« Le score est ce soir particulièrement serré pour l’Angleterre et la Bulgarie… » La tension était exceptionnellement forte tout comme les cris qui résonnaient des quatre coins des tribunes. « …Et voilà Miller qui s’élance ! Il poursuit le Vif d’Or ! L’Angleterre est peut-être sur le point de remporter cette Coupe du Monde ! » Terry ne devait pas avoir plus de 4 ou 5 ans au moment de ce match. Sa mère le portait dans ses bras sans lâcher son mari des yeux. Il allait probablement devenir la star de tout un pays et de toute une génération. Son visage était figé en une expression de peur et d’angoisse mêlés d’espoir. Elle serrait son dernier fils aussi fort que possible, comme si cela pouvait réellement faire rentrer son époux dans l’Histoire. « Allez, Miller, on est tous avec toi sur ce coup ! Le Vif d’Or est juste là ! Je n’arrive pas à le croire ! » Les cris de la foule s’intensifiaient, du moins du côté anglais. Terry voyait défiler devant ses yeux un festival de couleurs, sans vraiment comprendre ce qui était réellement en train de se produire. Les spectateurs hurlaient, les balais se croisaient et se recroisaient dans tous les sens, tout l’environnement s’était mis à rugir. Et là, arriva l’évènement qui allait à jamais marquer son existence. Le Vif d’Or était là, ses petites ailes dorées s’agitaient, juste là, entre les doigts de son père qui poussa un cri de victoire, bientôt suivi par ceux de la foule. « Incroyable ! » Le match s’était achevé. Trey Miller était devenu, à nouveau, le champion de toute une nation. Et pas seulement d’une nation, non, un champion du monde. « Double champion du monde », aurait sans doute ajouté sa mère avec fierté. Elle était sa plus grande fan, et ne cesserait jamais de l’être. Son sportif de mari lui avait offert la plus belle vie qu’elle ait pu un jour rêvé d’avoir. C’était un moment dont la famille de Terry allait se rappeler longtemps. Même si lui, était probablement encore trop jeune pour s’en souvenir parfaitement.

Pourtant, si ces quelques scènes étaient toujours ancrées dans sa mémoire, Terry, lui, n’avait pas vécu comme ses frères et sœurs l’ascension de la fierté des Miller. Pour lui, son père avait toujours été célèbre. Il avait toujours été un « fils de », il avait grandi dans ce contexte, subissant la célébrité de son père, embrassant chaque jour les avantages et les plaisirs que cela lui avait toujours apporté. Cette fierté, il l’avait toujours ressentie. Et bien vite, il avait été désigné comme le digne successeur du champion. Trey Miller avait pris sa retraite assez rapidement. Il avait consacré sa jeunesse à tenter de devenir le meilleur, et après de nombreuses victoires, il avait enfin accepté de « laisser sa place aux jeunes », comme il disait. Il avait d’abord été la star des Canons de Chudley, avant d’être sélectionné parmi les joueurs d’Angleterre pour rejoindre l’équipe nationale. Il était cependant encore jeune, mais fatigué, peut-être lassé d’être l’une des figures les plus médiatisées parmi les sorciers du pays. Malgré tout, pour Trey, le Quidditch devait à tout prix demeurer une affaire de famille. Il avait toujours eu la volonté et l’envie de transmettre sa passion à ses enfants, à les éduquer pour qu’ils développent eux aussi un amour profond pour le sport qui avait fait sa gloire. Malheureusement pour lui, les choses ne s’étaient pas tout à fait déroulées comme il l’espérait. Si le sort avait été clément avec lui tout au long de son impressionnante carrière, sa famille, elle, n’était à son avis pas vraiment celle qu’il aurait rêvé avoir. Quand sa toute première fille vint au monde, ce fut comme un coup de massue. L’une des plus grandes craintes partagées par les couples de sorciers à travers le monde… Christina, sa fille aînée, était une Cracmol.

