La petite Flores a eu une enfance assez facile. Pourrie gâtée jusqu'à la moelle, élevée par un papa médecin et une mère politicienne, il est évident qu'elle n'a jamais manqué de rien. À 8 ans, elle possédait déjà une carte bancaire ainsi qu'une carte de crédit (bien qu'elle n'en avait légalement pas l'âge, sa mère en avait fait une à son propre nom et l'avait donné à la gamine, pour qu'elle puisse toujours s'offrir ce qu'elle veut sans avoir à demander). Quelle meilleure preuve «d'amour» peut-on offrir à son enfant que des cadeaux à volonté? C'était, sommes toute, leurs seules marques de tendresses, d'ailleurs, mais cela est une autre histoire. Même pour son nom, elle avait le droit de choisir : alors que papa voulait l'appeler Trisha et maman préférait Sheireen, ils se sont entendus pour lui donner les deux et la laisser choisir sa préférence. Pendant la majeure partie de sa jeune vie, en véritable «fifille à papa», la gamine préférait se faire appeler Trisha en toutes circonstances, à l'école, avec ses amis, etc. Seule sa mère utilisait donc son premier prénom.

Elle a toujours été une gamine brillante, pour cela il n'aurait certainement pas fallu qu'elle déçoive la famille : la haute éducation reçue par ses parents lui faisait pression, elle n'avait pas le choix de faire au moins aussi bien qu'eux, comme la plupart des enfants dans la même situation. Pourtant, pour Trisha, ce n'était pas bien difficile, elle réussissait toujours avec un minimum d'efforts, au grand dam de ses enseignants. Étudiant au privé depuis son plus jeune âge, la demoiselle a développé un caractère à la limite de l'arrogance un peu trop tôt, se sachant «meilleure» que les autres : mieux habillée, mieux éduquée, mieux... tout. Et elle ne s'en cachait pas. Bien sûr, même à la petite école, elle était déjà considérée comme la «fille populaire» que tout le monde souhaitait avoir comme copine et se plaisait à avoir le droit de... les «sélectionner» selon ses propres préférences. Bien sûr, elle était donc énormément détestée pour cela, mais ça lui passait loin au-dessus de la tête. Après tout... les interventions de ses enseignants ne suffisaient pas à la changer, de toute façon, qu'avaient-ils à lui reprocher? Elle était, après tout, presque toujours première de classe, même si elle lambinait, discutait en classe, envoyait des textos sous le nez des adultes, etc. Et pour ses parents, c'était exactement la même chose : leur fille, leur seule et unique enfant, leur petite perle parfaite... Bien sûr qu'ils allaient la défendre devant la direction pour ses problèmes de comportement! Après tout... N'était-elle pas parfaite?

Trisha, elle, l'a longtemps cru...


L'été de ses onze ans, alors qu'elle se préparait pour la plus GRANDE étape de sa VIE (enfin, quand on a onze ans...), soit l'entrée au collège, qui allait, bien entendu, être le meilleur collège de Londres, un bout de parchemin, un oiseau et une vérité inattendue allaient changer l'enfant parfaite en... erreur.

Mais revenons d'abord en arrière sur un détail : presque parfaite. Les parents de Trisha lui trouvaient bel et bien un petit défaut un peu agaçant qu'ils tentaient de corriger de leur mieux : son plaisir de la lecture. Oh, lire n'est pas mal en soi, au contraire, ils lui avaient appris l'alphabet bien avant son entrée en maternelle, là n'est pas la question! C'était ce qu'elle choisissait de lire qui les embêtait. Pour eux, outre les journaux de nouvelles et les documentaires sérieux, rien ne valait la peine d'être lu. La voir perdre son temps avec des bandes dessinées ou des romans fictifs les irritait au plus haut point. Mais le pire, ce fut lorsqu'elle se découvrit une passion pour les univers fantastiques et merveilleux, qu'elle se plus à la lecture du Seigneur des anneaux ou encore (qu'elle horreur!) lorsqu'elle mit le nez la collection Eragon. Vraiment, des dragons? Et puis quoi encore, des licornes peut-être? Ce jour-là, les parents de Trisha lui interdirent toute lecture autre qu'éducative, pour qu'elle ne se «ruine» pas l'esprit avec de telles balivernes.

