Le dernier cours de la journée. Il s’était déroulé sans encombre et Liu Xi en fut reconnaissante. Cela faisait trois semaines qu’elle enseignait à Poudlard, et elle n’avait pas encore le sentiment d’avoir pris ses marques. Tout était si différent de sa vie d’avant… Ne serait-ce que par la magie. Elle qui mettait un point d’honneur à se servir le moins possible de sa baguette à Londres, cela devenait un principe ridicule quand on était censé enseigner dans une école de Magie. Quant à ne pas utiliser trop de serres, d’atmosphères modifiées pour faire pousser les plantes… Les serres étaient déjà là et ensorcelées avec brio. C’eut été stupide de ne pas s’en servir et surtout dommageable pour les élèves. Elle n’avait bien sûr par renoncé à tous ses principes. Elle avait mis en place un jardin potager, avec également de nombreuses simples à l'extérieur et sans aucun enchantement. Elle avait tressé elle-même les clôtures et elle n’utilisait pas la magie pour s’en occuper. Elle aimait mettre ses mains dans la terre et laisser le temps à la nature de faire son œuvre sans passer par un quelconque sortilège de croissance.

Cela pouvait également s’expliquer par le fait qu’auparavant, elle n’avait jamais vraiment senti de connexion avec sa baguette. Ce n’était qu’un écran entre elle et les objets, pas un médium. Sa première baguette avait été achetée à la va vite, chez le seul fabricant disponible dans le pays où elle se trouvait à l’époque. Et contrairement à M. Ollivander, l’artisan ne s’était pas vraiment intéressée à la personnalité de cette né-moldue étrangère, perdue au milieu de ce pays qui n’était pas le sien. La baguette n’avait jamais vraiment désobéi. Mais ce n’était pas l’amour fou. Liu Xi était toujours parvenue à insuffler de sa magie aux plantes, bien avant d’avoir eu une baguette entre les doigts. Malheureusement… il n’y avait pas que les plantes dans la vie, et en arrivant ici, elle devait probablement avoir le même niveau qu’un élève sortant de ses ASPICS si l'on exceptait les sortilèges liés à la botanique et aux soins mineurs, d’autant qu’elle ne pratiquait pas vraiment.

Si sa nouvelle baguette était bien plus en phase avec sa personnalité et lui donnait moins l’impression d’être une barrière entre-elle et le monde, et lui facilitait la tâche… La raison de ses progrès était tout autre. Bien qu’elle eut été extrêmement embarrassée par cette histoire, à savoir être surprise en plein entraînement de sortilège par le professeur de la dite matière, elle ne pouvait qu’être extrêmement reconnaissante envers Aaron d’avoir pris le temps de la remettre à niveau pour être au point pour ses cours. La jeune femme estimait avoir encore du travail bien sûr, mais elle ne perdrait pas ses moyens, c’était déjà ça de gagné.

Les élèves quittèrent un à un la salle, et elle s’étira doucement, une fois le dernier parti. Pour l’instant, les cours l’épuisaient psychologiquement. Liu Xi avait le sentiment de jouer le rôle d’une professeure, en représentation déguisée dans cette robe de sorcière qui lui paraissait anachronique, plutôt que d’être une professeure… Elle espérait qu’elle finirait par se sentir légitime dans ce rôle. Elle prit sa baguette – il fallait que cela devienne un automatisme – pour ranger et nettoyer rapidement la serre, avant de sortir à son tour.

La professeure fut surprise de trouver sur le pas de la porte la professeure de Potion, Morgana Burgess. C’était une sorte de légende dans cette école, elle semblait bénéficier d’une aura particulière, crainte et respectée par les élèves, droite dans ses bottes et exigeante. Si un jour Liu Xi parvenait à être ne serait-ce qu’à moitié aussi douée pour l’enseignement que sa collègue, elle s’estimerait heureuse. Ne voulant pas la faire attendre, elle se dirigea immédiatement vers elle avec un sourire.
« Bonjour Morgana ! Ravie de vous voir. Que me vaut le plaisir de votre visite ? Vous aviez besoin de quelque chose ? » demanda-t-elle aimablement. Elle n’osa pas proposé son aide, elle doutait que la directrice de Serpentard ait besoin de l’aide de quiconque ici, et surtout pas d’elle-même.

