❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynLa tête appuyée contre la vitre du bus, ses pensées bringuebalaient au même rythme que le véhicule qui l’emmenait là où elle n’était même pas sûre de vouloir aller. Casey s’était assise tout au fond, son sac à dos posé sur le siège d’à côté pour que personne ne vienne s’installer à ses côtés. Elle détestait le bus, cette impression grandissante de suffocation, la présence des gens, leur odeur qui lui faisait plisser le nez… Malheureusement, sa destination n’était pas la porte à côté, il lui aurait fallut deux bonnes heures pour traverser la ville à pied, et la pluie accompagnée du vent qui battaient l’extérieur l’avait poussée à se résoudre à monter dans cet engin de malheur. Chaque retour à Oxford se faisait plus dur. L’adaptation n’avait jamais été le fort de Casey, bien au contraire. À part à Poudlard. Où elle se sentait chez elle, à sa place, même si l’année écoulée avait laissé des marques, indélibiles, et que tout avait été remis en question. Malgré cette année, elle se sentait toujours plus à sa place dans le monde des sorciers qu’ici, perdue parmi des moldus qui n’avaient même pas conscience de la magie qui habitait cette planète. Au moins, là-bas, avec sa baguette et ses formules magiques, elle pouvait se défendre. Ou elle pouvait le croire, tout du moins. L’espérer. Ici, ses poings étaient sa seule arme alors qu’ils étaient si nombreux à posséder une force plus grande à la sienne, ou des armes plus redoutables. Casey n’avait pas peur, elle n’était pas terrifiée de revenir à Oxford chaque été, elle se sentait simplement en complet décalage avec les gens qui l’entouraient, comme elle ne l’avait jamais été, et comptait les jours jusqu’à son retour à Poudlard. Malgré cette année, malgré les cachots, malgré les coups et les insultes, elle restait convaincue que sa place était dans le monde magique.
Depuis qu’elle était rentrée de la ferme, son état n’était pas allé en s’améliorant. Se retrouver parfaitement seule au milieu d’étrangers qu’elle fuyait la journée, ne rentrant que le soir pour profiter d’un matelas à peine confortable, n’aidait pas. Ses avant-bras étaient de nouveau striés de longues cicatrices rougeâtres. N’importe qui aurait pu penser au premier abord qu’un chat s’était amusé à se servir d’elle comme d’un griffoir. Puis il se serait approché, aurait vu la taille des griffures, leur profondeur, leur régularité folle, et n’aurait pas compris. Heureusement pour elle, le temps anglais se prêtait particulièrement à porter un léger pull, même en été, et ses avant-bras restaient cachés aux yeux du monde. De toute manière, tout était dans sa tête. La souffrance, les souvenirs, la rancune, le traumatisme. Dans sa tête et sûrement dans celle des autres nés-moldus qui avaient vécu la même chose. Sauf que son mal-être à elle remontait à plus loin que ça. Et se retrouver de nouveau sous le joug de bourreaux trop forts pour elle, ça avait fait remonter tout un tas d’angoisses qui ne s’étaient pas évaporées comme magie à la libération de Poudlard, loin de là. Elles la hantaient, chaque nuit, et même lorsqu’elle avait les yeux ouverts, elle aurait voulu s’arracher la peau, oublier la souffrance intérieure, la transposer, pendant un temps, un temps bien trop court malheureusement.
Le bus s’arrêta dans un bruit de fin du monde. Retirant rapidement sa main qui s’était glissée sous sa manche, par habitude, elle attrapa son sac, le passa sur son épaule et quitta le bus en apnée, comme si ça rendrait l’épreuve de traversée et d’esquive des gens plus facile. Une fois dehors, elle respira l’air frais et apprécia les gouttes de pluie avant d’aller se mettre à l’abri. Où aller, maintenant ? Les cachots avaient eu un effet notable, autre que faire ressurgir de vieux démons qu’elle croyait enfouis. Ou plutôt, non, ils avaient fait ressurgir autre chose, qu’elle croyait également enfoui. Elle avait retrouvé Brooklyn. Elle avait retrouvé ce que ça faisait d’être avec quelqu’un qui la connaissait aussi bien qu’elle le connaissait, qui savait. Qui savait tout et qui vivait la même chose. Elle l’avait retrouvé, lui, et ça avait rendu l’épreuve peut-être plus supportable. Et puis ils étaient sortis et le retour à la réalité avait été aussi violent que foncer dans un mur à pleine vitesse. Parce qu’elle lui en voulait toujours mais ces mois passés enfermés ensembles lui avaient fait prendre conscience que sa rancune était au moins aussi égale à son envie de le retrouver. Ils ne s’étaient pas vraiment parler à la Ferme, tout au plus adressés quelques regars, ce qui était déjà un notable progrès, mais cet entre-deux tuait Casey plus lentement que laisser éclore sa haine dès qu’elle le voyait. Tout son être avait redécouvert ce que ça faisait de retrouver celui qu’elle considérait comme son seul ami plus petite, et c’était un peu comme une drogue, elle n’était pas capable de s’en passer. Elle n’était pas sûre de pouvoir refaire une année à Poudlard en jouant le rôle qu’elle s’était assignée et détester Brooklyn devant tout le monde.
Mais elle n’avait aucune idée d’où aller. Errant dans le quartier - un quartier propre, bien différent de ceux dans lesquels elle avait grandis et qui réveilla la bête haineuse en elle - elle comptait sur la chance pour le croiser. Et lui dire quoi ? Casey ne savait pas pourquoi elle était venue. Il lui manquait. Elle voulait lui arracher les yeux. Elle avait envie de lui reparler. Il l’insupportait. Sa rancune était tenance, mais l’amitié qu’ils avaient partagée l’était aussi. Après un temps infini à marcher sans but, Casey n’y tint plus et se maudit, les jurons franchissant ses lèvres à voix basse. C’était une mauvaise idée, j’ai rien à faire ici. se morigéna-t-elle, tournant déjà les talons pour quitter ce quartier qui n’était pas le sien. 2981 12289 0
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynJe sais que je ne devrais pas me plaindre, qu'on est sorti de cet enfer, que c'est enfin bel et bien fini. On est tous rentré chez nous, on a retrouvé nos familles et amis, on peut de nouveau respirer et espérer à un lendemain meilleur. Sauf que ce n'est pas aussi facile pour moi. Parce que ça a fait ressortir tellement de mauvais souvenirs cette histoire que le retour à la réalité fut réellement brutal. Tout a fait écho à un passé que j'espérais mettre derrière moi une bonne fois pour toute. Entre l'attaque des Mangemorts, qui a créé le chaos et la panique dans tout Poudlard, qui m'a fait penser à ces nuits où j'étais réveillé, apeuré à l'idée qu'Il entre dans ma chambre, trop ivre, pour me frapper. Avec ou sans raison, à la fin ça n'avait plus aucune espèce d'importance, il fallait juste que je paye pour la vie que je leur avais apporté, moi, l'enfant du démon. Ensuite les conditions déplorables dans lesquelles nous étions en soit ne me rappelaient pas ma vie d'avant parce que malgré tout ce qu'ils avaient pu me faire endurer, j'avais quand même une chambre, un lit confortable, des vêtements propres et la possibilité de me laver tous les jours. Mais parfois, quand j'étais puni, je devais jeûner pour me faire pardonner mes pêcher et là, je pouvais me retrouver avec le peu d'aliments que les Mangemorts nous donnaient. Quant aux corvées, j'ai souvent fait le ménage à la maison, pour aider ma mère. Mais certainement pas au point qu'on me traite comme un esclave. Mes parents avaient énormément de défauts, mais parfois je me dis qu'ils n'étaient pas pire que les Mangemorts. Au moins leur peur était rationnel, j'étais un sorcier dans un monde sans magie, normal que ça dérange. Alors que les Mangemorts nous détestent parce que nous venons d'un monde sans magie, avec de la magie en nous. Juste parce qu'ils voulaient garder leur supériorité et leurs privilèges. Enfin bon, les mauvais traitements, les punitions, l'entassement, tout ça a été difficile à vivre. Et sans vouloir me faire plaindre, je pense que ça a été plus difficile pour moi que pour les autres, parce que ça a fait ressortir des traumatismes de mon enfance. Cela dit, on pourrait aussi se dire qu'étant donné que j'ai connu ça une grande partie de ma vie, je devrais pouvoir survivre plus facilement que les autres, parce que je connais déjà. D'une certaine façon, ce n'est pas faux, je ne me suis pas rebellé bien longtemps, autant être honnête. Après une ou deux punitions, plus pour défendre mes soeurs qu'autre chose, j'ai fini par abandonner l'idée de me battre et je suis devenu un esclave concilient et efficace.