Délaissée par ses propres parents, l’aînée des Miller comprit rapidement que sa place n’était pas parmi les sorciers. Elle fit très tôt le souhait de réussir sa vie parmi les moldus, de devenir elle aussi quelqu’un d’important, mais à sa manière. Elle ne réussit jamais à créer des liens avec ses parents, ni, plus tard, avec ses frères. Elle savait qu’elle ne correspondrait jamais à leurs attentes, et s’éloigna très vite du foyer familial. Aujourd’hui, elle ne vit d’ailleurs plus avec eux et reste très évasive sur la vie qu’elle mène en dehors du monde sorcier. Terry n’a très peu de nouvelles d’elle, et n’a jamais cherché à en avoir. Pour lui, sa sœur est une étrangère, une marginale, à laquelle il ne s’est pas attachée et ne s’attachera sûrement jamais. Le deuxième enfant de l’illustre Trey Miller arriva peu de temps après Christina. Mais une fois encore, Trey remarqua très vite qu’il ne pourrait jamais espérer voir en lui naître son réel successeur sur le terrain. Trevor n’a jamais rien eu d’un sportif. Il n’était peut être tout simplement pas fait pour cela. Il préférait de loin les livres aux éternels matches de Quidditch que son père suivait sans relâche. Trop chétif, trop faible pour le sport, il se tourna vers les sciences, vers l’étude de la magie et des sortilèges, et fit une brillante scolarité à Serdaigle avant de travailler pour le Ministère de la Magie. Trevor et Terry, peut être en raison de leur différence d’âge, ne jouaient jamais ensemble enfants. Terry était un garçon très dynamique, toujours en mouvement, turbulant, et remarquablement doué pour le sport. Evidemment, il devint vite la fierté de son père qui pouvait enfin se rassurer d’avoir un digne héritier. Dès lors qu’il remarqua ses dons, il l’incita à suivre ses pas. Il l’accompagnait à chaque match et lui obtenait les meilleures places dans les gradins grâce à son statut d’ex-champion. Il lui apprit tout ce qu’il pouvait lui apprendre sur l’art du Quidditch et ne fut jamais déçu de constater que Terry, lui aussi, avait peut-être un avenir prometteur dans ce domaine.
La mère de Terry, Angela, n’était pas réellement un soutien pour ses enfants. Riche du succès de son mari, fière de son patrimoine et de l’argent qu’elle avait obtenu grâce à un mariage judicieux, elle fréquentait les milieux mondains des sorciers, ne se liait d’amitié qu’avec des personnes suffisamment influentes, et évidemment, de sang-pur. Ses manteaux de fourrure, ses bijoux et son intérieur retenaient davantage son attention que la croissance de ses propres enfants. Et même si Trey était un fervent admirateur de son petit dernier, Angela, elle, n’assistait que passivement à ses progrès. Terry subissait un régime très strict, une surveillance rapprochée, un intérêt presque étouffant qui l’empêcha de se défaire de son addiction au sport et de rechercher un quelconque amour maternel. Son père était son entraîneur, son mentor, et la plus grande peur de Terry était de le décevoir. Il se devait de réussir là où son père avait excellé, car c’était ce qu’il était, ce qu’il devait être, ce qu’il serait. Joueur de Quidditch. Pas d’alternative.

Pour autant, Terry avait d’autres aspirations. Bien sûr, il adorait le sport de manière générale. Même si sa mère, à force d’étaler son mépris envers les Moldus, l’avait convaincu qu’il ne fallait pas se mêler à cette « racaille », comme elle l’appelait, Terry se plaisait à suivre leurs différents sports, leurs Jeux Olympiques, leurs compétitions. Il avait même développé un intérêt certain pour les plus loufoques et étonnants d’entre eux. Le curling, le cricket, le tennis de table, toutes les disciplines les plus tordues inventées par les Moldus le fascinait d’une certaine manière. Mais le Quidditch… ça, c’était son quotidien. Il était fier d’être le fils de Trey Miller, et ne se plaignait pas d’être reconnu comme son fils le plus prometteur. Ses premières années à Poudlard avaient été marquées par le regard des admirateurs, les traitements de faveurs de certains professeurs conscients de sa célébrité. Seulement, Terry était également passé professionnel dans l’art de mentir à son père, bien plus qu’il ne l’était dans le Quidditch, en réalité. A chaque vacances, et ce depuis son entrée à Poudlard, il vantait ses exploits comme Capitaine, alors qu’il n’avait décroché qu’un rôle de batteur dans l’équipe de sa maison et que ses talents n’étaient pas véritablement aussi flagrants que son père le pensait. Terry était même assez médiocre, mais son nom de famille lui avait suffit pour intégrer l’équipe. Il jouait davantage en tant que fils d’une star, que pour ses capacités dans la discipline. Mais Terry s’en amusait. Son père était persuadé qu’il allait faire une carrière fantastique alors que cela était en vérité assez loin de se produire. Il fallait se rendre à l’évidence, Trey Miller n’allait pas faire de sa progéniture un champion. Mais ça, hors de question qu’il soit mis au courant, non. Terry y veillait personnellement. Le sport resterait pour lui une passion, comme cette série animée américaine des années 90, sur un gang de 4 gosses d’un trou perdu du Colorado, dont il connaissait par cœur les 26 saisons. Mais il n’en ferait probablement pas son métier. S’il pouvait trouver un sortilège pour améliorer ses performances, une potion, un objet, quoi que ce soit, pour enfin devenir le même joueur de génie que l’était son Trey Miller de père à son âge, il serait prêt à donner tout ce qu’il possède.

