La seconde fois. C’était la seconde fois que Tracy trahissait le pacte qu’elle avait fait avec elle-même : celui de ne prendre aucun risque, celui de ne laisser aucune chance à ceux qui n’auraient aucun scrupule à l’envoyer moisir dans les cachots à son tour de pouvoir le faire. Elle s’était à nouveau rendue dans le couloir des cachots, et échapper de peu à une sanction peu enviable la première fois lorsqu’elle avait croisé le chemin d’Anoushka ne lui avait visiblement toujours pas servi de leçon. Pourtant, la tension qui régnait dans l’école actuellement existait véritablement… et entendre les cris des torturés l’avait hanté chaque nuit qui s’était écoulée depuis. Elle en était devenue malade, surtout après la lecture de la lettre assassine de Rhea qui l’accusait d’être indirectement responsable de ce qui était arrivé. Aussi, c’était peut-être ce qui avait causé ce conflits entre ses états d’âme : la perte peut-être définitive de sa meilleure amie qui avait signé son entrée peut-être définitive dans le camp adverse. Et comment pouvait-on se battre sans conviction ? C’était quelque chose qu’elle ignorait, mais si véritablement elle devait se forcer, alors elle le ferait. Mais la rumeur selon laquelle Niamh avait fait partie des torturés alors qu’elle ne faisait même pas partie de cette résistance la répugnait. Elle avait brisé volontairement ce lien lors de leur entrée à l’école, mais bien que née moldue, la jeune fille demeurait sa cousine… la seule famille qui lui restait ici, en plus de Candice et Elijah. Elle avait beau renier les origines sanguines qui les liaient toutes deux, elles existaient néanmoins, et malheureusement, se mentir à soi ne changerait pas la donne.

Aussi, elle avait un peu honteusement enroulé quelques restes de repas dans une serviette au terme du sien, prétextant auprès de Naïa et Cissy qu’elle n’avait plus faim. Les faire passer par Chuck comme elle avait procédé jusqu’ici demeurait la solution la moins risquée, mais la culpabilité avait fait son oeuvre : il fallait qu’elle les voie. Il fallait qu’elle se rende compte de la situation sur place pour se demander si ce petit jeu en valait toujours la chandelle. Ne valait-il pas mieux se dénoncer auprès du Directeur, au point où elle en était ? Elle en pâtirait bien sûr, mais toujours moins que de fuir honteusement le regard de ceux qui la prenaient pour leurs tortionnaires. Comment leur faire savoir qu’elle n’avait pas voulu ça, alors que tout laissait sous-entendre le contraire ? Elle en était dépitée, mais ces gens avaient raison de lui en vouloir, et Rhea de ne plus lui adresser la parole. Après tout, Perrin et Dan avaient été torturés à cause d’elle, et bien d’autres également. Peut-être n’avait-elle pas jeté l’Endoloris, mais elle avait défendu ceux qui tenaient la baguette. Et ce qui était arrivé à la petite Joanne, elle ne pouvait en faire abstraction. Tout était confus : elle ne voulait blesser personne, mais le mal qu’elle faisait à ceux qui l’entouraient existait bel et bien. Après sa visite à Niamh, elle porterait à Dan la lettre qu’elle avait rédigée à son attention, dans laquelle elle s’excusait de tout.

L’atmosphère ici était toujours aussi glaciale que lorsqu’elle était venue pour la première fois, les galeries offraient le loisir de pénétrer dans un espace nébuleux bien moins accueillant. Alors ce n’était certes pas la nuit, mais elle avait raconté aux mangemorts qui gardaient le couloir qu’elle avait besoin d’aller chercher des ustensiles essentiels à une préparation dans le local de potions. Après tout, elle ne faisait pas partie des têtes d’affiches à surveiller, et s’était toujours montrée relativement coopérative depuis le début du siège du château. Aussi, elle avait pu passer sans trop de difficultés, mais elle était encore loin de pouvoir gagner le couloir des sangs de bourbes. Blackman n’était pas un idiot, et ce n’était pas une gamine de quatorze ans avec un sac en bandoulière qui parviendrait à le berner. Mais elle espérait au moins que certains nés-moldus se trouveraient dans les parages sous motif d’une quelconque tâche ingrate de nettoyage, dans l’espoir d’apercevoir Niamh brièvement, et lui faire passer son paquet le plus furtivement possible. Rien n’indiquait que ça marcherait, d’autant plus que les concernés seraient très probablement étroitement surveillés. Pourtant, elle avait envie d’essayer. Être détestée des autres était une épreuve qu’elle avait appris à surmonter, mais se haïr elle-même commençait à devenir trop corrosif.

Errer l’air de rien dans les différentes pièces en esquivant le regard suspect de ceux qui gardaient les lieux était plus facile qu’elle ne l’aurait cru : pourtant, il aurait vraiment fallu la croire un peu trop idiote pour ne pas connaître le chemin de la réserve de potions. Heureusement, le couloir semblait désormais désert, et elle avait bon espoir de ne pas être embêtée : elle était sur la bonne voie, elle le sentait. Pourtant, au moment où elle crut reconnaître de dos sa cousine, sûrement affairée à une tâche quelconque, un phénomène se provoqua, et l’attira comme un aimant à la jeune fille située à quelques mètres d’elle qui sembla à son tour propulsée vers elle. Et ce n’était pas Niamh. Une Poufsouffle dont le visage lui semblait étrangement familier, et qui devait partager le même sort qu’elle puisqu’elle semblait avoir été dépourvue de tous ses effets. Et soudainement, avant que Tracy n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche, elle se retrouvait collée par le ventre à celle qui lui faisait désormais face, et la lettre à l’attention de Dan lui avait échappé des mains pour se retrouver sur les dalles froides des cachots.