Donc, pour en revenir à la lettre... Bien sûr, ce fut un choc, pendant les premières secondes, alors que, excitée comme une puce de découvrir qu'elle était une sorcière, Trisha ne cessait de s'agiter dans la cuisine (ON NE JOUE PAS À TABLE!). Passée la surprise, son père se moqua sarcastiquement, jeta la lettre au recyclage en lui demandant de ne plus jamais leur faire une farce aussi puérile, et se mit à commenter les élections ministérielles à venir avec sa femme. Abasourdie, la jeune fille ne sut que répondre à ses parents, qui ne lui portaient même plus attention. Bien sûr, elle avait hâte de rentrer dans sa nouvelle école, avait passé l'année à préparer son entrée au collège, l'été à refaire sa garde-robe! Mais... Cette lettre n'était pas une blague!

Pas d'elle en tout cas!

Dès qu'elle sut qu'on ne lui portait plus attention, Trisha récupéra la lettre dans le bac de récupération et l'emporta dans sa chambre, pour l'étudier convenablement. Ayant toujours été particulièrement rêveuse, la jeune fille n'arrivait pas à croire qu'il s'agissait d'une blague d'un de ses copains pour lui jouer un tour. Cette lettre semblait si authentique... et sans que ce soit un jugement sur ses amis (quoi que...) elle doutait franchement que l'un d'entre eux ait suffisamment d'imagination pour préparer un truc pareil. Puisque, pour les «enfants sorciers nés de parents non-sorciers» comme elle, il y avait des indications supplémentaires comme comment trouver les effets de leur liste d'achats, elle prétendit le lendemain sortir avec des copines pour une journée de «courses en ville», avant de partir suivre les indications l’emmenant en chaudron baveur. Là-bas, en montrant sa lettre pour Poudlard, la née-moldue compris que ce n'était pas une blague, puisqu'on la fit passer à l'arrière pour lui ouvrir le passage du chemin de traverse. Une aimable sorcière prit la peine de lui expliquer qu'elle pouvait échanger son argent moldu à Gringotts, et la gamine fit elle-même ses courses pour sa rentrée. Heureusement qu'elle avait prévu sortir de l'argent comptant au guichet avant de passer du côté sorciers, ces gens avaient l'air de n'avoir jamais vu la technologie!

N'empêche, cet univers lui semblait fascinant, et Trisha se sentait privilégiée d'y être admise alors qu'elle avait toujours ignoré l'existence de la magie (enfin, en dehors des bouquins). Lorsqu'elle revint à la maison, avec les preuves irréfutables que la lettre disait vrai, ses parents ne surent comment réagir, et ne lui adressèrent pas la parole de la soirée. Non, de toute la semaine. Enfin pire... jusqu'à la fin des vacances. Ce n'était pas bien grave, elle avait l'habitude, à la maison, d'être solitaire, et se mis plutôt le nez dans ses nouveaux livres d'école, afin d'en savoir le plus possible sur le monde magique avant de s'y rendre pour de bon...


Cet été-là fut long, les parents de Trisha ne comprenaient pas pourquoi elle tenait tant à abandonner ses chances de devenir une «vraie» personne en allant à une «vraie» institution renommée, pour faire de «vraies» choses comme eux. Ils la traitaient d'ingrate, de folle, de lunatique, ont tenté de l'empêcher d'aller prendre le train. Mais ils n'avaient pas annulé sa carte de crédit... Le matin qu'elle devait partir pour Poudlard, la jeune fille laissa un mot à ses parents en leur promettant qu'elle leur écrirait souvent pour les rassurer sur comment ça se passait là-bas, et leur prouver qu'elle pouvait faire de grandes choses. Elle n'avait pas compris que, à leurs yeux, elle gâchait sa vie en croyant à des sottises et qu'elle venait de salir leur nom.