Liu Xi observa discrètement la professeure de botanique, elle était toujours impressionnée par son allure impeccable et sa prestance naturelle. Elle était incapable d’imaginer un être humain normalement constitué capable de lui tenir rigueur de s’être présentée sans s’annoncer. Si Morgana était là, c’est qu’elle avait forcément une raison valable. Ce n’était peut-être qu’une image subjective de sa collègue, mais cette impression était persistante.

« Oh voyons, ne vous excusez-pas, vous avez bien fait de venir directement sans perdre de temps. » dit-elle aves un air entendu. « Blake reste très discret quant aux pathologies de ses patients, je sais que certains ont des traitements contraignants, mais j’ignorai que l’un d’entre-eux étaient atteint de Scrofulite. Une chance que l’école dispose d’un infirmier et d’un médicomage, il ne s’agit pas d’un petit rhume à traiter. » continua-t-elle avec sérieux. Elle-même en tant qu’herboriste ne ce serait pas risquée à traiter un tel cas, et l’aurait directement envoyé à Sainte-Mangouste. Liu Xi se considérait comme talentueuse dans sa profession, enfin, son ancienne profession, reformula-t-elle non sans amertume. Mais elle connaissait aussi les limites de la discipline et préférait mille fois avouer son incapacité à soigner certaines pathologies plutôt que de faire miroiter des traitements trop peu puissants à ses patients.

« Suivez-moi, j’entrepose le jus de Snargalouf dans mon bureau. » Dit-elle en se dirigeant vers son bureau sans perdre de temps. Cela ferait peut-être plaisir à ses élèves d’apprendre que leur exercice n’avait pas été qu’un simple prétexte pour découvrir une plante, mais qu’il avait permis la réalisation d’un remède. Elle ne préciserait pas que c’était pour l’un de leur camarade, ça personne n’avait besoin de le savoir. La jeune professeure se doutait bien que sa matière était loin d’être la plus appréciée du château. Les sortilèges étaient l’essence même du sorcier, la moitié des élèves de l’école paraissait rêver de devenir joueur de quidditch ou fabricant de balai, et le cours de potion, réputé pour être l’un des plus difficiles attiraient les élèves en quête de challenge et de réussite. La personnalité de Morgana et ses méthodes y étaient bien sûr pour quelque chose. Elle était parfois vue comme un dragon, mais Liu Xi la trouvait admirable dans sa droiture et ses exigences. Sa collègue semblait faire preuve d’une autorité naturelle qu’elle lui enviait bien volontiers. Et si les élèves la trouvaient dure et sans pitié, la jeune femme ne doutait pas un instant que cette dame de glace ne cherchait qu’à les pousser à donner le meilleur d’eux-mêmes et à ne pas se contenter du peu.

L’herboriste ne cachait pas vraiment son admiration, et même si elle doutait un jour atteindre le niveau de sa collègue, elle n’avait aucune honte à la considérer comme digne d’être érigée en tant que modèle. Pour l’instant, Liu Xi débutait totalement et se sentait encore un peu perdue, inadaptée à cet endroit. Avoir un poste de professeur ne signifiait pas qu’on le devenait du jour au lendemain, et elle travaillait dur pour y parvenir. Elle poussa la porte de son bureau, proposant à Morgana de « prendre un siège » si elle le souhaitait. Elle ouvrit l’armoire qui contenait les différentes fioles extraites par les élèves, Snargalouf, Bubobulb… et sortis les trois flacons de jus les plus purs qu’elle ait en stock.