Bref, tout ça pour dire que le retour à la réalité fut plus difficile que je ne le pensais. On a certes fait une transition à la ferme, ce qui m'a permis de respirer un peu et de tenter de ne pas me jeter dans l'étang pour m'y noyer, mais même si je suis de retour chez moi, c'est difficile de retrouver sa place. Pourtant elle est là, je le sais, elle m'attend, mais je crois que je ne suis plus vraiment le même. J'aime ma famille, ils m'ont beaucoup apporté, mais j'ai déjà fait énormément d'effort pour remonter la pente, je ne sais pas si j'aurai la force de le faire une seconde fois. Je trouvais qu'à la ferme, il y a beaucoup de monde, mais j'ai parfois la sensation que c'est pire à la maison. 8 gamins qui n'ont pas compris pourquoi nous ne revenions pas et 2 parents totalement en paniquent. Ca a été compliqué de leur expliquer ce qu'il s'est passé, de mettre des mots sur ce qui nous est arrivé. Evidemment ils avaient reçu une lettre des Aurors, pour être informés de la situation et de la date de notre retour, mais il n'empêche qu'il fallait entrer dans les détails, pour qu'ils puissent comprendre et qu'aucun de nous trois n'en avait vraiment envie. Mais fort heureusement, nos parents ne sont pas stupides et ils ont bien compris que ça ne servait à rien d'insister. Il était hors de question pour ma part que j'en parle et bras croisés, sur la défensive, ma position était très claire sur le sujet. Est-ce que c'était qu'une impression ou est-ce qu'ils s'inquiétaient pour moi ? Je ne sais pas si on pouvait dire plus que pour les filles, parce que ce sont quand mêmes leurs filles aînées, leur chair, il était normal qu'il y ait un lien particulier qui existe entre eux. Mais étant donné que j'avais déjà subi des violences par le passé, ils s'inquiétaient des répercutions que ça pourraient avoir sur moi. Je le sais, je les ai entendu le soir de notre retour. Je n'arrivais pas à dormir et j'ai décidé d'aller faire un tour dehors, en catimini. Et ils étaient dans la cuisine, Rebecca faisait la vaisselle et ils en ont parlé. Ils parlaient tout doucement pour ne pas qu'on puisse les entendre, mais j'ai l'ouïe fine et ils ne savaient pas que j'étais là. Ca m'a fait de la peine pour eux, de devoir faire face à tout ça alors qu'ils n'avaient rien demandé. Devoir aider un gamin qui n'était pas le leur, c'est du boulot, surtout quand il a un passif comme moi. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ils m'avaient adopté, mais je leur en suis reconnaissant, parce que je ne serais pas celui que je suis aujourd'hui, sans leur aide. Je ne dis pas que je n'ai pas de regret, j'aurai voulu aider Casey, la sortir des griffes de sa famille, pouvoir lui offrir une autre vie, meilleure, mais je l'ai abandonné et je ne me le pardonnerais jamais. Je sais que je n'étais qu'un gamin et que je ne pouvais pas faire grand chose. Mais il n'empêche que je n'ai même pas essayé. Alors certes, au vu de la famille d'accueil dans laquelle je suis tombé, on pouvait comprendre que j'ai pensé à ma gueule avant celle des autres. Mais Casey n'était pas "les autres". Et puis après, quand j'ai atterri chez les Caldwell, je n'ai rien fait non plus, ni quand j'ai appris dans les journaux qu'elle avait été enlevé de la garde de ses parents pour maltraitance. Et le pire ça a été de la revoir à Poudlard. Le choc que j'ai ressenti en la voyant, elle, au milieu de la foule d'élèves, me fixant. Je l'ai reconnu immédiatement et je savais qu'elle m'avait reconnu aussi. J'ai eu la boule au ventre et une envie de vomir et jamais je ne me suis senti aussi mal qu'en la voyant. Toute la culpabilité que j'avais gardé enfoui au fond de moi était ressortie. C'était horrible. Alors j'ai détourné le regard, comme si de rien était, alors qu'au fond, quelque chose c'était brisé à nouveau. 4 ans est passé et elle me hait toujours autant. Et je peux la comprendre, je lui rends la tâche tellement facile pour qu'elle y arrive. Je ne lutte pas, je ne tente pas de m'expliquer, je la rejette, je la rembarre, je suis horrible avec elle. Je fais tout pour qu'elle laisse tomber, qu'elle m'oublie, qu'elle passe à autre chose. Je le fais pour elle et peut-être un peu pour moi, parce que mutuellement on est le passé de l'autre et c'est compliqué à vivre. J'ai pas envie de vivre sans elle mais vivre avec elle s'est compliqué aussi ...
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynCasey n’eut le temps que de faire quelques pas, furieuse contre elle-même d’être venue jusqu’ici et d’avoir dépensé deux dollars dans un ticket de bus - elle frauderait au retour, hors de question qu’elle dépense encore de l’argent ou elle allait devoir taper dans le portefeuille de Grace et Dave plus vite que prévu. Les deux adultes ne lui disaient jamais rien, même s’ils savaient pertinnement que les vingt dollars par-ci, les vingt dollars par-là qui disparaissaient mystérieusement de leur porte-monnaie était le fait de la jeune sorcière. Ils ne disaient rien, tout simplement car ils avaient compris, avec le temps, que tout ce à quoi aspirait Casey c’était être tranquille le plus loin possible de cette baraque. Et comme la situation leur convenait parfaitement, temps qu’elle ne faisait pas de connerie à l’extérieur qui puisse leur retomber dessus, ils la laissaient piquer un peu d’argent de temps en temps, afin de s’assurer qu’elle ne soit vraiment pas dans leurs pattes. C’était comme un pacte silencieux entre tous les trois : Casey ne faisait que dormir et prendre des repas aléatoires dans sa soit-disant famille, ignorant superbement ses soit-disant frères et soeurs et, en échange de ce calme et de son autonomie, ses soit-disant parents lui donnaient de l’argent de poche. En soit, elle n’était nullement gênée de piquer directement dans le portefeuille, mais elle souhaitait réellement éviter une confrontation avec Grace et Dave, sachant qu’elle était sur des charbons ardents depuis son retour dans le monde moldu et qu’un rien servirait d’étincelle pour allumer le brasier. Sa solitude lui plaisait trop pour qu’elle la mette en danger, à l’instar de sa tranquillité. Alors même si le billet de cent dollars lui avait fait de l’oeil hier, elle n’avait pris que vingt. Chose qu’elle commençait amèrement à regretter. Venir ici avait été une perte de temps, et d’argent, et en plus, avec la légère pluie qui tombait, elle allait devoir attendre ce satané bus trempée. Ou alors elle pouvait faire le retour en marchant, histoire de ne pas se retrouver à nouveau enfermée dans un véhicule puant.
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynJe me sens con et totalement dépassé par les événements. Je ne m'attendais pas à la voir et même si au fond de moi, je suis content de pouvoir la revoir, en dehors de Poudlard, je lui en veux de ne pas avoir prévenue. On ne débarque pas chez les gens comme ça, ça ne se fait pas. Elle ne se rend pas compte des conséquences que ça va avoir dans ma vie. Je suis déstabilisé et ça se voit sur mon visage, pourtant si lisse à l'ordinaire. Et je lui en veux de me faire ressentir tout ça. Je n'étais pas prêt. Me direz-vous, je ne le serai peut-être jamais, c'est un fait, mais là, me prendre en traître de cette façon, je trouve ça injuste. Elle n'a pas le droit de s'imposer comme ça dans ma vie, de débarquer devant chez moi dans l'espoir que je l'accueille les bras ouverts. Ca ne se passe pas comme ça. Pourtant, je ne devrais pas être gêné de la voir, elle a le droit d'exister et de venir me voir si elle le veut, elle ne fait rien de mal. Mais moi je lui en veux de s'imposer de cette façon chez moi. Ce n'est pas de la honte que je ressens, vis-à-vis d'elle, parce que je crois que je ne pourrais jamais avoir honte de la connaître ou de l'avoir eu dans ma vie. C'est juste que ça complique tout. Elle incarne mon passé, ce que ma famille tente de me faire oublier. En débarquant dans nos vies sans prévenir, elle nous renvoie à la face ce qu'on tente d'effacer à tout jamais. Et au vu de l'état de mes parents actuellement, c'est définitivement pas une bonne idée qu'elle soit là. Mais comment le lui faire comprendre ? Avec elle, impossible de discuter. Oui, bon, d'accord, je ne fais aucun effort de mon côté, mais merde, j'ai pas à en faire, elle ne peux pas débarquer comme ça chez moi !! Je suis son regard et voit qu'elle fixe quelques instants ma maison et ça non plus je n'aime pas. Je n'ai ni honte de ma famille, ni honte d'elle mais c'est ... trop compliqué. Moi je m'en suis sorti et pas elle. Voir là où j'habite, potentiellement rencontré les gens qui m'ont sauvé, je n'en ai pas envie, je ne suis pas prêt. Comment je suis censé la présenter ? Voici Casey, mon ancienne voisine et amie qui se faisait aussi battre par son père et qui erre de maison d'accueil en maison d'accueil parce qu'elle n'a pas eu la chance de rencontrer des gens comme vous. Casey, voici les personnes sans qui je ne serai rien aujourd'hui et qui m'ont fait t'oublier, inconsciemment. On se boit un petit thé ?
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynOui. Juste oui. À cet instant précis, Casey le haïssait d’une telle force qu'elle en était déstabilisée. Elle aurait aimé extérioriser, le frapper de toutes ses forces, lui faire ravaler ce Oui qui lui brûlait la gorge. Mais c’était comme se prendre un mur en pleine face : ça laisse pantois, ça coupe le souffle. Incapable de faire le moindre mouvement, trop choquée pour parler, elle ne pouvait même pas l’insulter alors que les jurons tourbillonnaient dans son esprit. Quel con. Quel con, quel con, quel con. Elle avait envie de lui envoyer son poing dans la figure avec une telle force… La jeune fille était venue jusqu’ici, malgré son dégoût des transports en commun et de la proximité qu’ils instauraient sans qu'elle n'y puisse rien. Et ça n’avait été qu’une perte de temps et une perte d’argent. Muette, complètement sonnée, elle n’en était tout de même pas devenue débile, et les quelques regards inquiets que lançaient Brooklyn vers chez lui allumèrent une étincelle de compréhension. Il ne voulait pas d’elle ici. Il ne voulait pas que sa chère petite famille voie Casey. La Serdaigle se mordit les lèvres pour les retenir de trembler. De colère, de déception ou de tristesse, elle n’arrivait pas à le dire, mais les émotions affluaient, menaçant de déborder, et elle n’avait aucune envie d’exploser en plein milieu de cette rue, ni même de se mettre à pleurer. Elle s’était jurée que plus personne ne la ferait pleurer, et elle ne laisserait pas ce… Brooklyn briser son serment.