Habituée à être la fille populaire de son école et être entourée d'une tonne d'amis, Trisha ne changea nullement son attitude en entrant à Poudlard. Elle était parfaite, tout le monde l'aimerait, nécessairement... Eh ben non. Personne ne voulait tenir compagnie à celle qu'on appelait déjà «la peste», et cela sans compter les moqueries à propos de son sang qu'elle mit beaucoup de temps à comprendre. D'ailleurs, le fait qu'elle était une sorcière dans une famille de «moldus» commençait à lui coûter cher à mesure que les semaines passaient, car bien qu'elle faisait tout pour réussir dans ses cours (et leur prouver à tous, incluant ses parents, qu'ils avaient tord de la sous-estimer), les BSPB lui font particulièrement la vie dure, avec leurs décrets de plus en plus sévères contre les nés-moldus. Elle était donc une sale? Une ratée? Ne méritait pas sa présence à Poudlard? La jeune fille passa plusieurs soirées à pleurer dans son dortoir, elle qui était habituée d'être sur un piédestal, se voyait traitée comme de la vermine. Elle aurait pu être forte, garder la tête haute malgré tout, si seulement ses parents l'avaient encouragée... Mais au contraire, elle n'avait reçu aucune réponse aux nombreuses lettres (d'abord pour s'enthousiasmer de son nouvel environnement, puis se plaindre de sa situation) qu'elle leur envoyait depuis le jour un. Ses notes chutèrent drastiquement, n'ayant plus le coeur d'étudier devant la discrimination qu'elle subissait, et alors que s'approchaient les vacances de Noël, Trisha se jura de ne plus jamais remettre les pieds dans cette école, même si elle avait la chance d'y réaliser ses rêves les plus fous.

Avec un peu de chance, ses parents seraient tellement ravis de son changement d'idée qu'ils feraient des pieds et des mains pour la refaire accepter dans une véritable école digne de ce nom, et bien qu'ayant raté le premier semestre, elle pourrait toujours se rattraper en travaillant très fort, comme elle l'avait toujours fait. Oui, elle rentrerait à la maison, oublierait qu'elle était une sorcière (de toute façon, on lui avait dit qu'elle ne le méritait pas, alors à quoi bon?) et reprendrait sa vie là où elle l'avait arrêté...

Le fait que sa carte de crédit ne fonctionna pas en voulant sortir du taxi aurait dû lui sonner une alarme de détresse, mais puisque son autre carte fonctionnait, Trisha ne paniqua pas immédiatement. C'est lorsqu'elle vit la pancarte «vendue» sur le terrain devant SA maison (l'immense villa de pierre blanche à la porte bleue) que son coeur tomba en miette. C'était une erreur. Ou une blague. L'adolescente se rendit à la porte, sonna, frappa, colla son nez à chaque fenêtre, pour constater que l'édifice était bel et bien vide. Ils étaient partis, et ne lui avaient pas dit où.

Seule au milieu d'une rue parmi les plus riches de la ville, traînant sa lourde valise, son chat et son taxi déjà parti, Trisha faillit céder à la panique. Puis, elle se reprit avant de marcher jusqu'à la bibliothèque municipale. Elle allait finir par trouver une explication quelque part. Elle allait trouver un téléphone, appeler sur le cellulaire de papa, demander où ils étaient et... La sonnerie coupa immédiatement, le numéro n'était plus en service. Branchée à un ordinateur de la bibliothèque, son chat caché dans son t-shirt (les animaux ne sont pas acceptés ici!) l'adolescente ne trouva aucune information sur la toile justifiant le départ de ses parents. En fait, elle aurait presque espéré trouver l'article sur leur mort. Voilà qui aurait tout expliqué. Aucun enfant ne souhaite la mort de ses parents, bien sûr, mais... cela est déjà plus facile à avaler que l'abandon.

Ils étaient vraiment partis. Ils reniaient leur fille unique, le monstre qu'elle était devenue au contact des sorciers. Elle n'était plus rien, et n'avait plus personne.

En désespoir de cause, Trisha se souvint de sa carte bancaire qui avait fonctionné dans le taxi. En quelques cliques, elle découvrit qu'une personne, au moins, ne l'avait pas oubliée. Dans son relevé de compte, un énorme, monumentalesque, montant avait été déposé au début octobre. Elle aurait pu compter, évaluer combien de temps elle pouvait tenir avec cette fortune, mais elle préférait ignorer ce que cela signifiait, se dire que ce n'était pas un adieu, et son regard se posa plutôt sur l'autre série de chiffres, celle indiquant le compte de provenance du transfert. Parce qu'elle avait vu ce nombre quantité de fois, elle sut immédiatement qu'il provenait du compte de sa mère. Dans les commentaires (servant normalement à justifier la raison du transfert), quelques mots, simples, mais déchirant.

