Cette connasse d’Ashley. Que je la revoie en face de moi encore une fois et je m’assure de lui régler son compte, à cette imbécile finie. Les marques qu’elle m’a laissées datent d’hier mais je ressens toujours quelques picotements aux endroits où elle m’a frappée avec de la pierre. L’infirmière a fait un travail remarquable pour ne pas que mon joli corps ne soit trop amoché, de telle sorte à ce que les cicatrices disparaissent en moins d’une semaine. Depuis hier, je suis d’humeur acariâtre et je n’ai rien fait d’autre que me plonger dans mes devoirs. Anthea est venue me parler de ce cours de soins aux créatures magiques mais je lui ai fait comprendre qu’aborder le sujet n’arrangerait en rien mon humeur. Ce n’est pas tant le fait de m’être disputée avec la Serpentard qui m’a le plus mise en colère. En vérité, j’ai toujours senti une sorte de plaisir à me battre contre elle, à lui envoyer le plus de pâté possible. Le problème est que je ressens une sorte de frustration ; une impression de ne pas avoir assez donné alors que j’en avais les capacités. Johnson est fautif de cela. Je me doute que le rôle d’un enseignant est de faire cesser tout conflit mais il n’est pas parvenu à m’apaiser pour autant. Il aurait mieux fait de nous laisser régler nos comptes comme on l’a si souvent fait, jusqu’à nous épuiser totalement.

A la place, c’est une Narcissa totalement agressive et grognonne qu’il a laissée derrière lui. Un troisième année a tenté de me parler pour me demander quelque chose, à la bibliothèque. A la vue de son visage, j’ai failli lui foutre un coup de poing sans raison. Il a pris peur en apercevant mon regard noir. J’ai dû avoir l’air d’une psychopathe, j’imagine. Hier soir, tout comme aujourd’hui, j’ai donc noyé ce souvenir violent dans mes différentes dissertations à accomplir pour la semaine prochaine et aussi dans des révisions précoces. J’aime être en avance, cela me permet d’optimiser mon temps et de ne rien oublier de mes cours. Le professeur Johnson n’a pas brisé sa promesse de me tenir en captivité dans son bureau chaque soir pendant deux mois. C’est assez fastidieux de ne pas pouvoir étudier tranquillement dans la salle commune ou dans son lit, surtout en présence d’un adulte dont je me fiche pas mal de sa présence. Les conditions pourraient être meilleures mais, en vain, je l’ai, dans un sens, mérité. Je ne m’en suis pas plaint la nuit dernière, me contentant de venir dans son bureau et de faire tranquillement mon travail sans broncher. Ce soir-là, les choses sont différentes. Le corps professoral s’est vite fait passer le mot et j’ai été convoquée par le Directeur de ma maison. Je ne serais même pas étonnée que mon père connaisse également l’histoire. Il serait même le premier à être prévenu s’il devait m’arriver une histoire de ce style. Manque de bol, il peut bien me gronder que je lui remettrais sur le tapis sa promesse qu’il a brisé depuis qu’il est devenu professeur.

Je monte les escaliers dans le calme, jetant de temps à autres un regard à la grande pendule de l’école. Il est huit heures vingt-cinq, j’ai encore du temps. Si j’ai l’habitude d’arriver en avance en cours, je crois que l’entrain y est moins pour une convocation. De toute façon, arriver pile à l’heure lui conviendrait tout aussi bien. Dans le calme et en ignorant les quelques élèves sillonnant encore les couloirs à cette heure-ci, je parviens jusqu’à la lourde porte de bois derrière laquelle se cache le bureau du professeur Winslow. Je frappe quelques coups, la mine blasée et peu encline à sourire. Une tête d’enterrement serait la plus appropriée. Après qu’une voix m’en donne l’autorisation, j’actionne la poignet et pousse la porte.

Le bureau propre et rangé de l’enseignant me fait face, lui-même ayant levé son regard vers moi. Il m’apparaît comme neutre, ni naïvement joyeux comme en cours, ni en colère. De toute manière, cette histoire ne le regarde pas, donc j’imagine difficilement la raison pour laquelle il m’en voudrait ‒ mis à part pour jouer son rôle de pédagogue.

Je referme la porte derrière moi et je l’observe calmement. Ses coudes sont posés sur le bureau, les mains jointes et il continue de me fixer. Je devine qu’à travers ce comportement, les choses sérieuses vont commencer. Je m’y suis déjà préparée même si, entre nous, je suis sûre que cette discussion ne m’apporterait rien de particulier.