Quand il fit un pas, s’éloignant du portail, lui annonçant qu’il allait à la superette, Casey le suivit, telle un automate. Sans savoir pourquoi elle faisait ça. Elle avait bien compris qu’il voulait qu’elle dégage d’ici et elle n’avait aucune raison d’aller se donner en spectacle devant Famille Parfaite. Elle le détestait et elle les haïssait tous. Mais ce qui faisait le plus mal, c’était la réaction de Brooklyn. Des voix multiples s’affrontaient en elle, l’une lui soufflant des “je te l’avais bien dit” complètement énervants, l’autre lui demandant à quoi elle s’attendait. Ouais, à quoi s’attendait-elle ? Sûrement pas à ça. Pas à cette froideur. Mais quelle idiote elle était, aussi. Qu’est-ce qu’elle espérait d’autre ? Ils s’étaient quasiment ignorés à la Ferme et elle n’avait eu aucune nouvelles de lui depuis. Au fond d’elle, elle espérait que ça ne veuille rien dire, elle espérait avoir retrouvé Brooklyn, au moins un petit peu. Elle s’était lamentablement trompée. Pour une si fine observatrice, ne pas voir tous les signes annonciateurs qu’on allait se foirer, c’était quand même le comble. Les yeux fixés sur le dos de Brooklyn, elle ne savait même pas quelle émotion la dominait. Elle le détestait, en cet instant plus qu’en quatre ans d’école réunis, c’était clair. Mais elle était aussi en colère contre elle, d’avoir réellement cru à… à quoi exactement, elle n’en savait rien. Elle se sentait également trahie. C’était quoi, l’idée ? Quand ça n’allait pas dans sa vie, quand tout partait en cacahuètes, quand on le battait, quand on l’humiliait, quand on le blessait, Casey était bien utile. Un bon soutien, toujours présent, qui comprenait ce qu’il vivait. Mais quand tout allait mieux, quand il retrouvait sa Famille Parfaite et son environnement sain, sans coups ni blessures, elle n’était rien de plus qu’un objet encombrant dont il valait mieux se débarrasser tout de suite sous peine de se couvrir de honte ? C’était ça, l’histoire ? C’était comme ça, qu’il la voyait ? Putain mais qu’elle était conne. Bien sûr que oui. Il l’avait évitée, ignorée dès leur arrivée à Poudlard, dès le premier regard échangé il avait simplement détourné les yeux et toute la suite n’avait été que la même chose. Casey incapable de l’ignorer, muant sa déception en haine et sa haine en insultes, et lui, il s’en foutait royalement. Cette année sous la coupe de Blackman, ça lui avait laissé de nouvelles traces, bien ancrées celles-ci aussi, et elle pensait, naïvement, que le rapprochement avec Brooklyn allait perdurer, que la hache de guerre resterait enterrée. Putain elle était prête à pardonner et lui avait juste honte de cette pauvre fille qu’il se traînait depuis la maternelle. La violence de cette révélation la fit s’arrêter. Elle était réellement bête de ne pas s’en être rendue compte avant, d’avoir poursuivi une chimère. Malheureusement, c’était toujours ce qu’elle faisait, vivant ce que son imagination lui permettait de créer comme si c’était réel. Mais ça n’était pas réel. La réalité était juste dure et amère.
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynJe suis un connard. Je pense qu’il n’y a pas d’autres mots pour décrire mon attitude en cet instant. Mais ai-je vraiment le choix ? M’a-t-elle vraiment donné le choix d’agir différemment ? Que pensait-elle en venant ici ? Que j’allais l’accueillir les bras ouverts ? Que j’allais lui présenter ma famille, ma vie, en dehors de Poudlard ? Pour quoi au final ? Que je lui balance la vérité en pleine face ? “Oui, j’ai mieux réussi que toi, je m’en suis sorti.” Merci, mais non merci. Même si nous le savons tous les deux, je préfère que ça reste hypothétique. Qu’elle le sache sans avoir été vérifier. Si elle rentre dans mon monde, elle fera face à tout ce qu’elle n’a pas pu avoir et à ma lâcheté. Je l’ai abandonné. Oui, je n’étais qu’un gamin d’à peine 8 ans mais il n’empêche que je l’ai abandonné. J’ai grandi bien plus vite que les gamins de mon âge, j’aurai dû faire quelque chose pour elle. J’en ai eu envie, vraiment, mais je ne sais pas comment m’y prendre ou vers qui me tourner. Si je balançais ses parents mais qu’après vérification, ils ne trouvent rien, alors ses parents risquaient de se retourner contre Casey et ça, il en était hors de question. Et puis même si j’arrivais à la sortir des griffes de son foyer, qu’est-ce que je pouvais lui offrir ? Aucune promesse que les Caldwell pourraient l’adopter aussi. Nous étions déjà onze, me prendre a certainement été une erreur, je ne pouvais pas leur imposer quelqu’un d’autre alors qu’ils avaient déjà bien du mal à s’occuper de nous. Alors elle aurait atterri dans le système et moi, mieux que personne, je savais qu’il n’était pas bon d’atterrir dans le système. Tu n’existes plus vraiment, tu n’as plus aucune importance. Tu n’es qu’un poids sur l’épaule de famille qui se moquent de toi et qui ne voient en toi que l’argent qu’ils se font en acceptant de te garder. Tu n’es rien qu’un vulgaire investissement. Ils doivent juste bien présenter et montrer une famille “modèle” le temps de quelques inspections, mais sans plus. Ce monde là n’était pas mieux que celui dans lequel elle était. Alors oui, je n’ai rien fait. Je ne savais pas en qui je pouvais avoir confiance, ni qui me croirait. Et surtout, je n’avais rien à lui proposer derrière. Et plus le temps passé et plus je me disais que je ne pouvais plus rien faire pour elle, jusqu’à ce que je vois son nom dans les journaux. Nouveau scandale dans ma ville natale, nouvel enfant maltraité par ses parents, un choc pour la paroisse. Et là, c’était fini, parce qu’elle tombait dans ce système que je voulais lui éviter et je l’avais perdu à tout jamais. Au moins chez ses parents, je savais où elle était et j’avais l’opportunité, si je prenais mon courage à deux mains, d’aller la voir. Alors que placé en famille d’accueil, elle pouvait être n’importe où. Je savais que je ne serai jamais allé la voir chez ses parents, je suis bien trop lâche pour ça et ça m’obligerais à retourner là où ma vie fut un cauchemar et ce n’était pas possible, mais l’idée qu’elle soit dans un endroit que je connaissais, c’était toujours mieux que rien. Après cette annonce, j’ai été au plus mal, j’ai eu une nouvelle crise de mutisme pendant plusieurs semaines. Je ne voulais voir personne, parler à personne ni faire quoi que ce soit. Il fallait me forcer à manger parce que je n’avais pas faim. J’étais rongé par la culpabilité et j’étais incapable d’y faire face. Ca a été un moment très difficile pour tout le monde. Alors leur imposer la présence de Casey, c’était comme les renvoyer à cette époque où je suis arrivé, en miette et où il a été bien difficile de me faire reprendre goût à la vie. Ce n’est pas de sa faute à proprement parlé, mais il n’empêche qu’elle est apparentée à mon passé, indissociable.
Je fais quelques pas en avant, lui indiquant que j’allais à la supérette du coin. J’espère sincèrement qu’elle me suivra, je ne veux pas qu’elle reste plantée devant le perron de ma maison. Au delà du fait que mes parents pourraient la voir, Avalon et Savannah pourraient l’apercevoir et là, on aurait un problème. Les filles ne savent pas ce qu’il y a encore Casey et moi. Je pense que déjà elles n’ont pas dû comprendre notre rapprochement dans les cachots, nous qui nous détestions tant. Enfin, surtout elle. Là, il n’y avait plus de dispute, plus de cris, plus de reproche, plus rien. Nous étions solidaire, nous nous soutenions mutuellement dans ce calvaire, comme avant. Peut-être qu’il ne sera pas trop compliqué de leur dire qu’elle était venue aux nouvelles, vérifier si nous allions bien, même si mes soeurs comprendraient sans mal que le “nous” voulait dire “je”. Elles se feraient certainement de fausses idées, pensant que Casey cherchait bien plus que de vérifier si j’allais bien, mais était-ce vraiment grave ? Ce n’était pas comme si c’était vrai et comme si j’allais finir avec elle. Je me rends bien compte que j’agis comme un débile. Mais je suis lancé et finalement c’est certainement ce que je sais faire de mieux, agir comme un connard. On ne peut pas dire que j’épargne mon entourage au quotidien et je ne comprends pas comment on peut m’apprécier, moi je me déteste. Je suis insupportable, tout le temps. Je fuis les gens, je suis froid, distant, je balance tout ce que je pense sans savoir si ça va blesser la personne en face ou non. Et en général, je m’en fous, parce que les autres ne comptent pas. Mais il existe de rares personnes, qui malgré moi, comptent. Ma famille, même si je ne suis pas proche de tout le monde, il n’empêche que leur avis à tous compte, peut-être certains plus que d’autres, c’est vrai. Casey, même si je tente vainement de lutter contre ça, je ne peux pas complètement me voiler la face en pensant qu’elle fait partie de mon passé et que notre amitié est révolue. Si elle l’était, on ne se déchireraient pas constamment. Et je n’aurai pas autant de facilité à la blesser. Parce que je sais que mon “oui” l’a blessé. Peut-être que c’était le but. Briser sa volonté de bien faire pour qu’elle parte, qu’elle quitte mon monde. Lui prouver une nouvelle fois que je suis un salaud et que je ne mérite pas ses efforts. Pourtant ce n’est pas ce que je veux, je ne veux pas qu’elle quitte ma vie, mais je ne suis pas du genre à m’écouter, surtout pas quand il s’agit de ce genre de choses. L’avis de mes parents biologiques comptaient aussi, même si, par chance, je n’aurai plus jamais à l’entendre. Enfin, je l’espère, parce que je ne suis pas prêt psychologiquement à leur faire face, même s’ils revenaient en rampant pour s’excuser de tout le mal qu’ils m’ont fait. Je ne peux ni leur pardonner, ni souffrir de leur vue.
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynDans son dos, la porte de l’épicerie se referme ave un ding exaspérant. Il suffit à Casey d’un regard pour constater que l’épicerie est quasiment vide et que la seule employée est affalée derrière sa caisse, trop occupée à mâcher un chewing-gum et à écrire un message sur son téléphone portable pour faire attention aux rares clients qui se pointent ici à cette heure. Durant une fraction de seconde, Casey n’est plus cette jeune sorcière qui étudie à Poudlard, traumatisée par les événements de l’année passée, en plein apprentissage de la magie ; elle redevient la Casey trimballée de famille d’accueil en famille d’accueil, frappée, violentée, seule. Parfois emmenée au poste de police pour des délits purement mineurs. Étrangement, son casier judiciaire moldu est vierge. Les policiers avaient toujours trop pitié de cette jeune fille qu’ils connaissaient à force : retirée de la garde de ses parents violents, trimballée à droite à gauche, son regard farouche racontait une histoire qu’ils ne connaissaient que trop bien. Et après tout, était-ce si grave ce vol de chocolat comparé à ces gamins qui dealaient déjà ? Alors ils la laissaient partir, avec un avertissement, et elle retrouvait immanquablement la tablette dans son sac à dos. Cette pitié lui avait toujours donné envie de vomir, c’était insupportable à ses yeux. Alors elle était simplement devenue meilleure voleuse. Et en cette fraction de seconde, c’est cette gamine, volant tout ce qu’elle n’avait pas “chez elle” qui étudia rapidement l’épicerie, la caissière désintéressée, les clients trop rare et l’absence de caméras. Parfait.
