Le calme n’était jamais de mise, dans cette ferme devenue bien trop petite dès l’apparition des premiers réfugiés. Des pas pressés semblaient se diriger dans toutes les directions tandis que d’autres semblaient plus calmes. Le temps passait à un rythme incertain, laissant planer le doute des jours s’écoulant. Combien de temps s’était passé depuis cette fameuse nuit… ? Elle n’arrivait pas à le déterminer avec exactitude. Trois jours ? Peut-être cinq ? Peu importait… Le temps était bien trop long. Le regard posé sur l’extérieur, Niamh observait les quelques aventureux dans le jardin de la ferme. Le soleil était haut et chaud, mais l’extérieur ne la tentait pas plus que les jours de pluie, symbole de morosité. Quelle sensation étrange, non ? Enfermés pendant presque un an à ne jamais voir l’extérieur si ce n’était pour déblayer, défricher ou déneiger… Et là, l’extérieur leur était –bien que partiellement– accessible. Et il faisait beau comme de ces journées qui la mettait normalement en joie.
Pourtant la jeune Poufsouffle se contentait d’être assise devant la fenêtre, ses bras serrés autour de ses genoux. Depuis leur retour ici, saint et sauf, Niamh attendait. Elle attendait que tout le monde soit répertorié comme réellement sauf. Il manquait encore tellement de monde… Et tellement de monde passait par ici qu’elle n’avait même pas encore pu voir tous les présents. Son ventre se tordit lorsqu’elle repensa à Alaska et Sinéad qui avaient fuit, qu’elle avait laissé tomber… Si seulement elles étaient restées… Elles seraient ici, à se faire soigner. A chaud, avec de la nourriture et l’espoir d’enfin apercevoir une once de liberté. Même si leur liberté restait tout de même à discuter. Les limites du terrain étaient leurs barrières. Après un an de vie sous terraine… Cet endroit semblait comme un havre de paix. Alors pourquoi avait-elle cette amère impression de vivre dans une lumière factice… ?

A cette heure-ci de la journée, la salle à manger était vide. Surtout avec un soleil aussi éclatant dehors, la terrasse était prise d’assaut. L’intérieur de la bâtisse était légèrement étouffant de chaleur, n’arrangeant pas son cas avec le linge long qu’elle portait, cachant les nombreuses cicatrices et ce corps rachitique qu’elle ne supportait plus de voir. Lorsqu’elle repensa à ses propres blessures, elle les trouva bien moindre à comparé de ce que d’autres avaient pu subir… Elle repensait à cette main détachée du corps d’Isidore, notamment. Secouant vivement la tête, la jeune apprentie Sorcière chassa cette image de son esprit. Non, elle n’arrivait pas à réaliser. Tout cela s’était-il réellement passé ? Etaient-ils réellement délivré de ces cachots … ?! C’était impensable. Et pourtant, une semaine auparavant, elle désespérait en songeant passer le reste de ses jours comme une esclave. L’été était finalement arrivé, la fin de l’année scolaire avec et elle s’était longuement questionnée quant à leur avenir de l’été. Allaient-ils restés coincés ici ? La question se posait également pour cette ferme. Elle ne savait pas à quand remontait exactement la dernière fois qu’elle avait pu donner des nouvelles à sa famille. Est-ce que le père d’Amélia leur avait donné des nouvelles ? Comment avaient-ils interprétés son silence involontaire… ? Elle ne le savait même pas.

Le ciel était bleu aujourd’hui et l’air offrait un goût de liberté.

Et pourtant, elle était toujours prisonnière de ses propres chaines.

