Deux semaines se sont écoulées depuis les événements survenus à Poudlard et l'arrivée de ses habitants à la Ferme. Le temps a fait son effet et la plupart des blessés physiques commencent à sortir, peu à peu, de l'infirmerie. Les blessures mentales sont elles aussi sur la voie de la guérison, la quiétude des lieux n'y est certainement pas étrangère. Cruz aussi continue son petit bonhomme de chemin, tant bien que mal. Elle s'est remise de ce qu'elle avait pu vivre, en même temps il lui en faut plus pour se laisser aller. Convaincue d'avoir fait ce qu'il fallait durant cette bataille, c'est sereinement que se déroule son séjour à la campagne. Il faut dire que ça la change des bas quartiers de Londres et de son Orphelinat, entourés de grisaille et de pollution. Sa peau s'en ressent, elle a meilleure mine et le bronzage s'accroche mieux. Désormais, elle arbore un joli teint caramel.

La Serpentard a toujours adoré être témoin de l'aurore matinale. C'est ainsi qu'elle a pris l'habitude de se lever tôt, voire très tôt le matin. Le spectacle en vaut la chandelle. Le problème, quand on est une lève-tôt, c'est qu'on dispose de plus de temps à combler. Il s'agit donc de se trouver des occupations et, en deux semaines, Cruz a l'impression d'avoir fait un peu le tour des activités proposées. Enfin ... des activités proposées qui l'intéressent, soyons précis. Car la méditation, très peu pour Cruz. Elle voit ça comme une perte de temps et, de toute façon, elle n'a rien sur quoi méditer. La demoiselle préfère être active et productive, question de caractère. Aujourd'hui, Cruz a donc décidé d'aller se promener dans le parc et, qui sait, peut-être trouver de quoi l'occuper sur son trajet. Comme il est encore tôt, il n'y a guère de monde à l'extérieur du bâtiment. Tant mieux, l'Espagnole n'aime pas croiser des personnes qu'elle n'apprécie pas dès le début de la journée. Son expérience avec Savannah lui a suffit, du moins pour l'instant.

Le parc qui entoure la propriété est superbe. Toute cette verdure, ces arbres entretenus et puis les champs à perte de vue, c'est bien différent du béton et du goudron. Si l'on vient assez tôt, on peut entendre le chant des oiseaux. Là encore, ce n'est pas tout à fait la même chose que d'entendre des coups de klaxon et des bruits de moteurs toute la journée. Mais l'endroit que Cruz préfère, c'est définitivement l'étang. Enfin ... là encore, sous certaines conditions. Une fois, elle a eu le malheur de s'y aventurer en début d'après-midi. La demoiselle a donc eu droit à une vision d'horreur qui lui a servi de leçon : des corps en maillot de bain. Et pas forcément des corps de mannequin, si vous voyez où je veux en venir. Maintenant, Cruz ne s'y rend qu'en début de matinée. Cela limite les risques. Des canards et des poissons, voilà les seuls êtres que Cruz tolère dans cette petite étendue d'eau. Jusqu'à présent, cette tactique a plutôt bien marché et la Serpentard ne croise personne aux alentours du petit étang à l'heure où elle s'y rend. Du moins, c'était vrai jusqu'à maintenant.

En effet, alors qu'elle s'approche de la marre, elle distingue une silhouette masculine. Une silhouette habillée, heureusement. Le garçon est accroupi, penché à proximités d'oiseaux à qui il semble donner à manger. Soit, c'est une activité comme une autres après tout. De la fumée s'échappe de sa bouche, c'est un fumeur. Il semble lui aussi s'apercevoir qu'il n'est pas seul et relève la tête pour l'observer. Il est plutôt grand et mince. En avançant davantage, Cruz distingue un peu mieux ses traits. Blond, les yeux clairs, type caucasien. En arrivant à sa hauteur, Cruz le reconnaît sans problèmes. Elle a bonne mémoire et ce, d'autant plus pour les noms et les visages. Il s'agit de Lowell Bartlett, futur sixième année lui aussi, membre de la maison Poufsouffle. La demoiselle a eu l'occasion de le voir dans différents cours mais ils n'ont jamais discuté, tout ce qu'elle sait sur lui elle l'a appris par des rumeurs circulant dans sa salle commune et son dortoir : le damoiseau serait un coureur de jupon. Amusant comme réputation. Le jeune homme entame la conversation. « Salut ! Cruz, c'est ça ? » Bon point pour lui, il connaît le prénom de son interlocutrice. Voilà une manière de s'attirer les bonnes grâces de la Serpentard, dont la bouche se fend en un joli sourire. « Oui, c'est tout à fait ça. Et toi c'est Lowell, je présume ? » En réalité, Cruz est absolument certaine de l'identité de son interlocuteur mais mieux vaut feindre le doute pour ne pas lui donner trop d'assurance.

