C'est l'amour qui tisse les liens familiaux, pas le sang.

Aujourd'hui n'était pas une bonne journée, mais elle n'était en tout cas pas trop mauvaise. Cela ne voulait pas pour autant dire que l'humeur de Spencer était au beau fixe. Il était épuisé et n'aspirait plus qu'à trois choses en rentrant de sa corvée : dormir, manger et avant tout, serrer Savannah dans ses bras. Bien qu'elle soit sa binôme de corvée, il n'avait pu lui adresser la parole depuis la pause du midi. Elle était rentrée un peu plus tôt, à un horaire habituel quand Spencer avait eu droit à ses heures supplémentaires imposées sans réelles justifications. Le jeune homme était maintenant sur le chemin du retour, satisfait d'avoir réduit sa brosse à dent à l'état d’épave assez rapidement, mais s'il se contentait de maudire les mangemort plutôt que de les imaginer écartelés, c'était juste parce qu'il avait trouvé quelque chose d'autre pour s'occuper l'esprit. Spencer n'était pas loin d'en être sur et certain à présent, il pensait avoir confondu son correspondant énigmatique, mais il lui manquait une preuve. Il fallait qu'il fasse cracher le morceau à Octavia et ça se révélait bien plus compliqué que de résoudre les énigmes qu'elle lui proposait. Le jeune homme arrivait pour l'instant à se concentrer sur ce sujet, mais ces noires pensées n'étaient pas loin et n'attendaient que la moindre occasion pour reprendre le contrôle. C'était le pire moment pour lui parler quand on ne pouvait pas montrer pâte blanche et c'est ce moment que choisit sa revenante de cousine.

Perdu dans sa recherche de solutions, il ne capta pas tout de suite ce qu'il se passait et cru avoir été bousculé. Quand il se rendit compte que le maladroit le maintenait plaqué au mur, il eut enfin le reflex de lever les yeux sur sa cousine Anya. Le message ou plutôt l’ordre implicite de la pionne mit un temps remarquablement court à monter à son cerveau. Un instant supplémentaire lui suffit à visualiser le panorama de ce qu'il risquait s'il ne se pliait pas à l'exigence de la gardienne des clefs, à évaluer à quel point sa résistance physique avait chuté ces derniers mois et à la suivre sans poser de questions.

Pendant la courte distance qu'ils parcoururent avant qu'elle ne le prie d'entrer dans une salle aussi vide que les couloirs qu'ils avaient traversés, Spencer ne pu que se résoudre à changer de stratégie. Anya savait la vérité sur son passé. Sa sœur Lana ne lui avait pas posé de problème mais elle, était un danger potentiel de son secret, et il avait bien peu de cartes en mains.

"Je suis censé nettoyer ?" La pièce était propre. Là, il laissait encore entendre qu'il ne voyait qu'une pionne en face de lui mais c'était probablement l'une des dernière fois qu'il ferait ça. Il avait joué à l'amnésique pendant un mois, ça n'avait visiblement pas marché. Il allait devoir passer autre chose, mais ne savait pas encore quoi, tout dépendrait de ce que sa cousine lui dirait.

C'est l'amour qui tisse les liens familiaux, pas le sang.

Place à l'improvisation, une première pour le pseudo sang de bourbe. Sa cousine avait gagné son poste de mangemort à Poudlard et il n'avait pas pu faire autrement que de croiser son regard deux trois fois. Malheureusement, les pensées de la jeune adulte étaient beaucoup moins limpides que celles de Jill, une question d'expérience probablement, et Spencer n'était pas parvenu à prévoir ce qu'Anya pouvait avoir en tête à son sujet. Certes, cette dernière s'était révélée être une bien meilleure professeur de piano que son enseignant du temps où Spencer étudiait la musique mais cette période était lointaine et révolue. Pas loin de dix ans s'étaient écoulés depuis que Spence avait quitté la demeure ancestrale. Il en avait eu du temps pour se faire sa propre opinion sur les moldus, tous deux en avaient eu du temps pour changer et pour oublier ce qui les avaient rassemblés.

Tout ça pour dire que Spencer ne savait pas à quoi s'attendre de la part d'une fille qu'il n'aurait peut-être pas reconnue si elle ne ressemblait pas à sa sœur et s'il n'en avait pas gardé quelques photos. Anya ne venait pas en amie, elle soutenait Blackman - ce n'était pas un scoop, Alexandra Shaqif était la seule des Croft à s'être éloignée de la doctrine familiale - mais le jeune esclave ne pouvait en dire plus pour le moment. Le doute n'était pas son meilleur ami, Spencer lui préférait de loin la connaissance, mais sur ce coup il aurait préféré que la sang-pur n'exige pas ce rendez-vous. Il n'avait eu d'autres choix que de la suivre mais ce n'était pas de gaieté de cœur et il le lui avait fait comprendre en arrivant en jouant à l'innocent.

La réponse ne se fie pas attendre, assortie du claquement de la porte qu'Anya s'empressa de verrouiller. Evidemment que le jeune homme se croyait intelligent, il l'était, mais répondre ce qui lui passait par la tête n'aurait pas fait honneur à ses capacités cognitives dans cette situation. Il préféra attendre qu'elle reprenne la parole, profitant du fait qu'elle le jauge du regard pour faire de même. Les derniers souvenirs que le jeune homme avait de la jeune fille qu'elle était alors étaient trop lointains et son esprit trop pur à cette époque pour qu'il puisse dire avec certitude si elle avait mûri et prit des formes ou vieillie mais Spence penchait pour la première solution. Enfin, là n'était pas le sujet, c'était sa cousine et possiblement une ennemie ? Il allait très vite le savoir, elle reprenait la parole, lui posant une question qui lui demanda quelques instants de réflexions.