« Voici.» Puis elle ajouta sur le ton de la confidence, avec un sourire réservé : « j’ai toujours un carré de plante médicinale ici, je n’ai pas pu renoncer totalement à cultiver ces herbes. N’hésitez pas à me dire si vous avez besoin de quelque chose, avant de passer commande à l’extérieur. » . Elle savait que Blake avait sa propre serre portative, comme probablement d’autres professeurs, que les elfes de maison avaient probablement eux aussi ce type de plantation et qu’en soit, il n’y avait pas besoin d’elle pour obtenir des herbes médicinales. Mais elle était encore trop attachée à cette partie d’elle-même pour y renoncer. Et même si le programme de Poudlard était très centrée sur des plantes magiques impressionnantes, elle espérait peut-être pouvoir introduire quelques végétaux plus classiques mais ô combien utiles dans la vie courante. Bien entendu, elle se concentrait pour l’instant sur ce qu’elle était censé enseigner, cela prenait suffisamment de son énergie. Mais elle c’était comme une petite ritournelle qui revient parfois en tête, de celles qui se cachent et réapparaissent par surprise.

Liu Xi écouta avec attention sa collègue, elles avaient travaillé de concert à la ferme cet été, mais elle ignorait effectivement que la profession précédente de Morgana était guérisseuse et non médicomage, un poste beaucoup plus courant. Mais cela n’étonnait pas outre-mesure l’herboriste, la rigueur et l’efficacité dont faisait preuve la potionniste correspondait bien aux exigences du métier et aux grandes compétences que celui-ci demandait. « Veuillez m’excuser, il semblerait que j’ai tiré des conclusions un peu hâtives. Nous n’avons malheureusement pas eu beaucoup l’opportunité d’en discuter lors de notre séjour à la ferme ». constata-t-elle. La période avait été très chargée, et les compétences de chacun exploitées au maximum, peu importait comment elles avaient été acquises tant que l’on pouvait remettre les blessés sur pied.

Nul doute que l’herboristerie allait lui manquer, se sentir réellement utile, enseigner était une chose mais il était encore trop tôt dans son apprentissage, dans son adaptation pour qu’elle se sente aussi à sa place qu’à la Sylve ou dans une quelconque infirmerie. Il faudrait bien que ce la vienne, et rapidement si possible : elle s’était engagée auprès de l’école et elle espérait que les élèves ne pâtiraient pas trop longtemps de son inexpérience. « Le pauvre… il avait pourtant bien mérité des vacances. Mais je ne doute pas qu’il soit bientôt remis sur pied. » dit-elle avec un sourire compatissant. Entre Blake, Morgana et Sainte-Mangouste, tout ça ne serait bientôt qu’un autre mauvais souvenir.

Aussi sans perdre de temps, Liu Xi quitta la chaleur de la serre entraînant dans ses pas Morgana vers le bureau. La jeune femme aimait les choses simples : quelques plantes bien sûr, essentiellement des succulentes, de l’Aloe vera, quelques fleurs séchées, lavandes, hibiscus qui attendaient patiemment de finir dans sa théière ou dans une quelconque préparation. Une étagère avec quelques ouvrages de botanique – son grimoire était en lieu sûr dans sa chambre et hors de portée des élèves trop curieux – malheureusement tous neuf et dépouillés des annotations qu’elle affectionnait tant, le recueil de poésie qu’elle avait en cours. Et pour le reste, des jolies piles de cours et de copies soigneusement rangées. Elle ne se considérait pas comme maniaque mais ordonnée, à l’image de ce que devaient-être ses pensées. La botaniste tandis les fioles demandées à sa collègue, les plus pures et espéra que cela suffirait pour parvenir à réaliser le remède.

Liu Xi fut agréablement surprise, peut-être même flattée de constater que Morgana se souvenait de leurs échanges épistolaires concernant ses méthodes de travail, à moins qu’au détour d’une conversation, Scorpius le lui ai mentionné ? Il fallait d’ailleurs qu’elle prenne le temps d’écrire à ce dernier. Cela faisait trop longtemps qu’elle ne l’avait pas contacté.

