamais été aussi présent, il avait également chassé la crainte que cela finisse par éclater. Oh non, ce n'était pas agréable et elle aurait donné n'importe quoi pour être à des années lumières de cette salle mais elle ne risquait plus rien maintenant. Il la rabaisserait mieux que jamais, peut-être parviendrait-il même à la faire jouer les pleurnicheuses comme la dernière fois, tout le monde apprendrait à quel point elle était insignifiante et ça s'arrêterait là... Elle s'y attendait. Il pourrait difficilement la troubler davantage. Il fallait voir le bon côté, elle ne pouvait pas tomber plus bas, tout ne pourrait qu'aller mieux à l'avenir. Elle disparaitrait de la surface du château quelques jours quitte à aller voir McGonagall ou l'infirmière pour expliquer qu'elle se sentait vraiment pas bien, sur quoi elle obtiendrait l'autorisation de rester terrée dans son lit un moment... Peut-être même serait-elle renvoyée chez elle jusqu'à la fin de l'année. Et lorsqu'elle reviendrait, tout se serait calmé, elle pourrait alors reprendre le cours normal de sa scolarité sans qu'il n'y ait plus jamais la moindre ombre au tableau.

"Je suis désolée."

Qu'il s'agisse de son attaque qui aurait pu faire bien des dégâts si elle avait réussi son coup ou bien des sentiments qu'elle pouvait ressentir pour lui, tout lui paraissait n'être qu'une erreur. Il ne le lui pardonnerait probablement jamais mais ça n'avait plus grande importance. C'était fait, elle pouvait difficilement revenir en arrière. Comment avait-elle pu être aussi bête ? Comme si elle pouvait parvenir à jeter un tel sortilège sans avoir jamais essayé auparavant. Elle avait l'habitude d'avoir sa baguette à la main, c'était certain, mais certainement pas pour balancer ce genre de maléfices, aussi son échec n'avait rien d'étonnant même si les conséquences étaient bien pires pour elle que si par miracle elle y était parvenue. Se faire renvoyer pour avoir transformé un élève en légume amnésique était bien moins effrayant que d'avoir à passer plusieurs semaines dans la même école que lui, à devoir le croiser dans les couloirs, dans la Grande Salle et feindre que tout était normal alors que c'était bien loin d'être le cas... Ce n'était pas juste. Pourquoi devait-elle apprendre à composer avec des problèmes qu'elle n'avait même pas cherché ? Combien de temps lui faudrait-il pour balancer l'information à toute l'école ? S'il était aussi doué que Scarlett pour ça, d'ici ce soir ce serait fait. Scarlett... Et dire qu'elle avait craint un instant qu'elle vende la mèche alors qu'elle l'avait fait tout seule. Quelle amie déplorable elle faisait. Au final, la Gryffondor était bien plus digne de confiance qu'elle ne l'avait jamais imaginé. Peut-être devrait-elle songer à se comporter de la même manière avec elle à l'avenir ?

" - Désolé, désolé, désolé, de mon retard ... ah je vois que vous avez déjà commencé ... vous avez bien fait !"

La Préfète sursauta. Elle n'avait pas entendu la porte s'ouvrir, bien trop plongée dans ses pensées pour faire attention à ce qu'il pouvait se passer à côté. Alors il ne l'avait pas laissé tomber ? Il n'aurait jamais pu mieux choisir son moment pour arriver. Elle avait l'impression qu'il venait de lui sauver la vie sans être incapable de l'expliquer. Elle peina un peu à répondre au sourire qu'il lui adressa et finit par fixer ses chaussures comme si elle n'avait jamais rien vu de plus intéressant. L'atmosphère était lourde, étouffante mais il semblait y être totalement indifférent, comme si cela ne l'atteignait pas. Comme elle l'enviait... Elle aurait aimé observer la réaction de Scipion à cet instant mais elle craignait bien trop de croiser son regard rempli de reproches et de haine qu'elle préféra s'en dispenser. Elle n'était plus seule, c'était toujours ça même si elle n'avait pas davantage envie de continuer ce duel. Elle s'était suffisamment compromise comme ça. Inutile de se ridiculiser devant un public désormais. A la moindre occasion, elle abandonnerait et ce serait très bien ainsi. Au point où elle en était, elle pouvait bien jouer les lâches... Elle enchaînait les rôles déplaisants aujourd'hui. Elle aurait certainement mieux fait de rester couchée plutôt que de s'imposer cela...

" Vous en êtes où? "

Plus ou moins proche de la fin ? A quelques centimètres du bord du gouffre ? Bien trop bas pour espérer remonter un jour ? Au moment où il était normal de se demander quel serait le moyen le moins douloureux de mettre un terme à ses souffrances ? Ou peut-être tout à la fois... Elle faisait tout son possible pour se concentrer sur Alexander, tentant d'oublier tant bien que mal à présence du Gryffondor quelque part non loin d'elle. Elle aurait aimé qu'il prenne la fuite, qu'il lui demande de débarrasser le plancher, n'importe quoi pour un peu que ça lui donne l'occasion de ne plus avoir à supporter ça... Malheureusement, il devait craindre qu'elle puisse un jour reprendre le dessus puisqu'il fit s'envoler en fumée tous les efforts qu'elle avait déployé pour faire comme s'il n'était pas là...