Lowell se relève pour faire face à Cruz. Il est mince et plutôt grand, Cruz avec son mètre cinquante-cinq parait minuscule en comparaison. Elle remarque qu'il tient une cigarette dans une main et un bout de pain dans l'autre, l'Espagnole ne s'était donc pas trompée sur les activités du Poufsouffle. Ce dernier range le morceau de pain dans une de ses poches avant de poursuivre leur échange. « C'est un bon endroit pour réfléchir. C'est calme le matin. » Le garçon ne fait pas dans l'originalité et Cruz commence à douter des rumeurs qu'elle a pu entendre à son sujet. Il n'a pas l'air particulièrement doué en matière de drague. Ou alors elle ne l'intéresse pas, mais elle en doute. Généralement, elle est le genre de femme sur qui on se retourne. « Et tu viens souvent réfléchir avec un morceau de pain dans la main ? » Lui répond-elle, amusée. Le jeune homme n'avait pas tort, cependant. L'endroit est propice aux réflexions, avec le calme de l'eau et le vert apaisant des feuillages environnants, c'est peut-être pour ça que Cruz l'aime autant.

Lowell est vraiment très beau garçon, c'est une qualité qu'on ne peut lui enlever. Le mythe du garçon blond aux yeux bleus qui attire toutes les filles comme des mouches n'est pas prêt de mourir. Le voilà qui passe sa main dans ses cheveux, difficile de dire si c'est un geste de séduction ou un tic. Le Poufsouffle ne tire pas sur sa cigarette, remarque Cruz. S'il continue ainsi, elle va se consumer entièrement. Mais l'Espagnole apprécie l'effort, elle déteste avoir l'odeur de la cigarette sur elle. Étrange, quand on sait que celle-ci a été vue une cigarette à la main lors de leurs premiers jours à la Ferme. Les femmes sont pleines de contradictions et Cruz n'échappe pas à la règle. Mais elle n'a plus touché au tabac depuis bientôt une semaine, elle va mieux.

Le rire du garçon résonne autour de l'étang, un rire simple et franc. Cruz ne l'a jamais entendu rire, il faut dire qu'ils ne se côtoient pas vraiment en dehors de certains cours qu'ils ont en commun. La jeune femme a lié quelques amitiés avec des personnes hors de sa maison, des camarades de dortoir de Lowell entre autres : Matrim, Milo ... Mais jamais avec celui qui se trouve face à elle et qui la domine largement. Concours de circonstances, sans doute. « J'avoue que c'est plutôt pour attirer les oiseaux. Ils sont de bonne compagnie. » Cruz a donc vu juste, le jeune homme donnait bien à manger aux oiseaux environnants. Rien d'étonnant pour un Poufsouffle, au contraire. Ils sont du genre à aider leur prochain, rien à voir avec la cupidité des Serpentards. Cruz leur fait honneur et jamais elle ne fait passer les autres avant soi, c'est une règle d'or pour réussir. « En tout cas ils sont moins bruyants que les gens qui viennent ici dans l'après-midi, » poursuit Lowell. Il n'a pas tort et ce n'est certainement pas la petite brune qui dira le contraire. Non pas que les rires de quelques adolescents la dérange, en temps normal. C'est juste qu'elle n'est pas de ceux qui s'amusent insouciamment, on ne peut aller contre son tempérament. « Je préfère les sons de la nature et ses habitants aux sons des humains, ils sont moins disgracieux à l'oreille, » répond la jolie Cruz. C'est vraiment ce qu'elle pense, elle ne joue pas un jeu face à ce jeune homme qui semble un tantinet maladroit. Pour l'instant, du moins.

