Ici, c'est ma place OK ?

Une nouvelle fois, tout est encore silencieux quand je quitte le dortoir. Les autres ont probablement mis un réveil à sonner et ils auront les yeux grands ouverts dans une grosse demi-heure. La perspective de subir un cours de potion en demi-groupe n'est pas très attrayante pour les occupants de ce dortoir, alors ils perdront autant de temps qu'ils le peuvent à se retourner sous leurs couvertures. Et pendant qu'ils se précipiteront en cours de potion, leur sac secoué aux rythmes de leur foulées, je serais moi aussi en train de faire du sport, mais dehors. Je n'aurais pas eu à attendre mon tour pour me doucher, ça attendra ce soir, tout comme les préoccupations concernant les cours de la matinée que j'aurai manqué. De toutes façons, dans le cas où l'on me demanderait de me justifier, j'ai de quoi répondre sans froisser les professeurs et leur foutue magie, ou presque : Le temps est absolument exécrable en Ecosse et ils sont bien incapables d'y remédier, donc je préfère utiliser à bon escient les dernières heures d'ensoleillement.

Ainsi, à peine le couvre feu a-t-il laissé place à l'aube, qu'un curieux à l'image de ceux qui bossaient dans la salle commune, peut me voir cavaler en destination du parc. Que l'on soit bien d'accord, je suis bien loin d'être à ma vitesse de pointe. Primo, je suis lourdement chargé, deuxio, mon entraînement n'a pas encore commencé. Quand je rejoins le lieu loin d'être idéal pour m’entraîner que j'ai été contraint de choisir, il me reste encore à préparer le terrain, à m'adapter à la condition du sol et à m’échauffer, avant de penser à choisir ma raquette.

Je pose mon sac à terre, et non sans jeter un dernier regard derrière moi, je m'élance vers un bosquet proche et particulièrement touffu. Il ne me faut pas longtemps pour trouver ce que je cherche mais dégager les poteaux de l’amas de branche, c'est une autre histoire. Je n'ai malheureusement pas le choix, ils sont trop lourd et encombrant pour que je me balade avec mais je ne peux pas pour autant les laisser à la portée de tous ces malades. Je préfère ne pas imaginer ce qu'ils pourraient faire à mon instrument de travail, que j'ai soit dit en passant, galéré à faire acheminer par hiboux.

Je ramène donc le premier poteau, entreprends de commencer à attacher le filet histoire de faire une pause, avant de repartir. Je n'ai pas oublié de jeter un regard derrière mois, mais le parc est bien calme en ce début de matinée. C'est mon jour de chance, c'est du moins ce que je croyais avant de revenir quelques minutes plus tard et de trouver une fille installée dans l'herbe. Elle est trop loin pour avoir l'air de s'occuper de mes affaires certes, mais assez près pour être à porté de mes balles. Sans rien dire, j'installe le deuxième poteau, espérant qu'elle va se bouger, je n'ai pas de temps à perdre, puis le filet passe entre mes mains, mais elle ne réagit pas.

Je finis donc par me diriger, en footing, vers la silhouette qui se révèle être l'une de mes camarades de classe, même si je ne suis pas du tout fichu de prononcer son nom. C'est une serdaigle je crois, ses vêtements me mettent sur la voie mais de toutes façons, on s'en fou, elle va partir. "Hé. Salut." J’esquisse un sourire, histoire de favoriser mes chances de ne pas l'avoir dans les pattes ce matin. " Tu voudrais pas bouger ? Je vais m’entraîner là. ?"

Ici, c'est ma place OK ?

Penser à l'entraînement que je suis en train de préparer me fait sourire. Aucun doutes quant au fait que je préférerais largement être à Nottingham, à réfléchir aux prochains entraînements au lieu de plancher sur un de ces dilemmes de math qui donne mal à la tête, qu'ici à Poudlard. Je déteste cette école qui me prive de tout ce que j'ai et me contrains de me satisfaire d'un carré d'herbe en guise de terrain. C'est injuste que l'on accorde autant de privilèges à ceux qui se contentent de poursuivent une balle et de faire des loopings dans les airs. Eux, ils ont un terrain, avec une herbe bien entretenue, alors qu'ils ne la frôlent même pas. Alors je m'en plains, car c'est justifié, mais je résiste tout autant. Non, Burgess comme l'autre prof' de sortilège ne me verra pas à son cours. Car en attendant de trouver le moyen de m'enfuir, qu'importent leurs caprices, je dois continuer à m’entraîner. Je loupe des compétitions importantes, des entraînements et des conseils qui le sont tout autant mais je ne dois pas me laisser abattre.

