Serpentard était à la ramasse. Clairement. Même Cruz, qui avait pourtant à elle seule plus de fierté et de mauvaise foi que les trois quarts des élèves réunis, était finalement arrivée à cette désastreuse conclusion. Que ce soit pour la coupe des quatre maisons et ou la coupe de Quidditch, on ne pouvait pas faire comme si de rien n'était. Serpentard n'était plus dans la course et cela se produisait alors qu'elle - Cruz V. Rosewood - était préfète. Est-ce qu'elle devait interpréter ça comme un signe ? Voir ça comme un échec personnel ? Etait-elle donc une si mauvaise préfète. Que Poufsouffle leur soit passé devant, au premier semestre, passait encore. Mais là, Serdaigle aussi les avait devancés et d'un nombre de points considérable. A ce rythme, les vert et argent allaient finir bons derniers du classement. Sans compter que leurs performances plus qu'honorables lors du premier match de Quidditch n'avaient pas été récompensées : en effet, Serdaigle l'avait emporté alors que les Serpentards menait au score. En même temps, avec Savannah Caldwell en attrapeuse et en capitaine, fallait pas trop s'en étonner. M'enfin, ce que Cruz en disait ... Toujours est il que les choses allaient plutôt mal. Et quand les choses allaient mal pour sa maison, cela empiétait sur le moral de Cruz. Elle n'était pas au mieux de sa forme depuis quelques temps. Février pointait le bout de son nez et l'humeur de la jeune femme restait morose. Seule une remontée fulgurante de Serpentard aurait pu lui donner un peu de baume au cœur. Mais était-elle d'humeur à croire aux miracles ? Il le fallait, pourtant, car le prochain match des serpents se profilait. Il allait les opposer aux redoutables Gryffondors qui, bien qu'étant bons derniers de la coupe des quatre maisons, pouvaient se vanter d'avoir gagné leur dernier match face aux blaireaux.

Cruz ne jouait pas dans l'équipe de Quidditch, elle avait déjà un emploi du temps bien assez chargé comme cela. Et puis, entre nous, elle cotoyait bien assez Savannah par mégarde sans en plus s'infliger ça consciemment ... Cependant, l'Espagnole ne pouvait s'empêcher de stresser comme si elle s'apprêtait à enfourcher sur son balai. Si sa maison perdait encore un match, les Serpentards pouvaient dire adieu à la coupe de Quidditch. L'égo déjà pas mal abîmé de Cruz n'était pas prêt à envisager la chose et encore moins à la supporter. C'est pourquoi la jeune femme était descendue dans le parc pour prendre l'air. Elle avait besoin de se changer les idées et de réfléchir aux différents stratagèmes possibles pour remonter dans le classement. Il faisait froid, dehors mais il n'y avait pas de neige. Tout était mort, tout était gris, tout était moche. Pas franchement un temps de victoire, si vous voulez mon avis. Le vent faisait virevolter les longs cheveux de Cruz derrière elle, tandis qu'une mèche était enroulée autour de son index et qu'elle se mordillait la lèvre inférieure. Typique d'une Rosewood stressée. Elle n'avait pas encore décidée si elle se rendrait au match : si c'était le cas, il faudrait qu'elle rentre au château se changer. Son jean slim bleu clair et son blouson bordeaux ne lui donnaient clairement pas l'allure d'une supporter des serpents. Alors qu'elle songeait justement à se diriger vers le château, la jeune femme remarqua une silhouette familière en sortir. « Tiens, serait-ce le sauveur des Serpentards qui se dirige vers sa toute première mission ? » Héla Cruz, en s'approchant de la personne. Elle connaissait bien le jeune homme qui se dirigeait vers elle, balai dans une main et pull de Quidditch sur les épaules. Luca Pumpkin, la nouvelle recrue au post de gardien. « T'es au courant que t'as deux bonnes heures d'avance, Trésor ? » Le taquina gentiment la jeune femme. Elle connaissait le septième année depuis plusieurs années maintenant et jamais elle n'aurait pensé qu'un match lui tiendrait à cœur au point de s'y pointer en avance. Comme quoi, on ne connait jamais vraiment les gens.