Trey Miller père
On ne le présente plus. Célèbre joueur de Quidditch des Canons de Chudley et double-champion du monde en équipe nationale pour l'Angleterre, Trey Miller est une légende pour tout fan de Quidditch. Attrapeur, il a connu la gloire et la célébrité, et laisse un héritage conséquent à son fils en qui il voit son plus crédible successeur. C'est un acharné de sa discipline, un véritable passionné mais un père particulièrement rigide. Il ne vit que pour voir son dernier fils prendre la relève, et délaisse à ce titre ses deux premiers enfants. Terry le craint autant qu'il l'admire et lui fait croire depuis sa première année qu'il excelle sur un balais et au poste de capitaine de son équipe.

Angela Miller mère
Une femme particulièrement obsédée par son image et fréquentant exclusivement les milieux mondains. Elle se félicite d'avoir épousé l'un des sorciers les plus célèbres de son époque et ne manque pas de le rappeler à qui veut bien l'entendre. Toujours parée des plus belles parures et des chefs d'oeuvre de haute couture, elle a trop souvent délaissé sa famille pour promouvoir sa propre réussite. Terry n'éprouve pas réellement d'affection pour elle car il a plutôt le sentiment de ne pas la connaître. Méprisant les Moldus, et surtout les sorciers issus de familles moldues, elle se rapproche dangereusement des sorciers les plus peu fréquentables d'Angleterre et notamment des sympathisants de Blackman. Bien sûr, sa famille n'en sait rien.

Christina Miller soeur
L'aînée de la famille est une Cracmol. Terry n'a pas la moindre idée de ce qu'elle est devenue depuis qu'elle a quitté le domicile familial il y a déjà quelques années. Elle a toujours voulu se rapprocher des Moldus et s'éloigner du monde sorcier duquel elle a eu très tôt le sentiment d'être étrangère. Elle a toujours été très discrète et s'est construit une vie à l'ombre de sa famille. Terry ne sait que très peu de choses sur sa soeur, et le sujet Christina est devenu un tabou dans la famille. Trey et Angela ne parlent jamais de leur fille à qui que ce soit.

Trevor Miller frère
Un jeune sorcier particulièrement doué et appliqué, ayant fait une scolarité brillante à Serdaigle. Il travaille aujourd'hui au Ministère de la Magie, au grand regret de son père qui voulait faire de lui un sportif accompli. Par sa faible carrure et son comportement trop fragile, il n'a pas été le candidat idéal pour devenir lui aussi un joueur de Quidditch émérite. Il a cependant réussi à entreprendre une carrière prometteuse et vit désormais coupé de sa famille, ce qui le rend bien plus heureux. Terry et Trevor n'ont jamais eu de relation complice ou fraternelle, mais plutôt distante, liée peut-être à leur différence d'âge.

