Elle tire délicatement sur sa manche depuis deux minutes, cette petite main d’enfant qui ne demande qu’un câlin ou bien un peu d’attention. Elle est toujours en train de gambader partout dans la demeure,à sauter de fauteuils en fauteuils, à escalader les étagères, à courir se cacher dans un placard et s’endormir sur les robes de travail de sa mère. Elle est débordante d’énergie, peut-être trop pour son grand-frère qui repousse sans ménagement la main qui lui demande son affection. Il la pousse souvent loin de lui quand elle ose s’approcher manquant parfois de la faire tomber et pourtant la fillette persiste à le suivre partout jusqu’à ce qu’il aille s’enfermer dans sa chambre où elle a interdiction formelle d’entrer. Elle l’a bien compris quand elle a tenté de faire irruption sur son “territoire”, elle l’avait jamais entendu lui crier dessus comme ça. Elle a pris la poudre d’escampette pour se réfugier dans les bras de sa mère, les yeux rougis par les larmes. Son père est même allé dire à Zephan de se calmer un peu. C’était souvent animé comme ça pendant les vacances mais le reste du temps, la maison était plus silencieuse. Johan ne voyait pas son frère tant que ça : à peu près un an après sa naissance, il a fait son entrée dans la fameuse école de Poudlard et ne revenait donc pas au domicile assez souvent pour que tous les deux grandissent ensemble. Il devenait un adolescent, un futur homme alors qu’elle était une petite fille inutile, collante, dont la conversation n’atteignait pas des sommets… Elle n’avait pas d’intérêt particulier. Quand sa mère était présente, Johan l’accaparait pour compenser la déception de ne pouvoir jouer avec son frère. Souvent quand elle était là, son père, lui, partait. La gamine profitait de ses temps de partage pour poser toutes les questions qui trottait dans son esprit enfantin, comme “pourquoi Zephan y m’aime pas ?” avant de se faire reprendre sur sa phrase mal formulée ou encore “ Qu’est-ce ça veut dire Pryromane ?”. Elle voulait dire pyromane, l’ayant entendu dans la bouche de père mais c’était un mot absolument nouveau pour elle. Diane avait répondu “ça veut dire que ton père et moi on va devoir parler !” et Johan avait encore moins compris le sens de ce mot.

En dehors d'une mésentente fraternelle irrésolue, Johan a eu une enfance plutôt banale. Elle a grandit dans une famille aimante bien que stricte. Elle a toujours eu ce dont elle avait besoin, parfois aussi un tas de trucs dont elle n'avait pas besoin. Pendant les vacances familiales, elle est partie une fois en France, rencontrer la seconde partie de sa famille. Celle que sa mère a abandonné pour un homme et son grand-père a insisté pour lui apprendre à monter sur un balai. Chose que ses parents avaient toujours voulu éviter. Elle avait appris deux trois mots de français mais qu'elle prononçait avec son air irlandais, ce que mamie trouvait adorable. Elle était rentrée pleine de souvenirs. Elle était allée en parler avec son père qui de son côté était resté ici à cause de son travail mais qui lui avait très légèrement souri et écouté. Cet éloignement lui avait donné l'envie de faire un cadeau à sa fille et il lui avait alors offert un collier d'émeraude, qu'elle garde en permanence discrètement sous ses affaires. Avant Poudlard, Johan n’a pas vécu grand chose de passionnant. Elle s’est contentée d’être la digne fille de ses parents, de toujours se montrer aussi polie que possible, souriante et pas trop bizarre. Elle passe son temps à vouloir faire plaisir aux siens. Elle passe énormément de temps avec ses cousins et cousines irlandais, qui sont comme ses frères et soeurs. On la trouve régulièrement un bouquin à la main ou en train d’écrire en chantonnant. Elle se satisfait en étant celle qu’on attend qu’elle soit, même si son oncle la taquine souvent, la pousse à se montrer moins “correcte” que les exigences de ses parents. Elle n’a pas encore trop d’amis enfants autre que sa famille. Elle n’ose pas, ce n’est pas bien… elle se doit de plaire à ceux qui ont consacré tout leur temps à l’aimer, l’élever.

C’est réellement son entrée à Poudlard qui fait d’elle une personne un peu différente, sans doute ouverte à de nouveaux horizons. Elle sait ce qu’elle veut faire plus tard, se consacrer au chant parce qu’elle a toujours eu un don pour ça même s’il est rare de l’entendre. A moins qu’elle ne soit sûre que personne ne l’épie. Elle compte d’abord étudier correctement, histoire de prouver à sa famille que c’est un choix réfléchi et qu’elle sait tout autant être sérieuse. Elle souhaite montrer qu’elle a autant de raison que son frère d’être remarquée positivement par les siens même si au fond, tout ça est secondaire. Elle veut avant tout apprendre à vivre pleinement, indépendamment de sa famille. Elle commence à s’émanciper. Encore faut-il que la nouvelle politique de Poudlard ou les efforts de plus en plus prononcés de Zephan pour la surveiller ne coupe pas toute possibilité pour Johan de faire entendre qui elle est au fond d’elle. A moins que ce ne soit le contraire.