Le nouveau gardien des Serpentards aperçut enfin la préfète lorsque cette dernière lui adressa la parole. Il tourna la tête vers le brune, d'un air plus que blasé. Il semblait vraiment ravi d'apercevoir Cruz, non franchement ça faisait plaisir à voir. Si la jeune femme était du genre à écouter son caractère à la con, elle l'aurait royalement ignoré et serait rentrée au château. Non mais, depuis quand avait-il l'air aussi indifférent à sa présence ? La dernière fois qu'ils s'étaient parlés pourtant, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il avait été beaucoup plus chaleureux avec elle. La faute au stress d'avant match, cette fois ci ? Peut-être, car Cruz était quasiment certaine de n'avoir jamais vu le septième année angoisser pour un évènement sur le point de se produite. Genre un match de Quidditch important, au hasard. C'est sûr que ça devait pas être évident de débarquer dans une équipe en plein milieu d'une saison qui a déjà mal commencé. Mais bon, le Serpentard n'était pas du genre à se laisser intimider par si peu, du moins c'est ce que l'Espagnole pensait. Celui-ci se dirigea vers Cruz et accueillit ses taquineries en haussant les sourcils, avant de rehausser le balai qu'il tenait par le manche, avec autant de chaleur qu'un glacier. « Nan, c’est vrai ? » Ah tout de même, Monsieur n'avait pas perdu sa langue. Ni son sarcasme habituel, d'ailleurs. Pas de quoi s'inquiéter : visiblement, Luca Pumpkin était bien toujours le même mec absolument détestable, horripilant, provocant et diablement sexy. « On se voit dans deux heures alors. Oublies-pas d’crier mon nom. » Enfin un sourire, il s'était fait attendre celui là. Et fallait dire ce qui était, le visage de Luca était quand même beaucoup plus plaisant à regarder quand il souriait. Pas qu'il soit déplaisant le reste du temps d'ailleurs ... mais vous m'avez comprise ! « Et pour récompenser ta super performance, tu veux que je te lance ma petite culotte aussi ? » Cruz emploie le même ton mutin que son camarade, un sourire espiègle sur les lèvres et les sourcils haussés d'un air mi-septique mi-amusé. Voilà une remarque qui, sortie de son contexte, pourrait faire grand bruit. C'était fait exprès, après tout savoir manier l'art du double sens était un plus en tant que préfète, non ? Cruz sait que Luca captera tout de suite le double emploi de sa question, peut-être que cela maintiendra son sourire encore quelques instants.

Cependant, le septième année semblait décider à ne pas s'attarder trop longtemps avec la brune. Il passa à côté d'elle, assez près pour frôler son épaule avec son torse - merci à l'énorme différence de taille entre nos deux lascars. Un frôlement qui n'est pas sans rappeler à Cruz la tournure qu'avait pris leur discussion dans la salle commune. Une parenthèse dans la routine, dans le train-train quotidien de leurs vies. Un souvenir. Luca avance de quelques pas encore, faisant mine de partir, puis se retourne. « Ouais au fait, au cas où c’est pas clair pour toi, le Trésor va s’entraîner un peu avant la branlée qui l’attend. » Cruz hausse un sourcil inquisiteur en entendant les propos que tient son camarade. Son ton taquin avait complètement disparu, ce qui était pour le moins rare avec Luca. Tout comme cette curieuse façon de se dénigrer en faisant passer cela pour une plaisanterie. Est-ce que c'était vraiment ça ou est-ce que Cruz cherchait trop loin ? Ce n'était peut-être qu'une plaisanterie après tout, un moyen de la faire démarrer au quart de tour. Faudrait être aveugle pour pas capter que ce match lui tient à coeur. « On n'a pas intérêt à perdre. Sinon je m'occupe de toi personnellement, et t'as vraiment pas envie de ça. » Répond la préfète sur le même ton calme, avec un sourire. C'est plus une manière de plaisanter du côté tyrannique de la préfète que de vraiment mettre la pression à Luca. D'ailleurs, je ne serais pas étonnée qu'un tête à tête avec Cruz lui fasse plus plaisir que peur ... « Et puis, avec tes mains immenses je vois pas comment tu pourrais laisser passer le souafle. » Souvenir d'une de ces mêmes mains, posée contre la peau tiède de la préfète, lui procurant une sensation glacée au dessus de la hanche. Un moment interdit, comme tant d'autres. Une anecdote qui réveillait en Cruz de drôles de sensations.

