Tant d'années, si loin de ce monde...
Et de la vérité. ♫
- Raiponce

Tandis que ses tâches de la journée s'étaient terminées, Niamh était redescendue du dernier étage. A partir du 6eme, elle trottinait légèrement dans sa descente, des notes de musique plein la tête. Des notes de piano, plus exactement... Quelle étrange rencontre qu'elle venait de faire là. Elle ne savait pas réellement s'il s'agissait de quelque chose de positif ou de négatif. Néanmoins, ces quelques notes de musique avaient réussi à la transporter, oubliant soudainement la cage dans laquelle ils étaient tous enfermés. Étrange effet thérapeutique qu'une simple mélodie pouvait apporter sur le cœur. Lorsqu'elle arriva enfin dans les cachots, elle ne vit personne... Étaient-ils tous à leurs corvées encore...? Certainement. Elle allait pouvoir se reposer, s'allonger, se prélasser... Profiter de ne rien faire. Un doux moment qu'elle attendait chaque jour avec impatience... Lorsqu'elle posa sa tête contre son oreiller, tout en fermant les yeux, la mélodie résonna de nouveau dans son esprit.

- Well, I heard there was a secret chord... ♫

Ses lèvres, sans même qu'elle ne le contrôle vraiment, continuaient à murmurer cette chanson qu'elle affectionnait tant... Elle soupira mélancolique, tandis que ses yeux étaient de nouveau grands ouverts. Depuis combien de temps n'avait-elle pas fait de la musique...? Depuis combien de temps s'était-elle laissé aller jusqu'à dénigrer toutes ces choses qu'elle appréciait ? Des jours... Ou même des semaines. Voir plutôt des mois. Des mois enfermée dans un mutisme quasi total où rares étaient ceux qui avaient pu entendre le son de sa voix. Elle qui aimait tant chanter... Ses yeux clairs roulèrent jusqu'au tas que formaient ses affaires. Sa guitare était toujours rangée dans son étui. Depuis Halloween... Depuis qu'elle n'allait plus passer des après-midis ensoleillés dans le parc avec Dave et Maël, simplement pour profiter de quelques notes et de discussions animées. La Poufsouffle observa alors le plafond, tendant sa main vers le haut, sur ses doigts. Sa main... Voilà bien trop longtemps qu'elle n'avait plus touché les six cordes de sa guitare. Six cordes, six notes, pour une multitude d'accords et de possibilités.
Éprise d'un vent nouveau, elle se redressa aussitôt -geste qu'elle regretta vite, car trop brusque- et empoigna l'étui de sa guitare. Le bruit du zip lui rappela bien trop de souvenirs, la baignant dans la nostalgie. Six mois à prendre la poussière... Lorsqu'elle gratta légèrement les six cordes, le bruit qui en sorti fut loin d'être harmonieux, lui arrachant une grimace... Il lui fallut une dizaine de minute afin de l'accorder correctement et d'obtenir quelque chose d'agréable à l'écoute. Elle soupira.

Étrangement, sa rencontre de tout à l'heure l'avait rendue plus légère. La ramenant à cette source d'inspiration et d'expression qu'était la musique. Le visage du garçon, si concentré dans sa partition de piano, restait collé à sa rétine. Elle enviait toute cette passion qu'elle avait pu lire dans son regard, étrangement. Ses doigts se placèrent instinctivement, l'annulaire et le petit doigt placé sur le haut, tandis que son index trouva place sur l'avant dernière corde. La brune, désormais assise sur sa couche, fredonnait quelques paroles inintelligibles. Perdue dans ses pensées et surtout confiante de s'adonner à l'une de ses activités favorite puisqu'il n'y avait personne, elle gratta les cordes de son autre main. L'exercice fut plus difficile qu'elle ne l'aurait cru... Ses doigts avaient perdus en souplesse depuis qu'elle n'avait plus touché l'instrument. Ses muscles étaient aussi beaucoup plus endoloris qu'à l'accoutume... Toute cette nostalgie la ramena à cette chanson qui avait tant signifié pour elle. Alors, elle fouilla dans l'étui et en sorti un drôle de morceau de plastique. Ce dernier trouva place sur la case numéro deux, le capo.

- Tout ce temps, cachée dans mes pensées... Tout ce temps, sans jamais y croire... Tant d'années, si loin de ce monde, et de la vérité... ♫

Ses doigts dansaient au fil des paroles, bien que les enchaînements furent difficiles à exécuter, elle continua la mélodie quand même. Après tout, elle était le seul auditoire à satisfaire. Cette vieille chanson issu d'un dessin-animé, qu'elle avait découvert lors de sa deuxième année ici. Une chanson qui avait soudainement prit tout son sens dans sa condition de née-moldue. De tout ce qu'elle avait vécu avant d'arrive ici. De comprendre qu'elle avait toujours voulu appartenir à ce monde. Et que même si elle le savait tout au fond d'elle, personne n'avait voulu la croire.


- Me voilà, sous le ciel étoilé. Je suis là et soudain je vois. L'avenir s'est éclairé... Ma vie est à l'endroit ~ ♫

L'arrivée dans la grande salle, imprégnée de magie... Les calèches tirées par magie... Les barques... Ce succulent festin qui apparaissait devant eux, sorti de nul part. Des potions, des sortilèges, des créatures fantastiques... Elle pouvait renaître dans le monde où l'imaginaire était possible. Ou il était possible de croire en toutes sortes de choses invraisemblables. Parce qu'elles existaient réellement.

- Et je suis toute éblouie, car enfin la brume s'est levée. Et je suis toute éblouie, les lumières scintillent partout. L'air est doux je me réjouis... De sentir le monde avancer. ♫

Sorcière. Une identité forte à laquelle elle s'était immédiatement raccrochée. Comme si ce titre expliquait à lui seul beaucoup de chose. Comme si ce simple mot pouvait définir toutes les attentes qu'elle avait eut dans la vie. Poudlard avait été sa renaissance. Elle avait trouvé sa place.

- Et je vois dans ce regard, que le voile enfin s'est levé. Et je vois dans ce regard, que les lumières brillent pour nous.

Brillaient-elles encore...?

- Et dans la douceur du soir... Je sens que le monde a... changé... ♫

Ces derniers mots s'étranglèrent dans sa gorge, comme ramenée soudainement à l'atroce réalité. Quelle était leur place aujourd'hui ? Pouvaient-ils encore prétendre au monde des Sorciers ? En avaient-ils le droit ? Pourquoi étaient-ils vus étrangement, qu'importe le monde dans lequel ils se trouvaient...? Elle qui avait commencé à jouer, le cœur léger, se retrouva bien morose de sa propre constatation. Elle se demandait encore où était réellement sa place, dans le monde...