Vendredi soir… Liu Xi n’avait jamais réellement était touchée par le syndrome dieu merci, c’est vendredi avant d’arriver à Poudlard. Lorsqu’elle était herboriste, elle travaillait bien souvent du lundi au samedi et quand bien même la boutique n’était pas ouverte le dimanche, il n’était pas rare qu’elle passe du temps au jardin. Ici les choses étaient différentes, le rythme plus lent… Pourtant, elle appréciait lorsqu’arrivait le vendredi soir. Elle savait que pour deux jours, elle aurait un peu de temps pour ne plus être face à une classe. Elle commençait à se sentir plus à l’aise dans l’enseignement, d’une part parce qu’elle connaissait maintenant ses élèves, de l’autre parce qu’elle s’était rapidement améliorée en sortilège grâce à l’aide du professeur Winslow. Elle prenait doucement confiance. Pourtant, elle restait quelqu’un d’assez solitaire, avec un besoin de calme. Etre en représentation toute la journée l’épuisait, elle n’était pas mécontente de pouvoir se ressourcer le weekend arrivant.

Cela ne voulait pas dire qu’elle bâillait aux corneilles pour autant : elle prenait plaisir à explorer la forêt et à répertorier les différentes espèces, elle corrigeait les copies et préparait les cours. Bien souvent, elle ne pouvait s’empêcher de réfléchir à quelques recettes de tisanes ou à remèdes pour l’hiver… Et quand venait l’heure de se détendre, elle appréciait de bouquiner au coin du feu, son gros chat ronronnant à ses côtés, et ne manquait pas de s’entraîner à l’épée Wudong … Liu Xi avait toujours été sportive, mais le temps dont elle disposait au château lui permettait de s’adonner d’autant plus à ce petit plaisir. Elle courait régulièrement le matin avant de s’occuper des serres, et terminait systématiquement sa journée par une séance de Qi Gong ou de méditation, si elle était vraiment trop épuisée pour jouer les acrobates.

Mais ce soir, elle se sentait un peu…pas nerveuse, mais agitée. Trop pour méditer, mais c’était un état parfait pour profiter des bénéfices d’une séance d’étirements. Cela demandait de la précision et du calme. Elle commença par une posture d’enracinement pour assoir son équilibre, puis enchaîna sur l’archer. Il s’agissait d’écarter les pieds de quatre-vingt centimètres, de plier les genoux à moitié, avant de reproduire le geste d’un archer bandant son arc et relâchant la corde pour viser un aigle. Elle continua avec la position dite de l’oiseau se posant sur un rocher, une jambe relevée telle une grue ou un héron. Quand elle se fût lassée des divers enchaînements, elle se sentait ma foi plus détendue, mais pas apaisée pour autant. Alors, elle attrapa un recueil de poésie, le feuilletant un peu au hasard, s’arrêtant sur l’Albatros de Baudelaire ou la Panthère de Rilke… Comme eux, elle avait besoin d’un peu de liberté. Le château lui paraissait parfois étouffant avec ses grandes enceintes et son obligation de présence…

Alors, elle décida tout simplement de sortir… Tampis pour la brume et la fraîcheur, elle avait envie de grand air. Elle s’emballa dans un gigantesque plaid tartan, embarqua une besace avec son recueil de poèmes et une thermos de thé et se mit en route vers le lac. Sur le chemin, elle se prit à observer la silhouette du château, ici point de colombes ou de pigeons dans la volière comme au moyen-âge, mais de majestueux hiboux. Elle aurait aimé pouvoir prendre une photo, pour montrer à ses parents à quoi ressemblait la magie vue d’ici… Un immense château éclairé par les flambeaux, nimbés de brume et ses lumières se reflétant à la surface du lac. Elle n’oublierait probablement jamais son ancienne vie, et elle certains aspects lui manqueraient toujours, mais en cet instant, elle n’y pensait pas : c’était tout simplement magnifique et plein de mystères. Il y avait encore tant à découvrir pour elle ici ! Elle observa encore quelques instants la scène et reprit sa route… Cendre sur ses talons. « Eh ben alors ? Toi non plus tu n’as pas envie de rester au chaud ce soir ? » lui demanda-t-elle alors qu’il s’enroulait autour de ses chevilles. Elle flatta doucement la toison du chat norvégien, qui trottina ensuite à ses côtés.

Une lumière orangée semblait briller un peu plus loin sur la berge, à l’orée de la forêt, était-ce un feu ? Curieuse Liu Xi s’approcha… elle reconnut la silhouette du professeur de soin aux créatures magiques. Williams Hammond. Lui aussi était nouveau cette année…et très réservé. A force de finir par se croiser aux abords des serres, de la forêt ou lorsque la jeune femme courait le matin, ils avaient fini par sympathiser. C’était un soulagement pour Liu Xi, car elle avait encore un peu de mal à se lier à ses autres collègues. Si la discussion était aisée avec Blake, elle se sentait toujours un peu embarrassée devant Winslow, et impressionnée par Morgana. Mais tout doucement, elle commençait à s’habituer. Avec Williams c’était différent, il connaissait l’attrait de la forêt, avait parcouru le monde, et avait expérimenté ce sentiment de grande liberté…mais ce n’était pas un grand bavard, ni un grand plaisantin. Lui aussi était calme et parfois solitaire.

