Une nouvelle et rude journée s’abattait sur l’école et c’était ainsi depuis des mois. Lorsque je me levais pour quitter mes appartements, j’arpentai les couloirs froids des cachots. Si cette atmosphère sombre et mystérieuse m’avait toujours plu et me faisait me sentir dans mon élément, désormais, mon sentiment avait quelque chose d’amer et de plus réticent. Chaque jour, je voyais ces mains terribles saisir avec une forte poigne ces pauvres enfants enfermés dans la sous-nutrition et l’exploitation, sans possibilité de jouir d’un peu de liberté. Ils commençaient très tôt le matin pour parfois finir très tard le soir avec, en seule consolation, un maigre reste de repas si les élèves privilégiés voulaient bien leur en laisser quelques morceaux. Je n’avais jamais eu l’étoffe d’une grande humaniste et me soucier des autres ‒ sans qu’ils n’aient la moindre attache avec moi ‒ n’avait jamais été dans ma nature mais j’avais tout de même développé une certaine morale avec le temps. De plus je n’étais pas devenue guérisseuse par le passé pour rien. Il était évident que, pour moi, maintenir ces nés-moldus dans de telles conditions était inacceptable et que si l’on souhaitait rebâtir un monde sans moldus, il valait mieux simplement dresser des barrières au lieu de les considérer comme de la vermine. Auparavant, lors de ma scolarité à Poudlard notamment, j’aurais sans doute partagé leurs idées. J’aurais sans doute voulu les exterminer sans le moindre scrupule. Mais cela, c’était parce que j’avais été endiguée, contenue dans des limites pleines de non-sens et qui étaient dépassées. Je n’avais pas cherché à voir au-delà de ce que ma famille voulait bien me montrer mais c’était parce qu’il n’y avait rien eu pour me tirer vers le progrès. Au contraire, toute cette construction sociale qu’avait été mon éducation m’avait façonnée à l’image de ma lignée. Et, malheureusement, c’était le cas pour la plupart des élèves qui supportaient Blackman, aujourd’hui.

Arpentant les premiers étages de l’école, un livre à la main, je rendis quelques salutations discrètes aux élèves que j’appréciais. Parmi eux, il y avait certainement des anti-moldus mais je ne pouvais pas leur en vouloir. Le simple fait d’avoir vécu le même parcours qu’eux me laisser penser que seul le temps et les circonstances de la vie pourraient les aider à s’ouvrir un peu plus à la réalité. Ils avaient encore le temps…

Une fois parvenue au cinquième étage, je m’engageai dans l’aile Ouest avant de frapper à la porte du bureau du professeur Cooper. Ce fameux livre que je tenais, il l’avait oublié lorsqu’il était passé dans mon bureau la veille, pendant que nous parlions de l’organisation des différents examens à venir. L’entrée grinça quelque peu avant de laisser place à mon collègue qui paraissait pas mal débordé par ses copies à corriger. Ne souhaitant pas plus que cela le déranger, je me contentai de lui rendre son bien, écourtant notre conversation par la même occasion.
Quelques minutes plus tard, j’étais repartie, direction ma propre salle de classe, bien que je n’allais pas recevoir d’élèves avant deux bonnes heures. Néanmoins, en chemin, quelque chose de nauséabond barra l’accès aux escaliers ; Peeves. Un petit groupe d’élèves se retrouva également bloqué par une substance verdâtre totalement abjecte. L’esprit frappeur en répandit sur les murs, ainsi que sur les sols avant de disparaître, dans des éclats de rire insupportables, à l’étage du dessus dès qu’il aperçut ma silhouette parvenir jusqu’à lui. Il n’y avait que le Baron Sanglant qui puisse vraiment lui faire ravaler ses sourires moqueurs et ses manies impolies…

Je soupirai d’agacement et me tournai vers le groupe de Poufsouffle qui n’osait pas trop se rapprocher de la farce et attrape gluante. Sortant ma baguette, je leur fis signe de s’écarter :

« Décalez-vous avec prudence, il serait fort fâcheux que vous ne glissiez au sol. On ne sait pas de quoi sont capables les fournisseurs Weasley. » Dis-je sur un air autoritaire.