Il est nécessaire que mon esprit soit obnubilé par mon objectif si je ne veux pas laisser le dernier set aux sorciers, et ce n'est clairement pas cette fiche qui se mettra en travers de mon chemin. J'ai été sympa, je l'ai salué avant de lui demander gentiment si elle pouvait trouver un autre carré d'herbe, mais elle n'a pas saisi que même je ne suis peut-être pas chez moi, ici, ça reste mon coin. Au lieu de simplement se relever pour aller poser ses fesses un peu plus loin - ce n'est pas comme s'il était compliqué de trouver plus confortable - elle me demande d'attendre qu'elle finisse sa lecture. Et son excuse n'en est pas vraiment une en plus, je ne songe même pas à tenter de retenir mes yeux qui montent très vite au plafond. Je pourrai lui rétorquer, que moi aussi j'ai un cours, mais comme ce n'est pas dans mes projets de m'y rendre, je garde cette pensée pour moi. J'ai assez d'autres arguments à lui opposé, pour en arriver au point de lui mentir. "Bah nan. J'ai aussi une vie tu sais, peut-être mieux que la tienne même si je ne la passe pas à lire des livres de..." Je jette un coup d’œil au livre qu'elle a entre les mains. "Potions." J'ai arrêté d'essayer d'être gentil quand son attention s'est de nouveau dirigée vers son bouquin, preuve qu'elle ne prend pas même la peine de faire semblant d'être préoccupé par ce que je dis. "Donc tu comptes faire ta gamine encore longtemps ? Si tu voulais pas être déranger, t'avais qu'à aller à la bibliothèque... " En vérité, je suis bien incapable de dire si la bibliothèque est ouverte ou non à l'heure qu'il est. Déjà que je ne m'y rends pas souvent, alors il est certain qu'on ne va pas me voir me lever exprès pour y aller. "Ou pas à coté de mon terrain en tout cas."

Ici, c'est ma place OK ?

En entendant son refus, j'en viens à songer à la tournure qu'auraient pris les événements si j'avais fait usage de la formule au combien inutile qu'est le "s'il-te-plait"  à la suite de ma demande. En soit, ça ne m'aurait pas coûté grand chose, hormis de la salive, mais le truc c'est que je n'y ai tout simplement pas pensé. C'est seulement maintenant que cette éventualité me traverse l'esprit, alors que sa réponse se fait claire, nette et précise. La jeune fille ne me laisse aucune place à la négociation alors un excès de politesse de ma part n'aurait pas été efficace. Je vais plutôt devoir lui faire connaître ma légendaire répartie, pour la faire changer d'avis.

Parce que j'en connais un paquet qui serait partis la queue entre les jambes, ce n'est pas mon cas. Elle n'est pas en béquilles à ce que je sache et je ne pense pas que son livre face un dixième du poids de mon équipement, donc elle peut bouger. C'est la seule chose que je veux entendre sortir de sa bouche, les horaires de la bibliothèque, au fond je n'en ai strictement rien à faire. Elle n'est ouverte qu'aux feignasses qui se lèvent à pas d'heures ? Je suis ravi de l'apprendre, mais je ne m'y rendrais pas plus souvent : ils n'ont pas de mangas, et les seules magasines de sport qu'il y a concernent les serpillières volantes. Si je suis dans le parc, c'est pour m’entraîner, comme je lui ai si gentiment dit, et je n'ai pas envie de l'avoir dans les pattes, à devoir faire attention et tout et tout. " Nan, c'est pas la joie de vous supporter, mais je pense pas que je vais en mourir. " Ne me dites pas qu'elle va essayer d'avoir le dernier mot ? En cours je veux bien, même si ça n'a pas l'air d'être son style, de parler en cours, mais quand je compte m’entraîner, c'est niet. "Toi par contre, je t'aurai prévenu du coquard que tu risque d'avoir. "

J'aurai pu tomber sur l'une de ses idiotes de filles qui se planquent dès qu'elles voient une balle à l'horizon, terrorisé, mais ça aurait été en contradiction avec ma poisse. Si elle avait eu peur d'une balle, la fille ne serait pas là, en train de négocier avec moi, même si elle a autant de répartie que ces filles là. " Nan, mais c'est une façon de parler. Je n'ai pas franchement le temps d'en planter un je te signale. " Un panneau, nan mais je vous jure. " Je perds déjà mon temps à expliquer l'évidence. A savoir que, je sais viser, aucun problème pour ça. Mais tu connais l'existence du vent qui dévie les balles, et de la terre qui la fait rebondir il me semble ?" Je ne sais pas si mes mouvements de bras exagérés lui permettent de comprendre un peu mieux la situation, mais en tout cas, ça m’empêche de m'énerver. " Et je frappe fort aussi. Au passage. " Je me décide finalement pour croiser les bras. "Donc dans ton intérêt personnel, je t'invite à me montrer que tu n'es pas une feignasse. En te levant pour aller un peu plus loin, ou en gagnant directement le terrain pour te mesurer à moi".

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la diplomatie, ce n'est pas du tout mon truc. Est-ce que ma technique va payer, je n'en sais rien, mais je la laisse réfléchir, m'éloignant en footing arrière avant de me retrouver dos à elle. Je ne sais pas ce qu'elle va choisir, mais je le saurais très bientôt, dans quelques instants, quand j'aurai amorcé ma boucle.