« Que… qu’est-ce qui se passe ? » s’en étonna-t-elle d’une voix nerveuse. « J’arrive plus à bouger… »

Etait-ce une plaisanterie ? Un tour stupide joué par un de ceux qui l’exécraient désormais, l’engluer à une sang de bourbe ? Ça n’avait rien de drôle, pas alors que son esprit torturé hésitait entre deux options qui la condamneraient quoi qu’il arrive. Peut-être aurait-elle du s’y attendre, à se retrouver être la cible d’une blague douteuse, mais toujours était-il que l’humiliation était bien présente. Elle avait beau avoir mérité ce qui lui arrivait, c’en était trop. Et une fois de plus, ça avait été une erreur de tenter de se rattraper : il était trop tard pour devenir quelqu’un de bien.

« Je ne sais pas pourquoi on est collées comme ça, c’est un peu gênant… » commença-t-elle maladroitement en fuyant toutefois le regard de son interlocutrice, avant de tenter de se reprendre, gesticulant autant que possible avant de se rendre compte que c’était peine perdue. « Comment tu t’appelles ? Qu’est-ce que tu fais là… ? »

Tu es là parce que tu es une sang de bourbe oui, mais il ne serait certainement pas préférable de terminer sa phrase si elle ne voulait pas s’attirer immédiatement les foudres de son interlocutrice… Quelque chose lui disait qu’elle n’était pas sortie d’affaire, et même si elle recevrait probablement les moqueries de Naïa et Cissy pour avoir approché d’aussi près une des leurs, elle n’avait ni envie de se battre, ni d’entrer en conflit avec cette fille qui devait avoir d’autres soucis que la position inconfortable de se retrouver collée à une inconnue.

"Mais... qu'est-ce que..." C’était à ne rien y comprendre, et la fille qui n’était pas Niamh laissait penser qu’elle éprouvait quelques difficultés également à s’y retrouver dans cette histoire d’attirance physique non consentie. Tracy se mit elle aussi à scruter les alentours paniquée, dans l’optique de surprendre le coupable de cette stupide plaisanterie. Elle commençait à avoir tellement d’ennemis ou de personnes qui lui avaient tourné le dos que ce ne devrait pas être très difficile à trouver… Mais ça ne ressemblait pas aux méthodes de ses anciens amis au sang mêlé, pourtant. Appuyant sur leur zone collée de ses deux mains pour trouver la force de s’en détacher ne fonctionnait pas, c’était comme si une force extérieure les condamnait à rester ensemble ! Et ce qui effrayait le plus Tracy, c’était la mauvaise interprétation que l’on ferait de la situation, à croire qu’elle se trouvait dans l’un de ses cauchemars. Elle n’avait rien demandé, et voilà qu’elle se retrouvait agglutinée à une fille qui ressemblait beaucoup à une née moldue, au vu de sa maigreur et de son absence de couleurs. Que comprendraient les mangemorts ? Qu’elle était volontairement allée les aborder, et qu’elle les provoquait en restant collée à l’une d’entre elles. Heureusement, les cachots paraissaient encore déserts de toute présence humaine, mais qui savait combien de temps ils mettraient pour les rejoindre, et la condamner pour un acte dont elle n’était pas responsable ? Elle n’avait rien voulu de tout ça, il fallait qu’on la comprenne ! Et cette pauvre fille non plus par ailleurs, ce qui était d’autant plus triste pour elle, étant donnée qu’elle se retrouvait déjà reléguée aux tâches domestiques pour la seule raison que son ascendance sanguine ne soit pas en faveur des tendances actuelles. Le pire, c’était qu’elle avait l’air gentille, et que ses conditions de vie déplorables paraissaient l’avoir grandement affaiblie. Tracy déglutit. Non, ce n’était décidément pas le moment de s’attacher la vie de n’importe qui, elle n’avait rien à voir avec cette fille, et les conditions étaient loin d’être idéales pour sympathiser. Que diraient Cissy, Aniek et les jumeaux Rosenberg s’ils la voyaient dans une telle position ? Non, ce serait décidément trop humiliant, elle ne voulait pas de ça, simplement rentrer dans son dortoir, tant pis pour Niamh, tant pis pour Fursy, tant pis pour les autres. Ils n’avaient rien mérité de tout ça, mais le sort n’était pas avec eux, et Tracy s’était promis de ne rien faire qui menacerait sa sécurité. Or, le fait de se retrouver engluer à l’une des « leurs » ne marchait pas avec ce principe… Il y avait quelque chose d’étrange avec cette fille d’autant plus, elle avait cette désagréable impression de l’avoir déjà vue quelque part, peut-être de l’avoir côtoyée, mais cela faisait très, trop longtemps… Elle avait coupé les ponts avec beaucoup de monde en voulant se protéger des nés moldus, et elle ne pouvait exclure la possibilité selon laquelle elle avait pu être liée un jour à cette fille.