Le sac toujours passé sur une épaule, elle l’entrouvre à peine, suffisamment pour pouvoir y glisser la tablette de chocolat que sa main attrape, le paquet de chips et la bouteille de jus d’orange. Elle voit grand mais le risque est absent : personne ne l’a vue, la caissière s’en fout et il n’y a pas de caméras, à croire que ça existe encore en 2023 ce genre d’inconscience. Tant mieux, ça l’arrange. D’un geste rapide, le sac à dos est refermé et pend de nouveau nonchalamment sur son épaule. Histoire que rien ne vienne gâcher son goûter, elle s’arrête quand même devant le rayon qui propose des sandwichs industriels. Ça ne vaut pas la nourriture qu’ils proposent à Poudlard mais ça contentera parfaitement son estomac vide.
Les quelques secondes durant lesquelles Casey s’est attardée à remplir son sac lui ont ôté Brooklyn de la tête mais son image revient bien vite à la charge maintenant qu’elle traîne devant les réfrigirateurs, à la quête d’un repas. Ses poings se serrent quand elle repense à ses mots, à son absence totale de réaction, à tout, comme toujours. Elle a une furieuse envie de taper dans quelque chose, de sentir ses poings frapper, encore et encore. Dans ses rêves, il s’agit du visage de Brooklyn, mais elle sait qu’elle incapable de lui faire du mal. Pas physiquement. Pas à lui. Même si elle le hait de tout son être, même si elle rêverait de voir son indifférence quitter son visage, elle ne pourra jamais lever le petit doigt contre lui. Les poings le long du corps, elle est déjà moins énervée que face à lui. C’est sa présence qui lui est insupportable. Ou plutôt, l’absence d’intéractions entre eux deux. Quand il est parti, emmené dans une voiture des services sociaux, son absence avait été terrible, redoutable. Casey ne s’en était jamais vraiment remise, mais il fallait bien avancer, continuer, surtout quand elle devait affronter seule une nouvelle famille, à chaque fois. Elle pensait encore à lui, il lui manquait, elle le détestait de l’avoir abandonné. Mais dans son esprit, le doute subsitait : que devenait-il ? Peut-être qu’il vivait pire, mille fois pire. Peut-être était-il mort, frappé par un énième bourreau, la fois de trop. Jamais, jamais elle ne parvenait à l’imaginer dans une famille tranquille, dans une vie rangée. Pas lui, pas sans elle, il ne l’aurait pas laissée derrière comme ça, pas quand il pouvait l’aider, pas quand il pouvait être là. Et à Poudlard, la désillusion. Si. Il pouvait parfaitement, il le faisait même très bien. Peut-être que si elle ne l’avait jamais revu, sa haine et sa rage contre le monde entier se serait apaisée, éteinte par le temps. Mais l’avoir en face d’elle, indifférent à elle alors qu’elle était incapable de se montrer indifférente à lui… Elle lui en voulait, le détestait d’avoir réussi à l’oublier, convaincue que c’était le cas. Aujourd’hui plus que jamais. Le retrouver, retrouver une petite part de leur amitié dans les cachots, ça avait comblé un trou béant. Et, comme si on lui avait injecté une drogue à laquelle elle était accro, la rechute et le manque se faisaient violents. C’était bizarre, c’était emmêlé dans son esprit, ce qu’elle ressentait et la violence de ses émotions, mais elle savait une chose, et elle s’accrochait à ça pour ne jamais oublier : elle lui en voulait de son indifférence, de son absence.
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynDes cris. Encore des cris. Et des reproches. A croire que je ne suis voué qu'à ça, réitérer le schéma familial. Si ce n'est pas mon père qui me hurle dessus, c'est Casey. Pourtant elle n'est pas censée me hurler dessus, elle est censée me comprendre et me protéger. Mais ça, c'était avant. Avant qu'on nous sépare, avant que je ne la laisse derrière moi, avant que je ne sache plus quoi faire pour rattraper ce que j'ai fait. Et au fond, je ne suis en veux pas, je comprends même qu'elle m'en veuille. Je m'en veux aussi. Je suis nul dans les relations sociales, mais avec elle, c'est toujours allé tout seul. Et puis on nous a séparé, trop de choses se sont déroulées et à nos retrouvailles, on n'était plus les mêmes. J'étais heureux de la voir, d'une certaine façon c'était comme retrouvé une partie de moi, que j'avais cru perdue à jamais. Mais en même temps ça compliqué tout, parce qu'il était impossible d'oublier avec elle à proximité. Elle incarnera toujours cette gamine perdue et incomprise de tous, qui a toujours été là pour moi. Je n'ai pas su quoi faire et comme à chaque fois que ça m'arrive, je me suis renfermé dans ma coquille et j'ai refusé d'en sortir. C'est plus facile comme ça. Si je repousse tout le monde loin de moi, je n'ai pas d'explications à donner, je n'ai pas à tenter de m'en sortir avec des pseudos excuses qui ne justifieront jamais ce que j'ai fait. Je passe juste pour le salaud de service qui s'en fout de tout le monde ou la pauvre petite victime asociale qui préfère tenir éloigner loin de lui. Mais la vérité c'est que ça ne me rend pas plus heureux ou ça ne me rend pas la tâche plus facile de faire ça. Ce n'est pas parce qu'ils sont loin que ça ne m'atteint pas. Mais c'est tellement plus facile de faire comme si, comme si j'étais au dessus de tout ça, comme si j'étais insensible, incapable d'aucune émotion. Et les gens y croient, alors pourquoi changer ? Pourquoi se justifier alors que le silence finit par tout régler. Même si ça aussi ce n'est qu'illusion. Parce que des silences, je lui en ai imposé à Casey et elle est toujours là à lutter contre vent et marée. Elle est toujours là à me crier dessus et à ne pas comprendre. Mais je n'ai pas envie d'en arriver là. Mine de rien, même si ça ne s'est pas forcément vu et que ça ne se voit définitivement pas, j'étais content de pouvoir me rapprocher d'elle. De voir la hache de guerre s'enterrer, dans l'espoir que ce soit définitif. Parce que c'est fatiguant de lutter constamment, de la tenir à l'écart alors que je n'en ai pas forcément envie. Mais je prouve encore une fois que je suis un abruti, incapable de faire quoi que ce soit de bien. Peut-être qu'au fond, mon père avait de bonnes raisons de me frapper ...
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynBrooklyn a vraiment un don. Un don terriblement agaçant aux yeux de la brune mais qui pouvait s’avérer très dangereux pour lui personnellement s’il jouait trop avec le feu. Parce que certes, il était capable de la faire taire en une phrase, de la réduire au silence simplement en le lui demandant, exploit qu’aucun autre individu sur cette terre ne pouvait se vanter d’avoir réalisé. Mais Casey ne se taisait pour le plaisir de ses beaux yeux, non, mais tout simplement parce qu’elle étouffait de colère, comme en cet instant précis. Elle était tellement forte, tellement grande et violente, elle imprégnait tellement chaque pore de sa peau qu’elle menaçait de la faire exploser. Et comme la Serdaigle se contenait encore, elle étouffait de rage, purement et simplement. Cependant, le sandwich qu’elle tenait dans sa main n’avait rien demandé, lui, alors elle desserra les poings essayant de retrouver un calme au moins apparent, parce qu’intérieurement elle bouillonnait. Tout ce qu’il trouvait à répliquer à ses reproches, c’était “ferme la Casey franchement, tu parles un peu trop fort”. Non mais quel culot, elle n’en revenait toujours pas et ça l’énervait encore plus. Jamais elle n’avait été autant énervée et sa colère ne faisait qu’augmenter à chaque nouveau mot que prononçait Brooklyn. C’était officiel, soit ce garçon le faisait exprès, soit il était complètement con. Elle penchait pour la deuxième hypothèse parce que malgré tout ça, elle n’arrivait pas encore à se dire qu’il pouvait vouloir lui faire du mal sciemment, qu’il pouvait chercher à la blesser avec ses paroles volontairement. Non, elle préférait se dire que son ami d’enfance était le pire abruti que la terre ai jamais portée, mais même cette explication n’était pas satisfaisante à ses yeux. Objective ? Je ne suis pas objective ? Si elle était à deux doigts de hurler quelques secondes auparavant, là, elle chuchotait presque. Ou persifflait, plutôt. Si ses mots avaient pu être du venin, nul doute que Brooklyn se serait déjà effondré sur le sol, empoisonné. C’est une histoire de m’oublier depuis le début, tu n’es qu’un sale hypocrite doublé d’un menteur si tu oses nier le contraire. À la Ferme, ta jolie famille n’était pas là, que je sache. À la Ferme, me glisser un mot n’aurait pas inquiéter tes parents, que je sache ? Et ne me sors pas que tes soeurs étaient là parce que la Ferme était suffisamment grande pour le faire sans qu’elles ne nous voient ! Casey sentit sa voix s’échauffer à nouveau alors elle se tut et laissa quelques secondes passer. Elle ne faisait pas ça pour Brooklyn, oh que non, mais pour elle-même. Parce que franchement, s’il lui parlait encore une seule fois comme si elle était une enfant capricieuse venue ici pour l’emmerder, elle allait réellement lui foutre son poing dans la gueule. Et termine au poste de police pour coups et blessures n’était pas vraiment au programme du jour.
Le programme du jour… Mais qu’est-ce qu’elle était venue faire ici. Pourquoi est-ce qu’elle avait fait cette visite, aujourd’hui, pourquoi l’avoir faite tout court. Elle ne pensait pas que Brooklyn puisse la blesser encore plus, mais il fallait se rendre à l’évidence : temps qu’elle s’accrochait encore à l’espoir de retrouver son ami, son indifférence arriverait toujours à l’atteindre plus profondément. C’était un cercle sans fin duquel elle ne parvenait pas à s’extraire. Après plusieurs inspirations et expirations, sa voix retrouva un calme plat, sans les trémolos qui l’accompagnaient sur la fin. Elle n’était que ça pour lui. D’accord, c’était bien compris. Elle n’était que la fille qui lui renvoyait son putain de passé à la gueule, la fille qui lui rappelait constamment qu’il se faisait battre, enfant. Et il l’était, pour elle aussi. D’une certaine manière, la haine et l’amour, si tant est que ce mot ai un sens, s’affrontaient en Casey dès qu’elle pensait à lui. Parce qu’il comptait, quoiqu’elle essaie de croire, parce qu’il était le seul à pouvoir la comprendre, le seul qui, après toutes ces années, connaissait son passé, ses démons et ce qu’elle avait vécu. Parce qu’ils avaient partagé beaucoup plus que quelques cours de sortilèges. Même s’il n’était pas au courant pour les marques qui lézardaient ses cuisses et ses avants-bras, les marques rouges qui recouvraient désormais les cicatrices blanches, plus anciennes, il savait tout le reste, il était la seule à la connaître comme elle était vraiment, et à l’apaiser. Il était le seul à pouvoir l’approcher à une distance plus réduite que la normale. Mais il était aussi le seul qui la forçait à se rappeler. Qui ne lui permettait pas d’oublier. Et le haïssait pour ça. Peut-être que s’ils étaient redevenus amis, elle ne l’aurait pas détesté pour lui remettre ça en mémoire à chaque fois. Peut-être. Qui je suis vraiment... Un petit rire jaune, un petit rire blessé. Et je suis qui, vraiment ? Juste la fille qui te renvoie dans la gueule ton passé ? Je ne suis que ça ? D’accord, elle était forte, d’accord elle savait encaisser les coups, mais lui, il était une trop grosse faiblesse, et là, elle avait pas assez de force pour encaisser.