Ils s’exécutèrent prudemment, faisant attention à chaque centimètre du sol où ils posaient le pied. A l’aide d’un Recurvite, je pus faire disparaître une bonne partie de la substance mais il restait toujours quelques morceaux rebelles assez robustes. Cela n’était pas étonnant ; les Weasley faisaient tout pour contrer les parades à leurs inventions et, à vrai dire, je n’étais pas une spécialiste en la matière.

« Bon, faîtes venir le concierge. Il se chargera du reste et dîtes-lui bien que Peeves est derrière tout ça ! »

Un regard bleu clair, semblable au bleu des icebergs, observait le balai des élèves sans un mot, sans ciller même, telle une statue de marbre. Le silence était avant tout troublé par les bruits de pas, toutes les conversations étant murmurées, parfois même totalement évitées. Le contact se faisait alors par gestes discrets, par regards. Cachée par l’ombre d’un pilier, la Gardienne des Clés observait ce spectacle, un air indéchiffrable plaqué sur son visage de porcelaine. Ses lèvres formaient une ligne presque parfaite, froide et peu avenante, tandis que son regard brillait, une lueur d’amusement semblant s’y être coincée. Mais l’était-elle vraiment ? Ou se donnait-elle simplement cet air ? Impossible à savoir.

Lorsque les élèves furent entrés en classe, la jeune femme quitta la sécurité de l’ombre. Vêtue de noir et de blanc, elle collait parfaitement à l’ambiance terne et froide qui s’était emparée du château, ce même château qu’elle avait connu lumineux des années auparavant… Peut être un peu plus sécuritaire, aussi, mais cela Anya ne parvenait pas réellement à le définir. Elle n’était pas une traite à son sang et n’avait aucun raison de ne pas se sentir en sécurité, après tout.

Ses pas raisonnèrent dans les couloirs partiellement vides, l’heure étant au cours et non aux divagations. Elle rappela bien quelques élèves, sa voix claquant dans l’air à la manière d’un fouet claquant sur la peau, mais n’eut guère besoin de sortir sa baguette, pas pour cela en tout cas. Mais alors qu’elle se trouvait au cinquième étage, des éclats de voix se firent entendre. Un sourcil se haussa dangereusement tandis que la demoiselle tentait de déceler la provenance des voix puis, lorsque ce fut fait, elle s’y dirigea. Ses yeux tombèrent avant tout sur le groupe d’élève dont elle reconnut l’appartenance à la maison Poufsouffle. Puis les glaciers se tournèrent vers l’autre silhouette, solitaire et plus grande, et Anya reconnut la professeure de Potions et Directrice de son ancienne maison, Serpentard. Sa voix claqua une nouvelle fois et le groupe d’élève quitta les lieux de l’incident sans rien dire de plus. Ils saluèrent Anya en la croisant et celle-ci répondit d’un hochement de tête, son attention s’étant déjà détournée vers un sujet plus intéressant, à savoir Morgana.


Le ton laissait clairement paraitre un amusement certain face aux blagues de l’esprit frappeur. Temps qu’elle n’en était pas la cible, la Gardienne des clés en retirait un certain plaisir, bien que cela finissait rapidement par l’ennuyer. Comme elle venait de l’énoncer, les farces de Peeves n’avaient pas réellement évolué avec le temps… Mais cela faisait sans doute partie du charme de la chose… non ?


Entre-temps, Anya s’était approchée – prenant soin de ne pas mettre le pied dans la substance inconnue et verdâtre – et se tenait désormais derrière la professeure, les mains dans les poches de son pantalon.