« Déjà, qu'on gagne ou qu'on perde, on sait tous les deux que la préfète nous prendra à part. » Dit il en avançant d'un pas vers Cruz. Cette dernière ne peut définitivement pas nier les faits qui lui sont reprochés. Elle est comme ça, Cruz, il faut qu'elle contrôle tout. Qu'elle maintienne sa maison au niveau d'excellence qui est le sien. Et s'il fallait mentir, tricher, crier pour qu'il en soit ainsi, alors la jeune femme n'hésitait pas. Surtout pousser des gueulantes à tout va, c'était son truc favori. Tellement mauvaise perdante qu'après leur défaite au dernier match, la sixième année avait cherché par tous les moyens une erreur dans l'arbitrage, une faille pouvant expliquer cette issue minable. En vain. Alors sa colère s'était tournée vers Savannah. La capitaine de l'équipe des Serpentards et, surtout, l'attrapeuse qui n'avait pas été foutue de refermer ses doigts sur ce vif d'or à la con. Déjà que les deux jeunes femmes ne s'entendaient pas, cette défaite avait définitivement enfoncé le clou. Cruz la détestait du plus profond de son cœur. Et elle espérait bien que, cette fois-ci, la Caldwell allait se décider à se bouger et à faire son job d'attrapeuse. Déjà qu'ils avaient un boulet dans l'équipe, pas besoin d'en avoir un autre en la personne de leur nouvelle recrue au poste de gardien - c'est à dire Luca. S'il conduisait leur équipe à la défaite, Cruz ne lui trouverait aucune excuse. A lui encore moins qu'aux autres. « Qu'on gagne ou qu'on perde, je ne prend à part que les responsables. A toi de voir quel cas de figure est préférable. » Cruz croise les bras sur sa poitrine. Son ton est neutre, mais ferme. Elle ne joue plus, là. C'est une mise en garde : elle ne lui fera pas de cadeaux s'il se plante. Est-ce qu'il en faisait, lui, des cadeaux aux filles qui avaient eu le malheur de tomber sous son charme ? Heureusement que Cruz était bien au dessus de tout ça. Rien ne pouvait la détourner de la victoire, pas même les beaux yeux d'un petit con prétentieux. Aussi bleus et perçants soient ils. Ils l'avaient d'ailleurs bien assez déconcentrée lors de sa dernière conversation avec le septième année.

« En tout cas, avec mes grandes mains j’devrais avoir aucun mal à attraper ta petite culotte alors. » Et voilà qu'il repart à la charge, avec cet éternel sourire taquin aux coins des lèvres. Cruz ne peut s'en empêcher, elle arque un sourcil surpris. Il n'est pas en général celui qui lance les hostilités. D'habitude, il se contente de contrer les avances de Cruz ou alors de la pousser toujours plus loin dans son jeu : peu importe, le résultat est toujours le même. Il la rejette, lui fait comprendre qu'elle n'arrivera jamais à gagner à ce petit jeu là. Pas avec lui comme adversaire. Est-ce que j'ai précisé que Cruz détestait perdre ? Cela faisait maintenant plusieurs années qu'elle ramassait à chaque fois sa fierté, un peu plus émiettée à chaque nouvelle confrontation. Et voilà que maintenant, Luca se mettait à attaquer lui aussi. Non pas que la brune soit déçue de la chose. Au contraire, c'est bien ce qu'elle espère à chaque fois qu'elle s'adonne à ce jeu tordu. Mais, bizarrement, avoir enfin ce qu'elle miroite depuis des années ne lui fait pas autant plaisir qu'elle ne l'aurait cru. « J'ai jamais dit que j'acceptais de te la lancer. » Ton neutre, la jeune femme clos immédiatement le débat. Flemme d'être encore celle qui se prend un mur en pleine tronche. Celle qui se ramasse encore et encore parce qu'un mec a décidé qu'il ne céderait pas. Bah peut-être qu'elle n'avait pas envie qu'il cède au final. Peut-être qu'à force de se laisser désirer, le désir était parti. « Si tu la veux, il faudra venir la chercher. » Ce qui n'empêche pas Cruz de déclamer une ultime provocation. C'est plus un ultimatum qu'une vraie proposition : soit tu me prouves que ça vaut la peine de continuer à jouer, soit on s'arrête. Cruz était lassée. Elle avait d'autres chats à fouetter et d'autres mecs dont se préoccuper. Peut-être que ce n'était pas si mal finalement, une petite amitié tranquille sans histoire ? Mais est-ce que leur amitié n'était pas justement basée sur cette séduction ? Un coup de vent décoiffe Cruz, elle frisonne. De froid uniquement, une fois n'est pas coutume.

« Tu serais pas en train d’me poser un ultimatum, Cruz ?» La jeune femme reste interdite face à cette question prononcée sur un ton qui aurait pu paraître intimidant. Est-ce qu'elle était en train de lui poser un ultimatum ? Oui sans doute, ça devait sûrement être ça. Ce n'était franchement pas malin de sa part de faire ça à quelques heures d'un match important. Leur nouveau gardien n'avait sûrement pas besoin d'un conflit alors qu'il s'apprêtait à jouer pour la première fois. C'était pas la faute de Cruz si elle était impulsive, si une simple parole pouvait la faire changer d'humeur au quart de tour. Elle considérait avoir déjà été bien assez conciliante ces derniers années. Après tout, quel genre de nana serait assez maso pour accepter de jouer à un jeu de séduction où elle était assurée de perdre à chaque fois ? Personne, à part elle. Prise pour une conne pendant tout ce temps. C'était comme une révélation, cette discussion dans le parc. Ceci dit, peut-être qu'elle s'emballait et qu'elle amplifiait les choses comme elle le faisait à chaque fois. Ne sachant pas vraiment si elle est lassée au point de vouloir tout arrêter ou si c'est simplement une petite bouderie de passage, Cruz se contente de hausser les épaules en réponse à la question du septième année. Ouais, bien sûr qu'elle en a marre d'être toujours mise en situation d'échec, ça parait évident non ? Mais, d'un autre côté, est-ce qu'elle voulait vraiment mettre un terme à ce petit jeu ? C'était ce qui donnait tant de saveur à leur amitié, après tout. Et puis, si jamais un jour elle arrivait à gagner, qu'est-ce que cela lui apporterait ? Insoluble équation.