« Pour tout vous avouer, les serres que nous avons ici sont tellement bien ensorcelées que ce serait du gâchis que de se priver de tout leur potentiel. D’autant plus, que…et bien nous sommes dans une école de magie et je ne peux pas me permettre d’occulter totalement cet aspect de la botanique dans mes cours. Ce n’est pas parce que selon moi, on peut très bien s’en passer que c’est souhaitable pour la formation des élèves. Mais… cette entorse à mes habitudes me coûte, alors effectivement, mon petit jardin est garanti sans magie. Même les clôtures sont tressées mains. La nature est bien faite, si on sait l’écouter et y prêter attention, elle se montre généreuse. Il n’y a pas de semblable satisfaction à celle que j’éprouve à modeler un jardin de mes propres mains. » dit-elle les yeux brillants de passion. Bien plus de satisfaction qu’en réussissant un sort, elle ne se risquerait pas à le dire en ces termes au professeur Winslow bien entendu… Mais elle avait confiance en ses mains, en ses capacités, avec ou sans baguette, elle savait faire d’un simple carré de terre un lieu fertile. Elle ne méprisait pas la magie, loin de là, mais jusque-là, cela n’avait pas était au centre de sa vie. Ni même nécessaire à son quotidien. Une aide agréable, utile pour voyager et rejoindre ses parents, mais pas quelque chose d’ancré dans son sang, comme cela semblait l’être pour tant de personne au château. Peut-être cette sensation de décalage s’effacerait-elle avec le temps.
« Voyons, c’est tout naturel ! Je ne crois pas avoir besoin d’ingrédients en particulier pour l’instant… mais peut-être que si vous avez quelques instants, vous pourriez me donner des nouvelles de Scorpius ? Je suis un peu honteuse, mais avec tous ces changements, je n’ai pas pris le temps de le recontacter. Mais bien sûr, je ne voudrai pas vous retenir, nous pouvons discuter à un moment qui vous conviendrait mieux. » s’empressa-t-elle d’ajouter à sa demande, ne souhaitant pas retarder Morgana dans sa préparation.

Liu Xi approuva d’un sourire. Elle appréciait énormément Morgana, tant par ses compétences que par sa personnalité et elle espérait sincèrement avoir l’occasion de faire plus ample connaissance. Elle admirait beaucoup sa collègue, et avait le sentiment qu’elle ne pourrait que s’enrichir en sa compagnie, en espérant ne pas trop l’ennuyer. La professeure de botanique était loin d’avoir autant de compétences et de connaissances que la directrice des Serpentards.
La jeune femme l’invita dans son bureau afin de répondre à sa requête et lui offrit les fioles dont elle avait besoin. Elle se laissa aller à parler de botanique, peut-être un peu trop songea-t-elle à regret, mais trop tard c’était fait. La potioniste ne semblait pas lui en tenir rigueur. Elle sourit à la remarque de sa collègue. Elle ne craignait effectivement pas de se salir les mains, le contact avec la terre la ravissait. Peut-être avait-elle gardé une âme d’enfant de ce point de vue. Cela ne la dégoûtait pas, elle en appréciait la texture, les variations. Elle comprenait néanmoins que cela puisse paraître étrange, quand on avait passé sa vie à n’attendre qu’une chose, pouvoir utiliser la magie comme bon vous semblez. Mais dans son propre cas, la magie n’avait jamais été au centre de ses préoccupations, aussi, ne se sentait-elle pas dépendante : « J’imagine que c’est plus facile pour moi, j’ai rarement fréquenté le monde magique jusque-là. » dit-elle simplement. « Mais oui, j’adore les possibilités du monde végétal et je ne pourrais me passer d’un contact direct. »

Si Liu Xi n’avait pas particulièrement de service à demander à Morgana pour l’instant, elle n’avait pas pour autant envie de la voir partir et était ravie qu’elle accepte de rester bavarder un instant. La jeune femme était ravie d’avoir des nouvelles de Scorpius, et pas vraiment surprise d’entendre parler de sa curiosité et de son besoin de challenge. « Souhaitez-vous un thé ? » demanda-t-elle avant de rebondir sur les paroles de sa collègue, quitte à discuter, autant le faire dans les règles de l’art non ? « Oui, Scorpius est très curieux et persistant…Cela ne m’étonne pas qu’il se dirige vers ces thématiques. Je suis sûre qu’il s’épanouira dans ce milieu, entre sa curiosité et sa rigueur, il devrait faire des étincelles ! » .
La jeune femme écouta avec attention la suite… L’histoire familiale de Scorpius était loin d’être simple, et elle était heureuse de savoir que son père lui portait la reconnaissance qu’il méritait. « Il a de quoi être fier. Sans Milo et lui, nous n’aurions pas pu agir depuis l’extérieur. C’était non seulement très courageux, mais aussi très ingénieux. » dit-elle avec beaucoup d’admiration dans la voix. Quoi que puisse en penser Milo aujourd’hui, leur action avait fait plus de bien que de mal. Elle espérait que Scorpius arrivait à s’en sortir sans trop de culpabilité et de mauvais rêves. Oui, il faudrait vraiment qu’elle lui écrive, elle le ferait dès ce soir. Elle se sentait un peu honteuse de ne pas l’avoir fait avant, trop prise par le cours des événements et de sa propre vie pour lui demander comment il se sentait alors…