Le ciel était bleu aujourd’hui et l’air offrait un goût de liberté. Un groupe méditait dan le jardin tandis que d’autres se passaient une balle qu’elle devina être un Souaffle. Non, rien ne semblait perturber la joie commune d’avoir retrouvé une instance de liberté ; ce en plus de célébrer la fin de l’année et des vacances l’accompagnant. Le temps était venu de reconstruire, de trouver une nouvelle voie et de nouveaux objectifs. De simplement se lever en se disant : Aujourd’hui, je vais le faire !, comme répétait souvent les Psychomages. Pourquoi les choses étaient toujours plus faciles à dire qu’à faire ? La première semaine s’était déjà écoulée et les séances pour certains étaient nombreuses avec ces fichus professionnels de l’état de santé mentale. Au vu des commentaires généraux, ces séances là étaient refoulées par un grand nombre d’élèves, pourtant elles semblaient importantes aux yeux de la jeune Poufsouffle. Face à tous ces événements, à l’inquiétude constante et aux traumatismes vécus, elle n’arrivait pas à s’en sortir. Beaucoup trop de pourquoi pour aussi peu de réponses.
Elle vivait avec cette étrange sensation d’être enfermée dans une boucle interminable. Comme si à chaque fois qu’elle pensait avoir trouvé la sortie, elle revenait indéniablement au point de départ. Ce n’était pas faute d’essayer, mais quelque chose coinçait à quelque part ; et elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Alors elle se contentait d’observer les autres vivres. A vrai dire, son regard était particulièrement accroché sur le Souaffle. Elle se surprenait même à tenter d’anticiper les passes et les ouvertures… Mais à chaque fois qu’un nouveau participant recevait la balle à une vitesse considérable, ses muscles se crispaient. SLACK. Sa mâchoire se serra tandis que son dos sentait encore la trace brûlante des coups de fouet. Les souvenirs de cette punition collective de tous les joueurs de Quidditch avait été certainement celle de trop. La seule chose que tout cela lui inspirait n’était autre que de la peur.

- Tu regardes quoi ?

Quelqu’un s’était posé à côté d’elle, indéniablement. Mais son temps de réaction fut bien trop long pour tenter d’investiguer sur l’identité de cette personne. Alors elle avait laissé tomber, ne cherchant plus à savoir. Néanmoins, les paroles de l’inconnu suffirent à raviver sa mémoire. Elle connaissait cette voix. Son regard roula lentement jusqu’à l’arrivant et ce fut non sans surprise qu’elle découvrit Matrim.

-Eux, répondit-elle sans cérémonie tandis que son doigt pointait le groupe qui jouait avec le Souaffle.

Ce moment était étrange. A vrai dire, elle n’avait jamais su réellement quoi penser de ce garçon. Tantôt mordant, tantôt sympathique. Pourtant, elle ne pouvait se le cacher… Son comportement à son égard avait été une grande surprise. Car jamais elle n’avait été capable dans sa vie de répliquer à quiconque comme elle avait pu le faire avec lui. Ce n’était pas faute d’en avoir longtemps rêvé, de pouvoir pester après Amélia ou Sinéad. Et même Perrin, dans le temps… Enfin, tout ceci semblait bonnement ridicule maintenant. Mais ce garçon en particulier faisait réagir une partie de sa personnalité dont elle ne soupçonnait même pas l’existence. Et c’était bien loin d’être un mal, justement dosé. Un milliers de questions lui brûlaient encore les lèvres, mais une plus particulièrement que d’autres.

- Est-ce que… Tout va bien ?, demanda-t-elle hésitante, J’veux dire, enfin… Après tout c’qui s’est passé. C’est difficile de voir qui est là et qui ne l’est pas… Et… J’suis contente de te voir en un seul morceau, quand même…

Son regard se tourna jusqu’à lui tandis qu’il semblait fixer un quelconque point fictif à l’horizon. La situation était quand même gênante, elle devait se l’avouer. Surtout lorsqu’elle se mettait à trop parler à cause des effets du stress. Néanmoins Niamh était loin de souhaiter du mal à quiconque, encore moins à Matrim, alors elle était tout de même soulagée de le voir ici, pas trop amoché.

- Tu peux t’assoir si tu veux.

Derechef, la jeune Poufsouffle désigna d’un geste de la tête à son aîné les chaises libres, accotées contre le mur proche de la fenêtre où elle observait l’extérieur. Son regard se perdit quelques instants à l’observer et le souvenir d’une salle de musique lui revint. En ce moment, elle aurait tant aimé que la musique retentisse. Qu’elle leur fasse crier leur peine et soutenir leur joie. Qu’elle soit simplement là, comme une bonne vieille amie qui vous bercerait dans ses bras. Mais la musique était aussi loin de leurs oreilles qu’elle pouvait être de leurs cœurs. Et Niamh n’avait même plus le goût de sortir sa guitare de son étui depuis les derniers événements. Pourtant, l’arrivée du Poufsouffle lui donnait comme un air frais. Un air musical qu’elle avait totalement oublié ces derniers jours. Un air aux milles promesses de liberté et au goût lointain d’un Hallelujah.