« Bonsoir, professeur. » Lancé-je neutralement.

Je tire doucement la chaise et m’asseye, jambes et mains croisées, totalement fermée sur moi-même. Je soutiens son regard, mon expression toujours indifférente et lassée. Il commence à évoquer l’événement d’hier et ce pourquoi je suis convoquée. Bien sûr que j’en connais la raison. Le contraire serait stupide. Qu’il passe donc à la suite au lieu de ne rien m’apprendre du tout.

« En effet, il s’est fait un plaisir de nous le rappeler même s’il a un peu galéré à le faire. » Répliqué-je en m’empêchant de sourire narquoisement.

En y repensant, moi et Ashley l’avions totalement ignoré. Son autorité a dû en pâtir sur le coup.

« Pour répondre à votre question, c’est cette abrutie d’Ashley qui est venue me chercher des noises. Je l’ai prévenue deux fois de se mêler de ses affaires mais elle n’a rien voulu entendre. Alors, j’ai agi en conséquences et je ne regrette rien, professeur. »

Rien.. à part de ne pas avoir eu l'occasion de la faire morfler encore plus...
Je n'ai pas fait attention à mon langage en parlant d'Ashley. Mais je suis tellement préoccupée par cette frustration que, ce soir, je me fiche bien de la manière dont je dois la qualifier devant un adulte.

A peine ai-je parlé que le professeur Winslow me demande de modérer des propos. Je me retiens de soupirer, même si je me doute bien que le mot « abrutie » ne doit pas bien sonner de la bouche d’une élève aussi extraordinaire que moi. Je ne réagis pas de suite, le jaugeant du regard durant plusieurs secondes durant lesquelles je me demande si Ashley n’est pas passée sous son bureau juste avant ma convocation. Elle en serait parfaitement capable, l’indigne. Son honneur n’existe plus à mes yeux, elle m’a trop énervée. Ce soir, j’ai juste envie de l’insulter jusqu’à m’épuiser. Et si ce n’était pas un professeur qui se situait en face de moi, j’aurais déjà cédé à cette tentation. L’idéal serait de créer une cible avec la photo de cette garce pour que je puisse m’éclater à lui percer le visage à coups de flèches.

Voyons, Narcissa. Elle ne mérite pas tant d’efforts de ta part. Tu vaux mille fois mieux qu’elle et tout le château réuni.

Ce n’est pas faux. Il est fort fâcheux que je doive déjà perdre deux mois de soirées libres pour une fille incapable de se mêler de son cul. Par Merlin… Serpentard devrait avoir honte d’avoir engendré un tel énergumène !
Je remets en place mes cheveux avant de recroiser les bras, toujours fermée sur mes positions.

« Navrée d’avoir insulté votre chouchou. » Osé-je dire sur un ton de défi.

Non, clairement, je suis de sale humeur. Mon calme dissimule ma hargne, c’est tout. Au fond, j’ai toujours cette rage contre Ashley et cette frustration qui n’arrange rien. Alors je n’en ai rien à faire d’avoir autant de culot, puisque rien ne pourra arranger cette envie de lui fracasser encore plus la gueule après ce qu’elle m’a fait. De plus, j’ai sincèrement l’impression de m’en prendre plein la tronche alors que c’est elle qui a cherché la merde en première. Deux mois de retenue pour cette pétasse, je me fais bien entuber par ce système ! Est-ce trop demander que de me foutre la paix quand j’ai décidé de quelque chose ? Tss.

Cependant, ce qui m’agace encore plus est le fait qu’il n’est pas capable de voir qu’elle est bien plus en tort que moi. C’est qu’il voudrait la défendre, sa petite gourgandine du soir. En plus, il me propose une solution complètement ridicule et lâche. C’est à mourir de rire. Le dernier élève en date qui a averti un professeur s’est pris des représailles en pleine gueule et c’est tout à fait légitime. Les lèches-cul sont un fléau, en plus d’être des faibles.

« Vous plaisantez, j’espère ? »

Sérieusement. Moi, Narcissa, demander l’aide d’un adulte pour régler une affaire concernant Ashley ? Même si cela avait concerné un autre élève, pour rien au monde je n’aurais délégué mon conflit à quelqu’un d’autre.