Pas pu convaincre papa. J'essaie encore. Je t'aime. Maman.


Que faire d'autre, outre de rentrer à Poudlard après Noël? Déjà, passer les vacances avait été difficile, toute seule, à tout juste onze ans. Elle ne pouvait pas tout simplement aller frapper chez une ancienne copine d'école. Pour leur dire quoi, de toute façon? Comment expliquer qu'elle n'était pas rentrée au même collège qu'elles, comme elles l'avaient prévu, qu'elle n'avait pas appelé depuis l'été, que ses parents étaient partis? En désespoir de cause, Trisha s'était rendu à un orphelinat, proposant son aide-bénévole pour préparer les repas en échange d'un toit sur sa tête. Ils n'avaient pas posé beaucoup de questions, ou en tout cas, ils ont cessé suite à son éternel mutisme. Une mignonne jeune fille, piteuse, seule, apeurée, ils en ont pris soin sans poser de question. Elle s'en veut encore d'être partie sans leur dire, le jour où elle devait retourner à la gare pour rentrer à l'école, dans son nouvel enfer. Enfin, il fallait voir ça du côté positif : ça ne pouvait pas aller en empirant, non?

Erreur.

La Brigade de Surveillance Personnelle de Blackman allait de plus en plus loin dans ses sévices pour brimer les nés-moldus comme elle, et à peine quelques semaines après son retour, Trisha fut convoquée au bureau du concierge pour être «marquée» comme du satané bétail. Évidemment, la jeune fille avait hurlé, s'était débattue, et en avait pris pour son compte en tentant de fuir, puisqu'on s'était ensuite amusé à la tabasser injustement et à la traîner par les cheveux dans les couloirs pour la donner en exemple. Cela servit de leçon aux suivants qui voulurent protester contre cette nouvelle marque d'identification pour les «sangs de bourbe».

Bientôt, deux groupes apparaissent dans l'école, l'un représentés tous ceux qui l’exècre, et l'autre voulant défendre la voix de tous. Trop jeune et débutante dans la magie, et de toute façon méprisée pour son attitude en début d'année scolaire, Trisha n'est pas invitée à participer à «l'Armée de Dumbledore», mais elle est sauvée par eux à quelques reprises. Au fur et à mesure que la fin de l'année approche, l'adolescente a de plus en plus l'impression que quelque chose de bon va ressortir de tout cela, et lorsque le directeur disparaît à la fin du dernier trimestre et est remplacé par sa prédécesseur, elle croit enfin voir une lueur d'espoir au bout du chemin tortueux de son année scolaire.

Avec des notes décevantes, Trisha réussit tout de même tous ses cours et passera en deuxième année, mais la prochaine s'annonce plus aisée avec la réforme de l'école. C'est donc le cœur un peu moins serré que l'adolescente quitte pour la seconde fois Poudlard, avec, cette fois-ci, la certitude d'y revenir en septembre.


Difficile de choisir entre la pénible perceptive d'un voyage organisé par l'ancien directeur (bien qu'il n'était plus présent) sachant qu'elle paierait encore de son rang, ou alors passer l'été à l'orphelinat. La jeune fille choisit toutefois de retourner dans le monde moldu, elle avait assez vu de sorcellerie au cours des derniers mois, et même si elle savait qu'elle rentrerait encore à Poudlard en septembre, elle avait le sentiment d'avoir besoin d'une pause de ces gens, de se retrouver toute seule avec elle-même.