« A quel moment tu as arrêté de jouer ? » La questionne Luca en arquant un sourcil. Qu'est-ce que Cruz est censée comprendre par là ? Il semble tellement sérieux, tout à coup. Et quelle est la réponse à tout ça ? Est-ce que Cruz a vraiment arrêté de jouer ou a-t-elle juste décidé de mettre une petite pause ? C'était quand même particulièrement pénible de tenter à séduire un mec depuis des années - ouais parce qu'on parle en année, tant qu'à faire - et le voir devenir de plus en plus beau à chaque fois tout en s'enfermant dans cette espèce de spirale infernale qui la conduisait inéluctablement vers la défaite. Et puis il y avait eu cette discussion dans la salle commune, où la partie avait dépassé un certain stade. Ouais, Cruz osait enfin se l'avouer : elle y avait cru. Cette main au dessus de sa hanche, sa lèvre mordillée par le Serpentard ... Il y avait de quoi espérer une fin un peu plus victorieuse. Elle s'était mise en danger, parce qu'entre Luca et elle il y avait désormais Edward. Malgré tout, elle avait consentie à prendre tous les risques à ce petit jeu et tout était retombé comme un soufflet. « Au moment où je me suis rendue compte que courir après une défaite perpétuelle, c'était chiant. » Voilà, c'était dit et Cruz ne pouvait être plus claire. C'était peut-être idiot, sans doute puéril d'avouer qu'elle en avait marre de perdre. Ça ne voulait pas dire qu'elle n'aimait pas le petit jeu qui était le leur, bien au contraire. Elle adorait cette sensation qu'elle avait au creux du ventre quand elle jouait avec Luca. Ce sentiment de se diriger vers le côté obscur, si je peux appeler ça comme ça. Ce n'était certainement pas étranger à l'aspect un peu de bad boy qu'avait le Serpentard et qu'il entretenait soigneusement. La petite préfète parfaite, major de sa promo, attirée par le mec aux tatouages pas vraiment motivé par les cours mais davantage par les conneries ? Ouais c'était carrément cliché. Mais elle y pouvait rien, elle ne l'avait pas choisi. « J'aime jouer quand il y a du challenge Trésor, si tu ne m'en donnes pas j'me lasse. » Un sourire taquin renaît sur les lèvres de la jeune femme, une lueur malicieuse réapparait dans ses yeux sombres. Elle n'est pas prête à tout laisser tomber, même pas pour satisfaire son monstrueux égo. Cruz désire juste que Luca lui donne quelque chose, un petit truc pour relancer la partie. Histoire de lui donner l'illusion qu'elle pourrait s'approcher de la victoire, cette fois.

Luca semble amusé par le haussement d'épaule de Cruz. Cette dernière n'en est pas étonnée : il n'est pas con et elle connait ses facultés d'analyse. Il sait la sonder, il voit bien qu'elle même ne sait pas trop pourquoi elle a réagi comme ça. Le septième année joue avec Cruz comme il l'a toujours fait et elle, elle a l'impression que tout ce qu'elle appris depuis le début s'envole au fur et à mesure. Elle a été stupide de réagir comme ça, elle lui a donné un plan d'attaque. Et ça se confirme lorsque la jeune femme lui avoue qu'elle s'est lassée de perdre sans arrêt. Là, le Serpentard se met carrément à rire. Cruz, elle, ne rit pas du tout. Est-ce qu'il se moque d'elle là ? Elle déteste ne pas contrôler pleinement la situation. Elle a l'impression de se faire bouffer toute crue. Pas que ce soit désagréable d'être dévorée par Luca, au sens figuré de la chose, mais elle n'était pas là pour ça. Alors elle essaie de se rattraper, afin d'éviter de tout perdre avec ses conneries. Une lueur malicieuse dans le regard, un sourire aux lèvres, elle lui demande de relancer la partie. De lui donner un truc pour la motiver, l'émoustiller. Comme si son regard, son sourire, sa voix ne suffisaient pas. Comme s'il ne savait pas que, dans le fond, elle était totalement à sa merci. Luca avance d'un pas vers elle après avoir retrouvé son petit sourire en coin habituel. C'est le signal : la partie est relancée. « Je vais te prouver qu'on n'peut se lasser d’moi. » Lui dit-il en avançant encore. Un égo titanesque qui ne fait qu'accroître l'esprit joueur de Cruz. Son cœur s’accélère tandis qu'elle le voit se rapprocher. Elle se sent comme une petite chose prise au piège. Une petite colombe tout juste sortie du nid, prête à être emportée dans les serres d'un rapace. Le problème, c'est que l'instinct de survie de la blanche colombe est complètement déréglée : tout ce qu'elle désire, c'est que le rapace l'attrape et la dévore. Le septième année scrute son visage avant de fixer son regard azur dans les yeux de Cruz, cette dernière n'arrivant pas à se détacher de ce regard. Voilà qu'il laisse tomber sa robe de Quidditch à même le sol. Bordel, c'est quoi son idée tordue ?