« Je sais pas, je comprends pas, je te jure que j’y suis pour rien… je venais juste récupérer du matériel de potions, je ne voulais pas… ça ! »

Il fallait de tout coeur espérer qu’elle la croie sur parole. En attendant, il faudrait également prier pour qu’il n’y ait pas de témoin de la scène, et encore moins des mangemorts, ce serait pire que tout au monde. Ils ne chercheraient jamais à écouter leurs piètres explications, et elle aurait droit à une sanction spectaculaire pour s’être retrouvée suspendue au ventre d’une sang de bourbe. Elle avait beau insister, se déhancher, se trémousser dans l’optique de séparer leurs deux enveloppes corporelles attachées entre elles, Tracy dut malheureusement se rendre à l’évidence qu’elle ne parviendrait à rien. L’autre fille la poussait par les épaules, et elle devait veiller à ne pas perdre l’équilibre. C’était une situation très désagréable qui amenait leurs visages à se retrouver à une proximité un peu trop étroite, et leurs membres respectifs n’avaient d’autres choix que d’entrer en contact entre eux alors qu’elles ne se connaissaient même pas. Ou peut-être d’avant, mais peu importait, Tracy ne voulait pas le savoir. Si elle avait un jour sympathisé avec cette fille et coupé les ponts, c’était qu’il y avait une raison sanguine derrière tout cela, et malgré tout le respect qu’elle éprouvait pour cette inconnue, elle n’accepterait pas de se faire fouetter en début de repas pour le simple plaisir de sa compagnie. "Heu... Danni et toi ? Ce que je fais là... ce que je fais là semble plutôt évident... j'essaye de nettoyer le sol et... et si un mangemort débarque et voit que ce n'est pas fait, ça va mal aller... C'est quoi le problème ? Y'a quelqu'un d'autre dans le couloir ?" Danni… alors effectivement, le prénom lui parlait. Mais pas simplement Danni, il y avait un prénom tout entier dont ce n’était que l’abréviation. Mais pourquoi peinait-elle autant à s’en souvenir ? En tout cas, s’il y avait bien quelque chose à retenir, c’était qu’elle avait bel et bien affaire à une sang de bourbe, et non à une simple élève qui s’était retrouvée en retenue pour une raison quelconque. Il fallait partir maintenant. C’était dangereux de rester. Que penseraient les Rosenberg ? Tracy se sentait déjà jugée et condamnée alors que personne hormis elles n’avaient encore mis les pieds dans le couloir.

« Tracy, et la situation m’embête autant que toi. Je veux pas t’empêcher de travailler, mais si un mangemort me trouve ici, engluée à … l’une d’entre vous… je vais avoir de sérieux ennuis aussi… » commença-t-elle avant de se rendre compte que son interlocutrice scrutait les alentours et s’apprêtait à lancer l’alarme. Les yeux de Tracy s’arrondirent tandis qu’elle tentait à tout prix de faire cesser la jeune fille. « Arrête, arrête, arrête, arrête ! Stop ! Il ne faut surtout pas qu’ils viennent ! » implora-t-elle complètement paniquée. « Ils ne doivent pas me trouver ici, et encore moins avec toi ! Et puis toi aussi tu auras des problèmes… Tout ce qu’on va gagner, c’est être fouettée toutes les deux, ou se faire cramer l’omoplate comme la petite de l’autre jour… »

Il ne fallait surtout pas entraîner une telle chose. Il n’était pas l’heure de mettre un terme aux efforts qu’elle mettait en place depuis quatre ans pour ne jamais se retrouver victime de ce système trop conservateur. Et curieusement, cette fille, en face d’elle… elle ne la connaissait pas, mais elle ne lui souhaitait aucun mal. Elle se sentait étonnamment proche d’elle pour une raison qui lui échappait, et ce n’était pas qu’au sens physique, même si cette proximité commençait à se révéler réellement dérangeante. Le malaise qui régnait était pratiquement palpable tandis que Tracy tentait encore de se décoller, sans succès. "Tu pourrais chopper ta baguette et lancer un finite s'il te plaît ? Je dois vraiment finir ma corvée... j'ai pas trop envie de finir en attraction de début de dîner si tu vois ce que je veux dire. Et puis t'a fait tomber un papier, je sais pas si c'est un truc important..." Sans réfléchir, la Serdaigle obtempéra, et s’efforça de ne pas faire entrer en contact ses mains avec le corps de celle qui lui faisait face. C’était une situation bien trop gênante… une fois ses doigts parvenus jusqu’à sa poche, elle put se saisir de sa baguette, et tenter la formule… qui n’eut pas la moindre incidence. Incroyable. A croire que l’auteur de cette plaisanterie de mauvais goût avait veillé à ce qu’elles soient bel et bien coincées dans cette position jusqu’à ce qu’il ne consente à bien vouloir les séparer. L’Amelia en elle commençait déjà à faillir alors qu’elle s’efforçait déjà de garder contenance. « J’y arrive pas… j’y arrive vraiment pas… si mes amis me voient ici, ils vont se poser des questions… c’est pas contre toi, mais faut vraiment pas qu’on nous voie ensemble… » énonça-t-elle avant de baisser les yeux vers le sol, s’apercevant qu’elle avait laissé tomber la lettre de Dan. La récupérer dans cette position allait également s’annoncer formidable. « C’est une lettre… pour un ami. Je… j’arriverais pas à la récupérer si tu ne penches pas toi aussi… »

"Je t'ai déjà vu avant toi ? T'étais pas une amie de Fursy il y a quelques années ?" La question surprit Tracy plus que toute autre. Il y avait encore au château des gens qui se rappelaient de son amitié avec Fursy ? Elle remontait à si loin… Ils étaient même vraiment très liés entre eux. A l’époque. Aujourd’hui, elle avait volontairement tout gâché entre eux, et il ne voulait plus jamais entendre parler d’elle. Mais elle devait bien réaliser qu’elle avait en face d’elle une amie du Serdaigle, et que c’était peut-être de cette manière qu’elle avait connu Danni. « Si en effet. On avait des opinions différentes, on a donc pris des chemins différents. J’en déduis que tu le connais bien aussi ? » commença-t-elle avant d’oser la question qui lui brûlait les lèvres. « Comment il se porte ? »