Ce qui lui fit d’ailleurs penser que la situation avait dû être particulièrement difficile pour Morgana, qui n’avait pas pu voir sa fille l’année précédente. Elle hésita quelques instants à demander des nouvelles à ce sujet, ne sachant pas trop si elle était légitime pour poser ce genre de question, mais ne pas le faire lui semblait également relever de l’impolitesse. Elle ne voulait en aucun cas offusquer sa collègue. Aussi Liu Xi se décida-t-elle pour quelque chose d’assez neutre, qui laisserait l’occasion à son interlocutrice de botter en touche facilement si le sujet n’était pas le bienvenu. « J’espère que vous avez eu le temps de profiter un peu d’Abigail pendant ces courtes vacances ? » Si le temps était passé vite pour Liu Xi, nul doute que Morgana avait dû le voir filer encore plus vite, d'autant plus après une année de séparation.

Liu Xi sourit, elle était habituée à l’étonnement des sorciers quant à son parcours. Elle n’avait jamais ressenti le besoin de faire partie d’une communauté magique, à laquelle elle ne se sentait pas appartenir. Peut-être que son premier contact avec une sorcière avait joué aussi : Arauté, chamane de son état avait tout de même tenté de l’enlever dans la forêt pour faire son éducation. Cela ne faisait pas exactement rêver !

« Mes parents sont tous les deux moldus, ils travaillent pour une ONG, mon père est médecin, ma mère chirurgienne. Quand on s’est rendu compte que j’étais une sorcière, c’était en Amazonie… Je les ai suivi partout toute mon enfance et mon adolescence, j’ai rarement vécu plus d’un an au même endroit…J’étais chez moi partout à condition d’être à leur proximité, partir étudier en internat entre quatre murs avec des sorciers, c’était inimaginable pour moi. J’ai donc eu des précepteurs, le gouvernement britannique nous a fourni des listes de professeurs compétents en fonction de l’endroit où nous nous trouvions. Parfois j’avais cours avec d’autres élèves dans mon cas, mais la plupart du temps, je suivais leur enseignement en plus des cours moldus avec les membres de l’ONG. Je n’ai pas eu une scolarité très linéaire comme à Poudlard, j’ai appris en fonction des compétences de chacun de mes professeurs, une matière à la fois, plutôt que plusieurs matières progressivement par niveau. Puis comme j’ai toujours été passionnée par les plantes, et que mon milieu m’a entraîné très tôt à m’intéresser aux soins… je me suis rapprochée des herboristes, des chamanes, botanistes et autres phytothérapeutes et j’ai fait mon apprentissage auprès d’eux dès ma majorité, dans divers pays. Des sorciers ou des moldus. Et naturellement, quand j’ai voulu m’installer comme herboriste, j’ai choisi un endroit où je me sentais à l’aise : chez les moldus, mais pas très loin du chemin de traverse. Je n’ai pas vraiment choisi mon camp en somme. C’est la première fois que je vis vraiment avec ma baguette à la main, d’habitude, elle est dans un tiroir et je ne la sors que si c’est nécessaire ! » dit-elle d’un air contrit. « Je n’ai pas vraiment un parcours très académique. Mais j’espère que j’arriverai à faire en sorte de transmettre ma passion et mes compétences aux élèves en respectant les méthodes de l’école. » ajouta-t-elle avec volonté, un peu honteuse de ses piètres références face à sa collègue émérite. Déjà, elle avait pris contact avec le professeur Winslow pour dérouiller ses sortilèges et ne pas manquer de ressources face aux élèves. Il était impératif qu’elle fasse au mieux de ses capacités. Si son manque d'expérience se révélait problématique à Poudlard, elle n'avait jamais regretté ses choix de vie. Elle avait beaucoup appris de sa vie de nomade, et si son enfance et son adolescence s'était déroulée dans des conditions qui auraient pu paraître précaires ou dangereuses à bien des personnes, elle n'en avait jamais souffert. Cela faisait parti d'elle.