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynEst-on arrivé à avoir une discussion normale tous les deux. Une discussion qui n'a pas fini en cris et en reproches ? Une discussion qui a bien commencé aussi ? Je n'ai pas le souvenir qu'on y soit arrivé, pas avant les cachots et visiblement pas après. Durant c'était un peu particulier, on ne savait pas trop où on mettait les pieds, mais on se battait suffisamment contre nos propres démons pour avoir envie de se foutre sur la gueule. On a tâtonné longtemps, mais on a fini par se trouver ou plutôt se retrouver. Nous étions de nouveau deux gosses totalement perdus et maltraités, qui tentions de survivre au monde qui nous entourait. Mais aujourd'hui, tout ça c'est fini. Je ne suis plus un gosse, je n'ai plus envie de l'être, alors je la repousse, encore et toujours, injustement, j'en conviens, mais c'est tout ce que je sais faire. Parce que je ne sais pas comment agir avec elle, je ne sais pas ce que je suis censé faire ou ne pas faire, dire ou ne pas dire et visiblement tout ce que j'essaie se solde par une dispute. Et même quand je n'essaie pas, ça finit par une dispute. Est-on vraiment fait pour s'entendre de nouveau ? Est-on vraiment fait pour vivre ensemble, dans le même monde j'entends ? Suis-je vraiment fait pour m'entendre avec qui que ce soit ? Franchement je l'ignore. Peut-être que je n'y mets pas du mien, peut-être que je ne sais plus faire, peut-être que je suis trop maladroit. Peut-être que Casey en attend trop de moi ? Peut-être qu'elle est trop susceptible ? Peut-être qu'elle a trop enduré pour pouvoir continuer ? Je n'en sais rien et je ne le saurai peut-être jamais. Mais elle avait raison sur un point, à la Ferme, il n'y avait strictement rien qui m'a empêché d'aller la voir, de lui parler ou de lui écrire un mot. Je n'ai aucune excuse. Je baisse le regard quelques instants. Je ne suis pas gêné en soit, je réalise juste que je l'ai fui, volontairement et que je continue de le faire. Je l'ai toujours fui et je ne sais pas comment faire autrement. Elle m'effraie, tout autant qu'elle m'attire. C'est compliqué à expliquer. Je ne parle pas d'attirance physique à proprement parler, mais elle est la seule personne qui peut réellement me comprendre, qui me connait et qui, malgré ses cris, me comprend. Et c'est rassurant de se dire qu'il existe une personne dans le monde qui est capable de nous accepter tel que nous sommes, même si nous ne sommes pas facile à vivre. Mais en même temps c'est angoissant de se dire qu'elle sait tout de nous, ou presque. Elle ignore ce que j'ai vécu quand j'ai été placé, elle pense juste que j'ai atterri chez les Caldwell où j'ai commencé une vie normale et belle. Mais elle n'a pas besoin de le savoir, si ? Alors je relève les yeux vers elle Oui bon d'accord, ça va tu as raison. J'aurai dû ... Et je n'ai pas d'excuse. Je suppose que de lui ressortir que c'était compliqué ne passera définitivement pas. Pourtant c'est vrai, encore une fois, mais j'ai pas envie d'expliquer pourquoi c'était compliqué. Alors je me contente de la fixer droit dans les yeux.
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynAssise en tailleur sur ce muret - dont la couleur, un gris terne et sale, était en parfaite adéquation avec le voile sombre qui recouvrait le visage et l’humeur de Casey - ses doigts jouaient avec le bouchon de la bouteille, ses dents mordillaient sans y penser sa lèvre inférieure, et ses yeux refusaient fièrement de se tourner ne serait-ce que d’un millimètre dans la direction de l’épicerie. Elle ne pouvait plus voir grand chose, de là où elle était, mais son esprit lui refusait ce qu’il voyait comme une reddition. Brooklyn était un con, un misérable petit con qui n’arrivait qu’à tourner et retourner le couteau, bien enfoncé dans une plaie béante, et qui semblait même s’en amuser. Avec un soupir, elle se frotta les yeux. Maintenant que le Serpentard n’était plus dans son champ de vision, sa colère lui paraissait presque iréelle, l’impossibilité de se réconcilier était envolée, et l’espoir, toujours là, était revenu en force, profitant de ce moment de répit pour se réinstaller dans toutes les fibres de son corps. Mais merde, pourquoi est-ce qu’il fallait qu’elle soit incapable de perdre tout espoir le concernant ? Ça ferait tellement moins mal si leur amitié était bel et bien morte et enterrée, si elle n’avait plus aucun être humain dont elle avait envie de se soucier, si plus rien ne la rattachait à son passé, si elle pouvait être libre. Sûrement était-elle encore trop jeune pour comprendre que la liberté qu’elle recherchait, c’est à dire une liberté factive, une liberté de solitaire, sans liens, sans attaches, et donc, dans son esprit, sans souffrance aucune possible, sûrement était-elle bien trop jeune pour se rendre compte de tous les sacrifices que demandaient cette liberté. Peut-être le savait-elle, au fond, et que c’était pour cela qu’elle s’accrochait autant à son seul ami, au seul qui la connaissait, qui savait que le masque affiché à Poudlard cachait tellement plus, le seul avec qui elle avait envie d’être elle-même. Avec le temps, les regrets s’étaient accumulés : Casey regrettait de ne pas avoir fait le trajet dans le Poudlard Express avec lui, regrettait de ne pas lui avoir sourit au moment d’aller rencontrer le Choixpeau, elle regrettait de ne pas avoir été déçue qu’ils ne soient pas dans la même maison, tout ce qui aurait constitué leur amitié si celle-ci avait été encore présente lorsqu’ils avaient fait leur première rentrée à Poudlard. Mais, une part d’elle se révoltait toujours alors : elle n’était pas disparue, cette amitié, et c’était bien ça qui était dur, parce qu’elle avait beau enterrer cette envie, celle-ci était trop forte. Elle avait autant besoin de Brooklyn qu’il la faisait souffrir, elle l’aimait autant qu’un frère, plus qu’un ami, différemment qu’un amoureux - bien qu’elle ne sache pas ce que c’était, ça - autant qu’elle le détestait. Il était une part d’elle et c’était comme si on lui avait tranché ce bout de son corps : elle était incapable de l’oublier, elle fonctionnait mieux avec, et quand son absence se faisait ressentir, les douleurs fantômes se manifestaient. Ouais, Brooklyn, s’était son bras gauche que les services socieux lui avaient arraché. À part que le bras continuait sa vie et lui adressait de jolis doigts d’honneur régulièrement.
Machinalement, ses doigts avaient laissé ses pensées suivre leur cours et s’étaient glissés sous la manche de son haut, passant distraitement sur les marques en relief qui tâchaient le poignet, dans un premier temps, puis, dans un deuxième temps, en rajoutant des nouvelles. Ce n’est que lorsqu’une entaille lui arracha un sursaut de douleur que Casey remarqua enfin ce qu’elle faisait, et elle rabattit furieusement sa manche, occupant ses doigts en déchirant l’emballage du sandwich. La lassitude l’envahit. Elle était lasse de ces disputes, lasse de lui en vouloir, lasse de ne pas réussir à l’oublier définitivement, lasse d’avoir besoin de son amitié tout en souhaitant la voir disparaître, lasse d’attendre un signe de sa part… Lasse d’en avoir et de se retrouver quand même seule. Elle était peut-être partie trop violemment de l’épicerie, peut-être aurait-elle du rester un petit peu, réagir à ces mots qui tournaient encore dans sa tête. Il avait admit avoir eu tort, pourquoi ne s’était-elle pas raccroché à cette phrase, s’il reconnaissait avoir eu tort, c’est bien que… qu’il y avait quelque chose, que de son côté, Casey n’était pas un simple signe dérangeant du passé ? Tout était embrouillé dans son esprit, comme à chaque fois qu’il s’agissait de Brooklyn. C’est pour ça que, pendant quatre ans, agir publiquement comme si elle le détestait était plus facile. Elle savait détester, haut et fort, mais elle ne savait pas être indifférente, pas envers ceux qui comptaient, croiser Brooklyn sans pouvoir lui parler, c’était impossible. Alors même si les paroles devaient être des sarcasmes, c’était mieux que rien. Ou c’est ce qu’elle croyait. Là, elle n’était plus très sûre de pouvoir continuer ce petit jeu, de retour à Poudlard. En même temps, pouvait-il en être autrement ? Il resterait toujours l’unique chose lui rappelant son passé, l’empêchant d’être vraiment la Casey que tout le monde pense qu’elle est. C’était compliqué, bien trop compliqué.