Son regard plongé dans les yeux du jeune homme, Cruz sent qu'il lui prend la main. Une main glacée, qu'il vient réchauffer de la sienne. « Et puis, il serait dommage que tu t'arrêtes à un si bon niveau. » Poursuit Luca, en saisissant vraiment sa main après avoir joué avec ses doigts. L'espace d'une seconde, Cruz baisse le regard sur leurs mains jointes. Espace suffisant pour que Luca tire sur cette même main. Moment d'inattention qui propulse Cruz contre le torse du jeune homme. Le problème - ou l'avantage, selon le point de vue - quand il y a quarante centimètres d'écart entre deux personnes, c'est qu'il n'y a plus trop moyen de se regarder dans les yeux quand on est collé l'un à l'autre. Cruz se retrouve ainsi la tête contre le torse de Luca - enfin contre son pull mais vous avez compris. Contact qui lui fout une décharge et qui amplifie son rythme cardiaque. Clairement, il venait de prouver qu'elle ne pouvait se lasser de lui. La jeune femme en profite pour glisser sa main libre, toute aussi gelée que l'autre, sous le pull de son camarade. Œil pour œil, dent pour dent : il l'avait fait dans la salle commune, elle se permettait de le refaire maintenant. Un contact avec ses abdos qui lui permet de réchauffer sa minuscule main. « En parlant de niveau ... » Répond enfin la jolie brune, en baissant les yeux sur un endroit interdit. Le sourire est de plus en plus grand, maintenant qu'elle n'est plus déconcentrée par le regard de Luca. « Tu as raison, je suis à la hauteur idéale. » Conclut la jeune femme, en dégageant sa main de celle de son camarade. Elle se lance à l'assaut du bouton de son jean. Encore une histoire de boutons tiens ... Quand ce n'est pas la chemise, c'est le pantalon. Comme si elle avait vraiment envie de se diriger vers cet endroit convoité et obtenu par plusieurs filles avant elle - ça Cruz n'en doutait pas. Comme si elle savait ce qui l'attendait. Mais ma pauvre Cruz, tu te rappelles que tu n'y connais rien ? La colombe semble sur le point de se brûler les ailes.

S'attaquer au bouton au dessus de la braguette de Luca. Une promesse aussi lubrique qu'inconsciente. Qu'est-ce que Cruz croit au juste ? Qu'elle est capable d'aller aussi loin, dans un lieu public, aux yeux du monde ? Si Luca ne l'arrête pas, elle sera obligée de continuer. Parce qu'elle ne peut pas s'arrêter et se mettre elle-même en situation d'échec. Déterminée, ambitieuse, elle vise toujours la victoire et la première place. Quand elle joue, son cerveau se met presque en position off : plus rien ne compte, même pas ce que les langues de vipères pourraient dire sur cette scène. Inconsciente, tête brûlée, elle retrouve le frisson qu'elle ressent lorsqu'elle dépasse les limites. La jeune femme vient à bout de ce bouton en quelques instants mais, heureusement pour elle, elle n'a pas le temps d'aller plus loin. Toute affairée qu'elle était, elle n'a pas remarqué ce qu'était en train de faire Luca. Elle s'en rend compte lorsqu'elle sent l'une de ses immenses mains - oui, ça c'est un détail qui l'a marquée - se poser sur ses fesses. Un frisson ressenti qui la déconcentre quelque peu. Cruz se sent soudain décoller du sol avec autant de facilité que si elle était une plume. C'est pas comme si elle faisait un poids monstre en même temps - quarante-huit kilos en ce moment. Et là voilà qui monte jusqu'à se trouver au niveau du visage de Luca. La brune replonge son regard dans les yeux bleus de celui qui la porte. Entre Edward, Isidore, Zach et Luca, on peut dire que les regards clairs représentent l'un des points faibles de la préfète. « Si tu prenais un peu plus de hauteur avant ? T’es sûre de savoir ce que t'es en train d’faire...dans un parc, avec moi, en plein mois de Janvier ? » Lui demande Luca dans un souffle. Et là, le cerveau de l'Espagnole se remet subitement en activité. Ils sont dans un parc, aux yeux de tout le monde. Il fait pas super chaud, le match de Quidditch est dans un peu moins de deux heures. Et il y a Edward ... Quand Cruz joue, elle ne pense pas à lui. Qu'est-ce qu'il dirait s'il apprenait ? S'il les surprenait ? Et en même temps, elle n'est pas du genre à lâcher si vite. Un éclair de doute passe dans ses yeux, infime cependant. Il est rapidement remplacé par cet éternel air malicieux et une lueur de détermination. Luca essaie de la faire douter, il n'y arrivera pas. Elle est sûre de savoir ce qu'elle est en train de faire, dans un parc, avec lui, en plein mois de Janvier.