Les élèves se hâtèrent d'aller chercher le concierge et ce fut à cet instant que surgit des marches des escaliers une silhouette qui ne m'était pas inconnue. Un fin sourire s'étira sur mes lèvres à la vue d'Anya. Je ne m'étais pas attendue à la croiser à l'extrémité d'un couloir assiégé par les pitreries de Peeves. Peut-être que le tapage qu'il avait commis avait attiré l'attention des personnes situées à l'étage du dessous ? Ce n’était pas impossible et il s’y connaissait en matière de capture d’attention et de foule. Quoi qu’il en soit, je ne fus pas mécontente de la voir arriver, elle et sa chevelure blonde qui était toujours parfaitement bien peignée.

« Les blagues de ce cher Peeves évoluent peu mais ses produits sont de plus en plus efficaces. »

Pour une gardienne des lieux et des clés de l’école, il était clair qu’elle n’en avait pas l’allure à mes yeux, tant j’avais l’habitude des visages austères et peu harmonieux à ce poste. Malgré cela, elle n’en demeurait pas moins froide lorsqu’on l’observait de loin, ce qui laissait supposer qu’elle n’était pas une femme de cœur. Et si l’on se fiait au fait qu’elle avait été embauchée par Blackman lui-même, nous avions nos raisons de nous en méfier. Cependant, ma première rencontre avec elle m’avait rappelé d’anciens souvenirs qui m’avaient fait comprendre qu’elle ressemblait à la personne que j’étais auparavant. La différence entre elle et moi, c’est que j’ai rencontré des personnes qui ont su me faire ouvrir les yeux…

« C’est et ce sera toujours un vrai fléau. » Répondis-je en prenant un air lassé.

Ce fichu esprit frappeur était présent à Poudlard depuis des siècles et je me souvins encore des mauvaises farces qu’il m’avait fait subir à Poudlard, durant ma scolarité. Généralement, il aimait s’en prendre aux cheveux des filles, puisque c’était ce qui nous énervait le plus. Mais si Peeves avait la faculté de pouvoir interagir avec des objets matériels ‒ce qui était impossible pour les autres fantômes ‒ il avait également la faiblesse d’être touchable par des sortilèges et ça, c’était quelque chose qui nous avait bien souvent sauvé. Se déplaçant délicatement de façon à ne pas tremper les pieds dans la sottise de Peeves, elle se retrouva dans mon dos, ce qui me fit pivoter pour pouvoir l’observer de nouveau.

« Comment allez-vous, Morgana ? Avez-vous cours aujourd'hui ? »

Le ton qu’elle prenait était plus chaleureux que celui qu’elle semblait réserver aux autres. Au moins, la situation était propice à un brisement de glace. Contrairement à Anya, le professeur White avait subi un accueil bien moins chaleureux de ma part. Je l’avais jugé comme étant sans doute une ordure de première catégorie, comme Blackman. Et peut-être qu’Anya l’était mais, comme je venais de le penser quelques secondes plus tôt, elle me rappelait moi-même… et même ma petite sœur Annabeth, actuellement Mangemort également.

« Je vais bien, merci. Oui, j’ai des cours à mener mais pas avant deux bonnes heures. Et vous, comment vous portez-vous ? Je constate que vous avez rapidement pris vos marques dans le château. Certains élèves n’ont pas attendu pour diffuser des rumeurs. »

J’avais dit cela sur un ton assez amusé, lui faisant comprendre que ses airs de femme de glace avaient fait son effet auprès des adolescents. Sur ce point-là, je ne pouvais que l’approuver. Faire preuve de laxisme n’apportait rien de bon et j’avais toujours préconisé la sévérité au copinage. Être trop gentil avec un élève ne faisait pas bon ménage avec le professionnalisme.

Le désordre régnant dans le couloir amusait quelque peu la nouvelle gardienne des clés, dont la légère moue ne laissait aucun doute la dessus. Dans la logique des choses, elle aurait eu une pensée pour le malheureux concierge de l’école, mais en vérité, elle se moquait bien qu’il se tue à la tâche. En effet, quelque part, les employés de Poudlard tenaient tous le bâton pour se faire battre par Peeves, puisque s’ils tenaient à ne plus être embêtés par ce dernier, il suffisait de se débrouiller pour le chasser du château… ou simplement le détruire. Dans les faits, c’était plutôt simple, mais dans la réalité Anya ignorait si une telle chose était réellement possible. M’enfin, tout ceci n’était pas son soucis…

La blonde eut un léger sourire pour la professer de potion. Celle-ci résumait parfaitement les pensées de la plupart des habitants du château et Anya songea au baron sanglant, seule personne en mesure de tenir l’esprit frappeur en laisse. Je me demande pourquoi Peeves n’obéit qu’à lui.