" En fait, on n'avait pas vraiment commencé. "

Un frisson désagréable lui parcourut le dos à ces mots. Ils n'avaient pas commencé ? Comment ça ? Ils venaient de se planter lamentablement tous les deux mais ils avaient commencé ! Malheureusement... Et pour l'un comme pour l'autre, l'attaque avait été la meilleure défense même si cela restait encore à prouver pour la blonde... Elle soupira et consentit à relever les yeux, se tournant vers le Serdaigle, l'ombre d'un sourire désolé et forcé sur les lèvres.

"Je crains que tu te sois déplacé pour rien..."

Largement sous-entendu qu'ils ne commenceraient jamais puisqu'elle abandonnait. Il fallait bien se sortir de là et c'était le seul échappatoire qu'elle avait trouvé pour y parvenir...

" Comment ça ? "

Il n'était pas stupide. Il avait très bien saisi ce qu'elle avait voulu dire par là. Il savait aussi bien qu'elle que ce duel n'avait aucun sens, que le rôle qu'ils lui avaient donné était bien trop difficile à tenir après les dégâts causés, qu'ils avaient beau s'accrocher aux apparences tant qu'ils voudraient, le temps où ils se faisaient la guerre était révolu. Comment passer à autre chose alors que c'était là tout ce qu'ils avaient su faire un jour ? Sarah n'en savait rien et il n'avait pas daigné l'éclairer quand elle le lui avait demandé, préférant lâchement l'attaque sans parvenir au moindre résultat. Elle n'avait toujours pas de réponse et n'avait pas la moindre idée de ce qu'il pouvait bien penser de la situation. Peut-être rien ? Mais s'il avait été sincère la dernière fois, il ne devait guère apprécier la tournure que prenait les évènements. Voilà que leur dernière chance maintenir leur bataille venait de tomber lamentablement à l'eau. Il ne pouvait que s'en prendre à lui d'ailleurs. Quelle idée d'attacher un tant soit peu d'importance aux non-dits ? Il devait bien se douter que si elle avait mis un point d'honneur à se taire, ce n'était pas pour qu'il vienne lui poser directement la question. Cela avait été suffisamment dur à accepter comme ça pour devoir le lui avouer également. Il avait d'ailleurs compris sa réaction, elle en était convaincue. Elle aurait tout aussi bien pu le reconnaître par un simple "oui" que la catastrophe aurait été aussi imminente. La présence d'Alexander empêchait toute explication, ce qui n'était pas pour lui déplaire. Elle prétendrait qu'elle n'avait aucune envie de se battre, qu'elle s'était sur-estimée même s'il le fallait, qu'elle n'avait pas envie de se faire écraser par un crétin avant de prendre la fuite. Que lui restait-il d'autre à faire ? Dans les heures qui suivraient, tout le monde serait au courant que Sarah Wotton avait fini par tomber amoureuse de son bourreau, ce qui laisserait entendre qu'elle était encore plus bête qu'il n'y passerait et tout le monde y trouverait son compte. Ou presque... Si on lui avait dit lorsqu'elle avait ouvert les hostilités qu'elle en arriverait un jour-là, elle aurait ricané sans y croire un mot. La réalité n'était pas plus simple à admettre de toute façon. Elle avait beau se retrouver face à toutes les preuves du monde qu'il y avait toujours une part d'elle qui refusait d'y croire, qui refusait de reconnaître qu'elle s'était laissé avoir aussi facilement. Toujours était-il qu'il ne leur restait plus qu'à se faire à l'échec de leur ultime tentative. Bien sûr, il restait au Gryffondor suffisamment d'éléments pour continuer la guerre jusqu'au dernier jour si tel était son envie mais elle craignait de ne pouvoir lui tenir tête bien longtemps. D'ailleurs, pourquoi n'avait-il rien dit s'il avait des doutes depuis un moment ? Pour en arriver à lui poser la question sans que le contexte ne s'y prête, il devait y songer depuis un moment déjà... Pourquoi ne pas la prendre par surprise à ce moment-là ? Il devait se douter qu'elle s'attendait désormais à ce que cela fasse le tour de l'école, il avait perdu l'occasion de la rabaisser une fois encore et la blonde ne comprenait pas pourquoi. Ce n'était pas dans ses habitudes de la laisser s'en tirer sans égratignure mais cela faisait déjà deux fois. Deux fois de suite... C'était trop pour paraître anodin. Sûrement préparait-il un plan diabolique pour la discréditer plus encore qu'il n'aurait pu le faire jusque là ? Il n'y avait guère d'autres explications plausibles à cette histoire. Il voulait lui prouver une fois pour toute sa toute puissance et il s'en donnerait les moyens. Elle risquait d'amèrement regretter de l'avoir laissé en arriver là sans le faire renvoyer de Poudlard avant... Alors qu'elle prenait sur elle pour lui donner une réponse, il reprit la parole sans lui laisser le temps d'ouvrir la bouche. Elle n'allait certainement pas s'en plaindre...