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynJ'ai envie de changer de route, de partir dans l'autre sens. Qu'elle m'ait vu ou non me passe au dessus, si elle ne comprend pas que je suis lasse des disputes, alors c'est son problème, pas le mien. Le pire dans l'histoire c'est que je suis content de la voir ... ou plutôt je l'étais, avant qu'on commence à se prendre la tête. Alors certes, ça ne s'est pas vu mais il n'empêche que j'étais content de la voir, de me rendre compte qu'elle ne m'avait pas oublié, que je faisais toujours parti de sa vie, comme elle peut faire parti de la mienne. Sauf que sans menace au dessus de nos têtes, on n'arrive pas à communiquer. On laisse notre haine et nos rancoeurs s'exprimer. Peut-être qu'il faudrait qu'on laisse tout sortir, qu'on se prenne une bonne fois la tête pour pouvoir avancer ? Je n'en sais rien. C'est tellement compliqué les relations sociales, ça me fatigue d'avance. Je tiens à elle, plus que quiconque, mais dieu qu'elle me sort par les yeux. Elle est capable de m'atteindre en une phrase et de faire effondrer mon monde en un regard. J'oublie toutes mes certitudes, tout mon désintérêt pour l'espèce humaine. Elle a l'art de me rappeler que je fais parti du même monde qu'elle et que j'aurai beau le fuir éternellement, il sera toujours là derrière moi, à m'attendre patiemment que je sois fatigué de lutter. Alors j'hésite et je finis par céder pour retourner vers elle, tel un boomerang. Elle est venue exprès pour moi, non ? Qu'elle n'est pas fait ce voyage inutilement. Elle est assise sur son muret, à manger son sandwich. Je ne sais pas comment elle fait pour manger alors que tout ça m'a définitivement couper l'appétit. Et au lieu de calmer le jeu, je m'emporte à mon tour. Chacun son tour, non ? Je m'en suis pris plein la gueule au magasin, elle peut bien se prendre le revers dehors, il n'y a pas de raison que je l'épargne.
J'avoue que je ne savais pas trop à quoi m'attendre en lui disant ça. Rien, peut-être ou alors elle qui s'énerve à son tour, comme on sait si bien le faire. Je veux qu'elle sache que ce n'est pas entièrement de ma faute, même si je suis conscient que je ne suis pas entièrement innocent non plus dans l'histoire. Mais j'étais un gamin, j'étais perdu, tout comme elle, traumatisé et on m'a envoyé dans une autre ville, dans une autre maison, sans me demander mon avis. En voulant me "protéger", on m'a envoyé à l'abattoir. La prochaine fois, qu'ils s'épargne cette peine. Alors je me suis effondré, je me suis renfermé et j'ai essayé d'oublier l'espèce humaine, Casey compris. C'était injuste pour elle, mais c'était trop dur de faire comme si tout allait bien alors que ce n'était pas le cas. Elle dit qu'elle sait ... Alors pourquoi elle me le reproche si elle le sait ? Juste pour me faire chier ? C'est quoi son problème bordel ? Je soupire de lassitude, j'en ai marre de me noyer en sa présence. Elle est censée être une bouée de sauvetage, pas une enclume accrochée à ma cheville qui m'entraîne inexorablement vers le fond. Quand elle reprend la parole, elle m'explique qu'elle attendait de moi un signe. Un appel ou une lettre. Je baisse les yeux. Oui, ça aurait pu être dans mes cordes de faire ça, c'est vrai. Et c'est vrai que ça n'aurait pas été trop demandé. Qu'est-ce que vous voulez que je réponde à ça ? Je pourrais jouer les mecs de mauvaise foi, mais ça servirait à quoi ? Je pourrais lui dire qu'elle a raison, mais pareil, pour quoi faire ? Ca ne changera pas le passé. Alors je me contente de baisser les yeux, coupable et ça lui permet de reprendre. Et ça aurait été dommage de passer à côté de ce qu'elle me balançait dans les dents. Hé oui, j'étais là pour lui rappeler qu'elle avait un passé de merde. Désolé. C'pas comme si je t'avais empêché de t'inventer la vie de tes rêves et je n'ai jamais cherché à te nuire non plus en prétendant que tu mentais ... En fait je n'ai rien à dire. C'est vrai, elle me reproche quelque chose que je lui reproche aussi, alors difficile de lui en vouloir pour ça. Mais il n'empêche que dans son malheur, elle a eu un peu de chance. Pas en ce qui concerne l'extérieur de Poudlard, mais je n'ai jamais cherché à la nuire d'une quelconque façon, pourtant dieu sait que j'aurai eu les armes pour ça. Mais pour faire quoi ? Commencer une guerre qui ne s'arrêterait jamais ? Balancer ses secrets me mettrait en danger aussi puisqu'elle ne se gênerait pas pour balancer les miens à son tour. Alors le plus simple était de la laisser tranquille et de rester loin d'elle.
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynC’était une sensation nouvelle que ce soulagement qui la submergeait à mesure que les mots coulaient, sortaient de sa gorge pour faire se mouvoir ses lèvres, pour balancer tout ce qu’elle avait sur le coeur. Casey ne savait pas si ça allait arranger quoi que ce soit - s’il était même possible que quoi que ce soit s’arrange, entre eux deux - ou, au contraire, tout empirer, et devant l’ignorance elle choisissait le soulagement. Dans le pire des cas, elle aurait enfin dévoilé le fond de sa pensée, ces sentiments contradictoires qui l’agitaient dès que Brooklyn était concerné, le mal-être qui la rongeait, les espoirs qui la narguaient, elle aurait tout dit, et peut-être que ça rendrait le livre de leur amitié un peu moins lourd et plus facile à refermer. Dans le pire des cas. Dans le meilleur, ils arrivaient à tourner la page et à en écrire une nouvelle. L’espoir l’habitait encore même si elle avait cru qu’il avait complètement disparu dans l’épicerie, notamment parce qu’ils étaient entrain de discuter, en cet instant. Pas d’indifférence, pas de cris, ils parlaient à peu près normalement même si l’excès n’était pas loin, à portée de main en fait. Il suffirait d’un rien pour qu’ils recommencent à se lancer des éclairs juste avec leur regard. Pour le moment, c’était un calme relatif. Une discussion presque sensée et les deux qui, pour la première fois depuis une éternité, se disaient enfin les choses. Pas de faux-semblants, pas de rancoeur qui modifient chaque discours et rend la conversation impossible, juste deux gamins épuisés par la vie, assis sur un muret, qui essayaient de régler les comptes. Et même si ce n’était pas facile, même si chacun avait sa position et sa vérité, inconciliable avec celle de l’autre, évidemment, ils essayaient, pour la première fois. C’est vrai, mais... Casey hésita. Une seconde, deux secondes. Elle avait envie, réellement de jouer cartes sur table, de tout dévoiler et de ne rien garder pour elle. Que Brooklyn comprenne sa position à elle, peut-être qu’elle comprenne la sienne à son tour. C’était difficile parce que même dans son esprit tout était embrouillé. Entre amour et haine, elle devait démêler les fils pour lui apporter la tapisserie claire et précise de ce qu’elle lui reprochait. Mais elle en avait envie. Sauf que la peur de se mettre à nue, de se dévoiler entièrement, même s’il s’agissait de son plus vieil ami - surtout parce qu’il s’agissait de lui, en réalité - était bien présente, et qu’elle ne voulait plus être faible devant qui que ce soit. Elle voulait être forte, elle devait l’être et elle l’était, tout le temps. Sauf qu’avec Brooklyn, c’était pas pareil, comment être forte devant votre plus grande faiblesse, celle qui vous renvoie toutes les autres en pleine figure ? Alors, elle se décida, et quite à ne pas réussir à se montrer impassible et forte comme un roc devant lui, autant que ce soit à cent pour cent. Le simple fait que tu sois là, ça m’empêchait de me convaincre que c’était réellement ma vie. Dès que je te voyais en cours, dans les couloirs, dans la grande-salle, c’était comme un poing dans la figure pour me dire que je n’étais pas celle que je prétendais être… Tu ne m’as pas nuis, pas consciemment en tout cas. Casey savait que ça pouvait être blessant à entendre, mais elle n’avait pas terminé. Il y avait cette autre chose, cette sensation moins forte peut-être que le fait de le détester parce qu’il lui rappelait le violent passé qu’ils avaient en commun, mais toute aussi présente. Je t’en voulais pour ça et je t’en veux aussi parce que le fait de te voir tous les jours, en plus de me rappeler qui j’étais vraiment et d’où je venais et ce que j’avais vécu, tu m’empêchais de le partager avec toi. T’étais froid, distant, t’étais là en chair et en os comme je le souhaitais depuis que les services sociaux t’avaient emmenés, et en même temps t’étais complètement absent. Sauf que je te voyais tous les jours et que c’était impossible de t’oublier et de me dire que tu n’existais plus. T’étais là… mais que pour le pire.
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & Brooklyn J'ai l'impression qu'on ne s'en sortira jamais. Elle me reproche d'exister finalement et je lui reproche un peu la même chose. Ce n'est pas tant nos existences le problème, c'est juste qu'on se trouve au même endroit. Avant on était contents, avant on ne connaissait que ça, la présence de l'autre, c'était rassurant et sécuritaire. On savait que l'autre ne pourrait rien faire et que même si au fond, il savait ce qu'il se passait dans la maison de l'autre, il ne pourrait pas intervenir, parce qu'il avait déjà tant à faire avec ses propres démons. Mais je ne sais pas, ça avait quelque chose de rassurant de pouvoir exister dans la vie d'une autre personne, de pouvoir être nous-même, sans faux semblant ni mensonge. Avec elle, j'étais moi, pas juste l'image que mes parents voulaient donner de moi. Je n'étais pas qu'un gamin un peu bizarre et solitaire, j'étais juste Brooklyn, le voisin qui la comprenait en un regard. Mais aujourd'hui, tout a changé. Aujourd'hui nous n'étions plus des enfants, nous étions deux adolescents, avec une vie un peu différente. En tout cas la mienne est différente. J'ai vécu l'enfer et maintenant je vois le bout du tunnel. En tout cas je pensais le voir, jusqu'à ce qu'on me bouche l'accès à la sortie, avec l'arrivée des Mangemorts. Maintenant je suis de nouveau perdu dans le labyrinthe obscure, à ne pas être capable de retrouver mon chemin, errant sans fin dans la détresse. Mais tout ça ne change pas le fait qu'elle est là, à me rappeler à chaque instant une vie que je tente d'oublier et c'est cruel. Je me rends bien compte qu'elle n'y peut rien, qu'elle est dans le même cas de figure que moi, mais on est bloqué, entre un passé inavouable et un futur inatteignable. On aimerait évoluer, devenir d'autres personnes, certainement elle plus que moi, mais pour le moment c'est impossible. Alors on s'en veut, on se déteste, on se rend la vie impossible, parce qu'on ne sait pas comment arranger les choses et que c'est plus facile de les empirer. Je soupire. Malheureusement il va falloir qu'on s'y fasse tous les deux, parce qu'on ne nous a pas donné le choix ... Définitivement pas le choix. Notre nature profonde nous a conduit à nous retrouver. Si on l'avait su avant, peut-être qu'on aurait pu s'accrocher à ça. Se dire qu'on était peut-être séparé, mais que ce ne serait que temporaire, qu'on se retrouverait à Poudlard. Sauf qu'on ignorait tout du monde de la magie et qu'on ne savait pas qu'on était voué tous les deux à se retrouver dans la même école, quelques années plus tard.