« C’est Ashley qui est venue me frapper en première et vous voudriez que je ne réplique pas et que je demande au professeur Johnson de la faire taire à ma place ? Non, c’est impossible, professeur. Aucun élève possédant un minimum de dignité ne va aller se plaindre ailleurs quand il y a un problème de ce type à faire face. »

Je prononce ma dernière parole avec assurance, comme si c’était évident. Et ça l’est. Je m'imagine brièvement en train de prendre une voix fluette pour supplier Johnson de calmer le terriiible monstre qu'est Ashley. C'est risible. C'est inconcevable, sauf dans les rêves les plus fous de la vipère. Winslow connaît sûrement mon père, alors il doit bien savoir que, tout comme lui, je suis du genre à me charger moi-même d'une affaire qui me concerne. Mis à part ma tante, personne n'a jamais été là pour s'occuper de moi, alors j'ai vite pris mes repères durant mon enfance et j'ai développé un trait débrouillard et indépendant très poussé. Le jour où j'irai pleurer auprès d'un enseignant n'est pas prêt d'arriver. Ce serait aussi probable que si Ashley décidait de ne plus jamais dire de grossièretés au cours de sa vie.

Blablabla, il n’a soi-disant pas de chouchou et tout le monde est égal à ses yeux. Je sais bien que c’est un mensonge, puisqu’il a tout à fait la tête d’un professeur capable de cajoler un élève plus qu’un autre et je me doute qu’il partage une meilleure complicité avec Ashley que n’importe qui d’autre. Peut-être essaie-t-il de le nier pour éviter que cela ne fuite ailleurs ? Cache-t-il des choses compromettantes ? Je serais curieuse de le savoir. Cela me pourrait me permettre de foutre la honte à cette connasse en la dénonçant. Je sais que ce genre d’histoire fait même des ravages pour la carrière du professeur soupçonné. Cependant, je n’ai pas de preuves ; cela part d’un mauvais sentiment de ma part et cela reste au stade des spéculations. Je n’avance pas à l’aveuglette alors je me contente de répondre avec désinvolture :

« Si vous le dites. »

Je crois qu’il n’y a rien à ajouter. En fait, je préfère que ce soit Winslow qui me convoque et, à cet instant, je suis plutôt satisfaite d’appartenir à la maison de Serdaigle. Je dirais qu’il serait bien plus embarrassant d’affronter la prof de potions pour qui j’ai du respect et qui m’a connue depuis mon enfance. Je crois que j’aurais trop honte de me pointer devant elle pour une bagarre débile contre une fille stupide. Au final, je suis bien logée et je me dis qu’Ashley doit prendre bien plus cher que moi et elle le mérite.

Nous passons ensuite au cœur du sujet. Je défends mes intérêts comme je le peux, affirmant que la Serpentard est venue m’emmerder en première, ce qui la rend illégitime et fautive par rapport à moi, l’élève modèle qui n’a fait que se défendre. Le pire, c’est que c’est vrai. Je ne lui ai rien demandé à elle. Ce n’est pas de ma faute si c’est une putain d’hystérique incapable de tenir en place quand elle me voit. Elle a un gros problème, ça se sent. Néanmoins, Winslow refuse d’admettre que mes responsabilités dans cette histoire sont minces. Il me propose une solution inacceptable, une solution de minable, de lâche et j’en passe. Il ne me connait pas, il ne sait pas que je ne suis strictement pas du genre à me reporter sur l’aide de quelqu’un d’autre. Pourtant, le caractère de mon père aurait dû lui mettre la puce à l’oreille. Hélas, il refuse de répondre en ma faveur ; pour lui, il n’y a rien de noble à se charger soi-même d’un problème et il continue de me faire la morale sur le fait de m’en remettre à une autorité capable de gérer le conflit. Il ne comprend décidément rien. Je me demande s’il a été un élève, un jour. Enfin, un élève… Un gars qui a des couilles, pas une balance !

« Vous n’avez pas l’air de comprendre, c’est déprimant. Ca n’aurait rien arrangé que le professeur Johnson intervienne. On aurait fini par se frapper plus tard. Il fallait bien que ça sorte. J’ignore comment vous l’expliquer et je suppose que vous n’avez jamais eu ce genre de problème quand vous étiez élève, non ? Je ne conçois pas l’idée de satisfaire l’ego d’une personne en se remettant à quelqu’un d’autre, comme un lâche. »

Mais la suite touche un peu ma corde sensible. Les animaux… Oui, je m’en veux de les avoir perturbés. Ils n’ont pas mérité d’assister à une telle scène et c’est en partie pour cela que j’ai honte de m’être comportée comme une sauvage. J’ai pourtant été ravie à l’idée de pouvoir étudier les Sombrals, des bêtes si intéressantes, et, malheureusement, la séance a dû être avortée.