Arrivée à proximité, elle le salua, pendant que Cendre, qui avait bien senti là un grand ami des bêtes et quelques caresses ou marque d’attention à grappiller, vint s’assoir à côté de lui. « Bonsoir Williams ! Je peux te tenir compagnie ? Je tourne un rond comme un lion en cage ce soir. » dit-elle en faisant voleté jusqu’à elle une branche qui traînait un peu plus loin pour lui servir de fauteuil. Elle s’installa confortablement lovée dans son plaid et sortit sa thermos de sa besace : « j’ai du thé en échange. Bon d’accord, c’est peut-être un peu … léger pour un vendredi soir… ta semaine s’est bien passée ?» demanda-t-elle avec un sourire. Si son collègue n’était pas d’humeur à faire la conversation, elle se contenterait de partager son feu et d’ouvrir son livre… Elle n’était pas du genre à s’imposer.

Liu Xi sourit… Williams semblait un homme tout à fait différent lorsqu’il était en compagnie de ses créatures. Il était détendu et pouvait en parler pendant des heures. Ce qui ne dérangeait absolument pas la jeune femme, elle pouvait parler des heures de plantes, et elle aimait la compagnie des animaux, magiques ou non. Il suffisait des les observer, de se tenir à bonne distance d’eux pendant quelques temps pour apprendre à la connaître et peut-être les apprivoiser. Les relations étaient simples, vraies. Plus simple qu’avec ses congénères en tout cas. Son chat semblait également appréciait le professeur, profitant de quelques gratouilles avant d’observer avec curiosité les niffleurs nichés dans ses cheveux et son écharpe.
« Je te remercie ! » Elle repéra une bûche un peu plus loin et la fit voleté jusqu’à elle avant de s’installer dessus. Il n’était pas utile de se tremper le derrière, même s’il y avait un feu. « Parfois, quatre murs même majestueux sont toujours quatre murs de trop… » dit-elle simplement. Avant les événements, lorsqu’elle était herboriste, elle avait l’habitude des longues randonnées le week-end, de pouvoir être libre de ses mouvements lorsqu’elle disposait d’un peu de temps libre. Maintenant, elle disposait de temps libre, mais d’un espace limité. Elle avait parfois un peu de mal à s’y faire. La jeune femme déposa sa thermos à proximité du feu pour la maintenir au chaud, l’inox étincelant à la lumière des flammes. Elle fit apparaître une seconde tasse de sa baguette et servit la boisson. « Oh je prends avec plaisir la chaleur, et je leur laisse le lait : moi j’ai fini ma croissance depuis un moment » dit-elle en riant. « Alors tu joues les papas poules ? » dit-elle en approchant ses doigts de l’un des niffleurs, lui laissant tout le loisir de sentir son odeur et de faire connaissance avant de gratouiller sa tête. Ces bestioles étaient vraiment trop mignonnes…quoi qu’un peut trop chapardeuses.
Peut-être un peu jaloux, Cendre vint s’allonger de tout son long contre les pieds de sa maîtresse, battant de la queue à intervalles réguliers sans quitter du regard les petits intrus. Liu Xi enfouit ses doigts sans son pelage épais avant de reprendre une gorgée de thé chaud, bien enroulée dans son plaid. Elle rit à la remarque de Williams «Je ne m’étais jamais imaginée être professeur un jour… alors je me construis plutôt une idée ! Je suis une éternelle étudiante, regarde, j’essaye de passer un maximum de temps dans la forêt interdite pour observer les espèces qui s’y développent. C’est étrange de passer de l’autre côté. Jusqu’au mois d’août, j’étais juste une herboriste, et les élèves qui requéraient des informations étaient seulement les passionnés. Disons que maintenant, il y a les passionnés et les …autres. » dit-elle avec un sourire. Les derniers étant probablement les plus nombreux. «J’avais oublié à quel point les adolescents pouvaient être plein d’énergie et plein de ressources. … En même temps… si tu leur ramènes ces petites bestioles, comment veux-tu qu’ils résistent ?» dit-elle en tendant sa main vers l’un des adorables niffleurs. « Et qui est particulièrement intéressé et intéressant? Tu en as trop dit ou pas assez maintenant! » Elle mettrait sa main au feu que Perrin devait faire partie de la liste des grands admirateurs de Williams ou du moins de ses créatures…

La jeune femme réfléchit un instant, et décida de répondre en toute honnêteté. « oui, bien sûr, parfois ça me manque de pouvoir partir sur un coup de tête arpenter un sentier de montagne désert, mais en même temps… Quand on part de rien, enseigner est aussi une aventure en soi ! Et puis… ce n’est pas comme si j’avais manqué d’émotions fortes récemment. Cette soirée d’halloween était particulièrement étrange et dérangeante. » Elle avait bien compris la démarche du Directeur, mais elle la trouvait tout de même particulièrement violente… Heureusement, les élèves de son groupe avait un fort caractère et se remettrait probablement bien de cette aventure, mais elle doutait que ce soit le cas de tous… Elle espérait d’ailleurs réussir à en parler avec Perrin rapidement. Quant à elle-même, si sur le coup elle avait été particulièrement agacée par le déroulement de cette soirée, et déçue de ne pas avoir pu être d’une quelconque aide pour ses élèves, elle comprenait l’intérêt de cette démarche. Il fallait qu’elle redouble d’efforts pour s’améliorer en sortilèges, qu’elle continue à s’entraîner pour être plus réactive si besoin. Heureusement, elle avait toujours un coup de pied meurtrier pour ce qui concernait les planches de bois, comme pour le vélo, certaines choses ne s’oubliaient pas. Cela la sauvait un peu de cette impression d’avoir été une incapable sur toute la ligne. Elle chassa cette pensée et interrogea Williams à son tour. « Et toi, ça ne te manque pas de parcourir le monde ? ».