Daidí _ Aodhan Whelan
Mam _ Diane Demarçay
Deartháir _ Zephan Whelan

Aodhan est né sur le sol irlandais et comme tout bon irlandais qui se respecte, c'est un grand patriote. Il aime son pays de tout son coeur et un match de Quidditch en sa compagnie devienne une bataille qu'il faut remporter à tout prix... et gare à la mauvaise fois des non-victorieux. Johan a souvent entendu son père jurer en gaélique quand elle était enfant. Chez les Whelan, il n'existe pas de faiblesses, que des forces. Quand on tombe, on se relève encore plus fort qu'auparavant. Johan ne l'a jamais connu compatissant et affectueux durant sa jeunesse mais plutôt du genre à tenter de la tirer par le haut. C'est un homme strict, ancré dans ses habitudes et ses traditions, fier et qui prend soin de son apparence. Il prend toujours les décisions finales dans le cercle familial : c'est lui qui a choisi les prénoms de ses enfants. Il fallait que ça sonne un minimum "irish" à ses oreilles. De préférence, des prénoms se finissant en "an". Il est pointilleux sur des détails autant qu'il se veut maniaque par moment. Malgré cette droiture, presque trop effrayante, il aime tendrement ses enfants. Il a toujours veillé, peut-être un peu trop, à ce que ses héritiers ne manquent de rien. Matériellement parlant car sentimentalement parlant, il a beaucoup de mal à exprimer ses ressentis et ce, depuis toujours. Même parler de simples choses est parfois délicat à ses côtés : Johan lui a souvent demandé le travail qu'il fait mais à part savoir qu'il a repris l'affaire familiale et qu'ils sont loin d'être pauvres, elle ne sait strictement rien et parfois elle a l'impression d'être la seule à ne pas être au courant. Son père lui répète sans cesse que ce ne sont pas les affaires d'une jeune femme, qu'elle ne comprendrait pas les détails et qu'il n'a pas envie de perdre son temps à se plonger dans des explications trop complexes.
Johan ne comprend pas comment une femme comme Diane a pu tombée amoureuse d’un homme si carré qu’Aodhan. Il lui arrive même assez régulièrement de douter de cette union. Elle sait bien qu’ils se sont rencontrés parce que leurs familles se connaissent de longues dates et se sont souvent rendus d’innombrables services dans le passé. Elle se fait des films sans doute mais ce genre d’idées trotte toujours dans un coin de sa tête. Peut-être est-ce simplement l’élégance à la française qui a fait tout le charme … Diane est une très belle femme même en vieillissant. Elle garde un charme presque magique et c’est une sorcière de très bon niveau. Pour tout dire, elle est chercheuse, dans la branche des ensorcellements. Un métier qui demande un niveau assez soutenu en la matière mais Diane a toujours été une femme très ambitieuse et appliquée dans ce qu’elle fait. Elle est passionnée et épanouie. Johan a toujours admirée cette force qui semble se dégager de sa mère. Elle a toujours eu comme modèles des parents qui réussissent dans la vie. Ils ont élevés leurs enfants avec leurs valeurs, leurs principes et ça a plutôt bien marché. Enfin surtout avec Zephan…
Il faut dire que Zephan, c’est LE fils parfait, celui qui répond à toutes les attentes de sa famille. Premier né, il est l’espoir de donner de l’importance et de la prestance à une famille qui se reconstruit une image. Petit garçon assez obéissant, il voue une telle admiration à son père qu’il serait prêt à faire aveuglément tout ce qu’il lui demande. Il en a toujours été ainsi. Johan ne se souvient pas avoir passé une enfance très proche de son aîné mais ils ont une dizaine d’années qui les sépare, ce qui explique le fossé entre eux. Aujourd’hui encore, elle a l’impression de ne pas connaître ce jeune homme qui se présente comme son frère mais dont elle ne sait rien de concret. Il est pour elle, une pâle copie de son père. Elle doit reconnaître qu’il a fait une brillante scolarité à Poudlard et n’a cessé d’enchaîner les réussites. Elle pourrait trouver tout cela admirable mais elle n’apprécie pas vraiment son frère. Ils sont du même sang, c’est vrai mais ils n’arrivent pas à communiquer tous les deux. Petite quand elle lui demandait un peu d’affection, il ne semblait pas y accorder la moindre attention, préférant lui tourner le dos. Elle n’était qu’une ombre sur son tableau, une perte de temps. Quand elle a grandi, il l’a trouvé terriblement naïve et chaque fois qu’elle prenait la parole, il semblait ne pas écouter un traître mot. Il a fallu des années avant qu’il la considère comme une part entière de SA famille, comme un maillon bel et bien présent. Il a bien tenté de lui parler mais peu habitué, la discussion a tourné court. Johan n’apprécie pas qu’il se sente désormais l’âme d’un “grand frère” comme il le souligne alors qu’il ne l’a jamais été. Ce qui agace le plus Jo’, c’est encore qu’il prétende la protéger alors qu’il ne fait que la surveiller. Elle le sait, elle est parfaite capable de faire la nuance et elle déteste qu’on l’épie, surtout au sein de sa propre famille. Pourquoi ? Zephan a-t-il peur qu’elle sabote son avenir ? Elle sait bien qu’il se renseigne même sur sa scolarité, sur ses fréquentations… s’il découvre quelque chose qui ne lui convient pas, qu'envisage-t-il de mettre en place ? Plus elle y pense et plus la colère augmente dans son coeur. Leur relation n’a rien d’une franche camaraderie et ne le sera sans doute jamais…