Le regard de la jeune femme se perd quelques instants sur la surface bleue de l'étang qui leur fait face. Grâce au soleil qui pointe le bout de ses rayons, on a l'impression que l'étendue d'eau est recouverte de diamants. C'est un spectacle magnifique et l'Espagnole l'apprécie à sa juste valeur. Tournant le dos à son camarade Poufsouffle, elle s'approche du bord de l'étang et se saisit d'un galet qui borde les rives. L'orpheline se concentre sur ses mouvements puis lance le galet à la surface lisse et plane sur l'eau. Celui-ci fait trois ricochets avant de plonger au fond de l'étang. Avec un petit sourire amusé, Cruz se retourne face à Lowell pour l'interroger. « Tu sais faire des ricochets ? » Changement total de sujet de la part de la jeune femme. Comme si cette dernière avait envie de retourner en enfance. A moins que cette envie de jouer à faire des ricochets ne cache une envie de s'essayer à un jeu beaucoup plus dangereux ? Qui sait, il est si difficile de savoir ce qui se passe dans l'esprit de notre Espagnole.

Une légère brise s'engouffre dans les cheveux noirs de Cruz qui virevoltent autour de son visage. La jeune femme se demande bien quelle première impression elle fait au Poufsouffle qui se tient face à elle. Après tout, on n'a qu'une seule chance de faire une bonne première impression donc autant ne pas se rater. La jeune femme aux yeux sombres sait qu'elle paraît froide au premier abord, il en a toujours été ainsi. Elle ne fait jamais confiance, à personne, c'est pourquoi elle a tendance à se mettre en retrait. Pas qu'elle soit impressionnante, elle fait limite la taille d'un elfe de maison, mais elle peut afficher un air glacial parfois. L'orpheline espère que ce n'est pas ce qui est en train de se produire avec Lowell. Si tel est le cas, il faudra qu'elle rattrape le coup et elle sait qu'elle peut le faire. Cruz, c'est la glace qui peut se transformer en feu incandescent en une fraction de seconde. Après tout, elle a du sang espagnol en elle et c'est bien la seule chose dont elle est sûre concernant ses origines. Il est vrai qu'elle apprécie le calme de cette campagne et qu'elle peut parfois donner l'impression d'avoir un balai dans les fesses, mais les récents événements l'ont changée. Cruz le sait, elle ne sera plus celle qu'elle a été jusqu'à maintenant. Elle n'a plus envie de se donner des airs de sainte nitouche, elle veut vivre sa vie simplement comme une adolescente de seize ans. Même si, à cause de la bataille, elle n'a pas pu fêter son anniversaire.

Cruz est contente que la conversation qu'elle entretient avec Lowell ne tourne pas à l'interrogatoire, comme c'est souvent le cas lors d'une première rencontre. Les deux jeunes gens restent formels et s'en tiennent à des banalités, ce qui convient tout à fait à la Serpentard. Elle n'aime pas livrer des choses sur elle-même, elle n'a jamais aimé ça. Déjà parce qu'étant une orpheline qui se cache de l'être, elle peut difficilement parler de son enfance ou de sa famille. Et puis, elle ne sait que trop bien que donner des informations sur soi à quelqu'un, c'est lui donner l'occasion de s'en servir contre soi. La jeune femme le sait pour le pratiquer parfois, afin de servir ses intérêts. Heureusement, les deux adolescents ne parlent que de la situation présente et du calme environnant. « Si on compare la grâce, c'est sûr que les humains sont pas les meilleurs, mais les moineaux ont quand même un peu moins de conversation. » Le Poufsouffle ne semble pas du même avis que la jeune femme. Pour être honnête, il n'a pas tort dans ses propos. Un sourire fugace passe sur les lèvres de Cruz. Puis, ses yeux se mettent à briller de malice et le sourire s'intensifie, dévoilant une jolie rangée de dents blanches. On peut aisément deviner à son expression qu'elle sait déjà ce qu'elle va répondre à son camarade. Ce qu'elle ne tarde pas à faire. « Heureusement pour toi que je passais par là, ça t'évite de devoir converser avec tes amis les oiseaux. Tu me dois un service maintenant, » lui rétorque-t-elle avec malice. Elle aime bien jouer à ce petit jeu, elle est douée pour ça.