" Tu me déçois. En finir de cette manière... tu avais dit que toi non plus, tu ne voulais pas que ça se termine. "

Ses premiers mots la surprirent plus que de raison, la blessèrent peut-être aussi. Sous le choc, sa baguette tomba à ses pieds sans qu'elle ne prenne la peine de le remarquer. C'était une grande fille qui avait assez jouer les pleurnicheuses comme ça pour ne pas avoir à recommencer pour l'instant. Le Gryffondor savait qu'elle était assez douée pour cela, elle ne voyait pas l'intérêt de le prouver au Serdaigle par la même occasion. Le Serdaigle... Le pauvre ne devait pas comprendre grand chose. Il était de notoriété publique qu'ils se détestaient depuis des années et voilà qu'il en venait à lui reprocher un abandon, tout en avouant en même temps devant une tierce personne qu'il ne souhaitait pas que tout cela s'arrête et donc qu'il préférait renoncer à la victoire plutôt que d'y mettre un terme. Puisque c'était un peu ce qu'il était en train de faire. La victoire par forfait était généralement bien plus jouissive encore puisqu'il y avait une certaine crainte chez l'adversaire, il aurait dû en profiter pour crier sur tous les toits qu'elle finissait par avoir peur de lui, que si même elle avait enfin compris sa véritable valeur, il n'y avait plus de raison pour que le reste du château n'en fasse pas de même. Sauf qu'il n'en faisait rien, au contraire... Il donnait presque l'impression de la retenir, comme s'il ne voulait pas la voir partir en emportant avec elle les restes de leur guerre. Pour ce qu'il en restait... Même toute la bonne volonté du monde ne suffirait jamais à la remettre debout. Elle n'en avait de toute façon plus envie. Si après son entrevue avec Scarlett, elle s'était cru assez forte pour tenir ce rôle jusqu'au bout, elle s'était trompée. Il lui était bien impossible de continuer comme ça bien longtemps. Elle n'avait pas la moindre envie de guerroyer sans relache jusqu'à ce qu'il quitte Poudlard, même si cela signifiait tirer un trait sur sa présence dans sa vie. Certes, ça ne serait pas plus simple de faire comme s'il n'existait pas, de s'enfoncer dans une existence parallèle où elle devrait renoncer à tout ce qui l'avait formée entre ses murs mais avait-elle réellement d'autre choix ? Si tel était le cas, aucun d'eux ne s'imposait à elle comme une évidence. Certainement parce qu'ils n'existaient pas... Qu'il ne se méprenne pas, elle n'avait aucun plaisir à tout plaquer de la sorte, c'était plus une nécessité. Elle avait assez joué les traîtres sans remords jusque là, il était temps pour elle de tirer sa révérence de ce côté. Il aurait l'occasion de trouver quelqu'un pour la remplacer jusqu'à ce qu'il quitte l'école et elle suivrait ce nouveau combat de loin, non sans regretter d'avoir été un jour à cette place...

"Je te déçois ? Ce n'était pourtant pas ce que tu voulais depuis le début, que j'abandonne ? Tu as tout fait pour que je renonce depuis que j'ai mis les pieds dans cette salle ! Et pourquoi aller jusqu'à utiliser ça si ce n'est pas pour que je te laisse la victoire sans broncher ? Tu devrais plutôt être ravi de voir que ton plan infâme a fonctionné à la perfection au lieu de me reprocher de faire ce que tu attendais de moi il y a encore dix minutes !"

Elle n'avait toujours pas eu le courage de l'affronter, préférant de loin fixer de nouveau ses chaussures même si elles ne lui avaient strictement rien fait. S'il n'était pas capable de rester fixer sur un objectif plus de cinq secondes, elle n'y pouvait rien. Il avait voulu qu'elle abandonne, elle le faisait, qu'il s'en vante auprès de qui voulait l'entendre et qu'il la laisse partir. Parce qu'aussi bête qu'elle pouvait l'être, elle se savait incapable de prendre la fuite sans son accord, qui sonnerait semblable à un pardon qu'elle n'avait pourtant aucune raison d'attendre. Elle ne voulait pas le décevoir, elle ne l'avait sûrement que trop fait depuis qu'ils se connaissaient. Il était temps d'arrêter les dégâts. Si elle disparaissait totalement de sa vie, elle n'aurait plus la moindre raison de le décevoir, si ? Il ne pourrait pas lui reprocher de ne pas être à la hauteur de la tâche qu'il lui avait confié. Il y avait certainement des dizaines d'élèves prêts à lui mener à la vie dure à sa place. Après tout, elle ne le détestait plus comme avant pour ne pas dire plus du tout, il le savait tout aussi bien qu'elle alors pourquoi vouloir à tout prix l'enfoncer encore davantage dans ce combat sans fin qu'elle était dans l'incapacité de mener honnêtement ? Et maintenant qu'il savait tout, il serait d'autant plus difficile de le défier. Essayer de faire un duel correct en regardant vos chaussures tout du long... Ca ne servait à rien. De toute façon, il ne semblait pas bien plus à l'aise qu'elle. On l'aurait entendu claironner qu'il était le meilleur, que personne ne pouvait lui résister, que le château lui appartenait ou elle ne savait trop quoi encore alors qu'il ne prononçait pas plus de mots que le minimum semblait lui imposer. Il aurait dû se réjouir de pouvoir l'enfoncer auprès de son propre arbitre mais il n'en faisait rien... La Poufsouffle finit par se résigner et se tourna enfin vers son adversaire. Enfin, s'il l'était toujours véritablement, ce dont elle n'était plus certaine. Etait-ce vraiment la dernière fois qu'ils se retrouvaient dans une même pièce sans que l'un des deux ne fasse demi-tour avant d'avoir été remarqué ? Elle ne pouvait qu'espérer le contraire sans y croire vraiment. Ils n'auraient plus de raison de s'adresser la parole après ça, ni même de se côtoyer. Pourquoi faire ? Ils n'avaient toujours été doués que pour se taper dessus alors s'ils venaient à arrêter, ils ne leur restaient plus qu'à s'éviter à tout jamais...