Preuve en est, un sourire se dessine sur les lèvres de Cruz tandis qu'elle entoure le buste de Luca avec ses jambes qui se referment derrière son dos. Ainsi, elle est plus stable. Ses bras viennent quant à eux se placer derrière la nuque du jeune homme pour que ses mains puissent se rejoindre. Alors, qui des deux Serpentards est pris au piège maintenant ? Il approche son visage du sien, elle ne recule pas. Il est trop tard maintenant, Luca a essayé de la stopper mais ses actions ont produit exactement l'effet inverse. « Tu n’veux pas perdre. Mais est-ce que tu te rends seulement compte de ce que tu vas devoir faire si tu veux gagner ? » Est-ce qu'elle s'en rend compte ? Ouais, certainement. Elle a eu le temps de mûrir la chose depuis le temps qu'elle s'adonne à ce petit jeu. Même si Edward est entré dans l'équation récemment, dans le fond ça ne change rien. Elle veut sa victoire depuis trop longtemps pour ne pas saisir sa chance. Ce n'est qu'un stupide jeu entre deux adolescents, ça ne peut pas avoir de conséquences. Si par malheur ça en a, tant pis. Cruz assumera. « Dois-je comprendre que tu as peur de perdre ? » Le questionne la brune en un murmure, comme pour ne pas mettre fin à cet instant. Elle se redresse, ses lèvres se rapprochent dangereusement de celles de son camarade. Juste assez pour qu'elles se frôlent. Cruz relève les yeux pour croiser le regard du septième année. Tout doute a disparu dans ses yeux, elle sait ce qu'elle veut. Une drôle de sensation se niche au bas de son ventre, comme s'il était en feu. Son regard implore. Cruz penche légèrement la tête, son nez frotte à peine celui du Serpentard. Elle baisse les yeux sur les lèvres puis les replonge dans le regard azur qui lui fait face. Que vas-tu choisir, Trésor ?

Cruz joue avec le feu. Elle ne s'est jamais autant approchée du brasier. Un peu plus et la jeune femme pourrait presque sentir les flammes lui lécher la peau. Elle sent déjà son bas ventre se consumer. La soulever pour que leurs visages soient à la même hauteur était un très mauvais choix tactique de la part de Luca. Le premier, sans doute, depuis que le jeu avait commencé. Celui qui allait très certainement lui être fatal. La brune se trouve ainsi en une position bien plus avantageuse : elle n'est plus la naine qui est obligée de se dévisser le cou pour regarder le Serpentard, obligée de se mettre sur la pointe des pieds pour espérer arriver ne serait-ce qu'à son menton. Là, Cruz est à la bonne hauteur. Elle peut commencer à jouer dans la cour des grands. Pour se stabiliser, la jeune femme passe ses jambes autour du bassin de Luca et place ses bras derrière son cou. Dans une telle position, l'un ne peut échapper à l'autre et inversement. Quoi qu'il puisse se passer, la partie est trop entamée pour déclarer forfait maintenant. Cruz en est parfaitement consciente et ça tombe bien, car elle est décidée à aller jusqu'au bout. Son impulsivité a repris le dessus sur tout le reste. Son esprit de compétition aussi. L'alliance des deux donner un cocktail détonnant. Saupoudrez le tout d'un soupçon d'attirance, et vous avez la recette d'un carnage. Et encore, je pèse mes mots. Elle se cambre pour mieux se redresser, son poids toujours soutenu par les mains de Luca placées sous ses fesses. Son nez frotte légèrement contre celui du septième année, tandis que leurs lèvres se frôlent dangereusement. Le souffle de Cruz est court, elle soutient le regard azur de son ami. L'espace d'un instant, la préfète se demande comment ils ont pu en arriver là alors qu'il y a à peine quelques instants, elle voulait tout arrêter. Peut-être que ce n'est pas qu'un jeu, finalement. Peut-être qu'elle aurait dû s'en rendre compte avant de se retrouver dans cette faucheuse posture. « Je n’ai pas peur de perdre. Au contraire, j’ai peur de gagner. » Qu'est-ce qu'il entend par là ? Il ne gagne pas lorsqu'il refuse les avances de Cruz ? Pourquoi ce subit revirement ? Le cerveau de la brune se remet soudain en marche. Elle ne peut jamais le tenir éloigné longtemps celui-là, faut toujours qu'il vienne foutre le bordel dans sa tête. Peser le pour et le contre et finalement prendre une décision. Elle n'a pas peur de perdre ni peur de gagner, alors elle tentera le tout pour le bout. Sa respiration devient saccadée. Qu'il la repousse ou qu'il la délivre enfin de cette chaleur qui l'envahit, mais qu'il fasse ça vite.