Cruz est aussi douée pour faire des ricochets, du moins en général. C'est pourquoi elle s'est tournée vers l'étang et a lancé un fin galet gris à la surface de l'eau. Trois ricochets, c'est plutôt satisfaisant mais pas exceptionnel non plus. La jeune femme met au défi Lowell de faire mieux, avec un petit sourire amusé. Celui-ci répond présent et se permet même une petite fanfaronnade. « Tu plaisantes ? Je suis le roi des ricochets. J'ai gagné le tournoi de ricochets de Poufsouffle trois ans de suite. » Cruz lève les yeux au ciel d'un air faussement exaspéré, mais elle garde le sourire pour montrer que tout ceci l'amuse. Elle ne veut pas paraître inaccessible, pas aujourd'hui. La demoiselle préfère rentrer dans le jeu du Poufsouffle. « Il y a quand même eu deux années où quelqu'un a été meilleur que toi, » lui lance la jeune femme en lui faisant un clin d'oeil. « Si on organisait un tel tournoi chez les Serpentard, cela finirait en baston générale tant nous sommes mauvais perdants, » se permet-elle d'ironiser. Certes les Serpentards sont mauvais perdants, mais Cruz doit bien être dans le top trois si ce n'est à la première place. Et cela se confirme quand elle voit Lowell effectuer son lancer et faire un ricochet de plus qu'elle. Cruz affiche la mine boudeuse qui la caractérise face au sourire fier de celui qui est désormais son adversaire. « La balle est dans ton camp ! Essaie de battre ça. » Un défi, rien que ça ! La belle Serpentard ne se fait pas prier pour le relever, c'est sa fierté qui est en jeu. Elle se met face au rivage et sélectionne son galet en reproduisant la façon de faire du Poufsouffle. La jeune femme finit par en choisir un petit galet gris à la surface lisse et plane. Elle se relève et se concentre sur son mouvement de poignet. Cruz la perfectionniste n'a pas le droit à l'erreur. Le galet vient frapper la surface de l'étang ... une fois ... deux fois ... trois fois ... quatre fois ... Cruz ferme les yeux et entend un cinquième PLOC. Cinq ricochets, elle n'en est pas peu fière et c'est triomphante qu'elle se retourne vers Lowell. « Alors, le champion des Poufsouffles ? Si tu préfères abandonner, je le comprendrais tout à fait ! » L'esprit de compétition de Cruz est sans limite, cela promet une belle bataille de ricochets. Combat bien dérisoire face à ceux qu'ils ont vécu quelques semaines plus tôt, c'est peut-être justement de ça dont ils ont besoin pour s'en remettre. De légèreté.

Cruz devine que son camarade la détaille. Elle n'a pas besoin de le regarder dans les yeux pour le savoir, elle sent le poids de son regard sur elle. La jeune femme apprécie et elle espère que Lowell apprécie tout autant la vue qu'elle lui offre. Cruz aime plaire aux garçons, elle a toujours aimé ça. Peut-être parce que ça lui fait oublier que son père n'a jamais voulu la connaître et que sa mère s'est débarrassée d'elle, alors âgée de quelques jours à peine. Ou peut-être juste que Cruz aime qu'on s'intéresse à elle, comme toutes les adolescentes de son âge. La Serpentard pourrait elle aussi observer le garçon blond, et elle y trouverait matière à. En effet, le jeune homme peut lui aussi se vanter d'avoir été gâté par Dame Nature et nul doute que c'est ce qui lui a permis d'avoir plusieurs petites copines. L'Orpheline n'est jamais sortie avec personne, ça ne l'intéresse pas. Elle ne veut pas dévier de son objectif premier, à savoir devenir quelqu'un et surtout quelqu'un d'important. La meilleure, en somme. Mais, qui sait, les hormones adolescentes vont peut-être lui jouer des tours cette année ?

