Mouillés jusqu'au bout !

Le long voyage était terminé. L’Irlande était un pays où je n’avais pas énormément mis les pieds, mis à part lors de ma plus belle jeunesse. Je n’en avais que peu de souvenirs. Mais l’idée de passer quelques vacances ici m’avaient plutôt bien tentée au départ. Finalement, je n’étais plus si sûre. Il y avait des têtes que j’étais heureuse de voir comme celle de Aurora, d’Arabella ou encore celle de Sloane, mais il y avait également des personnes indésirables à mes yeux. Les organisateurs avaient fait le mauvais choix en me mettant dans la même tente que Ashley. J’ignore encore s’ils étaient ivres le jour où ils avaient élaboré le plan du camping, mais cela ne m’allait pas du tout. Notre guerre faisait rage et nous passions notre temps à nous disputer de façon explosive. Nous étions sûrement la tente la plus instable et je ne comptais pas me calmer tant que cette truie serait encore là. Il n’y avait que durant la journée que je pouvais l’oublier un peu et passer du temps avec mes amis. Aujourd’hui, j’attendais Aurora au bord de cette rivière. Elle s’était levée un peu tard décidément, et m’avait assurée qu’elle me rejoindrait après avoir réglé ses petites affaires. J’avais donc décidé de me prélasser près de cet endroit plutôt splendide. J’aimais le bruit de cette rivière cristalline au fond de laquelle de superbes cailloux de toutes couleurs brillaient. L’herbe bien coupée, les arbres fiers qui dressaient leurs feuilles apportaient un spectacle bien naturel qui me changeait du décor rural de Cardiff. C’était sûrement un des points positifs de ce voyage.

Pieds dans l’eau, assise sur le bord de cette petite étendue d’eau, je m’amusais à créer des ondulations dans celle-ci. C’était relaxant d’être seule, à écouter le chant des oiseaux et le bruit de l’eau couler. C’était différent et mille fois plus agréables que les reproches de Rosenvache. Elle n’avait toujours pas cessé de remettre Lloyd au cœur de nos conversations. Cela commençait à m’énerver. Je comptais m’expliquer avec lui un peu plus tard. De toute manière, j’avais d’autres problèmes en tête. Plus le temps passait et plus je me sentais mal d’un point de vue sentimental. Le bal de fin d’année ne s’était pas tellement déroulé de la manière que j’aurais souhaité. Je m’étais mise à douter de moi. J’avais le sentiment que je n’aurai jamais le cœur de Keagan. Je tentais de le cacher, mais cela me déprimait. Cela me bouffait le moral et j’avais sûrement accepté ce voyage simplement pour être proche de mes amis… et peut-être pour pouvoir garder un œil sur lui et… Daniela. « C’est le coin Gryffondor ! Je vais y planter un panneau »
Je sursautai. Cette voix masculin venait de me prendre par surprise et je me tournai bien vite vers le visiteur, nommé Hugo Weasley. Évidemment que je le reconnaissais. Et à vrai dire, je ne me sentais pas suffisamment heureuse pour écouter ses blagues ou commenter ses conneries. Je n’en sentais pas la force. Pourtant, il fallait que j’en fasse l’effort pour ne pas paraître trop triste devant une boule d’énergie telle que lui. Un sale moral, ça pouvait devenir contagieux. Je ne tenais pas à ce qu’il le ressente.
« Tu as raison, ce sera notre quartier général. » Répondis-je en feignant un sourire.
Malheureusement, il était presque forcé. Je détournai bien vite le regard vers les cailloux de la rivière en attendant la suite. Je bougeais parfois mes jambes pour balader mes pieds sur ces mini-rochers, histoire de ne pas rester immobile. Je le laissai s’installer près de moi. Puis, il me prévint de faire gaffe à un orage qui gronderait aujourd’hui. Pourtant, il faisait assez beau… Mais pourquoi changeait-il de sujet aussi rapidement ? Je levai discrètement un regard vers lui avant qu’il ne se mette vivement à m’arroser d’eau.
« Mais ! »
Ce petit démon voulait simplement s’amuser, je le concevais. Voilà que l’eau froide venait de me faire légèrement gémir tandis qu’elle coulait le long de mes bras et de mes vêtements. Satané chenapan ! Je n’allais pas me laisser faire. C’en était amusant, d’un certain sens. Il me mettait au défi de l’éclabousser et j’allais répondre à sa provocation. A ce petit jeu, j’étais sûre de gagner. Il était peut-être très futé pour son âge, mais je l’étais encore plus. Je plongeai mes bras dans la rivière, et propulsa une grosse quantité d’eau sur Hugo.
« Tu crois faire le malin ? C’est raté, mon pauvre ! » Fis-je en riant un peu.
Cela ne pouvait pas me faire de mal que de rire un peu. J’en avais peut-être bien besoin finalement.