Et c'est ce qu'il fait, finalement. Ses lèvres parcourent les quelques millimètres qui les séparaient encore de celles de Cruz. Un simple baiser, sans complications. Une simplicité qui pourrait marquer la fin de leur jeu mais qui prend aussi l'allure d'un commencent. Le début d'un jeu qui pourrait s'avérer beaucoup plus périlleux. Un frisson parcourt Cruz, son coeur s'accélère. La chaleur qui lui dévore le bas ventre ne semble pas s'éteindre, bien au contraire. Luca met fin au baiser, Cruz en voudrait bien davantage. Comme si toutes les conséquences de leur petit manège n'existait pas. Comme s'il n'y avait que lui, Luca Pumpkin, bad boy tatoué, et elle, Cruz Rosewood, parfaite sur tous les plans. Juste eux et cette attirance dévorante. Le souffle de la jeune femme est saccadé et ne parvient pas à revenir à la normale. Le septième année ne l'a toujours pas déposé sur le sol. Est-ce que Cruz doit y voir là le signe que ce n'est pas fini ? Est-ce qu'elle est seulement capable de voir quelque chose, aveuglée par l'adrénaline qui coule dans ses veines ? « T'as raison d'avoir peur. » Lui répond finalement Cruz, d'une voix bien plus rauque qu'à l'accoutumée. Elle replonge ses yeux sombres dans ceux de Luca. C'est maintenant que le jeu revêt de nouvelles règles. « Dans tous les cas je perds.» Avoue finalement la brune. Un aveu de faiblesse, une délivrance aussi peut-être. Cruz se cambre davantage pour mieux prendre appui sur les mains du jeune homme, qui n'ont pas bougé d'un millimètre. Ainsi redressée, elle domine à peine son camarade. Juste assez pour rapprocher son visage du sien et s'abandonner. Un nouveau baiser, beaucoup plus passionné cette fois. La fois de trop peut-être ?

Ce baiser là n'a rien à voir avec le précédent. Toute la tension accumulée dans son petit corps, toute cette envie dévorante, cette passion presque charnelle se libèrent à travers le contact des lèvres de la jeune femme avec celles de Luca. Je n'irai pas jusqu'à dire que Cruz rêvait de ce baiser depuis qu'elle connaissait le Serpentard : ce serait mentir. Néanmoins, elle ne s'était pas adonnée à ce petit jeu de séduction sans aucune arrière pensée. Bien sûr que Luca lui plaisait, il lui avait toujours plus sinon elle n'aurait pas tenté de jouer de ses charmes avec lui. La préfète ne savait pas exactement ce qui l'attirait autant chez le septième année : son côté bad boy, ses tatouages, ses yeux bleus, son sourire, la façon qu'il a de lui résister et de la faire tourner en bourrique ... Peut-être un peu tout ça à la fois. La sensation de dépasser toutes les limites, au sens propre comme au figuré, en embrassant le jeune homme. Ce sentiment grisant de s'approcher du danger, de le toucher même. De jouer avec le feu, d'être en équilibre sur un fil et risquer de tomber à tout instant. Voilà toutes les émotions que Cruz ressent lors de ce baiser. Un peu d'appréhension aussi, dans le fond. Si jamais elle s'était trop prise au jeu et que son camarade la repoussait, pas sûr que son ego s'en remette. Pas sûre qu'elle s'en remette tout court d'ailleurs. Malgré l'habitude, elle avait toujours aussi peur de l'abandon sous quelque forme que ce soit.