« Les autres élèves, je m’en fiche. Pour ce qui est des animaux, je dois bien avouer que ce sera mon seul regret. » Dis-je avec sérieux.

Une supposition que je fais sans rien savoir ? Mes poings se referment mais mon visage reste tendu, ne souhaitant pas faire apparaître des marques de colère. Inutile de s’énerver face à ce professeur. Il n’en vaut pas la peine après les conneries qu’il vient de me sortir. Sérieusement, j’ai l’impression qu’il me prend pour un petit bébé. C’est lui qui ne pige rien. Il ne comprend pas qu’entre Ashley et moi, la tension monte vite et sans raison. Il suffit que nos regards se croisent dans les couloirs pour que, sans le moindre mot, nous en venons aux poings. J’aime pas sa gueule, j’ai envie de la frapper et c’est pareil pour elle. C’est comme ça. On dirait qu’une sorte de magie nous lie par la haine et que nous ne pouvons rester l’une près de l’autre sans que ça ne pète. Mais ça, évidemment, Winslow ne le comprendra jamais. Il doit prendre ça pour une dispute de gamines… Une dispute que l’on pourrait régler en parlant gentiment ou en demandant de l’aide auprès d’un adulte. Que ferait un adulte ? Rien. Il n’y a rien à faire pour apaiser mes pulsions face à Ashley. Même si on nous fait la morale et que je suis entièrement d’accord avec celle-ci, ma raison ne prend jamais le dessus avec cette connasse à proximité. Dans ces cas-là, c’est plutôt mon instinct que j’écoute, aussi étrange que cela puisse paraître.

« Parce que vous en savez plus que moi sur mes relations avec Ashley, peut-être ? De toute façon, je suis certaine que je ne le regretterai pas. Ce n’est peut-être la meilleure méthode pour affronter ses ennemis mais elle, c’est bien plus que ça, malheureusement. On ne s’entendra jamais. » Fais-je, agacée de ne pas être comprise.

Il a beau dire qu’il avait souvent été puni quand il avait mon âge, j’ai des doutes quant au fait que ses problèmes valent les miens. Il devait sûrement se battre contre des mecs pour obtenir la fille de ses rêves ou quelque chose de ce genre. Moi et Ashley, c’est effectivement plus profond que ça.

Pour en revenir à ses propos, c’est tellement chiant de se dire que l’on attend de vous un comportement exemplaire et que cela doit passer par des agissements indignes tels que se laisser marcher dessus et s’en remettre à quelqu’un d’autre. On me voit sans doute comme l’intellectuelle de ma promotion mais si quelqu’un a un problème avec moi, je n’hésite clairement pas à lui foutre une patate. C’est comme ça que je règle mes conflits les plus tenaces et les plus emmerdants. On peut toutefois se consoler en constatant qu’en dehors d’Ashley, je ne me bats quasiment pas. La plupart ont trop peur de m’affronter et se contente des mots. Ce n’est pas plus mal car cela m’évite des convocations stupides comme celle-là mais il est vrai que j’ai toujours pris du plaisir à m’en prendre à des gens inintéressants et totalement cons juste pour les recadrer comme il faut. Un bon poing dans la gueule, croyez-moi que ça soulage.

Le sujet qui peut néanmoins nuancer mes pensées est effectivement celui des animaux. Sur ce coup-là, Winslow a bien joué. Mais je ne le laisserai pas me faire culpabiliser de l’entièreté des événements juste à cause des animaux. Je lève les yeux vers le plafond, faisant mine de réfléchir alors que j’ai déjà la réponse au bout de la langue depuis un moment.

« Je sais. J’aurais dû agir autrement. Mmh, à mon avis, lui tirer ses sales cheveux gras et l’emmener loin des Sombrals aurait été une solution plus adaptée. Près du Lac, par exemple. Je l’aurais jetée dans l’eau après l’avoir rouée de coups. » Terminé-je, un air de psychopathe mêlé à de la désinvolture se traçant sur mon visage.