"Heu.. oui je comprends, mais si on ne fait rien pour se décoller, c'est ce qui va arriver de toute manière..." Comment ça ce qui allait arriver de toute manière ? Non… non, non, ça n’arriverait certainement pas, pas tant qu’elle ne se serait pas battue bec et ongles pour se préserver de la punition qui la guettait… Elle avait vraiment eu la pire idée du monde ! Vouloir porter assistance à une née moldue, vraiment ? Alors qu’elle se calquait sur sa bande d’amis depuis près de quatre ans de manière à se tenir à l’écart d’eux ? Sa sécurité ne s’était jamais retrouvée menacée, et pourtant, elle en avait vu défiler, des mains ornées d’un « NM » tout juste cicatrisant. Et elle s’était promis que ça ne lui arriverait jamais… Pourtant, elle était bien là, accrochée à une née-moldue par la taille comme si elles allaient se livrer à une performance de danse du ventre en duo, au beau milieu des cachots. Leurs visages étaient à quelques centimètres seulement de se frôler, et pourtant il fallait croire qu’elle n’avait d’autre option à leur disposition que de devoir subir la situation. « C’est un cauchemar… j’arrive pas à y croire, c’est vraiment un cauchemar… » gémit-elle en regardant autour d’elle nerveusement, tout en veillant à ne pas frôler le visage de Danni. C’était très inconfortable comme situation, Tracy peinait déjà à s’imaginer partager une telle proximité avec quelqu’un de réellement proche, alors avec une quasi-inconnue, c’était même plus que gênant. « Ecoute, on va trouver une solution. Y a pas de raison que tu sois punie toi aussi. Tu ne faisais que ton boulot… c’est quoi que tu dois faire d’ailleurs ? Tu devais pas avoir un binôme ? » demanda-t-elle en jetant un oeil à la serpillère qui jonchait sur le sol.

Aucun moyen de disparaître, aucune parade qui pourrait justifier sa présence. Certes, elle s’en voulait pour Niamh, mais pas au point d’en venir à sacrifier les quatre ans de comédie qu’elle s’était tant donnée de mal à jouer ! Cissy et Loki seraient peut-être seulement suspicieux, mais une fille comme Naïa Rosenberg ne se donnerait pas la peine de chercher à comprendre par quel habile stratagème elle avait pu se retrouver agglutinée à une sang de bourbe, qu’elle était censée haïr autant qu’eux. Et la dénommée Danni avait l’air bien gentille, mais elle paraissait en revanche trouver tout à fait normal, quoique légèrement regrettable, le fait qu’elle puisse être prises sur le fait ensemble. Alors non, elle n’allait pas tout simplement baisser les bras et accepter son sort alors qu’elle n’avait rien fait ! Elle ne se serait pas amusée à changer de prénom, d’ascendance sanguine, et même d’histoire si c’était pour arriver au même résultat… "Mais tes amis... ? ... "AMIS" ! Un ami... un véritable, j'entends, te croira ! Je vois pas pourquoi t'as l'air si angoissée pour ça... Oh je vois... sauf si tes "amis" sont du côté de Blackman, c'est ça ? Dans ce cas je comprends... ce genre "d'amis" sont aussi peu ouverts d'esprits que les mangemorts. Donc ouais il te reste deux solutions... soit tu as confiance en eux et ils comprendront que tu n'es pas responsable de "ça"... soit tu changes d'amis." C’était à ne rien y comprendre… Pourquoi lui cherchait-elle des noises ? Là n’était pas la question de la croire ou non, ou si ses amis étaient des vrais ou des faux, il s’agissait du fait que les choses iraient très mal pour elle si on la voyait en compagnie d’une née moldue et qu’à première interprétation l’on pensait qu’elle était collée à elle de son bon gré. Et pourtant, cette Danni avait su voir très clair dans sa situation… Oui, en effet, peut-être que ses amis n’étaient pas aussi ouverts d’esprit que les siens, et peut-être se cantonnaient-ils à des idées un peu plus noires en se ralliant au directeur notamment… Mais les choses étaient bien loin d’être aussi simples, du moins pas autant dans son mode à elle que dans celui de Danni. Dans le sien, on ne changeait pas d’amis comme on changeait de serre-tête le matin… et malheureusement, les jumeaux Rosenberg trouveraient sûrement extrêmement douteux qu’elle côtoie d’aussi près l’une des leurs.

« On s’écarte un peu du sujet je pense. J’ai parfaitement confiance en mes amis. Je ne voudrais simplement pas qu’ils croient que je cherche à m’attirer des ennuis. On n’est pas loin du couloir des sangs-de-bourbes, et rien dans le règlement de l’école ne me permet d’être collée à l’une d’entre vous. » répondit-elle plus sceptique.