Tout en parlant, la jeune femme servit un thé à Morgana, un Oolong délicieusement parfumé. Entendre que Scorpius était probablement major de promo ne la surprit pas : il n’était pas du genre à se contenter du peu, et c’est pour ça qu’elle l’appréciait autant. Rien ne l’insupportait plus que les personnes gâchant leur potentiel et se contentant d’un résultat médiocre, plutôt que de se donner la peine de bien faire les choses. Milo et Scorpius étaient de ceux qui ne ménageait pas leurs efforts, quelque soit le domaine. Et cela n’était sûrement pas étranger à leur réussite dans la libération du château. Liu Xi était fière des valeurs de tolérance qu’ils avaient défendu, du courage dont ils avaient su faire preuve. Elle s’était tant sentie coupable de ne pas pouvoir les aider plus au cours de l’année, de ne pas avoir pu être plus qu’un soutien à distance. Au moins, cette année, elle pourrait avoir à l’œil tout ce petit monde et se rendre utile si c’était nécessaire. Mais elle espérait de tout cœur que ce ne serait pas le cas.
Cette envie d’être proche des adolescents qu’elle avait appris à connaître et apprécier au fil des ans lors de leur passage dans sa boutique, ne devait être qu’une broutille comparé à ce que cela devait coûter à sa collègue d’être séparée de sa fille pendant de longues périodes de temps. Deux semaines après de longs mois de séparation. « J’espère de tout cœur que tout se passera comme prévu. » dit-elle avec douceur. Les événements étaient encore frais, adultes comme élèves étaient encore sur la réserve, difficile de savoir ce que réservait l’avenir. « Peut-être aurez l’opportunité de la croiser un week-end de sortie à Pré-au-Lard ? » piètre consolation, mais cela pouvait aider à tenir jusqu’en décembre…

Morgana sembla montrer de l’intérêt pour ce que Liu Xi racontait, peut-être un peu de surprise aussi, mais elle n’avait pas l’impression de décerner du mépris ou de la déception dans sur son visage. Même si elle se garda bien de le montrer, elle en éprouvait un certain soulagement. La professeure Burgess était pour elle LA référence de Poudlard et le modèle à atteindre. Peut-être faisait-elle des erreurs comme tout à chacun, mais elle frôlait la perfection selon la jeune femme. « Je vous remercie pour vos encouragements. Je ferais en tout cas au mieux pour que les élèves puissent apprendre au mieux de mes expériences. » dit-elle avec humilité. Elle apprécia la proposition de sa collègue quant à répondre à ses interrogations sur le fonctionnement de l’école. « Je n’y manquerai pas, j’aurai peut-être quelques questions concernant la notation ou ce genre de chose. Je vous en ferai part si c’est le cas. » dit-elle avec reconnaissance.