Ma réponse ne va pas dans le sens de la sienne mais il l’a cherché : il refuse de me comprendre. A partir de là, je considère que le débat n’a pas d’issue. Il est corrompu par sa chérie de Serpentard de merde. Quoi que je dise, ça ne changera rien alors autant en profiter pour défouler ma frustration, non ? Quand une personne n'est pas fichue de converger son avis avec le vôtre, c'est que vous perdez votre temps avec elle. En politique, on évincerait ce genre d'individus de son chemin.

Le professeur Winslow ne cherche apparemment pas à me faire croire qu’il en sait plus sur moi et Ashley. Bonne réponse, le contraire m’aurait fait halluciner. Il faut avouer qu’il n’est pas doué pour nouer le cordon avec moi. Franchement, Minerva McGonagall aurait dû nommer un directeur de Serdaigle plus futé et intelligent que ce plaisantin de première classe. Je l’écoute débiter son dialogue d’homme nostalgique, la mine lassée. Oui, oui, on connait bien le discours…

Ce n’est que lorsqu’il évoque le nom de Burgess que je ne peux m’empêcher de reprendre mon sérieux, quittant aussitôt mon désintérêt et me redressant un peu mieux sur ma chaise. Si j’étais un chat, j’aurais eu les oreilles bien droites pour l’écouter. C’est curieux, tiens… Sous-entendait-il qu’il s’embrouillait auparavant avec le professeur de Potions durant leur scolarité ? Je ne l’aurais pas cru. Je n’ai jamais fait attention aux relations entre professeurs et, à vrai dire, je m’en fiche totalement. Croyez-vous qu’ils méritent l’attention de Narcissa Breckenridge ? Pas du tout, même si j’ai du respect pour certains d’entre eux. Je m’en moque de savoir s’ils s’aiment ou pas mais je ne me suis pas attendue à entendre une histoire de litiges concernant Winslow et Burgess. Peut-être y’a-t-il eu une rumeur sur eux l’an dernier mais je ne me rappelle plus vraiment de l’intitulé. Il faut dire que je ne crois pas en la plupart des rumeurs… c’est bien souvent un ramassis de conneries.

« Je vous crois. Pour que ça soit un truc aussi gros que ça, c’est qu’il y a des chances que ça soit vrai. »

Je fis une courte pause. J’aurais pu vérifier l’information mais c’est inutile puisqu’il n’a aucune raison de mentir. Je crois que cette position de professeur à élève me conforte notamment dans cette idée de sincérité. Pourtant, je n’ai pas confiance en beaucoup de gens !

« J’imagine que vous lui avez cherché des noises sans raison comme Ashley le fait ? » Demandé-je soudainement sur un air presque insolent.

J’ai eu l’envie de dire ça, je n’y peux rien. C’est sorti tout seul. Tant pis. Je crois que je ne peux pas aggraver mon cas, actuellement. Qu’est-ce qui peut être pire que deux mois de retenue dans le bureau d’un adulte, sans pouvoir faire ce que je veux ? Au point où j’en suis, le reste m’importe finalement peu et je suis trop bien trop sur les nerfs pour calmer mon sarcasme et mes traits de psychopathe souhaitant noyer Ashley. Celle-là, je lui ferai bien plein de choses horribles. Je la ferai bouffer toute crue par un troll, je l’empalerai sur une lance, je la noierai dans le Lac Noir ou bien je jetterai un sort à son balai pour qu’elle fasse une chute fatale. J’ai vraiment trop la haine contre elle, aujourd’hui… et Winslow ne fait rien pour améliorer les choses, bien au contraire ! Il vient de laisser entendre que j’ai été en état de faiblesse alors que la garce tenait la pierre pour me frapper. C’est vraiment un gamin comme professeur… Je ne le pensais pas comme ça. Enfin si, mais pas à ce point-là.

Je lui jette un regard rude et glacial. Je déteste que l’on me cherche ou que l’on me provoque sur ce genre de choses. Je suis généralement courtoise avec les enseignants et je ne les insulte pas mais là, il commence à m’énerver. Il faut que je me contrôle…

« Je n’ai pas besoin d’une pierre pour lui faire du mal. Je me suffis à moi-même. Pourquoi vous lui donnez le beau rôle ? Savez-vous que des rumeurs courent dans le château et qu’elles vous concernent ? » Je réponds avec froideur.