Si seulement les choses fonctionnaient de manière aussi schématique et simplistes, Tracy s’en sortirait bien mieux. Seulement, elle faisait partie du monde où préjugés et jugements se côtoyaient de bien trop près. Dans un univers où nés-moldus n’auraient jamais été stigmatisés de quelque manière que ce soit, elle et Danni seraient peut-être amies à l’heure actuelle. Elle n’aurait jamais eu à couper les ponts avec Fursy à la fin de sa première année, et aurait la liberté de croiser et saluer la cousine quand elle le souhaitait. Vu du même angle, la petite Gryffondor qui avait été torturée aurait pu vivre une aventure formidable à Poudlard, se faire une multitude d’amis, et pouvoir montrer son talent d’attrapeuse au monde entier… Seulement l’ordre des choses avait décidé qu’il en serait autrement. Et Tracy n’était plus Amelia depuis bien longtemps. Elle n’était pas très douée en relations sociales, mais c’était celle qui n’avait rien à voir avec tout ce qui se passait actuellement à l’école qu’elle aurait voulu présenter à celle qui lui faisait face. A quelle maison appartenait-elle, lorsqu’elle n’était pas esclavagisée par les mangemorts ? Puisqu’on les avait dépouillé de leurs couleurs et autres indices permettant de se rendre compte de leur maison, la question était encore nébuleuse. Elle se souviendrait tout de même de l’avoir aperçue à Serdaigle… "Bien sûr que je le connais bien ! C'est mon meilleur ami ! Il va bien.... enfin autant qu'on peut l'être depuis Halloween." Alors peut-être que la piste Serdaigle n’était pas à exclure… Le coeur de Tracy se serra. Sa meilleure amie. De quoi avait-elle l’air, elle qui avait renoncé à l’être ? Elle s’était faite à l’idée que Fursy ne lui pardonnerait jamais cette épouvantable trahison. Rien cependant ne l’empêchait de se renseigner, à l’occasion, l’air de rien… Après tout, elle n’était pas obligée d’expliquer ses motivations. « Tout le monde a vu de quoi ils étaient capables. J’espère qu’il fait en sorte d’éviter les sanctions… dans le temps, il avait tendance à les chercher. Je suis contente de le savoir entouré. » répondit-elle sans trop s’étendre. Une sorte de mauvaise conscience agissait sur elle au fur et à mesure que le sujet prenait de la place dans leur conversation. Fursy, qu’elle avait abandonné. Il y avait maintenant bientôt quatre ans. Dire qu’elle ignorait même jusqu’à qui il côtoyait désormais, alors qu’ils avaient été si proches dans le temps…

"Bon, on va essayer de récupérer ta lettre. Je vais plier mon genoux droit pour essayer de l'attraper... toi tu contrebalances avec ton bras droit pendant qu'on se baisse pour qu'on ne tombe pas. A trois... un, deux, trois. » Tandis qu’elle s’efforça de se contorsionner comme elle le pouvait, balançant son bras droit comme le lui avait dicté sa camarade d’infortune. C’était difficile dans ces conditions, et surtout dans cette position… Disons que ni elle ni Danni ne devaient être grandement habituées à se penser comme bien deux êtres, qui avaient fusionné en un seul. C’était gentil de la part de sa nouvelle interlocutrice de bien consentir à lui porter assistance. Après tout, elle n’avait pas souvent agi en faveur des nés-moldus, et le peu de fois où c’était arrivé, elle l’avait fait sous cape. Mais la gentillesse de cette dernière fut mal récompensée, et elle eurent bien tôt fait de tomber en avant, le corps toujours liés par cette force inconnue qui les tenait ensemble. "C'est pas que t'es lourde mais j'ai... un peu de mal à.. respirer comme ça..." En effet, la position qu’elles occupaient désormais n’était pas meilleure que lorsqu’elles étaient débout… Aussi Tracy se débattit un peu, tentant de prendre appui avec sa main, pour se faire glisser sur le côté, heureusement avec succès. Elles auraient sans doute du mal à se relever, mais au moins Danni pouvait respirer. « Ça va mieux là ? J’espère que je t’ai pas fait mal. »

"Dan..." Ah… il semblait que de son côté à elle, elle pouvait lire le contenu de sa lettre. Tracy déglutit légèrement. C’était un peu indiscret, et surtout, elle n’était pas certaine de vouloir parler de celui qui disait être son ami. Le contenu n’était peut-être pas ce qu’elle aurait voulu présenter à une née-moldue, qui était particulièrement visée par les attaques rédigées ici. Alors oui, il y avait un code, mais comment expliquer toute cette histoire ? Et qui plus était, son interlocutrice avait prononcé son prénom comme si elle le connaissait… ce point-là ravivait davantage l’intérêt de Tracy. Elle n’avait pas croisé tant de connaissances communes avec Dan que ça en réalité… « Hm, oui, c’est le nom de mon ami. » déclara-t-elle, un peu sur la défensive.