Cruz ne s'attendait pas à tomber sur Lowell au détour de sa promenade, peut-être que lui non plus ne s'attendait pas à tomber sur la jeune femme. Depuis qu'ils ont été amenés à la Ferme, l'Espagnole n'a pas vraiment cherché à aller vers les gens. Les rencontres qu'elle a faites, les conversations qu'elle a menées, tout cela était fortuit. Cruz aime le silence, elle le savoure car elle ne l'a pas vraiment connu étant enfant. A l'Orphelinat, il y avait toujours un marmot pour geindre et briser les moments paisibles. Par Merlin, qu'elle peut le haïr cet orphelinat de malheur. La jeune femme n'a qu'une hâte : avoir dix-huit ans pour se barrer de là bas et mener la vie qu'elle aspire à avoir. Bien qu'elle aime les paysages champêtres de la Ferme, en réalité Cruz préfère cent fois la ville. Étonnant, pour quelqu'un qui aime le silence. La jeune femme s'amuse de sa disparité avec Lowell. Lui préfère le bruit d'un humain apparemment et, d'après les rumeurs, celui des femmes plus particulièrement. Cruz se souvient encore d'une de ses camarades de dortoir qui avait passé sa soirée à pleurer à cause de lui. Une scène pitoyable. L'Espagnole est plus maline que ça, elle préfère essayer de jouer de ses charmes et ose prétendre à un service de la part du beau blond. Qui ne tente rien n'a rien, n'est-ce pas ? « On va voir ça. En attendant, ma conversation est déjà pas mal non ? » Cruz regarde son comparse avec un air désappointé. Ce n'est pas vraiment ce à quoi elle s'attendait. Qui plus est, la jeune femme a surtout l'impression que c'est elle qui mène la conversation depuis qu'ils se sont rencontrés. Il n'est pas très bavard pour l'instant, alors que la brune sait qu'il en est tout autre quand il est avec ses amis. « Pour l'instant, on ne peut pas dire que tu converses beaucoup. Pourtant je t'ai souvent entendu discuter avec entrain, au château. Est-ce que ma compagnie te déplaît ou t'ennuie ? » Cruz fronce les sourcils d'un air mi-contrarié, mi soucieux. Elle maîtrise les apparences et l'illusion est parfaite. En réalité, elle sait que sa compagnie est loin de déplaire au garçon. Mais bon, il faut bien s'amuser un peu.

La conversation dérive sur leurs talents respectifs pour les ricochets. Lowell fanfaronne, prétend être le meilleur des Poufsouffles. Cherche-t-il à l'impressionner, à se faire bien voir ? En tout cas, Cruz n'a aucun mal à imaginer le blondinet meilleur qu'elle : la demoiselle a rarement eu l'occasion de s'entraîner. Ce qui ne l'empêche pas d'essayer de couper court aux éloges que le Poufsouffle se fait à lui même. Sans grand succès puisque celui-ci renchérit. « Non, en fait pour tout te dire le tournoi a été annulé parce qu'ils en avaient marre de toujours perdre contre moi. J'aimerais bien voir ça. On devrait organiser un tournoi inter-maisons. Pas sûr que ça marche aussi bien que le tournoi de Quidditch, par contre. » Cruz l'observe, amusée. Elle n'est pas certaine qu'un tournoi de ricochets soit l'évènement de l'année, c'est beaucoup trop paisible comme compétition. « Je comprend, cela doit être TELLEMENT horrible de participer à un tournoi en sachant qu'on va forcément perdre face au grand Lowell. Sinon, les chevilles ça va ? Il vaut mieux abandonner cette idée de tournoi inter-maisons : ce serait un bide total ! » Cruz se met à rire doucement. Elle n'ose imaginer ce que les langues de vipère de sa maison pourrait dire sur une telle compétition : pour critiquer tout et tout le monde, les Serpentards sont les meilleurs. Ils sont les meilleurs dans beaucoup de domaines d'ailleurs, mais Cruz n'en dit rien à Lowell. Mieux vaut ne pas froisser son honneur de Poufsouffle.

La jeune femme se concentre à nouveau sur leur bataille initiale et provoque Lowell. Celui-ci exécute son lancer et Cruz voit la défaite se rapprocher au fur et à mesure des bonds du caillou sur la surface de l'eau. Et puis là, contre toute attente, un canard se met en travers de la trajectoire et stop les ricochets nets. « Merde... Les canards sont dans ton camp c'est ça ? » La jolie brune sourit et prend un petit air angélique. « J'avoue, je les ai soudoyés en leur promettant de leur donner tout ton pain s'ils m'aidaient à te faire perdre ! » Cruz fait un clin d’œil à son camarade. Elle doit une fière chandelle au volatile, sans lui elle aurait perdu la bataille. « On fait encore un lancer chacun avant de déclarer un gagnant, ça te va ? J'accepte de compter celui-là malgré l'intervention injuste du canard. » Cruz se saisit d'ors et déjà d'un galet avant de répondre à son adversaire. « La galanterie devrait t'intimer de me laisser gagner mais soit, prépare toi à perdre ! » La jeune femme se place face à l'étang, plisse les yeux et lance son galet. Cruz ferme les yeux et compte ... un ... deux ... trois ... quatre ... cinq. Même lancer que le précédent, pas de bol. L'Espagnole est presque sûre de perdre maintenant et elle a horreur de ça. Elle se met donc sur le côté en croisant les bras et attend de voir le lancer de Lowell, qui va sûrement la mettre au tapis.