À l'orphelinat, seul un autre adolescent l'a reconnu, se souvenant celle qui n'avait passé que les vacances de noël en leur présence, et posa donc beaucoup de questions, que Trisha peina à répondre sans se brûler avec la vérité. Le plus facile fut de prétendre qu'elle avait été envoyée dans un pensionnat pour enfants à problèmes, bref un internat de redressement, ce qui n'était pas tout à fait faux! Enfin, elle réussit à éviter les questions embarrassantes en l’interrogeant sur ses plans d'avenir. Après tout, Soren était presque un adulte et devrait bientôt voler de ses propres ailes. Amusé, le jeune homme lui montra le trésor qu'il cachait dans sa chambre, qu'il s'était offert avec toutes les économies de sa courte vie. Une magnifique et presque neuve machine à tatouage. Il lui avoua se pratiquer depuis longtemps sur son propre corps, mais ne tatouant que ses membres masqués par ses vêtements. Évidemment, il n'avait pas l'âge.

-Quand tu seras assez vieille, viens me voir Trish'! D'ici là, je serai certainement déjà le tatoueur le plus reconnu en ville, mais je trouverai toujours une petite disponibilité pour la «famille», la taquina-t-il avec un brin de tendresse dans la voix.

La petite sorcière faillit se mettre à pleurer, mais elle était beaucoup trop orgueilleuse pour cela. Depuis l'abandon de sa famille, Trisha ne s'était sentie proche de personne, mais il était vrai qu'elle sentait une bonne fusion avec les autres jeunes de l'orphelinat, particulièrement Soren, fier «grand-frère» protecteur de toute la ribambelle d'enfants et d'adolescents. Elle se reprit finalement en sentant la cicatrice sur sa main droite, enfoncée dans sa poche, lui démanger comme elle le faisait souvent, même si la chaire était tout à fait guérie.

-Pourquoi pas tout de suite? demanda-t-elle le plus sérieusement du monde, ce qui fit rire Soren aux éclats. Je suis sérieuse. J'en ai besoin, s'il-te-plait.

L'espace d'un instant, son aîné d'infortune continua de la dévisager, comme s'il essayait d'évaluer à quel point elle était sérieuse ou non. Bien sûr, il était hors de question qu'il lui fasse le moindre tatouage, même s'ils le cachaient, elle n'avait que douze ans! Trisha pouvait presque voir la certitude de Soren dans ses yeux, aussi sortit-elle sa main marquée de sa poche, pour la lui montrer. La certitude flancha, fit place à l'incompréhension, puis la pitié.

-Pas de pitié, Soren, s'il-te-plait. Je l'ai mérité. En fait... je me le suis infligée moi-même... mentit-elle sans la moindre honte.

Après tout, Blackman ne serait plus à Poudlard l'an prochain, c'était le temps d'un renouveau, qui lui reprochait d'avoir masqué sa marque de bétail? Pour convaincre Soren, Trisha inventa une histoire, un peu hésitante et boiteuse, mais il mit sûrement ses lacunes sur le compte de la honte. Au final, elle lui raconta une banale peine d'amour, causée par un certain Nicolas McGill, dont elle s'était gravé les initiales dans la chaire dans un excès dépressif, ce qu'elle regrettait amèrement désormais. Bien sûr, c'était complètement tiré par les cheveux, mais même s'il semblait douter des détails de sa mésaventure, son ami se sentait bien trop interpellé par sa détresse pour la laisser dans cet état.

-J'ai changé, je ne referai plus une telle bêtise, mais je ne peux plus supporter de la voir, d'avoir ses initiales sous les yeux... Je ne peux pas voir comment j'arriverai à passer au travers sans ton aide... supplia-t-elle encore, bien qu'elle voyait déjà Soren soupirer, ayant abandonné le combat.

-Personne ne doit le voir, sinon j'aurai des problèmes, tu comprends ça Trish'? Et tu me laisses choisir ce que je fais, j'ai déjà mon idée en fait.

-D'accord. Mais maintenant je préférerais que tu m'appelles Shei'. Ça fait aussi partie des changements nécessaires...


Finie la petite fille à papa qui se sentait au-dessus de tous, de toute façon, on lui avait prouvé qu'elle ne l'était pas. Son humilité avait grandi, et en deuxième année, elle choisit de recommencer à zéro. Le meilleur moyen, c'était de commencer à utiliser son premier prénom, celui choisi par sa mère, plutôt que celui utilisé par son père, la cause de son abandon. Sheireen se présenta donc avec une nouvelle attitude améliorée à Poudlard, d'abord parce qu'avec la nouvelle directrice, elle ne craignait plus les représailles sur son sang, mais surtout parce qu'elle était déterminée à être aimée et se faire des amis, cette fois-ci. Quelqu'un pour la défendre lorsque les coups durs reprendraient, si cela devait arriver.