"Tu sais très bien que je ne le veux pas mais je n'ai pas davantage envie de me battre contre toi. Tout est fini de toute façon, reconnais-le. Ca n'a pas de sens ou en tout cas ça n'en a plus. On a déposé les armes la dernière fois et je crois sincèrement que ça nous a achevé, si ce n'était pas encore le cas avant. T'en arrives à me faire confiance, c'est bien la preuve qu'il n'y a plus rien à tirer de tout ça. Et là... Je ne suis pas assez masochiste pour attaquer quelqu'un que j'apprécie bien plus que je ne déteste, surtout maintenant que tu... 'Fin bref. J'ai été assez bête pour te fournir assez d'informations compromettantes à mon sujet pour continuer la guerre jusqu'à ce que tu trouves autre chose de mieux à faire, sers-toi en. Je ne peux rien faire de plus. En tout cas, je laisse tomber, t'as gagné. Dis toi que je suis trop lâche pour aller jusqu'au bout. Il y a des centaines de personnes dans ce château qui n'attendent que de t'entendre te vanter de ton incroyable supériorité."

Elle ne savait pas franchement si reconnaître devant Alexander qu'elle ne voyait plus Scipion comme un ennemi était la meilleure idée qu'elle puisse avoir, elle ne le connaissait pas mais après tout, elle ne lui avait jamais rien fait, il n'avait aucune raison d'utiliser quoi que ce soit contre elle, ça ne devait pas avoir grande importance... Pour ce qui était des explications, elles avaient eu lieu de la même manière, même si elle devait avoir l'air bien cruche ainsi. Elle n'était plus vraiment à ça près. Il restait encore à attendre que le Gryffondor daigne reconnaître qu'il avait gagné et qu'il la laissa disparaître. Il n'avait rien à obtenir davantage de cette entrevue, si ce n'est une déclaration publique et humiliante qu'il n'aurait certainement jamais. Il ne lui restait plus grand honneur mais elle n'avait guère l'intention de le piétiner pour l'instant.

" Peut-être. D'ailleurs, tu as raison. Alors qu'est-ce qu'on fait maintenant? Comme si rien ne s'était passé? Tout le monde rentre dans sa salle commune et on oublie tout? Je ne parle pas de ce stupide duel, et encore moins de cette fichue guerre, mais de nous. Après tout ce qu'on a traversé, je ne peux plus, c'est trop tard. Si tu veux tout arrêter maintenant, libre à toi, mais je ne veux pas. On ne peut pas en être arrivés là et tout effacer. "