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynNon, en effet, personne ne leur avait jamais donné le choix. Leurs parents ne les avaient pas laissé choisir entre vivre une enfance normale ou se faire battre pour des idéaux à la con, bien trop ancrés en eux pour qu’ils puissent les remettre en cause pour la chair de leur chair. Ils avaient choisi pour eux, en prenant la ceinture ou le bâton, en préférant frapper que de comprendre, soutenir, aimer. Ils n’avaient pas non plus eu le choix quand Brooklyn avait été emmené par les services sociaux ni quand ça avait été le cas de Casey, presque un an plus tard jour pour jour ; encore moins des familles dans lesquelles ils avaient atterri. Et personne ne leur avait demandé s’ils voulaient être des sorciers ou rester de simples moldus, même si ce choix là, Casey ne regrettait pas qu’on l’ai pris à sa place. C’était sûrement la meilleure chose qui lui soit arrivée, malgré Blackman, malgré l’horreur de l’année précédente. Le monde était fou, les hommes étaient cinglés, qu’ils soient moldus ou sorciers, alors autant vivre dans le monde qui lui donnait les armes pour se battre contre cette folie, s’en protéger autant que possible, ne pas la laisser la grignoter trop vite. Et maintenant, avaient-ils le choix ? Est-ce que c’était à eux, en leur âme et conscience, de décider s’ils allaient se réconcilier définitivement ou s’ils allaient rester sur leurs positions ou bien est-ce que tout cela était complètement indépendant de leur volonté ? Est-ce que, malgré leurs efforts, ils ne parviendraient jamais à se réconcilier, est-ce que malgré toute la bonne volonté de la terre ils étaient désormais voués à se détester ? Casey n’avait pas envie d’y croire. Après tout, malgré des années de rancune, le choix qui n’était pas de leur fait, encore une fois, les avait expédiés directement dans des cachots miteux où ils s’étaient naturellement tournés l’un vers l’autre. Malgré tout, la jeune femme ne savait pas trop comment prendre les mots de Brooklyn. Fallait-il se faire au fait qu’ils n’arrivaient plus à s’entendre ? Se faire au fait qu’ils étaient tous les deux des sorciers étudiant à Poudlard ? Elle préférait la deuxième solution, parce qu’au fond elle s’y était déjà fait, alors que les disputes, la haine et la rancoeur… Ça faisait certes partie de son quotidien depuis sa première année au château, mais elle ne s’en était jamais sentie mieux pour autant. Est-ce qu’il nous est vraiment impossible de choisir ce qu’on veut faire, ce qu’on veut être ? Les mots avaient dépassés ses lèvres, issus tout droit de ses pensées qui tourbillonnaient à folle allure.
Le mouvement de Brooklyn lui fit tourner le regard, craignant une seconde qu’il ne soit entrain de descendre de ce muret pour rentrer chez lui. Soulagée de constater que ce n’était pas le cas, elle reporta son regard devant elle. Deux ados entrain de converser sur un muret en pierre, sans s’adresser un seul regard, elle avait l’impression qu’ils s’étaient issus sur ces pierres pour échapper à la tempête, comme une bulle de tranquillité volée au temps, mais que dès que tout ceci serait terminé, dès qu’ils repartiraient chacun de leur côté, ça ne ferait que reprendre de plus belle. Comme pouvait-elle avoir autant d’espoir quant à son amitié avec Brooklyn et être en même temps tellement pessimiste ? C’était incomptabile, incohérent, et pourtant… Après tout, la totalité de leur relation était incohérente. Ils s’étaient soutenus dans leur enfance avec une force et une maturité peu commune, complètement étrange au vu de leur jeune âge, et puis ils s’étaient détestés avec plus de force encore, quand bien même ils ne le souhaitaient peut-être pas. C’était plus facile, comme le disait Brooklyn. Encore une fois, n’importe qui aurait sûrement trouvé ça complètement débile et idiot, mais il y avait une certaine logique que Casey parvenait à saisir, leur logique à eux. C’est vrai qu’elle aurait pu, elle aussi, tenter d’aller lui parler en face plutôt que d’adopter directement la posture pleine de colère qui avait été la sienne. Si elle ne l’avait pas fait, c’était bien parce que, comme il le disait, c’était plus facile… Plus facile de lui en vouloir à lui pour tous les maux de la terre que de chercher à comprendre, à renouer, à rattraper le temps perdu. Plus facile de continuer à avancer en boîtant que de reprendre appui sur une béquille qu’on croyait perdue, disparue, envolée. Je ne te déteste pas… souffla-t-elle, presque inaudiblement. Simplement, elle avait été aveuglée par la colère et par la souffrance aussi, le manque qu’elle avait ressenti quand Brooklyn avait été emmené et qu’elle avait combattu pendant des mois lui était revenu en pleine figure, et ça faisait mal. Plutôt que de tenter une approche, par crainte du rejet, elle avait préféré rejeter elle, de toute ses forces, comme elle pensait qu’il l’avait fait à l’époque. Comme elle pensait qu’il le faisait encore alors que la répartition allait approcher. Elle croyait l'avoir détesté, peut-être l'avait-elle sincèrement haïs, mais plus maintenant, elle n'en avait juste plus la force, pas après Blackman et les cachots, pas après l'avoir retrouvé.
Ce n’était plus un boule dans la gorge mais des milliers de noeuds qui lui donnait l’impression que chaque inspiration pesait des tonnes. Elle se sentait lourde, lourde de reproches, lourde de regrets, lourde de tristesse… Et ce n’était sûrement pas l’aveu de Brooklyn qui allait dénouer Casey, bien au contraire. Ça en rajoute une couche, ça lui donne la nausée, elle voudrait fermer les yeux et effacer cette donnée de son esprit, mais elle ne peut pas et, au fond, elle ne veut pas. Parce qu’elle n’avait jamais nié ce que Brooklyn vivait avec ses parents, et même s’ils ne sont plus en bons termes actuellement, tous les deux, elle n’allait certainement pas commencer. Est-ce qu’elle devait lui dire, là maintenant, qu’elle savait très bien ce qu’il pouvait ressentir ? Est-ce qu’elle devait lui raconter cette chambre plongée dans le noir, ses mains sur sa peau ? Est-ce qu’elle lui devait ça, comme un juste retour de ce qu’il venait de partager, comme pour marquer la confiance qu’ils avaient toujours eue l’un envers l’autre, montrer qu’elle n’était pas éteinte ? Encore une fois, l’envie de se rouler en boule et de s’arracher la peau des cuisses pour oublier pendant un temps que c’est son esprit et son coeur qui la font souffrir le martyre l’enveloppe de toute part mais elle se secoue et l’éloigne. Si elle peut en arriver à se mettre dans un état pareil, elle n’imagine même pas à quel point ça doit être dur pour le Serpentard d’en parler, de le dire à voix haute, de rendre réel ce qu’il s’est passé des années plus tôt. Pour la première fois de sa vie, aussi loin qu’elle s’en souvienne, Casey aimerait sincèrement prendre quelqu’un dans ses bras et le réconforter. Ce qu’elle ne fait pas, connaissant très bien Brooklyn malgré des années d’éloignement, alors elle pose simplement sa main à côté de son genou, comme pour une étreinte appaisante sauf qu’étreinte il n’y a pas, pas plus que de toucher, et peut-être même pas d’apaisement. 2981 12289 0
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & Brooklyn Peut-on vraiment choisir de devenir qui l’on veut ? Les autres disent que oui, moi je ne sais pas. Le peut-on vraiment ? N’est-on pas voué à suivre un destin tracé d’avance ? N’existe-t-il pas déjà quelque part notre histoire écrite en avance et notre sort déjà sellé ? Pour être honnête mon “don” me donne l’impression de ne pas avoir le choix. Mais peut-être que je ne suis qu’une personne résignée et que c’est pour ça que je n’arrive pas à voir de choix dans ma vie … dans la vie en général. Si on peut voir l’avenir, c’est bien qu’à quelque part, le chemin est déjà tracée ? Que nos actions nous conduisent invariablement vers le même sort. Vous allez me dire “évidemment, on est tous voué à mourir un jour, nos actions nous y conduisent forcément” mais ce n’est pas ce que je veux dire. Oui, on est tous voué à mourir un jour, c’est inévitable. Certains ont essayé, peu sont parvenus à défier la nature, mais on malgré tout fini par trépasser, tôt ou tard. Mais est-ce que nos actions ne sont pas déjà prévues ? On pense avoir le choix, mais l’a-t-on vraiment ? Peut-être, que même quand nous sommes face à un carrefour, notre décision est déjà écrite quelque part et là où on pense avoir notre propre libre arbitre, finalement on n’a rien du tout. Je sais que beaucoup ne seraient pas d’accord avec moi, trouvant cette vision bien trop noire et triste. Mais peut-on vraiment me prouver que j’ai tort ? Certes, je ne peux pas prouver que j’ai raison, c’est vrai, mais jusqu’à preuve du contraire, je ne suis pas non plus sûr d’avoir réellement tort. Je ne sais pas. J’aurais tendance à penser que nous suivons tous un chemin déjà tracé d’avance et et même ceux qui pensent pouvoir lutter contre le destin en changeant de voie, suivent finalement une voie déjà tracée. Je sais, je n’ai pas une vision très belle de la vie, mais je n’ai jamais caché le fait que j’étais une personne résignée. Je ne peux pas lutter contre ma nature, j’ai toujours laissé les choses m’arriver sans lutter, surtout quand je les ai vu venir. Je me suis vu monter dans le Poudlard Express pour partir à Poudlard alors que j’avais décidé de ne pas y aller. J’ai changé mes plans pour m’y rendre, puisque je l’avais vu alors forcément, ça devait forcément se produire. Et ce genre de choses m’arrivent souvent. Mes proches ne comprennent pas, ils me demandent pourquoi je me résigne de cette façon, que je pourrais lutter contre les visions que j’ai, qu’elles ne sont pas forcément obligées de se produire. Mais ce qu’ils ne comprennent pas c’est que si je vais contre elles, qui me dit que ce que j’aurais créé ne sera pas pire ? Je ne veux pas prendre le risque.