Ce n'était quand même pas si facile, même si elle se présentait désormais en se nommant Sheireen, tous les élèves de sa classe se souvenaient trop bien de Trisha. Lorsqu'elle se retrouvait seule, l'adolescente regardait sa main droite, satisfaite d'être désormais incapable de trouver les marques «N-M» gravées dans sa chaire, même en sachant où elles se trouvaient. Soren avait fait un sacré bon boulot, entrelaçant la douce délicatesse des roses à la force sauvage des ronces, qui montaient de ses premières phalanges à son poignet. Suivant la courbe d'une des tiges, les lettres du mot «strong» lui rappelait de persévérer.

Deux ans s'écoulèrent donc, plus facilement que la première, et malgré quelques embûches, Sheireen arrive à se faire apprécier un peu plus par ses paires, liant même de fragiles amitiés. Elle se consacra surtout corps et âme à l'étude, toutefois, pour rattraper ses notes faibles de l'année précédente, et fut particulièrement fière d'elle à chaque période d'examens, prouvant que ses efforts étaient finalement récompensés. À la fin de sa troisième année, malgré de nombreuses tensions, la jeune fille est soulagée, heureuse du travail accompli, surtout sur elle-même, et certaine que la suite de sa scolarité peut se dérouler aussi agréablement si elle continue d'être forte. D'ailleurs, ayant participé aux deux activités d'été, elle a désormais l'impression de faire partie du groupe. Pour l'instant.


Quand tout va bien, il est assuré qu'à un moment où à un autre, tout s'écroule. Cela fait partie des lois fondamentales de notre univers.

La quatrième année de Sheireen s'annonçait aussi bonne que les deux précédentes, jusqu'au soir d'Halloween, où la situation tourna à la catastrophe. Se retrouvant prise dans les feux de la bataille, sans avoir toutefois le potentiel pour se défendre à son niveau, elle fut blessée au bras droit dès le début du chaos et ne dû la vie qu'à une excellente cachette dans un placard. Au travers la porte, l'adolescente assista, malgré elle, aux cris et au boucan des combats qu'elle ne pouvait aider. Bien que la douleur de la chair brûlée sur son avant-bras la faisait souffrir, la jeune fille resta cloîtrée dans son placard et fini par s'endormir, épuisée par la peur, la panique et sa brûlure.

Au matin, elle fut découverte par des élèves qui «faisaient le ménage» après les combats de la veille. Soupirant, Sheireen les remercia de l'aider à se relever, heureuse que tout soit enfin terminé et espérant être escortée à l'infirmerie... mais un garçon s'empara de sa baguette. Blackman était de retour, et les «sangs de bourbe» comme elle n'étaient plus autorisés à utiliser la magie. Le combat était terminé, mais ils avaient perdu...

L'adolescente fut escortée aux châteaux, se vit également retirer ses accès à sa maison et devint, en quelque sorte, une «esclave» aux yeux de son institution, comme les autres nés-moldus qui lui tenaient compagnie. S'il lui avait semblé que sa première année était un enfer, ce n'était rien en comparaison à celle-ci. Moins que rien, Sheireen était réduite à travailler pour le château sans magie, moins bien traitée que les elfes de maison. Mais elle avait changé, et elle avait décidé de ne plus se laisser soumettre comme la première fois. Désormais, elle se faisait un point d'honneur à soutenir ses compagnons d'infortune, parmi lesquelles elle nouant de sérieuses amitiés, surtout chez les plus jeunes, les plus fragiles. Même apprendre que le Ministère était tombé ne parvint pas à faire faiblir sa détermination. Elle avait espoir, la justice serait rendue à ceux qui souffrent.