De nous, là était presque les seuls mots qu'elle avait été capable d'assimiler au delà de la question-même qu'elle lui avait posé un peu plutôt sans qu'il ne daigne y répondre. Parce qu'il y avait vraiment autre chose que cette guerre qui avait trouvé son terme ? Il pensait également qu'il pouvait y avoir davantage qu'une haine insensée bercée par des erreurs d'enfants ? Parce que s'il n'y avait eu que ça, il n'aurait jamais cherché à récupérer ce qui pouvait l'être encore, il se serait contenté de s'en aller avec un air victorieux avant d'aller mettre en pièces la vie de quelqu'un d'autre sans se soucier de ce qu'elle pourrait faire des morceaux de la sienne. Ca ne répondait toujours pas à sa question, à la leur même puisqu'il semblait s'y intéresser au moins tout autant. Qu'est-ce qu'ils feraient ? Ils s'adresseraient un vague bonjour hypocrite dans les couloirs en se remémorant ses années passées à chercher à se détruire ? Au fond, elle était bien incapable de les voir comme ça, ses mois qui n'avaient servi qu'à se mettre en travers de son chemin. Elle ne regrettait rien de tout ce qui avait pu se passer jusque là, rien des coups bas qu'ils s'étaient échangés pendant tout ce temps, rien non plus des quelques trèves qu'ils s'étaient accordés depuis le début de l'année... Halloween... Ils n'avaient d'ailleurs toujours pas achevé ce qu'ils avaient commencé. Ils n'en auraient probablement plus l'occasion de toute façon... Leur proximité ne l'avait pas choquée, pas même dérangée d'ailleurs comme si c'était tout à fait normal, qu'il n'y avait rien de surprenant à finir si proche de lui alors qu'elle était censée envoyer son plan toujours inconnu aux oubliettes. Elle n'y avait jamais repensé, bien trop déçue par la suite des évènements pour prendre le temps de se pencher sur cette danse inachevée. Et puis cette fichue Tour, qui avait tout fichu par terre... Son jeu un peu trop convainquant qui avait fini par la perdre davantage alors qu'au fond elle espérait s'être trompée sur toute la ligne, la peur à l'idée de le perdre alors qu'elle aurait dû n'y prêter aucune attention... Jamais elle ne pourrait tout effacer, il ne s'était pas rien passé au contraire, il s'était peut-être passé trop de choses, tellement qu'il lui avait été difficile de faire la part des choses plus tôt et de tout arrêter pendant qu'il en était encore temps. Parce que ça n'avait pas toujours été comme ça, non, heureusement d'ailleurs... Il fut un temps où elle s'était vraiment plu dans cette guerre, trouvant enfin une place agréable à garder, bien plus que celle d'idiote qu'elle occupait en même temps. Ennemie n°1 du Grand Scipion Sélené, ce n'était pas rien pour la gamine qu'elle était. Aujourd'hui, c'était peut-être un peu moins brillant... Avec le temps, le prestige du titre avait fini par s'échapper, comme les raisons qui la poussaient à continuer. Avait-elle simplement grandi ? Elle préférait ne pas savoir. Se rendre compte qu'elle n'était plus qu'une adolescente égoïste avait déjà été suffisamment compliqué, remarquer qu'elle était capable de ressentir autre chose qu'un désintérêt total envers les autres avait été suffisamment traumatisant... Il fallait voir le bon côté, il n'y aurait pas véritablement de défaite et peut-être éviterait-elle ainsi la dure discussion avec sa génitrice qui aurait certes abrégé ses souffrances mais qui l'aurait laissé agonisante à culpabiliser davantage... Il restait encore et toujours à savoir de quoi serait fait la suite. Plus elle tâchait d'y réfléchir moins elle trouvait de pistes à creuser. Non, elle ne voulait pas tout voir se finir là mais quoi faire à la place ? Ils n'allaient certainement jamais devenir les meilleurs amis du monde, plutôt mourir encore que de tomber si bas. Si bien sûr elle pouvait tomber plus bas qu'elle ne l'était déjà... Ils n'étaient d'accord sur rien, passaient leur vie à se chercher mutuellement des ennuis et n'avaient jamais évolué sur un autre registre que celui-là, or il n'était plus véritablement possible de pousser davantage. Il ne restait rien, rien qui puisse être sauvé pour de bon ? Même ce "nous" dont parlait Scipion restait abstrait. Il était difficile de garder en vie quelque chose qui n'avait jamais existé en tant que tel. Il y avait eu leur guerre et rien d'autre, toute notion de relation était étouffée par cette même bataille incessante... Et il fallait trouver quelque chose à en faire à l'instant-même où il apparaissait pour de bon. Autant demander l'impossible.

"Alors tu veux faire quoi ? Je ne suis même pas certaine qu'on soit capable de passer une heure à discuter sans envie de meurtre. Soit on passe notre vie à se chercher soit... Rien d'ailleurs. On a toujours fait que ça ! Je ne suis pas douée pour trouver des solutions d'urgence, si c'est ton cas vas-y, t'as carte blanche. Trouve une idée merveilleuse pour sauver ce qui peut encore l'être."

Peut-être était-ce risqué de lui laisser libre choix sur ce qu'il adviendrait de leur histoire mais la Poufsouffle ne voyait guère quoi faire d'autre. Elle s'était fait à l'idée qu'il la raillerait jusqu'à la fin de ses jours et qu'elle n'aurait qu'à supporter sans broncher jusqu'à ce que Poudlard daigne enfin les séparer mais il ne semblait pas particulièrement décider à mettre cette idée en pratique, ce qui n'était pas véritablement pour lui déplaire mais qui l'obligeait à revoir ses plans, le problème étant qu'il n'y avait pas de plan B, seulement un plan A et qu'il venait de tomber magnifiquement à l'eau avant même d'avoir commencé à exister. Pourquoi ne pouvait-il pas se contenter rien qu'une fois de faire ce qu'elle pouvait bien espérer ? Etait-il si compliqué de jouer les crétins comme il l'avait toujours fait pendant encore trois mois ? Il obtiendrait ses ASPICs et passerait à autre chose sans plus se poser de question. Ca aurait été on ne pouvait plus simple et tout le monde aurait pu repartir vaquer à ses occupations en acceptant son abandon sans broncher. Mais non... Il avait fallu qu'il lui mette une fois encore des bâtons dans les roues, la forçant bien malgré elle à voir les choses sous un autre angle, sous celui d'un possible réciprocité. Parce que c'était ça, non ? Il ne craignait certainement pas de voir une inimitié sombrer dans les tréfonds de l'oubli. Elle n'avait jamais envisagé les choses ainsi et il fallait avouer que c'était bien plus angoissant que toutes les humiliations du monde. Si elle s'était inquiétée à l'idée de pouvoir l'aimer plus que des raisons, c'était une véritable panique qui la saisit à la pensée que tout pouvait être partagé. Ce n'était pas censé se passer comme ça ! Il devait la rembarrer, se moquer ouvertement d'elle et en profiter pour mettre le château à ses pieds si ce dernier acceptait de se soumettre, pas angoisser à moitié à l'évocation d'une fin pure et simple des combats. Il fallait fuir. C'était finalement la seule issue possible à ce calvaire. Sortir d'ici, l'éviter et l'ignorer si par mégarde elle finissait par le croiser. Feindre l'indifférence alors qu'ils savaient aussi bien l'un que l'autre qu'il n'y avait rien de plus faux. Faire comme si de rien n'était. Comme s'il ne s'était rien passé pour reprendre son idée... Elle n'eut pas le temps de mettre cet ultime plan à exécution qu'il avait déjà en tête de tout faire capoter. Il la rejoignit en quelques pas et lui attrapa doucement le poignet, retenant toute fuite. Etait-elle donc devenue si prévisible ? Ou se contentait-il de finir par la connaitre après tout ce temps ? Au final, cela se rejoignait. Elle ne put que relever les yeux vers lui, plus perdue qu'elle n'aurait jamais imaginé l'être un jour. Pourquoi fallait-il qu'il s'acharne ? N'y avait-il pas une fin à toute chose ? Si tel était l'avenir de celle-ci, ne valait-il pas mieux la laisser arriver ? Admettons qu'ils puissent encore sauver quoi que ce soit, ça ne serait que l'histoire de quelques semaines avant de devoir y mettre un terme pour cause divergeance de chemin. Sarah n'était pas certaine que cela puisse en valoir réellement la peine. La seule chose dont elle pouvait encore avoir une quelconque certitude n'était que le fait qu'elle ne voulait plus qu'il la lâche, jamais... Elle avait l'impression de ne sentir que sa main, qu'il n'y avait plus rien ni personne autour d'eux. Personne... Alexander était-il toujours là ? Elle n'avait même pas le courage de vérifier, elle finirait bien par le savoir, en tout cas s'il n'avait pas bougé, il devait bien s'amuser à les voir patauger comme des imbéciles, eux qui avaient passé leur scolarité à se prétendre supérieur au château tout entier, ils en étaient désormais à tenter de dénouer les noeuds qu'ils avaient créé eux-même là où le commun des élèves se serait laissé guider par les évidences... La perfection avait simplement ses limites...

