« Surtout, prenez soin de bien compléter votre dissertation sans omettre le moindre détail ! »

Cette phrase raisonnait encore et encore dans ma tête, comme une menace incessante. La phrase du diable, la phrase du malheur, du déluge qui s’abattait sur moi. La voix du professeur Castle était belle mais il était dommage que je ne puisse pas autant apprécier sa matière que son professionnalisme. Perrin pensait de la même façon que moi et nous avions désespéré à l’idée d’effectuer cette dissertation. Le cours en question était difficile et complexe, très riche en informations et le devoir nécessitait d’avoir assimilé des connaissances antérieures à la cinquième année. Le problème dans tout cela était que moi et mon meilleur ami avions passé notre temps à dormir en Histoire de la Magie. Les anciens professeurs n’avaient jamais réussi à captiver notre attention et, au mieux, le professeur Castle avait pu nous prendre en flagrant délit en train de dessiner des géants sur nos parchemins pendant qu’il expliquait les ravages suscités par les guerres de géants. A la sortie des classes, j’avais lancé à Perrin sur un ton taquin :

« N’empêche que mon dessin, il était plus beau que le tien. »

C’était à peu près tout ce que l’on avait retenu du cours, mis à part deux ou trois dates que j’avais bien daigné écrire sur mon parchemin sans vraiment savoir à quoi elles correspondaient. Nous avions donc complètement oublié ce cours d’Histoire de la Magie pendant des jours, nous préoccupant de choses plus importantes à nos yeux comme nos excursions dans la Forêt Interdite qui avaient repris leur rythme habituel. Après notre match contre Serpentard, Oliver avait espacé davantage nos entraînements puisque notre prochaine rencontre ne se ferait pas avant le mois de mai. Nous avions donc tout notre temps pour améliorer notre jeu et ce, au plus grand plaisir de mon meilleur ami. S’amuser et profiter tout en respectant un minimum notre rôle de préfets avait pris notre temps libre et nous étions arrivés à mardi après-midi, soit la veille où il fallait rendre ce devoir. A treize heures, je me suis donc rendue à la bibliothèque avec le désespoir complet de réussir à peut-être pondre une introduction digne de ce nom. J’ai même pris la décision de sécher l’étude des moldus pour gagner du temps…

Autant vous dire que moi et la bibliothèque, nous ne sommes pas du tout amies. Nos liens sont carrément négatifs tellement que je ne la fréquentais que très rarement. Lorsque j’y suis entrée, je me suis sentie complètement perdue, comme si je pénétrais dans un monde inconnu et nouveau. Je n’avais même pas le souvenir que c’était aussi vaste, aussi bien rangé et propre. La vue du bibliothécaire me troublait puisque je ne le connaissais pas vraiment et que je ne l’apercevais qu’à l’heure du déjeuner ou du dîner. A cette heure, il n’y avait que les intellectuels de Serdaigle qui étaient prêts à gâcher leur temps à lire trente-six ouvrages par heure. C’était malaisant et je ne me sentais vraiment pas à ma place. Les fenêtres étaient toutes fermées et l’odeur du renfermé régnait avant tout. Comment pouvait-on passer autant de temps ici, loin des extérieurs, loin des aventures et des tentations diverses et variées ?
C’était une drôle d’expérience. J’ai pris timidement place à une table un peu isolée, histoire de ne pas trop me faire remarquer. Ce serait sûrement trop scandaleux que l’on découvre que la préfète de Gryffondor ne se sent pas à l’aise dans cette bibliothèque. Sincèrement, je préférais me fondre dans la masse pour une fois !

Par la suite, j’ai pris mon courage à deux mains pour ouvrir mon sac et lui ôter cet horrible cours d’Histoire de la Magie qui était loin d’être complet ou bien noté. Je ne soulignais rien, il y avait beaucoup de blancs ou des ratures et les parchemins étaient cornés, preuve que je n’en prenais pas grand soin par pur désintérêt. J’ai ensuite ouvert mon cours d’Histoire de la Magie dont j’avais l’impression de redécouvrir au même titre que la bibliothèque. Cela allait être très dur de s’y mettre et j’avais déjà l’envie de rendre copie blanche. J’ai laissé le livre de côté dans un soupir lassé et j’ai plutôt entrepris de saisir ma plume pour la tremper dans mon encrier et écrire mon nom sur le parchemin qui servirait de support à ma dissertation. J’ai tout fait pour soigner la présentation du coin de notation, histoire de gagner un peu de temps avant de devoir m’y plonger. Toutes les excuses étaient bonnes pour retarder un maximum le moment où je devrais me renseigner sur cette fichue guerre de géants. Honnêtement, on se l’était dit avec Perrin mais ces créatures auraient dû faire la paix au lieu de s’engager dans des conflits stupides ! Cela nous aurait épargné un chapitre abominable à ce sujet.