Ah, et pour souffrir, elle souffrait. Sheireen avait dû attendre que sa brûlure guérisse naturellement, ce qui fut péniblement long considérant le manque de confort de leurs quartiers. Puis, on lui avait marqué à nouveau la peau des lettres «N-M», au poignet cette fois-ci, juste à côté de sa brûlure mal cicatrisée, pour la punir d'avoir osé essayer de la cacher. Les châtiments corporels étaient nombreux pour la quatrième année, puisqu'elle tentait de défendre les plus jeunes nés-moldus, et payait souvent en subissant leur punition à eux aussi. Ce n'était pas si pénible, de se faire taper dessus, ça elle y avait été habituée en première année. Ce qui était le plus terrible, c'était le sortilège Doloris. Il n'y a pas de mots justes pour décrire cela.

Outre la souffrance, il y avait aussi la négligence, et cela était probablement aussi difficile à vivre pour la petite princesse qu'elle avait été toute sa vie. Sa belle tignasse blonde n'avait plus l'air de rien, mal lavée et en bataille, et ses vêtements étaient tous trop grands et rapiécés, n'ayant plus la permission de porter son uniforme de Poudlard. En fait, quand Sheireen se regardait dans la glace, elle se rappelait les sans-abris sur lesquels elle levait le nez quand elle était gamine...

Lorsqu'enfin, le murmure d'une rébellion se rend aux oreilles de Sheireen, elle est, cette fois-ci, déterminée à y participer pour sauver sa peau. Des rebelles arrivent à récupérer sa baguette et l'adolescente parvint à la garder cachée jusqu'à l'heure du soulèvement, de sorte qu'elle fut de ceux qui causèrent la déroute des mangemorts.


Encouragée par le message tatoué sur sa main, Sheireen refuse de se laisser démolir. Sachant que le Ministère est toujours sous l'emprise des mangemorts et qu'elle n'est pas sauvée pour autant, la jeune fille se cache avec les autres nés-moldus et élèves psychologiquement éprouvés par Blackman dans la ferme préparée à leur effet pour remonter le moral des plus affligés. Si l'adolescente a également besoin de soutien, elle se donne surtout corps et âme pour soutenir les autres. À la fin de l'été, lorsqu'enfin, on juge la situation assez sécuritaire pour libérer les élèves, elle retrouve avec soulagement le monde moldu, son orphelinat, l'ignorance et le calme.

Bien sûr, ce ne sera que de courte durée. Malgré le calvaire enduré, elle ne va pas abandonner, il faut retourner à Poudlard, pour aider à changer les choses. Il suffit d'être forte. Encore plus forte qu'avant, même. Après une bonne coupe de cheveux, sa tignasse étant trop ruinée pour être sauvée lui allait maintenant juste sous le menton, Sheireen part à la recherche de Soren. Désormais adulte, le garçon ne fréquente plus l'orphelinat, et a bel et bien ouvert sa boutique de tatouages, comme il en rêvait. Sans trop de difficultés, la jeune sorcière retrouve son complice et «frère». Malgré les changements depuis leur dernière rencontre, il y a plus d'un an, il n'a aucune difficulté à la reconnaître et l'accueille dans ses bras. Soulagée, l'adolescente accepte enfin de pleurer, ayant retenu ses larmes toute l'année.

Un autre mensonge, moins convaincant encore que le premier, explique à Soren qu'elle s'est blessée au bras volontairement, à nouveau, dans une seconde chute de dépression. Une histoire qui ne tenait pas vraiment debout, concernant son ancien amoureux qu'elle avait retrouvé et qui l'avait à nouveau abandonné. Le jeune homme n'y croyait pas du tout, c'était évident, mais il était assez discret pour ne pas contester. Il y a des secrets qu'on ne peut pas révéler.

En franchissant les portes du grand hall de Poudlard, prête à reprendre sa quatrième année à peine commencée un an auparavant, Sheireen arborait un nouveau tatouage. Ou plutôt, la continuité du premier. Les roses et les vignes, de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel désormais, s'étendaient sur son avant-bras, masquant sa chaire calcinée et sa seconde cicatrice. En tout petit, au travers les ronces, on pouvait lire le mot «Stronger», qui la faisait toujours sourire. Encore plus forte.