Le fils de ses pensées fut coupé par Morgana, Anya ayant presque oublié qu’elle lui avait posé une question. La professeure s’était tournée vers elle afin de lui répondre et les deux femmes se faisaient face, quelques pas à peine entre elles. Dans une posture très décontractée, la blonde fourra ses mains dans les poches de son pantalon. Ce dernier était noir, tout comme la veste de la jeune femme, tandis qu’une chemise blanche apportait un peu de lumière.

« Je vais bien. Et effectivement, je crois que je suis bien installée maintenant. Le dernier surnom en date que l’on me donne est ‘La femme de glace’. C’est plutôt flatteur. »

Un rictus mi-sarcastique, mi-amusé naquit sur les lèvres tentatrices de la jeune Gardienne des clés. Il était vrai que Anya n’avait pas l’air abordable au premier abord, ni même sympathique. Habillée de noir et de blanc, ses yeux bleu clair semblaient pouvoir sonder l’âme de ceux qui se risquaient à croiser son regard inquisiteur tandis qu’elle abordait souvent un air fermé ainsi qu’un léger franchement de sourcil. Toutefois, son surnom l’amusait et ramenait de nombreux souvenirs à la surface de son esprit. Ses années à Poudlard lui semblaient si proches depuis qu’elle vivait au château… Et elles avaient été les meilleures de sa vie.

« Bon, inutile de rester planter au milieu du couloir. Et si nous marchions un peu ? » Proposa la jeune femme, voyant là une occasion d’en apprendre un peu plus sur la directrice de Serpentard. « Quelle classe avez-vous toute à l’heure ? »

Cette allure décontractée que prenait la blondine tout en demeurant classe sous ses vêtements était bien loin de ce qu’était l’ancien Gardien des lieux et des clés de l’école. Je ne savais pas ce qu’il prenait à McGonagall ‒ paix à son âme ‒ d’embaucher des personnes un peu trop loufoques depuis toutes ces années mais elles ne m’avaient jamais inspiré confiance ou même de la sympathie. Je crois que le pire que Poudlard ait pu faire fut de s’entourer de ce demi-géant nommé Hagrid. Lors de ma scolarité dans les années 2000, j’avais eu la malchance de l’avoir connu et outre son incompétence, il avait tendance à favoriser ses petits chouchous de Gryffondor. Moi et ma bande de copines, il nous toisait comme si nous étions la Peste. Dans un sens, il n’avait pas tort. Tout au long de ma scolarité, j’avais été en quelque sorte la continuité de ce qu’avait été Drago et sa troupe et j’avais toujours été fière d’être comme lui et si je n’avais pas pu obtenir son amour parce qu’il avait huit ans de plus que moi et qu’il aimait Astoria, j’avais gagné, à mes yeux quelque chose de plus précieux encore : sa plus grande amitié. Ceci dit, même si mon comportement à Poudlard avait été abject envers les nés-moldus que je persécutais le plus souvent possible, je n’avais que ça en regrets. Le reste, je le vivais parfaitement bien. De toute manière, il ne sert à rien de vouloir réécrire le passé puisque ce sont nos erreurs qui nous permettent d’évoluer. Voilà pourquoi je pensais que tout n’était pas perdu pour cette jeune femme et que je ne ressentais pas d’hostilité à son égard alors que j’aurais dû en éprouver pour le simple fait qu’elle appartenait à l’autre camp, celui qui osait ouvertement s’en prendre à des gamins innocents. En tout cas, il était clair qu’elle ferait mieux son job que Hagrid… Pas de doute là-dessus.