"Du calme Tracy... On va bien trouver un moyen..." Danni était bien gentille tout de même… elle n’avait de cesse de paniquer, et de remuer dans tous les sens, et pourtant elle continuait tout de même de la rassurer. En même temps, Tracy avait du mal à imaginer que ce puisse être pratique de se retrouver collée à quelqu’un qui gigotait en permanence… Trouver un moyen ? Elle doutait que ce soit possible, aucun sortilège ne paraissait suffire à les détacher, et il n’y avait personne dans les environs. C’était préférable, d’un autre côté… Si quelqu’un devait tomber sur elles, il y avait de grandes chances pour que ce soit un mangemort, et elle n’avait pas la moindre envie que l’un des leurs la surprenne accrochée à une née moldue. Cette pauvre fille n’avait rien demandé en réalité, et elle se doutait bien qu’elle préférait sans doute qu’il n’y ait pas d’histoire non plus. Est-ce que Cissy, ou quelqu’un comme les jumeaux Rosenberg, allait tergiverser longtemps s’ils la voyaient comme ça ? Elle aurait beau tenter de leur expliquer, l’idée allait faire son chemin dans leur tête… "Je.. heu y'a une tache de potion sur le sol là. Je dois la nettoyer mais elle est tenace... Anthony, mon binôme... s'occupe de l'autre couloir, on s'est séparés en pensant qu'on irait plus vite comme ça..." Anthony ? Le nom ne disait rien à la Serdaigle qui dirigea son regard vers le sol. En effet, ça avait l’air plutôt fastidieux comme travail. Elle soupira et s’attacha les cheveux en même temps qu’elle retirait son insigne, et sa cravate aux couleurs de l’école, avant de les balancer dans un recoin. Puis, elle se baissa légèrement, contraignant sa partenaire à en faire de même, pour se saisir d’un chiffon à son tour. Si elle avait su à quel genre d’activités elle s’adonnerait cet après-midi, elle ne se serait sûrement pas levée… tant pis, elle ne voulait pas que si un mangemort les surprenait, il ne lui tienne rigueur de se retrouver en compagnie d’une née moldue. Peut-être que si elle donnait l’air d’en être une aussi, il n’y prêterait pas attention ? Néanmoins, les Rosenberg ne se feraient pas avoir, eux… « On va faire comme ça : je serais ton binôme cette fois-ci, jusqu’à ce qu’on se décolle. T’as dit qu’y avait une tâche ? » déclara Tracy. Cela surprendrait probablement son interlocutrice, elle aussi un peu à vrai dire. Pourtant, c’était bien là qu’était sa place, selon toute logique… « Par contre je t’arrête de suite, j’ai rien à voir avec vous. Mais tant qu’à être là… » Ce n’était pas si vrai, mais aussi gentille qu’elle pouvait l’être, Danni n’avait certainement pas à le savoir.

"Sang-de-bourbe, sérieusement ? T'es au courant que c'est une insulte quand même ? Et que je suis là devant toi ? C'est trop compliqué à dire Né-moldu ?" Tracy haussa les épaules. Ce n’était pas tant son souci, si elle avait rejoint le camp de ceux qui étaient gentils avec tout le monde, elle le serait sans doute également, sauf que cela impliquerait aussi de sa part qu’elle ait à se charger de tout le nettoyage des cachots. Ah, et qu’elle serait également catégorisée comme une sang de bourbe. Et l’idée était bien loin de lui plaire… Tracy la détestait, même. Peut-être que dans une dimension parallèle, dans laquelle Danni et elle seraient très copines, elle pourrait se permettre d’adopter le politiquement correct. Mais pas avec la voie qu’elle avait choisi, malheureusement. « C’est pas moi qui fais le règlement… Ils écrivent ça « couloir des sangs de bourbes. » » répondit-elle d’une voix très calme. Bien entendu qu’elle comprenait aisément que ce ne devait pas être très agréable, surtout de la part d’une fille qu’elle ne connaissait de nulle part : mais les choses avaient changé, et désormais, elles ressemblaient à cette réalité un peu trop surréaliste au sein de laquelle des types carnassiers étaient au pouvoir. En attendant, la jeune fille avait trouvé son courrier après qu’elles aient roulé au sol, et elle trouvait un peu étrange que sa camarade s’y intéresse autant. A l’en croire, elle connaissait bien Dan.

"Est-ce que... il fait partie de ces amis qui ne doivent pas te voir en si "mauvaise compagnie" ?" C’était une bien drôle de position, toutes deux allongées et collées l’une à l’autre sur les dalles froides, pour discuter de leurs cercles d’amis communs. Visiblement, Danni semblait éprouver des réticences vis à vis du Poufsouffle, que Tracy comptait parmi ses amis. Même si les choses étaient si compliquées en ce moment… Qu’il lui avait écrite cette si longue lettre dans laquelle elle s’était perdue, après qu’il l’ait attaquée, et ait prétendu être toujours là lorsqu’il aurait besoin d’aide… elle avait encore besoin de temps pour estimer s’il s’agissait de paroles en l’air ou non. « Je ne sais pas vraiment, en réalité il est un peu en mauvaise posture lui aussi en ce moment. » répondit-elle évasivement. Etait-ce pour lui demander des comptes que son interlocutrice lui posait des questions à son sujet ? Tracy l’ignorait, toujours était-il que le Jaune & Noir représentait un total mystère pour elle à l’heure qu’il était. Peut-être que sa nouvelle connaissance pourrait l’éclairer à son sujet ? « Comment il va ?" C’était difficile à définir. Elle ne l’avait vu en personne depuis la rébellion, et avait seulement eu l’occasion de dialoguer avec lui par lettre, pas davantage. Et leur discussion ne laissait pas passer beaucoup d’états d’âmes… elle aurait seulement pu se risquer à dire qu’il semblait aussi perdu qu’elle ne l’était elle. « C'est plus ou moins pour savoir que je lui écris… est-ce que tu le connais ? » se permit-elle. Peut-être que si Danni lui parlait de lui, cela lui permettrait de le connaître également elle-même.

"Mais.. qu'est-ce que tu fais ? T'es pas obligée de ..."