Un silence absolu régnait dans les couloirs. Les tout jeunes élèves fraîchement débarqués à Poudlard étaient amassés comme un troupeau et attendaient avec impatience la suite des événements. Combien étaient-ils ? Un certain nombre, cela se voyait d'un coup d'oeil. Sur leurs visages juvéniles se lisaient des expressions tantôt de peur, tantôt d'impatience. Certains chuchotaient timidement, d'autres tendaient l'oreille en entendant les voix et les tintements des couverts perceptibles au travers de la porte close de la Grande Salle. Mais il y en avait un, parmi tous ces petits sorciers, qui semblait étrangement à l'aise. Un sourire éclatant éclairait sa figure, et il se tenait d'une allure fière et assurée au milieu de tous ceux qui allaient peut-être devenir ses amis, ses ennemis, ses admirateurs. « Ils te reconnaîtront tout de suite, mon fils. » Vraiment ? Pour l'instant, Terry était seul. Quelques regards inquisiteurs se tournaient vers lui, certains garçons poussaient leur voisin du coude en jetant un regard en sa direction, mais pour le moment, il était là, incognito. Pour le moment. « Attends un peu qu'ils te laissent monter sur un balais, et là ils vont voir ! » Les paroles de son père résonnaient dans sa tête comme pour l'encourager. Oui, c'était lui, le fils d'un des joueurs de Quidditch les plus brillants de sa génération, il allait forcément être la star de l'école, l'idole des jeunes, l'attrapeur le plus talentueux de tout Poudlard ! Terry trépignait d'impatience. Il avait envie de montrer au monde ce dont il était capable, son talent, ses capacités, sa maîtrise de la discipline ! Bien sûr il n'avait encore jamais eu l'occasion de faire ses preuves, mais ça y est ! Peut-être que dans quelques heures, lui aussi, allait briller.

Ce n'était pas tant la cérémonie de répartition qu'il attendait le plus. Il le savait, il serait forcément envoyé dans la meilleure maison. Il était le fils de Trey Miller ! On ne pouvait pas le reléguer dans une maison de piètre réputation. Son père le lui avait répété maintes et maintes fois. Terry était confiant. Il n'avait que 10 ans mais déjà, il se sentait grand. « Et n'oublie pas de leur sourire» A l'instant où il se rappela de ce conseil, son sourire s'élargit encore pour montrer toutes ses dents, comme s'il était sur le point d'être photographié. Ca, il allait les impressionner. Oh oui, il s'imaginait déjà la tête que feraient les plus âgés lorsqu'ils le reconnaîtraient. Ils auraient tous vu sa photo dans le journal, à la télé ! Et on allait l'applaudir ! Terry croisa les bras, silencieux, fixant la porte sur le point de s'ouvrir.

Terry ne put s'empêcher d'échapper un léger cri d'étonnement. «Wow !» Aucun autre mot n'aurait pu décrire mieux ce qu'il avait devant les yeux. La salle était immense et le plafond ! Un ciel étoilé constellé de bougies en lévitation, une impression de grandeur si stupéfiante ! Il suivit le mouvement des première années qui s'agitaient les uns après les autres en attendant d'être répartis par le Choixpeau. Il regarda d'un coup d'oeil les professeurs, puis les élèves, tous ces élèves ! C'était presque comme dans les gradins d'un stade. Terry n'était pas effrayé. Il avait l'habitude d'être regardé, d'être dans un environnement bondé, et cela ne lui faisait pas peur. Au contraire, il adorait ça. Il gratifia encore la foule d'un sourire jusqu'aux oreilles, persuadé que tous les regards étaient tournés vers lui. Le Choixpeau appela les élèves à tour de rôle, un par un. «Gryffondor ! Poufsouffle !» Criait-il entre deux tonnerres d'applaudissements. Mais Terry n'écoutait pas. Il était happé par ce qu'il avait devant ses yeux. Il était en transe, coupé du monde, admiratif. Tout ça, tout ça allait être à lui. Enfin ! «Terry Walter Miller !» En entendant son nom, Terry se tourna d'un coup vers l'estrade. Les voix baissèrent légèrement, quelques chuchotements reprirent, et le jeune sorcier, animé d'une inébranlable fierté, se dirigea d'un pas décidé vers le Choixpeau. Souriant à la foule, il s'assit sur le tabouret, face à ces centaines d'élèves. Il sentit le chapeau magique se poser lentement sur sa tête. Il ne s'était jamais senti aussi bien.