« Je vais bien. Et effectivement, je crois que je suis bien installée maintenant. Le dernier surnom en date que l’on me donne est ‘La femme de glace’. C’est plutôt flatteur. »

Tout en me disant cela, je détaillai discrètement sa tenue bien soignée. Cela ne m’étonnait pas qu’elle se soit bien installée, tant le régime de Poudlard pouvait lui offrir tout ce dont elle avait besoin pour assurer son autorité. Elle n’avait pas grand-chose de compliqué à faire en sachant qu’elle s’attirerait la sympathie et le soutien des anti-moldus et qu’elle aurait la possibilité de punir n’importe quel individu défiant son autorité. Il n’y aurait personne pour le lui reprocher.

« La femme de glace… Cela vous va plutôt bien, répondis-je en formant un sourire.Personnellement, j’ai eu droit à la 'femme dragon', l’an dernier. Voilà qui nous fait un point en commun. »

En même temps qu'elle, nous affichâmes le même rictus qui témoignait de notre sarcasme. Je m'étais habituée à être crainte par la majorité des élèves et je devais avouer que ce n'était pas un sentiment qui me déplaisait. Après tout, ce n'est pas en copinant avec eux que l'on s'attire leur respect et la garantie qu'ils travailleraient sérieusement leurs cours. D'ailleurs, si je prônais l'excellence de l'élite de mes classes, je prenais également un plaisir à mettre la pression aux autres tout simplement parce que je ne voulais que du résultat, de sorte à mettre de côté les mauvaises racines qui ne faisaient pas d'efforts. Et pour eux, je n'avais aucune pitié, ce que ne faisait pas la plupart des enseignants, trop sensibles aux lacunes de leurs pauvres cancres.

« Bon, inutile de rester planter au milieu du couloir. Et si nous marchions un peu ? Quelle classe avez-vous toute à l’heure ? »

Marcher un peu, pourquoi pas. Sans doute qu'elle tenait à me tenir compagnie pour que nous puissions nous parler en toute tranquillité et nous connaître et je n'étais pas contre cette idée. Annabeth, ma petite soeur récemment devenue Mangemort, m'aurait certainement poussée à me faire des alliés voire même des amis parmi le cercle du nouveau directeur. En fait, je devrais sans doute carrément l'inviter dans mes appartements. Ce serait plus sincère que de simplement marcher...

« Les deuxième année dans deux petites heures, j'ai encore le temps. Quant à marcher, pourquoi pas mais ne voudriez-vous pas plutôt venir dans mes appartements ? Ce serait l'occasion idéale de mieux nous connaître autour d'un hydromel vieilli en fût. Cela réchaufferait un peu la femme de glace, non ? » Répondis-je sur un air mi-provocateur.

Ce n'était même pas un alcool venant de chez Rosmerta, j'étais plus raffinée que cela en terme de choix. Rosmerta n'attirait que la clientèle populaire alors que moi, je me fournissais ailleurs, là où les vins et les hydromels étaient de meilleure qualité. Après avoir entendu sa réponse, je pris les devants en me dirigeant vers les escaliers.

« Je vous guide. »

Ce fut à ce moment-là que le visage rude et cireux du concierge apparut à l'entrée du couloir. La mine austère, il n'inspirait que la méfiance mais il était efficace dans son travail. Bien mieux que Rusard, en tout cas. Quand un élève entrait dans son collimateur, il ne le lâchait plus. Je le saluai cordialement avant de lui montrer l'étendue des dégâts que je n'étais pas parvenue à enlever avec la magie. Sans doute qu'une potion aurait fonctionné mais ce n'était pas mon travail que de nettoyer les sols. Sans plus attendre, j'arpentai les escaliers en compagnie de la Gardienne. A cette heure-là, seuls quelques élèves étaient présents ; soit ils n'avaient pas cours ou soit ils séchaient. Ils semblaient se rassembler autour de cartes de chocogrenouilles. C'était étonnant de savoir que c'était toujours à la mode...

« Dites-moi, Anya... Quel profession exerciez-vous avant d'être ici ? » Demandai-je en lui jetant un regard intéressé.