Cruz ne sait pas encore si elle a envie de jouer sur le terrain de la séduction avec son camarde blond. Même si elle n'a jamais eu d'histoire sérieuse, à dire vrai elle n'a même jamais embrassé personne, ce n'est pas pour autant que la jeune femme ne joue pas de ses charmes avec le sexe opposé. D'ailleurs, elle passe son temps à tester son pouvoir de séduction avec Zach, un élève de Serdaigle. Ils ne se promettent rien de sérieux et se séduisent mutuellement, sans aller au bout des choses. C'est un passe-temps comme un autre, un divertissement parmi tant d'autres. Mais avec Lowell, Cruz ne se voit pas s'engager sur ce terrain. Pas parce qu'il ne l'attire pas, loin de là. Le jeune homme peut se vanter d'avoir un physique plutôt sympathique à regarder. Non, ce n'est pas une question d'attirance qui freine la jeune femme. Au contraire, elle aurait trop peur de céder à la tentation comme tant d'autres filles avant elle. Cruz ne veut pas être un numéro sur un tableau de chasse, elle a une trop haute estime d'elle-même pour ça. Cependant, l'Espagnole a envie de jouer un peu avec Lowell. Il faut dire que cette année ils n'ont pas eu beaucoup l'occasion de s'amuser. Pour l'instant, elle prend la température avec cette première rencontre et verra bien après où cela peut les mener.

Cruz s'amuse à taquiner Lowell sur sa conversation discrète. En réalité elle n'est pas fâchée, les moulins à paroles qui font trop de bruit elle déteste. Quand elle entend certaines têtes brûlées à l'Orphelinat se vanter haut et fort d'avoir une cour à leurs pieds, elle a envie de leur éclater la tête contre un mur. Elle l'a fait une fois et a failli ne pas avoir le droit de retourner à Poudlard donc elle essaie de se retenir tant bien que mal. Avec le Poufsouffle, elle n'a pas ce problème : avec elle il parle d'une voix calme et apaisante, qui se fond dans les bruits de la nature. « Je préfère ne pas tout dire dès le début, comme ça je garde un peu de mystère. Sinon tu vas trop vite te rendre compte que toutes ces conversations se composent surtout de blagues stupides. » Cruz se retourne vers son camarade avec un sourire. Il est en train de la draguer là, elle n'a pas rêver ? Malgré les apparences, la jeune femme est assez peu douée pour détecter si un garçon lui fait la cour ou non. Mais ses paroles associées aux regards qu'il lui jette depuis tout à l'heure ne trompent pas : elle lui plaît, assurément, et il faudrait être aveugle pour ne pas le remarquer. Cruz est flattée, elle sait qu'un certain nombre de demoiselles aimerait être à sa place. Ainsi, elle compte bien profiter de chaque instant. « Le côté mystérieux chez un homme ... il paraît que cela plaît aux femmes. L'humour aussi d'ailleurs. Est-ce que tes blagues sont stupides ET drôles ? Histoire de voir si tu as plusieurs cordes à ton arc, » lui dit-elle en le gratifiant d'un clin d’œil. Décidément, sa promenade l'amuse beaucoup plus qu'elle ne l'aurait prévu initialement. Le destin qui avait mis Lowell sur sa route ce matin avait certainement voulu lui faire un clin d’œil, lui aussi.

Leur discussion dérive sur un hypothétique tournoi de ricochets et ils n'ont pas besoin de se concerter pour savoir par avance que ce n'est pas l'idée du siècle. Une compétition sans sueur, sang et larmes n'est pas une vraie compétition, surtout pour des adolescents aux hormones en ébullition. « T'as raison, les autres maisons ne sont pas prêtes pour ça. Il faudrait pas qu'une seule personne ait le monopole du ricochet. » Le jeune homme reconnaît que Cruz a raison, il marque ainsi des points sans le savoir. Et c'est sur un petit air satisfait de la part de l'Espagnole que ce débat prend fin aussi rapidement qu'il a commencé. Place aux choses sérieuses avec la deuxième manche de leur petite compétition de ricochets qui se finit par l'intervention bienvenue (du moins aux yeux de Cruz) d'un canard sur la trajectoire du galet de Lowell. Ce dernier suggère que Cruz a volontairement soudoyé les habitants de cet étang pour l'aider à gagner la partie. La demoiselle est tellement mauvaise perdante que si elle avait pu, elle l'aurait sûrement fait. Elle plaide d'ailleurs coupable aussitôt, amusée par la tournure des évènements. « Quelle fourberie. Je suis impressionné. » L'Espagnole se retourne vers le Poufsouffle et lui mime une petite révérence avant de lui répondre. « La digne représentante des Serpentards, pour vous servir ... ou pas ! »