" Tu n'as qu'à surveiller ceux qui traînent leurs oreilles à rallonge, je crois que tu viens de trouver plus indigne de confiance que moi puisque j'ai su faire une exception ce matin. Et puis sincèrement.... tu crois sincèrement que c'est aussi facile pour moi? C'est loin de l'être. Ca l'était pourtant, jusqu'à il y a récemment, et depuis... depuis la tour, tout est devenu bien plus compliqué que tu ne l'imagines. Je ne me suis jamais senti comme ça, j'ai pourtant tout fait pour que ça s'arrête, rien à faire, j'ai l'impression de passer mon existence à me poser des questions. C'est tellement confus! Et je ne pense pas que tu sois... étrangère à tout ça. Alors si tu t'en vas maintenant, qu'est-ce qu'il restera? "

Elle fut bien incapable de comprendre l'allusion à Scarlett qui d'après elle s'était montrée plus digne de confiance qu'elle ne l'avait jamais espéré. Elle avait tenu sa langue alors qu'elle aurait eu bien des choses à raconter et jamais elle n'aurait pu imaginer un seul instant qu'elle s'était empressée d'aller tout dévoiler, surtout au Gryffondor, pour servir ses intérêts. Elle en arrivait à idéaliser cette commère sans prendre la peine de remettre cette vision en question. Elle n'avait dû que trop le faire jusque là pour renoncer une fois encore à l'une des rares choses dont elle se pensait persuadée. Scarlett était une bonne amie, un peu étrange certes, mais finalement comme n'importe quelle fille aurait voulu avoir. Le reste ne lui parut pas forcément plus clair. Elle n'écoutait qu'à moitié, cherchant encore ce qu'il pourrait y avoir après sans forcément trouver une réponse digne de ce nom, digne d'eux... Il fallait véritablement être inconsciente pour se mettre dans une telle situation alors qu'il aurait simplement fallu le détester pour tout éviter. Véritablement inconsciente... Il termina son discours sans qu'elle ne trouve rien à répondre, s'enfonçant toujours davantage dans la confusion. Il lui semblait d'ailleurs que son cerveau avait cessé de fonctionner, bien trop las de devoir nier ce qui était plus que remarquable pour avoir à trouver des idées stupides qui n'expliquaient rien mais qui la rassuraient. Le retour à la réalité fut brutale lorsqu'il la relâcha. Fuir. Ce fut la première idée qui lui revint en mémoire avant d'y renoncer finalement, repensant malgré elle à sa dernière phrase. Sans savoir véritablement pourquoi et certaine qu'elle le regretterait ensuite, elle effaça la distance qu'il venait de remettre entre eux, agrippa sa main et posa ses lèvres sur les siennes. C'était certainement la pire idée qu'elle puisse avoir, mais également la seule, il fallait faire avec... Il ne lui restait plus qu'à espérer qu'il la repousse, la traîte de tous les noms et prenne la fuite à sa place...