Que croyait-elle ? Que c’était pour l’unique plaisir de s’adonner à des tâches ménagères qu’elle allait jouer les domestiques ? Voir les nés-moldus réduits à ce rôle ne lui plaisait pas spécialement, mais pas au point de se mettre en danger pour eux… En revanche, les ennuis qu’elle rencontrerait si la surveillance de Blackman sillonnait les couloirs et la surprenait collée à une sang de bourbe, ils ne chercheraient pas midi à quatorze heures, et elle se ferait probablement fouetter le soir même. Si elle était dépourvue de ses insignes, elle n’était plus reconnaissable : elle devenait une élève lambda, comme n’importe quelle pauvre née moldue reléguée aux cachots. Ce qu’elle était en réalité, à l’abri des regards, mais ça Daniela n’avait aucunement besoin de le savoir. Ni personne d’ailleurs. Et aussitôt qu’elle se retrouva dépourvue de ses couleurs, elle eut presque l’impression d’avoir été mise à nu. Que c’était humiliant… ça n’avait rien d’une partie de plaisir. Pourtant, c’était le prix à payer si des mangemorts venaient à circuler dans les galeries. « Ça va nous retomber dessus si on nous trouve et qu’on comprend que je ne suis pas une des votres. T’as pas envie de servir d’animation au repas ce soir si ? » demanda-t-elle en retroussant ses manches. « Puis ça sera toujours ça de fait. Je déteste le travail mal fait. Elle est où alors ? » rajouta-t-elle. Elle n’avait pas envie non plus que cette fille pense qu’elle se souciait d’elle, alors elle préférait feindre l’indifférence. Danni, si c’était bien son nom, avait l’air d’être une gentille fille, tout comme l’était Fursy lorsqu’elle l’avait laissé derrière elle. Ce n’était pas si étonnant qu’ils soient amis, à bien y réfléchir. Alors qu’elle se surprit à éprouver de la sympathie pour cette fille, Tracy dut se raisonner. Elle n’était pas des leurs ; elle appartenait au rang supérieur, à celui dont le chemin n’était pas amené à croiser celui des sangs de bourbes. Elle avait choisi cette vie-là, même si elle en payait les conséquences à un prix un brin trop élevé.

En attendant, ce lien invisible qui les maintenait ensemble les avait toutes deux fait chuter, et leurs corps englués reposaient désormais sur les dalles froides des cachots. Aucune n’osait trop bouger… il était difficile de se mouvoir librement dans ces conditions sans faire mal à l’autre, ou sans frôler leur visage… C’était assez embêtant comme situation, et certainement pas le lieu rêvé pour aborder un sujet aussi délicat que celui que représentait Dan. Mais c’était une des premières personnes qu’elle rencontrait et qui était proche du jeune homme… C’était peut-être l’occasion d’en apprendre davantage sur ses intentions. « Oui je le connais, c'est un ami... enfin je crois. A vrai dire je ne sais plus très bien après ce qui s'est passé. On a tous entendu ce qu'il a avoué ce soir-là... Je ne comprends pas... C'est incompréhensible !" Tracy le reconnaissait volontiers : même elle qui se trouvait du mauvais côté de la barrière, avait été surprise par la révélation du jeune homme. Certes, elle ne le connaissait pas tant que ça… Mais comment était-il parvenu à feindre l’indifférence tout ce temps ? Tout cela avant de vendre une gamine aux mangemorts, puis de… rejoindre la résistance ?! Ça n’avait rien de logique. La lettre qu’il lui avait écrite l’expliquait quelque peu, mais tout était si compliqué. Il fallait qu’elle le voie, en face à face. Qu’il lui explique de vive voix quelles étaient ses intentions, et aussi dans quel camp il se trouvait réellement. Au point où ils en étaient, ils ne pouvaient plus seulement se contenter de faux semblants. "Il n'est pas méchant ! Je le sais sinon jamais il ne m'aurait envoyé un..." Les sourcils de Tracy s’arquèrent. Un… ? Il ignorait de quoi il s’agissait, toujours était-il qu’elle connaissait suffisamment le règlement pour ne pas être sans ignorer qu’un élève ne pouvait entrer en contact avec un né moldu, ni lui faire parvenir quoi que ce soit. « Ça signifie qu’il t’a aidée ? » demanda-t-elle d’une voix douce. Donc, si elle comprenait bien, avant sa tentative de révolution ratée, le Poufsouffle avait tout de même chercher à la tirer d’affaire, ou du moins à rendre son calvaire supportable.

"Est-ce qu'il a réussi à échapper à Snow ?" Tracy secoua la tête. Elle avait entendu comme elle les menaces que le capitaine de Serpentard avait proliférées à son égard, et même si elle ne le connaissait pas beaucoup, elle ne doutait pas du fait qu’il les mettrait sans doute bientôt à exécution. La situation de Dan était compliquée, et même si elle ne savait pas vraiment comment elle devait se positionner vis à vis de lui, elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver de la peine pour lui. Et visiblement son interlocutrice aussi, sinon elle ne serait sans doute pas aussi inquiète…

« Ça je ne sais pas. Est-ce que tu as du faire face aux retombées de tout ça toi ? Ils t’ont punie ? »