"Je ne joue pas Anya." Par ce dernier mot, en l'appelant par son prénom, il lui signifiait clairement qu'il ne jouait pas au plus malin et qu'il parlait bien à sa cousine, aps à la mangemort. "Je ne joue plus depuis longtemps." Spencer jouait bien un jeu, mais pas celui dont elle parlait, il jouait comme le fait un acteur et ça ne l'amusait clairement pas, surtout en ce moment. "Si tu veux obtenir autre chose de moi, voudrait-tu insonoriser la pièce... Si ce n'est déjà fait ?" Spencer avait baissé le volume pour faire cette demande. Elle connaissait son secret et il ferait tout pour la convaincre de ne pas le crier sur tous les toits mais ce serait vraiment stupide de laisser des oreilles indiscrètes avoir vent de leur conversation, rendant ses efforts inutiles et ses craintes vérifiées.

C'est l'amour qui tisse les liens familiaux, pas le sang.

Si Spence n'était pas dans les meilleures dispositions pour discuter posément et intelligemment, Anya aurait pu choisir un jour où elle était de  bonne humeur. Elle en avait eu, du choix : il ne lui aurait pas été compliqué de trouver une autre occasion pour lui parler au calme. Enfin, la gardienne des clés n'allait pas décaler la date pour faire plaisir à son cousin et tout chez elle traduisait l'ascendant qu'elle avait sur son sur. Ce dernier aurait bien été en peine de s'échapper. Il avait d'ailleurs eu la lucidité de ne pas essayer de continuer de passer entre les mailles du filet, une fois démasqué. Spence avait joué à l'ignorant, à l'amnésique, pendant un temps, mais la réaction de sa cousine mettait fin à cette mascarade, un jeu beaucoup plus dangereux commençait. Enfin, c'était surtout Spence qui risquait de perdre quelques plumes, lui ne jouait pas, ce qu'il annonça directement à la jeune femme.

Elle pouvait se moquer de ce qu'il disait autant qu'elle le voulait, ce qu'il avait pu dire restait la vérité, et il n'allait pas perdre de temps à discuter de ça. Elle l'avait attiré ici pour avoir une discutions un peu plus sérieuse, n'est-ce-pas ? Spence était apparemment dans le vrai car il vit son hypothèse se confirmer quand elle accéda sans discuter que cette conversation reste sous le seau du silence. La gardienne des clés l'invita à s’asseoir troquant les chaises de classe contre de confortables fauteuils. La seule réponse du pseudo né-moldu fut un hochement de tête avant qu'il ne s’exécute docilement. Il était déjà concentré sur ce qu'il allait dire car il allait devoir se montrer convaincant. 

Pour commencer, il avait pris l'initiative d'appliquer les plus anciennes manières qu'on avait pu lui inculquer, à savoir se tenir droit, la tête haute. C'était un peu plus compliqué par les temps qui couraient, plus douloureux que d'être avachi, mais Spence mettait un point d'honneur à éviter de se mettre lui-même des bâtons dans les roues. Il n'avait déjà pas su empêcher une moue dégoûtée de se peindre sur son visage quand les premières effluves de tabacs lui étaient parvenues aux narines, pas question de faire d'autre erreur. En même temps, il avait une excuse pour cette fois : ce n'était pas tant le parfum disgracieux, ni même le fait que sa cousine foute ses poumons en l'air qui l'avait dérangé, c'était son problème, mais le fait d'avoir visualisé ce cafard d'Ashley faire exactement le même geste. L'image de cette sangsue accrochée à Isidore, lui avait rappelé combien ses amis pouvaient être vulnérables et combien ils n'avaient pas besoin d'avoir une fumeuse de plus sur le dos, surtout pas sa cousine. Raison de plus pour ne pas se planter, c'était maintenant à lui de parler.

"Tu me demandes pourquoi le commun des mortels ne voit en moi qu'un simple fils de moldu qui a, ou n'a pas, les points de vues divergent, sa place à Poudlard ?" Après cette brève introduction, Spence se laissa planer le silence quelques instant, histoire de finir quelques ajustements quant à sa tirade à venir. Il devait se montrer concis, incisif, convainquant. Pour faire court, il allait devoir être efficace.

" Tu n'es pas sans savoir, je pense, que quand mes parents ont été lâchement assassinés, j'ai été placé dans une famille de moldus. Cette catégorie de la population que nous avons tous les deux appris à mépriser dès notre plus jeune âge. J'ai eu l'occasion de me faire mon propre avis sur ces personnes, mais je ne vais pas m'étendre étant donné que je ne me revendique pas comme un moldu, mais comme un né-moldu. C'est un  choix que j'ai fait en entrant à Poudlard, non pas pour oublier d'où je viens mais plutôt pour ne pas être l'enfant plaint. Ce n'est pas la première fois que Poudlard est sous l'emprise de Mr Blackman, et tu te doutes bien que j'ai eu le temps d'y réfléchir à deux fois et que pars conséquent, je tiens à ce mensonge, pour diverses raisons." Spencer espérait ne pas avoir à s'étendre beaucoup plus notamment sur son avis concernant les moldus - il préférait éviter de se mettre en porte-à-faux avec ses camarades de cachot, - mais n'était pas certains que ce soit possible.

" Et toi ? Qu’attends-tu de moi ? Tu t'inquiètes de mon sort, ou est-ce Derrick Croft qui se préoccupe de son neveu, plus laxiste encore que sa sœur l'était, pour son plus grand déplaisir ? " Le jeune homme n'était plus vraiment au courant de la nature des relations existantes entre les Croft, mais il se souvenait bien que le père de famille avait suivit la tradition familiale de la vénération du sang-pur.