Comme elle était fille unique et que ses parents l'ont reniée, Sheireen n'a plus personne à appeler «famille». Lorsqu'elle n'est pas en sortie pendant l'été avec l'école, elle passe ses vacances à l'orphelinat, ce qui lui cause beaucoup de soucis, puisqu'elle ne peut pas leur raconter pourquoi elle part toute l'année et revient seulement quelques semaines. Tous les amis qu'elle avait avant de découvrir qu'elle était une sorcière, elle les a perdus... et c'est beaucoup de sa faute.
À l'école, depuis sa toute première année, elle a eu beaucoup de difficulté à se faire des amis, à cause de son caractère en premier lieu, mais aussi son sang né-moldu. En travaillant très fort sur elle-même au cours de sa deuxième et troisième année, elle a su se faire apprécier, mais sans plus. Bien que sa quatrième année fut un véritable cauchemar, c'est sans doute là qu'elle a créé le plus de liens amicaux, entre nés-moldus, ils devaient tous se serrer les coudes... Même si elle n'est pas particulièrement enthousiaste à retourner à Poudlard cette année, et surtout à reprendre sa quatrième année, Sheireen a bien hâte de revoir ceux avec qui elle a réussi à passer au travers de l'enfer qui s'était installé à l'école l'année dernière...

Elle y était... Ce n'était pas un rêve, même si ça en avait l'air, cela était certain : bien que disposant de beaucoup d'imagination, jamais Trisha n'aurait pu, même dans ses rêves les plus fous, penser à tel décor, tels émerveillements, tel voyage, telle magie... Poudlard se dévoilait à elle comme une explosion de sensations étrangères, de lumières surnaturelles. Ce ciel artificiel, comment cela pouvait-il être possible? Comment flottaient les chandelles dans les airs? Qui allait lui déterminer sa maison?

Cela était le plus grands des mystères pour la jeune née-moldue. Elle s'était rapidement mis le nez dans son livre sur l'histoire de l'école dès qu'elle l'avait acheté, avait étudié chacune des maisons, mais même elle n'arrivait pas à déterminer laquelle des quatre lui collait le mieux à la peau. Comment un étranger pouvait-il le savoir mieux qu'elle? Lorsqu'elle comprit qu'un banal chapeau allait décider de son sort, Trisha en fut fortement déçue... Elle s'était attendue à quelque chose de plus extraordinaire, un spectacle à couper le souffle, un sortilège qui sondait son âme. Elle ne se doutait pas, évidemment, qu'elle était à peu près proche de la réalité, lorsqu'elle s'avança vers le tabouret, tête haute et sourire hautain, à l'appellation de son nom.

Malgré les apparences, elle était nerveuse, bien sûr, elle savait que les secondes suivantes détermineraient ses sept prochaines années. RIEN QUE ÇA! Aussi, repassait-elle dans sa tête ce qu'elle connaissait des quatre maisons. Poufsouffle lui semblait être une bonne maison, la constance, l'équilibre, cela lui collait bien à la peau. D'ailleurs, elle aimait travailler, réellement, et la justice lui semblait être une nécessité. Toutefois, Trisha n'était pas reconnue pour sa patience légendaire, et pour ce qui était de sa loyauté, on pouvait encore repasser... La petite n'avait même pas pris la peine d'informer ses anciennes amies de la petite école qu'elle ne les retrouverait pas au collège.

Quant à Serdaigle, bien sûr, la créativité et l'érudition, sans vouloir trop se venter, Trisha songeait y avoir sa place, elle n'était pas promise à l'un des plus grands collèges de Londres pour rien, ne manquait pas d'intelligence et avait une curiosité et un désir de connaissances très grands. Dommage que la sagesse ne lui allait absolument pas ! La maison Serpentard pouvait effrayer un peu la née-moldue qu'elle est, puisqu'elle semblait préférer le sang pur, mais comment ne pas se sentir interpellée par des qualités comme l'ambition et la détermination, ces mots résonnaient en elle comme autant de vérités. Pour terminer, Gryffondor et sa force d'esprit l'appelaient également. N'avait-elle pas bravé son destin, tout dessiné par sa famille, pour s'enfoncer dans un inconnu certainement rempli de risques? Dommage qu'à onze ans, sa tolérance n'était pas encore développée...

Lorsque le vieux chapeau rapiécé fut posé sur son crâne, Trisha ferma les yeux malgré elle, serrant les dents. Il était temps de choisir un autre destin.