Elle ne me déteste pas ? Elle a une drôle de façon de me le montrer. Mais en soit je ne peux pas la juger ou lui en vouloir, parce que je ne suis pas mieux qu’elle. Moi non plus je ne la déteste pas, j’en serais bien incapable. Je peux lui en vouloir, être agacé, déçu ou triste, mais jamais je ne pourrais vraiment la détester. Je déteste la situation dans laquelle nous nous retrouvons. Je déteste les choix que j’ai pu prendre et qui m’ont conduit à nous crier dessus en permanence. Je déteste qu’on nous ait séparé sans qu’on nous demande notre avis. Mais je ne pourrais jamais lui en vouloir ou la haïr. Je ne veux pas qu’elle quitte ma vie. Même si je ne la laisse pas y rentrer, en tout cas en apparence, je ne veux pas qu’elle s’en aille. Je dis en apparence parce qu’au fond, elle a toujours fait partie de ma vie et même si on venait à ne plus se voir, elle en ferait toujours partie. Casey, c’est une part importante de ma vie. Elle a toujours été là quand j’ai eu besoin d’elle et j’ai essayé d’être là quand elle en avait besoin à son tour. J’aurais voulu continuer comme ça toute ma vie, mais on ne m’en a pas laissé l’occasion. A Poudlard, on a été comme chien et chat, alors qu’avant on était comme cul et chemise. Et personne ne sait ce que sera notre relation plus tard. Je pourrais essayer de voir, ce que l’avenir nous réserve, mais je n’en ai pas envie. J’ai bien trop peur de découvrir quelque chose que je n’aime pas. Je ne te déteste pas non plus... Ce n’est pas une révélation qui me met mal à l’aise, parce que je le pense vraiment. Je ne sais pas si c’est quelque chose qu’elle sait, mais en tout cas si ce n’est pas le cas, je trouve ça bien qu’elle le sache. Non, je ne la déteste pas. On se prend la tête, on hurle, on se critique, on s’en veut, mais on ne se déteste pas. Et je ne déteste pas l’idée qu’elle ne me déteste pas, c’est rassurant, ça veut dire qu’il y a encore une infime chance qu’on arrive à s’entendre. Bon, le fait qu’on soit assis là, tous les deux, sur notre muret, me donnait déjà à penser que c’était possible, mais disons que ça confirme mon intuition.
La suite de la discussion fut bien plus pénible pour moi. Avouer, à demi-mot, ce qui m’était arrivé, c’était horrible. Bon certes, je n’ai pas dit grand chose, mais ça a suffit à Casey pour comprendre et c’est tout ce qui compte. Elle sera la deuxième à savoir. Elle ne sait pas grand chose, c’est vrai, mais elle sait que quelque chose d’horrible mais arrivé. Peut-être sait-elle que c’est un viol, peut-être pas, mais au final, est-ce vraiment important d’y mettre des mots ? Elle ne dit rien, il n’y a pas grand chose à dire de toute façon. J’ai pas envie d’entendre de grands discours, ni quoi que ce soit même. Je veux juste oublier. Elle se contente de poser sa main à côté de mon genoux, sans me toucher. Elle sait que je n’aime pas qu’on me touche et elle prend grand soin de ne pas le faire. Et ça me plait. Bon, je ne saute pas de joie, on ne va pas déconner, mais ça me plaît qu’elle tente de faire quelque chose, sans pour autant aller au delà de ce que je suis capable de supporter. C’est un peu comme avant. J’ai la sensation, en cet instant, qu’on est revenu à l’époque où on était des gamins. Et je crois que j’aurais aimé en profiter un peu plus, mais voilà, la vie nous rattrape toujours tôt ou tard. Je vois la silhouette de ma mère au bout de la rue et mon coeur rate un battement. Elle est inquiète, elle n’a pas dû me voir revenir et elle a trouvé la bouteille de lait devant la porte, alors elle vient vérifier que tout va bien. Je me sens comme un gamin prit en flague, alors que je n’ai rien fait de mal. Il faut que je décampe, je n’ai pas forcément envie de rejoindre ma famille mais plus je vais rester avec Casey et plus je vais avoir des questions et ça, ça me saoule d’avance. Je descends du muret. Je vais devoir y aller. Sois prudent en rentrant. Je ne sais pas trop quoi lui dire. J’aimerais lui dire que j’étais content de la voir ou que c’était pas si mal cette discussion. Mais je n’y arrive pas. Je me sens con, encore une fois, mais ça ne change pas quand je suis avec elle. On se voit à la rentrée ! Trouvais-je seulement à dire, avant de tourner les talons pour m’en aller, rejoignant la silhouette au loin qui entame déjà un retour à la maison. Et c’est parti pour les questions chiantes !
❝ Là où mes pas me mènent ❞Casey & BrooklynLa petite moue qu’afficha Casey traduisait bien son indécision face à la question. Elle aurait aimée pouvoir être plus optimiste que Brooklyn et affirmer avec force ses convictions en le libre-arbitre de chacun mais elle n’était même pas sûre de son avis sur le sujet. Peut-être bien que, comme il le disait, tout était déjà tracé et, quand bien même on souhaiterait changer de chemin, on ne ferait que jouer les plans du destin. Peut-être. Peut-être pas. Au fond, elle s’en fichait pas mal même si l’idée de ne rien pouvoir faire pour mener sa vie comme elle le voulait lui donnait envie de hurler. Tout ce qu’elle désirait, à cet instant précis, c’était continuer de croire que sa relation avec Brooklyn pouvait s’apaiser. Maintenant qu’ils se parlaient sans animosité, sans se hurler dessus, elle y croyait de plus en plus. L’équilibre était fragile cependant, un petit coup de vent et la flamme vacillerait, s’éteindrait même peut-être. Peut-être que tu as raison… Enfin, malgré tout, Casey n’était pas du genre à se préoccuper de l’avenir. Le présent était déjà bien assez compliqué et il y avait bien assez à gérer pour ne pas avoir le temps de s’occuper de ce que le futur leur réservait. Pas à très long terme en tout cas. Ce qui ne l’empêchait pas de se demander comment, comment ça allait bien pouvoir évoluer entre elle et celui qui avait été son seul réel ami après cette discussion, quand elle aurait pris car elle allait prendre fin, et quand ils seraient de retour à Poudlard où ils s’ignoraient en beauté depuis quatre ans.
Un petit soupire lui échappa à nouveau. Au final, pour la première fois depuis bien longtemps, elle se sentait presque bien. La présence de Brooklyn lui faisait du bien, vraiment, même si ce n’était pas rose du tout entre tous les deux, loin de là, mais pour la première fois depuis des années ils se parlaient normalement, et pas parce que Blackman gérait le château d’une main de fer et que ses sbires pouvaient à tout moment décider que fouetter un né-moldu était vraiment l’activité la plus fun. C’était un peu comme si le naturel revenait, comme s’ils n’avaient pas passé ces dernières années à se foutre sur la gueule. Un petit moment de temps volé, tant mieux, il fallait simplement ne pas penser au fait que ça finirait bientôt, bien trop tôt. Et la réponse du Serpentard, la confirmation que lui non plus ne la déteste pas, lui fait plus de bien qu’elle n’aurait jamais voulu l’admettre. Comme un poids qu’on lui ôte de la poitrine - il en reste d’autres, mais c’est quand même une sensation de légèreté, une nouvelle pointe d’espoir, espoir qu’ils arrivent à recoller les morceaux, les nombreux morceaux. Et il n’y avait rien à rajouter, c’était déjà un premier pas, des premiers mots pour éclaircir la situation. Casey se sentait mieux de l’avoir dit et de l’avoir entendu de sa propre bouche.
Et la situation s’était éclaircie encore un peu plus, noircie en même temps par l’ombre de ce que Brooklyn avait dit à demi-mot. Casey se sentait à la fois pleine de rage - pourquoi, ô grand pourquoi, est-ce que le destin ou quoique ce soit s’acharnait ainsi sur eux ? Il n’avait pas suffit que leur famille respective soit composée de père intolérants et violents ? Il avait fallut en plus qu’ils traversent des épreuves horribles qu’aucun être humain ne devrait avoir à traverser ? Et quoi ensuite ? Quand est-ce que les forces qui les dépassaient en aurait marre de jouer avec leurs vies ? S’amusait-on à tester leur résistance ? Si c’était ça, ils avaient fabriqué de véritables blocs de ciment. Mais à quel prix…
Elle sentit que leur moment lui filait entre les doigts avant même que Brooklyn ne lui dise qu’il s’en allait. La bulle avait explosé avec un petit pop. Relevant la tête, Casey aperçu une silouhette au bout de la rue. Sûrement un des deux parents de Brooklyn. À cette pensée, elle sentit encore son coeur se serrer de colère, de jalousie aussi, de savoir qu’il allait rejoindre un foyer… Toutes les vieilles rancoeurs ne pouvaient pas disparaître en une heure de temps, même si elles étaient déjà bien atténuées. C’était surtout l’idée qu’il change à nouveau d’avis, qu’il veuille une nouvelle fois la garder bien à l’écart de tout ça quand il serait rentré chez lui, bien au chaud, et qu’il fasse comme si cette conversation n’avait jamais eu lieu qui l’inquiétait. Si finalement il décidait de faire comme s’ils ne s’étaient jamais parlé… Casey enfouit bien vite cette idée au fond de son esprit, loin, bien loin, parce qu’elle ne voulait pas penser au pire pour le moment, c’était déjà bien assez dur de devoir lui dire au revoir alors qu’elle l’avait un peu retrouvé après tout ce temps. T’inquiète pas pour moi. En vérité, elle n’expliquait pas le sentiment de chaleur diffuse qui s’était emparé d’elle quand il lui avait dit d’être prudente. Bonne fin de vacances. Leurs regards restèrent accrochés encore quelques secondes avant que Brooklyn ne tourne les talons et ne s’éloigne. Même après avoir perdu de vu le point noir qu’il était devenu, Casey continua de regarder dans cette direction, ses pensées tourbillonnant à toute vitesse, se repassant leur discussion, pensant à la rentrée, angoissant pour la rentrée plutôt, tentant de se convaincre que tout allait aller mieux, n’y parvenant pas… Finalement, elle se décida à bouger seulement après un long moment, indéfini. Sautant du muret, elle jeta son sandwich entamé dans une poubelle et pris le chemin du retour. À pied, parce qu’elle avait réellement besoin de marcher et de concentrer ses pensées sur ses pieds et sur rien d’autre. 2981 12289 0