" J'en sais rien, on trouvera bien. On doit bien pouvoir y remédier, non? Même si ce n'est plus en tant qu'adversaires. Pour l'heure, j'ai besoin de toi. "

Dans d'autres circonstances, Sarah ne se serait pas fait prier pour ricaner. Le grand Scipion avouant qu'il avait besoin de quelqu'un d'autre que lui-même, il devait sûrement y avoir des gens dans cette école qui aurait payé cher pour être là, elle la première mais finalement apprendre qu'il s'agissait d'elle n'était pas aussi rassurant qu'elle aurait pu l'imaginer. Il l'avait dit lui-même quelques minutes auparavant, elle l'avait déçu d'avoir voulu abandonner, et si elle recommençait encore et encore ? Elle n'avait jamais rien qu'une fois en se demandant comment pourrait le prendre les gens autour, ou ça n'avait en tout cas pas la moindre importance mais maintenant ? Pouvait-elle prendre consciemment le risque de le blesser ou de le décevoir derechef sans crainte ? Certainement pas... Déjà qu'elle n'avait pu s'empêcher de culpabiliser ces derniers temps alors qu'il était censé la détester comme il l'avait toujours fait alors ça n'allait certainement pas être après de telles révélation que les choses s'arrangeraient, ou du moins il fallait l'espérer. Elle n'avait pas pour habitude de vivre dans un monde tout rose où tout allait pour le mieux puisqu'il avait toujours été là pour faire en sorte que ça n'arrive pas aussi qui savait si maintenant, elle ne chercherait pas elle-même à faire tout son possible que quelque chose cloche et ainsi ne pas voir se bouleverser toute sa vie ? Et les seules choses qu'elle pourrait mettre en péril de son plein n'étaient que son amitié avec Scarlett et sa soudaine réconciliation avec lui... La blonde ne put s'empêcher de rougir en baissant les yeux, plus mam à l'aise encore, bien incapable de lui avouer que c'était réciproque. Inutile de s'enfoncer davantage, elle l'avait plus ou moins reconnu la dernière fois en déclarant bêtement qu'elle n'avait pas la moindre envie qui lui arrive quelque chose, c'était largement suffisant pour le moment. D'accord, elle n'était plus à ça près, elle avait sûrement envoyé valser toutes les barrières qu'elle avait pu se fixer un jour mais elle parvenait tout de même à se retenir un minimum, le ridicule avait ses limites et celles-ci, elle n'était pas encore prête à les franchir sans broncher. Ca ne durerait probablement pas. Il semblait avoir le chic pour la faire parler plus que de raison sans forcément chercher à le faire. C'était à surveiller, cela pouvait vite devenir dangereux...

Alors qu'elle s'était attendue à ce qu'il la repousse et disparaisse, il n'en fit rien, bien au contraire. Non, ce n'était pas du tout ce qui était prévu ! Il devait fuir, la prétendre folle et ne plus jamais avoir envie de lui adresser la parole. Si elle fut prise de cours par cette réaction à l'opposé de ce qu'elle pouvait bien imaginer, elle ne chercha pas à revenir en arrière. Elle aurait tout le temps pour le faire après même si ça n'aurait plus beaucoup de sens, il ne fallait pas prendre le risque de mettre un terme à ce moment avant l'heure. Elle avait l'impression de n'avoir attendu que ça depuis qu'elle avait quitté la tour, de n'avoir espéré que se retrouver là un jour. Si toute sa vie venait de s'écrouler en un temps record, ça n'avait pas d'importance et c'était certainement bien mieux ainsi. Elle ne pouvait que regretter d'avance l'instant où il faudrait revenir à la réalité et certainement paniquer. Parce que c'était bien ça qu'il l'attendait, non ? Elle partirait d'ici en flottant bêtement sur un nuage rose, vivant quelques heures au pays des Bisounours avant de se rendre compte qu'elle était bien incapable d'adopter une réaction humaine, sur quoi elle s'empresserait d'aller rejoindre Scarlett en espérant qu'elle soit mieux calée qu'elle sur le sujet et la supplierait de partager sa science. Elle savait tout sur tout le monde et il semblait que rien ne pouvait lui échapper, il serait bien étonnant qu'elle ne puisse pas lui apporter conseil et soutient, après tout elle l'avait déjà fait... En lui sommant de continuer la guerre et de cesser de culpabiliser pour rien, certes mais elle l'avait fait quand même. Elle était véritablement son amie, elle lui avait prouvé, elle serait en mesure de faire quelque chose pour l'aider. Les amis c'était fait pour ça. Elle ne pouvait pas la laisser tomber sur ce coup-là ! Pas maintenant...