Que tu sois habillée en née-moldue ou non n'y changera rien... pire même, si t'es une sang-pur tu pourrais même me rejeter la faute et ils ne te feraient rien. Tu te mets encore plus en danger en faisant ça. T'es déroutante comme fille, mais... enfin bref... j'apprécie le geste." Tracy haussa les épaules. Pas certain. Les mangemorts n’étaient pas réputés pour porter une grande attention aux élèves qui les entouraient, aussi elle avait plus de chances de passer inaperçue. Il s’agissait surtout de ne pas faire de vague… Tandis que s’ils apercevaient son insigne et les couleurs de sa maison, ils feraient vite de la sanctionner, ainsi que la fille à laquelle elle était collée pour la journée. Cela commençait à se révéler vraiment désagréable… L’impression que quelqu’un allait rentrer et les surprendre donnait des sueurs froides à Tracy. Pour une fois, elle n’avait rien fait, qu’on la laisse tranquille ! Et cette position des plus inconfortables n’était clairement pas des plus faciles à tenir… non seulement elles étaient véritablement limitées dans leurs mouvements, ne pouvant se permettre de trop bouger puisqu’elles entraînaient systématiquement l’autre dans leur élan. Et c’était sans compter le fourmillement dans leurs muscles qu’entraînait cette paralysie temporaire… Vivement que ce calvaire se termine, ne pouvait-elle s’empêcher de songer. Elle la trouvait déroutante ? Peut-être bien… Elle était simplement censée agir comme une pro sang-pur normale, et à la place, elle se retrouvait prise d’empathie. « Je préfère miser sur le fait qu’ils ne vous portent pas plus d’attention que ça et qu’ils connaissent à peine vos têtes. » répondit-elle à voix basse. « Par contre t’as raison, pour la tâche ça va être compliqué. » ajouta-t-elle en fixant le sol. Ce n’était pas faute d’avoir voulu lui filer un coup de main, mais il allait probablement leur falloir trois bons quarts d’heure avant de seulement parvenir à s’accroupir. En tentant de se baisser, elles avaient déjà fini sur le dallage des cachots… Et, de manière complètement surréalistes, elles étaient toutes deux en train de parler de Dan.

"Oui il m'a aidée. Il a su que j'étais très malade alors il m'a envoyé un médicament en cachette. Je n'ai pas pu avoir accès à l'infirmerie et sans Dan, je sais pas dans quel état je serais à l'heure actuelle." Une vague d’embarras submergea Tracy. C’était à peine croyable… comment se positionner vis à vis du jeune homme ? Elle n’en avait pas la moindre idée… à croire qu’il faisait exprès d’agir de manière diamétralement différente chaque jour qui soit. Il avait commencé par dénoncer cette gamine, par l’attaquer, s’en excuser, lui envoyer cette très longue lettre qui ressemblait bien à des aveux, disait une chose et son contraire… Il était plus que compliqué pour la Serdaigle de savoir comment se positionner vis à vis de ce dernier, qui avait commencé à se lier d’amitié pour lui en pensant qu’il s’agissait de quelqu’un de simple et de gentil. Mais le Poufsouffle était beaucoup plus compliqué et torturé qu’il n’y paraissait visiblement, et Tracy était tout de même contente de tomber sur quelqu’un qui semblait le connaître, du moins plus qu’elle, dans ses côtés les plus lumineux et les plus sombres. Peut-être parviendrait-elle à distinguer le vrai du faux dans cette histoire… Elle affirmait qu’il l’avait soignée, et elle n’avait aucune raison de mentir après tout… Enfin peut-être. Non. Tracy voulait bien la croire. "Si jamais j'apprends qu'il a eu des ennuis à cause de ce que je viens de te dire, je te jure que je t'étripe de mes propres mains, c'est clair ?" Eh, qu’est-ce que c’était que cette agression ? Comme si elle allait s’aventurer à aller balancer ce genre d’informer aux hautes autorités… Enfin oui, au vu de son rôle, il n’était pas inenvisageable de l’imaginer, après tout elle avait juré allégeance à Blackman.. « Eh, tu veux bien te calmer ? J’ai plus d’ennuis à cause de lui qu’il n’en a cause de moi, je tiendrais à te signaler. » répondit-elle, sceptique. Et pour le coup, c’était vrai. Elle avait voulu comprendre ce garçon, sans tenir compte des énormes risques qu’il lui ferait prendre.

"Moi non. Mais mon petit ami oui. Ils sont venus le chercher aux cachots avec d'autres alors qu'il n'avait rien fait... il a servi d'exemple..." Tracy ravala bien vite son agacement, et se sentit quelque peu désolée pour la jeune fille. Elle n’avait jamais eu de petit ami, mais se doutait bien que ce devait être extrêmement douloureux de savoir un être cher ainsi exposé à de telles souffrances. Elle les avait entendu crier, après tout… La direction avait fait en sorte que chacun puisse écouter les supplications et les hurlements de douleur. Ça avait été insupportable. Alors elle se doutait de l’état dans lequel devait être Daniela… "Dan le connaît d'ailleurs. C'est un ami à lui. Il s'appelle Keagan et... il a les mêmes interrogations que moi vis à vis de Dan. On en a parlé lui et moi et il ne comprend pas plus ce qui s'est passé. Ça me rend dingue, il faudrait que je puisse parler à Dan... Et pas par lettre... c'est trop compliqué..." Comme quoi, elle n’était la seule dans cette situation là, c’était rassurant quelque part, Tracy avait aussi cette impression de devenir folle avec le jeune homme, et de danser sur un pied puis sur l’autre à longueur de journée avec lui. Au moins, cela confirmait ce qu’elle pensait : il ne se limitait pas au seul fait d’être un traître. Elle aussi pensait que des raisons extérieures camouflaient ce geste, même si elle n’en savait pas davantage : sa lettre avait été très claire, mais comportait encore de nombreuses zones d’ombre… « Et je les partage… mais ce serait certainement dangereux pour vous de l’approcher comme ça. Est-ce que tu veux que… je lui fasse passer un message ? De ta part ou de celle de Keagan ? » demanda-t-elle.