Quand elle avait découvert le programme de botanique, elle avait été tout à fait surprise d’y trouver une écrasante majorité de plantes magiques et de sortilèges. Pouvait-on réellement enseigner cette matière en mettant de côté l’immense majorité de la flore mondiale, qui n’avait pas de propriétés sorcières ? Après de longues hésitations sur la marche à suivre, elle avait choisi de suivre à la lettre tout ce qui concernerait la magie, mais d’y intégrer également des notions plus générales. Il fallait selon Liu Xi une vision plus globale pour parvenir à un résultat plus satisfaisant en botanique. C’était une école de magie certes, mais elle espérait qu’il y avait un peu de marge de manœuvre. Elle hésita à s’ouvrir à Morgana sur ce sujet, mais elle doutait que la professeure de potion soit très réceptive à ses questionnements très… moldus. Et il lui importait de ne pas faire mauvaise impression, ou de donner le sentiment qu’elle aurait été mieux ailleurs. Elle trouverait sa place à Poudlard, elle avait eu l’habitude de changer d’environnement, bien que jamais à une telle échelle. Il fallait qu’elle change son mode de fonctionnement, de pensée, cela lui prendrait un peu plus de temps qu’à d’autres professeurs, mais elle ferait en sorte que ça ne pénalise pas les élèves. La seule chose à laquelle elle craignait de ne jamais se faire, était de ne pas pouvoir aller où bon lui semble en dehors du château en cour d’année. L’herboriste avait toujours été libre de ses mouvements, de ses déplacements, et elle craignait vite de se sentir comme un oiseau en cage. D’un autre côté, à ce stade, elle n’avait pas vraiment d’endroit où aller, et vagabonder de par le monde n’était pas vraiment un plan raisonnable.

Autour d’une tasse de thé, la conversation prit un tour plus personnel. Liu Xi ne put s’empêcher de trouver Morgana courageuse, elle élevait visiblement sa fille seule, avec l’aide de sa famille. Certain aurait renoncé à poursuivre une carrière, quitte à s’oublier un peu mais la professeure parvenait à concilier les deux malgré les difficultés. La jeune femme était admirative. Elle espérait vraiment que la petite Abigail pourrait voir sa maman régulièrement cette année, pour leur bonheur à toutes les deux ! Sa collègue l’interrogea à son tour sur la question des enfants. Liu Xi n’avait jamais eu l’occasion de réfléchir à la chose. Elle n’avait jamais rencontré un homme qui lui donne envie de sauter le pas jusqu’à présent, et elle n’avait pas ressenti l’appel de la maternité suffisamment fort pour se lancer dans ce projet en solitaire. Peut-être que d’ici quelques années, sa vie aurait changé du tout au tout et qu’une rencontre ou son horloge biologique la ferait réviser ses plans. Ou peut-être qu’elle n’aurait jamais d’enfants. Elle n’avait pas d’avis arrêté sur la question. La jeune femme s’était d’ailleurs rendue compte en prenant connaissances des dossiers à des élèves que nombre d’entre-eux étaient issus de foyers, orphelins ou en grande difficulté familiale. Cela l’avait étonnée. Elle avait vu suffisamment de choses dans sa vie pour savoir que le monde n’était pas toujours rose, mais elle ne s’était jamais imaginé que tant d’enfants sorciers se trouvaient dans des situations dramatiques à deux pas de chez elle. Si elle ne faisait pas carrière dans l’enseignement, peut-être pourrait-elle trouver une utilité auprès d’eux ? Il existait des programmes de soutien et de parrainage pour les moldus, pourquoi pas pour les sorciers.
« Non, je n’ai pas d’enfants, au grand désespoir de mes parents qui aimeraient bien jouer les grands-parents gâteaux apparemment. » dit-elle en souriant. Du moins, c’est la réponse qu’elle obtenait quand elle leur suggérait de prendre leur retraite : la retraite était faite pour s’occuper des petits enfants. La répartie était de bonne guerre.

La jeune femme s’apprêtait à resservir Morgana lorsqu’on frappa timidement à la porte. « Oui ? » dit-elle en se levant pour ouvrir la porte et trouver un élève si petit qu’il ne pouvait être qu’en première année sur le palier. ‘’Je crois que j’ai euh…un souci avec mes fournitures Professeur, pour le prochain cours.’’ « Je vous laisse patienter un instant, nous allons voir ça ensemble .» dit-elle avec un sourire avant de retourner auprès de Morgana. « Je crains de devoir écourter notre discussion et de me remettre au travail. » s’excusa-t-elle. « Encore une fois, je me tiens à votre disposition : faites-moi savoir si vous avez besoin que je vous fasse parvenir quoi que ce soit. Je suppose que nous nous recroiserons au dîner ?» demanda-t-elle avec un sourire.