De tout temps, les élèves avaient toujours eut une excellente imagination lorsqu’il était question de trouver des surnoms aux professeurs ainsi qu’au personnel de l’école. De son propre temps, Anya avait pris un certain plaisir à le faire, mais son caractère lui avait également valu quelques ennemis et eux aussi avaient été les victimes de sa verve. La bataille entre maisons et les tensions entre élèves avaient mis du piment dans sa scolarité et la jeune femme avait aimé cela. Les guets-apens dans un couloir sombre étaient, pour un élève, une excellente source d’adrénaline. Toutefois, ce sport n’était pas pour tous, clairement et ce souvenir avait tiré un léger rictus à Anya : Il était clair qu’elle avait plus souvent piégé qu’étais pigée lors de ces années d’école. Ce fait collait parfaitement avec sa position actuelle, lorsqu’on y pensait : Anya aimait l’autorité et sa position lui en offrait, peut être même plus qu’au professeur d’ailleurs. Son titre, qui avait quelque chose de très pompeux en y pensant, le suggérait.

La voix du professeur de potion tira Anya de ses pensées. Son rictus s’effaça pour laisser place à une expression plus neutre tandis que son regard se posait sur son ainée. Le bleu glace du regard d’Anya semblait pouvoir lire dans les tréfonds de l’âme, même s’il n’en était rien.

« La femme dragon … Je vais être jalouse. Répondit Anya avec un léger sourire pour Morgana. Je pense tenir un répertoire des meilleurs surnoms, cela pourrait être instructif. » Rajouta la jeune femme avec un clin d’œil, ses lèvres s’étirant davantage en une moue mi amusée, mi sarcastique.

Par la suite, la proposions d’Anya fut accueillie avec une légère provocation. Le regard brillant de malice, la jeune femme s’approcha de sa collègue, les mains toujours dans les poches.

« Si vous voulez me réchauffer, je connais d’autres façons de faire bien plus agréable. » Répondit-elle avec un sourire provocateur, sa voix perdant momentanément une octave.

La blonde emboita le pas à la brune et toutes deux quittèrent le couloir malmené par Peeves. Anya marchait quelques pas derrière la directrice de Serpentad et eut tout le loisir de laissait courir son regard sur ses formes, un sourcil haussé en une expression abréviatrice. Cette vision était clairement plus agréable que celle du concierge, que la Corft n’arrivait pas à encadrer. L’homme n’attirait que sa méfiance et, sans doute, cela était-il réciproque.

« A votre avis ? Dans quel rôle me voyez-vous ? » Eluda l’ancienne guérisseuse avec un sourire ironique et un ton doucereux. Son ancien emploi n’avait rien d’un secret et la famille Croft étant tout de même connue, c’était une information facile à trouver. Toutefois, la directrice de serpentard ne semblait pas avoir eut tant de curiosité, contrairement à Anya qui, à sa place, se serait renseignée. Celle-ci décida tout de même de répondre avec quelques instants de flottement, son temps se faisant plus aimable. « J’étais guérisseuse. Sainte Mangouste puis en clinique privée. Et vous, vous n’avez pas toujours enseigné, il me semble ? » Souleva la jeune femme, laissant supposer qu’elle en savait un peu sur sa collègue.

« La femme dragon … Je vais être jalouse. Je pense tenir un répertoire des meilleurs surnoms, cela pourrait être instructif. » Me dit-elle dans un clin d’œil et en affichant une moue à moitié amusée.

Au moins, nous étions sur la même longueur d’ondes à ce sujet. D’un côté, je ne pouvais pas vraiment me plaindre d’être surnommée ainsi, nous le faisions tous lorsque nous étions adolescents. Il suffisait de jauger l’enseignant, de lui trouver un défaut ou bien qu’il nous enquiquine pour se venger en lui attribuant une autre dénomination. Je crois que le pire manque de respect que j’ai pu avoir envers un professeur fut à l’égard de celui qui enseignait les sciences moldues.

« Pourquoi pas. » Répondis-je sur le même ton qu'elle.