Tout le monde est un peu nerveux à l’idée que la benjamine des Whelan fasse son entrée dans la fameuse école de sorcellerie. Cela fait plusieurs jours qu’on ne parle plus que de cela dans la famille et tout le monde de lui répéter que ce seront les “meilleures années de sa vie” et chez les Whelan, on rajoute aussi que “même si les britanniques sont parfois désagréables, l’enseignement à Poudlard est le meilleur.”. Généralement, quand on en arrive là, c’est qu’on commence à franchir le seuil raisonnable de bièraubeurres ingurgitées. Immanquablement, elle voit sa mère pincer les lèvres et se taire. Pour elle, Beauxbâtons n’a rien à envier à Poudlard mais elle sait pertinemment que c’est très dangereux de confronter le patriotisme des Whelan à son opinion personnelle. L’épouse qu’elle est se contente de sourire doucement à sa fille pour la rassurer. Tout se passera très bien et elle pourra être fière de voir combien sa fille a grandi même si la nostalgie risque de ne pas être bien loin derrière. Son père n’a pas cessé de lui dire combien étudier assidûment est important et le respect de ses professeurs. Il a tenu à lui faire un peu la morale sans pourtant être trop dur : c’est sa façon de se faire du souci. Elle repense à tout cela quand le Poudlard Express quitte le quai neuf trois quart et durant tout le trajet, elle s’impatiente oubliant parfois la demoiselle assise à ses côtés qui la tient par le bras, un peu nerveuse. Quand enfin, ils entrent dans le château, les deux demoiselles sont toujours côte à côte. La rousse ne lâchant plus la brune qui marche plus rapidement, excitée à l’idée de voir enfin à quoi ressemble la Grande Salle. Sa grand-mère lui a dit qu’elle espérait qu’elle y mangerait mieux que chez elle… sous-entendant qu’elle est trop maigre mais pourtant Jo est une bonne mangeuse. Elle a juste la carrure d’un elfe de maison… mais pas la taile. Une main se resserre sur son bras et une petite voix lui lance “regarde, le plafond !”. Johan lève les yeux et s’émerveille à son tour, marchant sur la cape d’un camarade devant sur lequel elle trébuche un peu avant de s’excuser platement. A côté, la rouquine rigole doucement. Elles se sont envoyé des tas de hiboux dernièrement, se rapprochant. Entre cousines de cette grande famille, du même âge, Johan et elles ont trouvé dommage de ne pas saisir l’occasion de faire plus ample connaissance. Le moment arrive : la fameuse répartition. Johan ne cesse de penser à sa famille. Elle sait qu’elle ne pourra jamais être aussi parfaite que Zephan mais elle aussi va tracer son histoire ici. Elle entend son prénom et fait terriblement attention à l’endroit où elle met les pieds cette fois, pour ne pas faire une entrée fracassante devant les autres années, devant ceux de son année… ça vous marque toute une scolarité ce genre de truc. Elle s’assoit tranquillement sur le tabouret mais en elle, tout est en ébullition. Une maison pour toute sa scolarité… le choixpeau n’a pas intérêt à se foirer. Elle espère profondément… Les paroles de son oncle lui reviennent en mémoire, il avait fait attention à ce que Aodhan, dont il est le frère ne soit pas dans les parages et lui avait donné ce conseil “N’oublie pas que tu es une jeune… ne te prend pas la tête et profite de tous les aléas de l’adolescence. Fais des choix, bons ou mauvais mais ne regrette rien. “ Son oncle n’a jamais été un exemple à suivre mais il a raison quand il dit qu’elle ne doit pas se mettre autant de pression sur les épaules. La maison importe peu, ce qui compte, c’est ce qu’elle veut en définitive. Tracer SA propre route, pas celle que les autres tracent pour nous. Elle se redresse fièrement, prête à recevoir le verdict. Elle va essayer de ne rien regretter !