La partie reprend et Cruz défie Lowell de faire mieux qu'elle, lui suggérant de se préparer à sa défaite imminente. « J'attends que ça, » lui répond-il avant de s'appuyer contre un rocher pour observer sa partenaire effectuer le jet de la victoire. Mais ça, c'était sans compter le piètre lancer de l'Espagnole. Son galet ne fait que cinq ricochets, autrement dit ce n'est pas forcément un lancer miraculeux. Cruz est agacée, elle aurait aimé faire mieux. Aussi se retire-t-elle sur le côté, attendant que son adversaire joue. Elle n'ose même pas le regarder de peur d'apercevoir un regard un peu trop victorieux à son goût. Le jeune homme semble en proie à un fort dilemme intérieur dont la Serpentard ignore les enjeux. Si elle avait été à sa place, elle se serait dépêchée d'effectuer son lancer pour goûter rapidement aux plaisirs de la victoire. Au bout d'un moment de réflexion, Lowell se dirige vaillamment vers la rive de l'étang, galet en main. Cruz croise les doigts pour qu'il ne fasse pas mieux qu'elle et compte fébrilement les ricochets. Finalement, le galet plonge dans l'eau après le cinquième rebond, ce qui fait esquisser un petit sourire à la jeune femme. Au moins, il n'a pas fait mieux qu'elle ! Gagné par la fièvre de la compétition, le Poufsouffle se tourne vers Cruz pour la défier. « Il n'y a qu'une seule façon de régler ça, » lui dit-il en mettant une main derrière son dos. « Je te défie à pierre, papiers, ciseaux. » Etonnant comme défi pour un garçon de seize ans ! Mais l'idée plaît à Cruz, qui tient absolument à ce que ce valeureux combat obtienne son vainqueur. « Chez moi on dit plutôt pierre, feuille, ciseaux mais je suppose que le jeu est le même. Je relève le défi, que le meilleur gagne ! » La jeune femme vient se placer face à Lowell et met sa main dans son dos avant d'entonner la traditionnelle chanson de ce jeu. « Un, deux, trois, pierre, papiers, ciseaux ! »


1-2 : Cruz fait le signe de la pierre avec son poing.

3-4 : Cruz mime des ciseaux avec ses doigts.

5-6 : Cruz positionne sa main de façon à représenter une feuille de papier.

C'est amusant comme le hasard s'amuse à placer certaines personnes sur notre chemin. Si Cruz n'avait pas décidé d'aller se balader près de l'étang ce matin, elle n'aurait sûrement jamais eu l'occasion de parler seul à seul avec Lowell. La jeune femme se demande, en cet instant, si le Poufsouffle est fidèle à l'image qu'elle s'était faite de lui. A dire vrai, Cruz ne s'est jamais vraiment intéressée au jeune homme et s'est contentée de baser son jugement sur les commérages qu'elle a pu entendre ça et là, dans les couloirs ou dans son dortoir. Les rumeurs n'étaient pas toujours élogieuses aussi la jeune femme n'avait pas jugé utile d'approfondir ses connaissances sur le Poufsouffle. Il semblerait qu'elle se soit trompée : la voilà face à une agréable surprise. Le jeune homme avec qui elle converse semble sympathique, intelligent et pas prise de tête. Et même s'il a un penchant visible pour les jolies jeunes femmes et la drague, c'est loin d'être déplaisant. Comme quoi, il ne faut jamais s'arrêter à ce que racontent les gens sur quelqu'un : cela crée souvent une image bien éloignée de la réalité.