J’avais rapidement entrepris de l’emmener ailleurs qu’ici, pour être plus posées dans les cachots sans prendre le risque d’être écoutées. En bas, il n’y avait déjà pas de tableaux inquisiteurs et le seul fantôme qui circulait n’était autre que le Baron Sanglant qui, heureusement, ne passait pas par mon coin. Apparemment, ma proposition ne lui déplut pas et elle ne manqua pas de jouer dans mon jeu provocateur, me montrant ainsi qu’elle ne manquait pas d’humour.

« Si vous voulez me réchauffer, je connais d’autres façons de faire bien plus agréable. »

Elle avait dit cela tout en se rapprochant malicieusement de moi, le regard similaire à celui d’une prédatrice. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre avec ce style de réponse mais je supposais que je l’avais cherchée. Ses airs détachés étaient semblables à ceux de Gabrielle, l’ancienne professeure de Botanique. Elle m’abordait toujours de cette façon espiègle, parfois même mielleuse et si je ne l’avais pas connue à l’université, j’aurais pensé qu’elle avait un problème. Enfin, nous avions failli sortir ensemble à cette période là ‒ j’avais voulu tenter une nouvelle expérience après des déceptions masculines ‒ et j’imagine que notre complicité était restée gravée dans sa tête. En tout cas, je devais avouer que je serais bien curieuse de connaître l’étendue des pensées de cette Anya assez joueuse. Ce n’était pas la faculté qui me manquait, d’autant plus... Mais je n’allais pas le faire. Du moins, pas aujourd’hui. Ce ne serait qu’un caprice inutile.

Je ne reculai pas pour autant lorsqu’elle se rapprocha, les mains dans les poches, ses yeux océan m’inspirant encore plus de mystère de si près. Pourtant, je me contentai de lui dire simplement sur un air de défi :

« Ah oui ? Vous m’en direz plus à l’occasion. »

Nous quittâmes par la suite ce fameux couloir infecté pendant que le concierge se chargeait de le nettoyer, la mine austère. Le temps de descendre les escaliers j’avais posé une question à ma collègue, concernant son ancienne profession. « A votre avis ? Dans quel rôle me voyez-vous ? » Si je me fiais à ses airs de reine de glace, chef des interrogatoires morbides auprès des Mangemorts du Ministère lui irait bien comme un gant. Ou même chirurgienne sadique. Ce n’était pas méchant de ma part, n’allez pas le croire mais avouez que c’était amusant comme suggestions. Elle aurait pu porter une combinaison moulante avec un fouet et s’en prendre à des victimes innocentes que cela ne me choquerait pas vraiment. Sans le vouloir, un mince sourire étira mes lèvres et je fis mine de porter une attention particulière à l’un des tableaux du quatrième étage pour ne pas le lui montrer.

« Dans un rôle assez particulier, je dirais. » Fis-je en mesurant bien la tonalité de ma voix pour ne pas laisser transparaître mon amusement. Je n’avais pas le temps, ni l’envie de me lancer dans une chasse aux informations. Peut-être qu’elle avait le temps de le faire, mais moi pas. J’étais celle qui donnais le plus de cours en semaine et en fin de journée, d’innombrables copies m’attendaient jusqu’au soir (en plus des échantillons de potions à juger !). C’était d’ailleurs sans parler des retenues à superviser dans mon bureau et qui ne me faisaient franchement pas plaisir. Le peu de temps libre que je possédais, j’en profitais en écrivant du courrier, en me détendant un peu ou en bavardant avec convivialité en compagnie d’autres collègues autour d’une tasse de thé.

Quand elle m’annonça avoir été guérisseuse à Ste-Mangouste elle aussi, je fronçai légèrement les sourcils. Oui, je connaissais les Croft vite fait de nom mais cela ne voulait pas dire qu’ils trempaient tous dans la même sauce de génération en génération. Enfin, c’était le cas de pas mal de familles de sang-pur mais les temps d’aujourd’hui étaient plus modernes… Il n’y avait qu’à voir les Malfoy, les Breckenridge ou les Frowein.