Heureusement - ou malheureusement, toujours selon le point de vue - Luca n'en fit rien. Alors que le baiser de Cruz est sur le point de prendre fin, le septième année le lui rend enfin. Il est tout aussi passionné que celui de la préfète, mais cela reste une fougue différente. Là où Cruz se laisse emporter par ses émotions et joue un jeu qu'elle ne maîtrise pas vraiment, Luca a davantage d'expérience. Un baiser hésitant d'une jeune femme en pleine découverte face à celui d'un séducteur qui a fait succomber plusieurs demoiselles avant Cruz. Les forces en présence ne sont clairement pas les mêmes et, pourtant, on a l'impression que le match se solde sur un nul. Alors que Luca continue de l'embrasser, la brune se sent doucement glisser le long de son corps. Frottement langoureux qui ne manque pas de la faire frisonner tandis que ce baiser lui donne des décharges. Est-ce que c'est vraiment possible de désirer à ce point quelqu'un qu'on connait depuis si longtemps ? Les mains de Cruz sont restées jointes derrière la nuque du Serpentard, ce qui oblige ce dernier à se baisser à mesure que la sixième année descend. La main droite de Luca remonte lentement dans son dos pour finalement se placer derrière son crâne et le maintenir. Enfin, Cruz finit par poser les pieds au sol. Impossible de dire combien de temps elle est restée soulevée du sol. Sans doute quelques minutes qui semblent être passées aussi vite que des secondes tout en ayant duré des heures. Enfin, le baiser de Luca meurt sur les lèvres de Cruz tandis que le jeune homme se détache lentement d'elle. La main qui était précédemment derrière sa tête vient se glisser sur sa joue tandis que l'autre main de Luca se place sur le bas du dos de la préfète. Nouveau frisson. Cruz le regarde sourire un instant, un sourire sincère qui devient contagieux. Son coeur tambourine encore dans sa poitrine tandis que sa respiration ne semble pas décidée à se calmer. Le visage de Luca est encore bien trop proche du sien pour que l'effet qu'il a sur Cruz se dissipe. « Ex Aequo. » Prononce finalement le jeune homme sur un ton qui trahit le plaisir qu'il a pris dans ce baiser. Il n'est pas le seul, d'ailleurs. Une lueur malicieuse renait dans les yeux de Cruz : pour une fois, elle n'est pas la perdante de l'histoire. Du moins, c'est ce qu'elle a l'audace de croire. « J’dois y aller Cruz... Je dois vraiment m’entraîner avant l’match. » Finit par dire le nouveau gardien des Serpentards. Ça y est, c'est bel et bien fini. Il est temps que chacun reparte de son côté et fasse comme si rien ne s'était passé. Comme si c'était si simple. Ce départ est bien moins brutal que le précédemment, dans la salle commune, et Cruz le comprend tout à fait. Il a besoin de s'entraîner, il était venu pour ça à la base. Et hors de question de perdre par sa faute.« J'espère que tu n'auras pas peur de gagner, ce coup ci ! » Lui répond la jeune femme avec un sourire taquin. Juste une petite référence aux mots prononcés par le septième année quelques minutes plus tôt, dans un contexte bien différent. Juste une petite taquinerie entre deux amis de longue date. Cruz commence à reprendre ses moyens, son souffle est redevenu normal. Luca vient d'enlever sa main gauche du haut des fesses de la brune. « Après tout, tu l'as dis toi-même, je dois gérer un minimum si j’veux pas avoir à faire à la tyrante. » La remarque de son camarade provoque un éclat de rire chez Cruz. Le genre de rire sincère, qu'on ne contrôle pas et qui ressemblait à celui d'une enfant. Même si elle n'était clairement plus assez innocente pour en être une. Cruz se plait à penser que ça ne la dérangerait pas le moins du monde, de devoir prendre Luca à part une fois le match terminé. De le rejoindre dans les vestiaires, de le chercher comme à son habitude ... Et plus si affinités. « C'est ça, fais comme si ça ne te ferait pas un chouia plaisir. » Lui répond elle sur un ton impertinent, en fronçant légèrement le nez. Une façon comme une autre de faire remarquer à Luca que sa préfète n'est pas non plus tombée de la dernière pluie et qu'elle a bien capté que cet instant d'intimité ne lui a pas déplu. Elle passe une main dans ses cheveux pour les remettre en place puis enfonce ses mains dans les poches arrières de son jean. A l'endroit même où se tenait les mains de Luca, précédemment. Souvenir qui donne des palpitations. « Peut-être bien que je te lancerai ma culotte, finalement. » Conclut Cruz avec un clin d'oeil en reculant un peu, sans quitter le jeune homme des yeux. Une façon un peu particulière de lui souhaiter bonne chance et de lui confier qu'elle sera dans les gradins, prête à encourager son équipe. A moins que ce ne soit là la promesse d'un moment encore plus intime et passionnel que celui qu'ils venaient de vivre ? Peut-être que les deux adolescents ne le sauraient jamais. Il était temps pour Luca d'aller s'entraîner et, pour Cruz, de se remettre de ses émotions. C'est marrant comme l'on pouvait avoir chaud, même en plein mois de Janvier.