Et puis il s'éloigna légèrement, laissant à la Poufsouffle de paniquer de nouveau. Non, il ne fallait pas qu'il parte tout de suite... Son autre main se resserra sur le tissus de son tee-shirt comme pour l'empêcher de l'abandonner tandis que son coeur déjà bien maltraité aujourd'hui s'embalait une nouvelle fois. Heureusement, ce ne fut qu'une fausse alerte puisque l'instant d'après, ses lèvres retrouvaient enfin les siennes. Pour la première fois, elle avait l'impression que le temps ne jouait plus contre elle... Est-ce qu'Alexander avait préféré retourner vaquer à ses occupations ou les railler sans ménagement ? Elle n'en savait rien et c'était le cadet de ses soucis. Il pouvait bien avoir pris le contrôle de Poudlard entre temps qu'elle s'en fichait complètement. Ca n'avait pas le moindre intérêt. Qu'est-ce qui pouvait bien en avoir encore de toute façon ? Elle s'était perdue pour de bon mais ne s'en inquiétait pas, elle ne savait toujours pas vraiment ce que serait le lendemain mais là encore, ça ne l'effrayait plus. Ils trouveraient bien, ça ne faisait plus le moindre doute. Il faudrait sûrement prendre le temps de s'habituer à ce changement de situation mais ça ne lui poserait certainement pas de problèmes. Ils ne se détestaient plus, et ensuite ? Elle n'avait pas à le rayer de sa vie, juste à lui laisser une place différente et trouver quelqu'un d'autre à torturer sans relâche, c'était probablement dans ses cordes. Il fallait que ça le soit de toute façon... Qu'il puisse jouer pour mieux l'achever ensuite ne lui traversa pas l'esprit une seule seconde, pleinement en confiance pour la première fois depuis des années. Si c'était véritablement ça devenir fole alors elle était prête à le rester encore un long, très long moment. Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, il avait trouvé le moyen de se détacher d'elle une fois de plus...

"Ce n'est pas drôle..." avait-elle eu le temps de se plaindre dans un souffle avant qu'il ne l'embrasse de nouveau.

Pourquoi avaient-ils mené cette guerre si longtemps ? L'idée même qu'ils aient pu se détester un jour lui semblait particulièrement absurde, insensé, presque irréel. Ils n'avaient pas pu être aussi bêtes, ça ne devait être que le plus long cauchemar de l'histoire, guère plus. Ca ne pouvait pas être autre chose. Elle ne pouvait pas avoir passé tant d'années en sa compagnie sans ne rien remarquer... Elle ne regrettait plus le moins du monde de s'être livrée involontairement, c'était la meilleure chose qu'elle aurait pu faire. Mais du coup, le duel, était-il annulé ? Si elle supportait mal l'idée de se battre en arrivant, elle refusait tout simplement d'y penser désormais. De toute façon, sa baguette était quelque part loin, elle ne savait pas trop où et ça n'avait pas grande importance non plus. Elle n'allait de toute façon pas s'échapper... Ce n'était pas ce qu'elle avait de plus important à perdre pour le moment même si elle comptait se faire la malle. Non, vraiment pas le plus important... Les quelques semaines qui les séparaient des examens de fin d'année lui apparurent alors comme la pire évidence qu'elle n'avait jamais eu à intégrer, bien pire encore que de se rendre compte qu'elle ne le détestait pas, qu'elle était finalement amoureuse et que toute cette histoire était arrivée à son terme sans savoir encore qu'il pouvait y avoir quelque chose à sauver des ruines. Dans quelques semaines, tout cela ne serait plus qu'un souvenir, il faudrait faire comme si rien ne s'était passé et reprendre le chemin des salles de cours avec ce vide énorme planant sur les couloirs. Elle n'eut pas vraiment le temps de s'inquiéter plus longtemps qu'il mit fin à leur baiser. Ecarlate, elle était bien incapable de soutenir son regard, préférant de loin fixer le sol avec absence et désintérêt sans jamais prendre le risque de lâcher sa main et de le voir passer la porte sans un mot de plus. Il n'avait pas le droit de faire ça...

" Je te fais confiance. "

La Préfète fut contrainte de relever les yeux vers lui, ne serait-ce que pour avoir rien qu'une piste sur ce qu'il entendait par-là. Lui faire confiance, mais pour quoi ? S'il attendait d'elle qu'elle sache ce qu'il se passerait ensuite, il risquait de ne pas obtenir ce qu'il désirait. Elle n'avait toujours pas de réponse à la question qu'ils s'étaient tour à tour posée. Que se passerait-il désormais ? Se contenteraient-ils de faire comme si rien de tout ça n'avait eu lieu et de reprendre leur train-train quotidien sans jamais en reparler ? Ils semblaient plutôt doués pour faire comme si de rien n'était pour préserver les apparences... Elle ne voyait pas vraiment quelle apparence il restait encore à sauver puisqu'il était tout à faire possible que le pauvre Serdaigle ait assisté à toute la scène mais cela n'empêchait rien. Pour toute réponse, elle se contenta de lui sourire timidement. Elle tâcherait d'être digne de cette confiance sans véritablement savoir ce qu'il pouvait bien entendre par là. Peut-être l'éclairerait-il à l'occasion ?

"Et maintenant ?"

Ils retournaient chacun dans leur salle commune et continuaient leur journée sans se soucier davantage de ce qui pouvait être considéré avec mauvaise foi comme un moment de faiblesse ? Ils étaient presque aussi doués pour faire preuve de mauvaise foi que pour faire comme si de rien n'était, même si l'idée ne plaisait pas vraiment à la Poufsouffle s'était toujours envisageable. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il comptait faire maintenant, elle savait juste qu'elle serait bien incapable de feindre le détester encore bien longtemps, le mensonge ne tiendrait jamais. Elle craignait d'avoir le même regard particulièrement stupide qu'elle voyait sur ces filles lorsqu'elles croisaient leurs copains dans les couloirs. Leurs copains...? Elle n'avait pas encore imaginé ça de cette manière et hésitait à rayer cette notion de son vocabulaire immédiatement mais elle se résigna à attendre une quelconque réponse de la part du Gryffondor avant cela...