Les minutes ont passé inlassablement et je pouvais presque entendre le tic-tac lointain de l’horloge de la pièce tant je n’étais pas concentrée sur mon sujet. J’observais d’un regard vide la feuille blanche qui me faisait place, fouillant plutôt mes souvenirs d’aventures en compagnie de mes amis plutôt que ceux d’Histoire de la Magie. Sincèrement, j’en étais venue à repousser l’échéance de mon devoir et j’hésitais à quitter la bibliothèque en allant directement demander à Megan de m’aider à faire au moins l’introduction. D’un autre côté, j’osais penser que le professeur Castle ne m’incendierait pas autant qu’un autre professeur si je rendais copie blanche à cause de mes lacunes. Elle semblait plutôt compréhensive… Ceci dit, je ne serais pas bien respectueuse de son travail en tant qu’enseignante si je ne faisais pas l’effort d’écrire au moins quelques lignes. J’ai tenté de réfléchir à une phrase d’accroche, quelque chose qui puisse mettre en avant ce qu’était la guerre des géants mais plus j’y pensais et plus je trouvais mes idées ridicules. Cela n’avait rien de méthodique ou de pertinent.

La seule chose qui a su attirer ma curiosité était le bruit d’une chaise que l’on tirait contre le plancher, juste en face de moi. J’ai relevé la tête, intriguée par l’idée que quelqu’un ne s’installe à ma table alors que j’avais pris soin de choisir celle qui était la plus isolée de la bibliothèque. J’ai au départ pensé qu’il devait s’agir d’un ami ou d’une connaissance m’ayant reconnue mais lorsque j’ai vu le visage de ce garçon, j’ai été un peu désarçonnée. Je ne lui avais pas parlé depuis le triste événement d'Halloween dans lequel nous nous étions plutôt amusés avec Edward, au départ. C'était Matrim. Nous nous étions moqués de lui mais c'était bon enfant... J'avais juste trouvé étrange le fait qu'il m'ait repoussé un peu trop brusquement quand j'ai entrepris de poser une simple main sur son épaule. Quoi qu'il en soit, j'avais plutôt bien apprécié sa présence avec nous et je devais avouer que je le trouvais plutôt beau garçon !

D'ailleurs, il ne m’observait pas immédiatement mais il a sorti ses affaires et plus précisément un stylo et un carnet. Il semblait ailleurs et je me demandais s’il savait vraiment que j’étais là. Peut-être qu’il tenait juste à squatter ma table pour travailler sans pour autant me parler ? J’ignorais comment fonctionnait cette bibliothèque alors peut-être que c’était normal de s’inviter à la table des autres sans pour autant vouloir sympathiser avec ? D’un seul coup, je me suis sentie encore plus perdue que jamais. Je crois que moi et les codes comportementaux des rats de bibliothèque, ça fait deux ! S’il y avait une charte à respecter, je l’avais sûrement manquée.

Je l’ai regardé doucement en me posant des questions mais apparemment, je n’ai pas été assez discrète puisqu’il m’a carrément cramée.

« Me fixer comme ça te fera pas écrire ton devoir sur les géants. »

Aussitôt, j’ai senti le malaise monter. Wow, ils étaient tous aussi aigris, les intellects de cet endroit ? J’en ai presque un frisson d’effroi tant le ton de sa voix ne dégageait pas de chaleur. Etait-ce nécessaire de me dire ça, en plus de jouer le mec désinvolte en fermant les yeux et en jouant avec son stylo sans me calculer ? Je n’aimais pas vraiment ça et j’ai froncé des sourcils avant de lui répondre avec prudence :

« C’est toi qui es venu à ma table alors forcément, tu attires mon attention. »

Je ne voulais pas entrer dans un petit conflit débile mais il fallait avouer qu’il n’était pas très courtois comme garçon. Il m’a balancé ça sans dire bonjour, ni rien… D'ailleurs, une question a germé dans mon esprit.

« Au fait, pourquoi as-tu regardé mon sujet ? »