Le professeur Winslow me répond que quelque chose a en effet déclenché le conflit mais il n’offre pas plus de précisions. Je me demande bien pourquoi. Peut-être que c’était un petit pervers qui a regardé sous la jupe de Burgess et qu’elle l’a pris en flagrant délit ? Un fin sourire se dessine sur mes lèvres mais je le dissipe rapidement. Il y’a plein de raisons comme celle-là qui aurait pu les faire se détester mais j’imagine que poser plus de questions ne m’offrira pas la réponse. Il pourrait tout aussi bien mentir pour cacher ses bêtises. Mais bon, le message qu’il veut me faire passer n’est pas là. Il veut me faire comprendre que je finirai par regretter mes emmerdes avec Ashley et, franchement, ça m’étonnerait. Cette fille me sort trop par les yeux, elle est insupportable. Même à quarante ans, je continuerai à l’insulter de pétasse si je revoyais sa face. Je me sens toujours en colère pour ce qu’elle m’a fait au cours de Johnson. J’ai vraiment envie de la jeter du haut de la tour d’Astronomie.

« Sauf qu’Ashley ne changera jamais. » Me permets-je de partir de ce postulat.

Elle n’a pas l’allure d’une personne ouverte au changement et je crois qu’elle sera à jamais perdue dans son caractère de merde. Ashley ne peut pas évoluer. Je la vois mal s’améliorer. Moi, en revanche, c’est tout le contraire. Mais même en devenant une personne encore plus parfaite que je ne le suis déjà, je sais que je ne regretterai en rien d’avoir été son Némésis. De toute façon, même si je ne la déteste pas en général ‒ bon, aujourd’hui, si ‒je sais que j’ai besoin de cette relation mauvaise entre nous deux. Au fond, elle me fait du bien. J’aime bien la frapper. Et quand elle me frappe, je peux en rajouter une couche pour me faire me sentir encore mieux. C’est étrange mais c’est comme ça. Je ne lui souhaite pas non plus de pourrir en enfer mais qu’elle galère un max serait déjà une bonne satisfaction pour moi.

Après que le professeur de sortilèges ait cherché à titiller ma fierté, j’ai fini par contre-attaquer en m’en prenant aux rumeurs parlant de lui et de l’autre idiote. C’est bas, je dois l’avouer mais n’est-ce qu’il vient de faire aussi ? Je pourrais ne pas m’abaisser à son niveau mais c’est trop tentant de le faire. Cela ne doit pas lui faire plaisir que l’on raconte des conneries à son sujet et même si je n’y ai jamais cru un mot, je me plais bien à les lui balancer à la face pour le mettre mal à l’aise. Mais cela n’a pas vraiment fonctionné comme je le voulais…

« Case and point. Vous voyez maintenant que l’ironie n’a pas sa place ici. Je vous prierai donc de ne plus vous en servir. Et oui, je suis au courant pour les rumeurs, mais elles n’ont de crédit que pour ceux qui leur en donnent. Et je présume que vous ne leur en donnez que maintenant. »

J’espère qu’il ne se croit pas intéressant à me donner des leçons de morale comme celle-là. Je n’ai même pas l’envie d’y répondre, cela n’a plus d’intérêt. Je me contente de remettre une mèche de mes cheveux à sa place et de l’observer sur un air blasé. Vivement que je sorte d’ici, cela devient chiant. J’ai donné mes explications quant à la baston et je pense que cela devrait lui suffire.

« Bien, avez-vous donc une intervention un peu plus utile à proposer ? »

Un peu plus utile ? Comme si mes interventions ne l’avaient pas été jusque-là ? Mais pour qui se prend-t-il ? Voilà une raison de plus qui me pousse à ne pas apprécier cet enseignant. Quand il est face à des abrutis dans sa classe, il discute avec comme si c’était ses potes mais quand une élève brillante et irréprochable lui lâche des vérités, alors là, il se sent obligé de monter sur ses grands chevaux pour se donner de l’importance et rabaisser son interlocuteur. Peut-être que je suis encore trop énervée par rapport à ces derniers événements et que c’est cela qui rend mes pensées si agressives mais, honnêtement, il ne m’aide pas beaucoup à redorer son image.

Je lève les yeux vers le plafond, réfléchissant, avant de donner mon verdict sur un ton sérieux :

« Le professeur Breckenridge a-t-il dit quelque chose à ce sujet ? »