Cruz se prend au jeu de la séduction et taquine Lowell sur son côté mystérieux qu'il essaie de préserver ainsi que sa prédisposition à faire des blagues avec sa bande de copains. En réalité, même si elle lui demande si ses blagues sont drôles, Cruz est presque certaine de la réponse. Un adolescent qui traîne en groupe n'a pas forcément l'humour le plus fin du monde, bien au contraire : la plupart du temps, les plaisanteries sont d'un niveau assez piètre et d'un humour gras. La jeune femme ne se fait guère d'illusions là dessus, elle en a tellement entendu à l'Orphelinat ... « Tu en demandes beaucoup. Je préfère me dire que si je double la quantité, ça compensera le niveau général. » Le Poufsouffle vient confirmer les pensées de Cruz, comme s'il avait lu en elle. Heureusement pour la jeune femme, elle espère bien que jamais personne n'osera faire ça. « Et puis au final le plus important c'est d'avoir l'air de faire une blague drôle... Si tu ris, l'autre personne va rire par réflexe avant de se rendre compte que c'était pas terrible. » L'art des apparences ... Cruz connaît bien cette notion pour l'utiliser au quotidien. Si tu as l'air sûr de toi quand tu dis un énorme mensonge et que tu es paré à toute éventuelle question, tu peux être certain que la personne face à toi va tout gober. C'est le jeu auquel elle joue depuis cinq ans maintenant, à mentir sur son passé et ses origines. Généralement, ne rien dire suffit mais face aux curieux il faut bien sortir une version crédible. Ce n'est pas pour rien qu'elle est chez les Vert&Argent, la gosse. « Je suis bien d'accord, c'est le talent d'acteur qui compte. En toute circonstance. Mais j'ignorais qu'on vous apprenait ce genre de choses chez les Poufsouffles, » lui dit-elle en riant légèrement. Elle aurait pu jurer que les blaireaux étaient les personnes les plus sincères de Poudlard, comme quoi les apparences sont vraiment trompeuses.

Le tournoi de ricochets des deux élèves n'est pas un franc succès. Au bout de trois manches de combat sanglant, ou presque, Cruz et Lowell sont parvenus à égalité parfaite. Si on oublie l'intervention du canard en faveur de la jeune femme, bien entendu. Heureusement qu'il était là, sinon Cruz était bonne pour endosser le rôle de la perdante. Et Merlin sait que la jeune femme a une sainte horreur de perdre. Mais la compétition ne peut se finir sur un score nul, il faut départager nos deux joueurs. Le Poufsouffle propose de jouer au traditionnel "pierre, feuille, ciseaux" dont l'issue est aussi hasardeuse que dénuée d'esprit stratège. Cruz et son esprit de compétition sans limite acceptent immédiatement. Les concurrents se mettent face à face, la main dans le dos et entonnent la chanson. A la fin de celle-ci, Cruz dégaine la pierre en la mimant avec son point tout en priant pour que Lowell ne sorte pas la feuille. Les prières de la jeune femme sont entendues puisque le Poufsouffle mime les ciseaux avec ses doigts. Le visage de Cruz s'illumine d'un large sourire, elle a gagné la partie ! La déception du jeune homme s'envole rapidement et ce dernier sourit à Cruz. « Tu as battu le roi des ricochets. Pas aux ricochets, mais bon, c'est le jeu, donc tu peux aller chercher ta couronne au bureau des ricochets quand tu veux. » La jeune femme est aux anges, aucun sentiment n'est plus grisant que celui d'un vainqueur au terme d'une longue compétition dont la victoire est saluée par l'adversaire. « Me voilà reine maintenant, si je comprend bien. Je t'autorise donc à m'appeler "Votre Altesse", dans mon aimable bonté. » Cruz sourit, elle doit bien avouer qu'elle s'est vraiment amusée durant cette pseudo bataille.

Le temps a passé à une vitesse folle et la matinée est déjà sur le point de se terminer. Cruz n'a pas vu le temps passé, ce qui est une bonne chose : Lowell ne l'a pas ennuyé une seule seconde. « Je m'attendais pas à trouver un aussi bon adversaire en ricochets lorsque je suis descendu ici. C'était chouette. » Cruz approuve d'un hochement de tête mais n'a pas le temps de répondre car des bruits se font entendre. La jeune femme tourne vivement la tête et s'aperçoit qu'ils ne sont désormais plus seuls. Une bande de joyeux lurons a décidé de venir piquer une tête dans l'étang, rompant la quiétude de l'endroit. « Malheureusement j'ai pas l'impression que ces gens soient venus rejoindre le tournoi. On retourne vers la ferme ? » Cruz passe rapidement une main dans ses cheveux, désordonnés après une telle lutte, avant de répondre. « Oui, allons y. Toutes les bonnes choses ont une fin ! » La jeune femme fait un clin d’œil à Lowell et prend la direction de la Ferme, accompagnée du jeune homme. C'était une rencontre surprenante et agréable, Cruz a hâte de voir comment tout cela va évoluer à la rentrée. S'ils rentrent à Poudlard en Septembre, bien sûr.