« Non, j’ai commencé l’an dernier, en janvier. Avant, c’était le professeur Padme Swynford qui enseignait mais elle a été arrêtée pour meurtres sur ses anciens maris. Bref, j’ai postulé après quelques années également passées à Ste Mangouste en tant que guérisseuse. J’imagine que nous n’étions pas dans le même service ou bien que nos horaires différaient. Et avant cela, j’ai voyagé dans le monde en tant que Potionniste pour faire de la recherche. »

J’avais également enseigné une année à Uagadou alors que je n’avais que 23 ans mais je me gardais bien de le dire. Je n’allais pas tout déballer à mon sujet d’une seule traite.

« D’ailleurs, peut-être que vous connaissez Rana Rivers ? »

C’était une de mes plus proches collègues à l’hôpital, la mère du petit Allen qui était à Serdaigle en cinquième année et elle était quelqu’un de très bien et de très qualifié.

Nous descendîmes du premier étage jusqu’aux cachots, là où l’ambiance venait de se refroidir drastiquement. J’entrais dans mon élément, un élément qui connaissait l’horreur depuis des mois à cause des nés-moldus retenus prisonniers mais cela restait mon confort et mon chez-moi. J’essayais d’ignorer leurs cris de souffrance quand les Mangemorts les battaient sous mes yeux ou les fouettaient. Mais je crois que le pire était de les entendre se lamenter le soir… Leurs propos et leurs gémissement raisonnaient à travers les dalles de pierres solides.

« Bouge-toi ou ce sera à coups de pied dans le derrière que je vais t’faire travailler, sale larbin ! » S’exclama la voix rude et sans mansuétude d’un des sbires de Blackman.

L’homme au visage cireux et rustre repoussa violemment un gosse ‒ qui ne devait pas avoir plus de douze ou treize ans ‒ contre le sol froid et humide. Le gamin s’y étala et peina à se relever, obligeant son bourreau à le soulever d’un seul bras avant d’être projeté vers l’avant pour qu’il prenne de l’allure. Il était couvert de bleus et ce misérable spectacle était malheureusement devenu une routine, ici. Je leur jetai un regard discret, m’en voulant d’une part de ne pas pouvoir venir en aide à ce pauvre élève. Cela ne servait à rien de le faire… Je ne savais pas si Anya s’était suffisamment renseignée à mon sujet mais avant son arrivée à Poudlard, en janvier, j’avais subi le sortilège Doloris en même temps que certains élèves et un autre professeur pour avoir voulu soigner les blessures d’une première année innocente alors qu’elle s’était faite torturer dans la Grande Salle devant tout le monde.

En silence, je me contentai de la guider en me disant qu’il n’y avait pas d’utilité à lui donner mon avis sur cette scène pour le moment. Je ne pouvais pas lui faire entièrement confiance après tout, même si nous nous entendions bien pour l’instant. Quand nous parvînmes jusqu’à la porte scellée qui gardaient mes appartements, je levai les nombreux maléfices qui la protégeaient, à l’aide de ma baguette.

« Je vous en prie, entrez. » Fis-je avec amabilité.

A l’intérieur, Anya ne serait pas étonnée de la décoration. Elle était digne de la noblesse de la salle commune de Salazar Serpentard et j’étais plutôt fière de la représenter jusqu’au bout. Les serpents prédominaient dans les métaux utilisés comme ornements à la plupart des meubles. De la cheminée, de joyeuses flammes vertes dansaient, nous apportant une chaleur confortable contrairement aux couloirs que nous venions de traverser. J’invitai ma conviée à bien vouloir s’installer sur l’un des fauteuils bombés de couleur émeraude qui entouraient une table en marbre noir. Puis, tandis que j’ouvris mon placard à alcools, je me tournai de nouveau vers elle en retrouvant mon petit air narquois de toute à l’heure :

« Mmh, je tiens à vous dire qu’ici, il y a une règle à respecter, Anya : chaque bouteille entamée doit obligatoirement être terminée ! »


Hrp : Sorry pour la longueur mais je voulais avancer la scène.