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Mouillés jusqu'au bout !

Voir le sourire de Hugo me donnait l’envie d’oublier mes tracas. Je ne voulais pas que ce même sourire s’efface de ses lèvres. C’était un garçon turbulent mais qui avait un très bon fond. Il n’était pas un Weasley pour rien. Je savais qu’il en pinçait pour moi, mais je me demandais si c’était vraiment sérieux ou s’il ne s’agissait que d’un petit coup de cœur, comme on pourrait en avoir un pour n’importe qui. Il prenait souvent nos rencontres à la rigolade, s’amusant à me faire rire quand bien même cela m’enquiquinait un peu trop parfois. Il était une compagnie positive, au même titre que la plupart de mes amis. Je pouvais au moins m’accorder un peu moins de retenue et laisser mon côté joueur immerger de mon océan de problèmes.
Mouillée par la bêtise de mon camarade, je lui adressai un faux air de reproches avant de l’arroser à mon tour. Cela parut l’amuser, mais ce que je n’avais pas compris sur le moment c’était le fait que le but de cette plaisanterie n’était pas simplement de me tremper mais de m’avoir d’une façon autant fourbe que perverse. J’avais complètement oublié que je portais un chemisier blanc. Alors que je baissai le regard vers ma poitrine, Hugo lâcha une nouvelle réplique, m’assurant que j’étais plus belle dans ces conditions. Je rougis légèrement mais je préférais reprendre bien vite un air un peu plus sérieux pour ne pas le laisser aller trop loin dans ce jeu.
« Hé ! Tu es vraiment sans gêne. Mais c’est gentil de ta part de me dire ça, même si tu exagères. » Fis-je en abordant, à la fin, un ton plus doux.
Par précaution, je ramenai mes bras contre mon buste pour cacher la vue un peu trop ouverte. Hugo était un malin, tout le monde le savait. Je ne pouvais pas le considérer comme un ami, même s’il lui arrivait d’être gentil avec moi ‒ pas tout le temps, évidemment. On ne se parlait pas tant que cela même si on faisait partie de la même équipe au Quidditch. Je l’avais notamment connu par l’intermédiaire de James, Albus et Lily mais je n’avais jamais été vraiment complice avec lui. Nos rencontres étaient avant tout ponctuées de malice et de bêtises. Nous n’avions encore jamais échangé de façon sérieuse, comme des amis. En fait, je ne savais pas vraiment dans quelle catégorie le mettre. Il n’était pas un simple camarade mais nous n’étions pas non plus très proches. Peut-être que l’avenir changerait les choses ? J’étais optimiste et vu comment nous nous entendions, il était très probable que le temps nous tisse de bons liens.
Détendant mes traits du visage, je retrouvai à nouveau mon faux sourire, destiné à ne pas déteindre le sien. Il me proposa de passer la journée avec lui. A vrai dire, je ne pouvais pas refuser un peu de compagnie. La solitude, ce n’était peut-être pas très approprié pour me sortir de mes problèmes. J’avais suffisamment pris le temps de prendre du recul, surtout le soir, quand je faisais tout pour oublier cette idiote de Rosenvache.
« Pourquoi pas. C’est ce à quoi servent ces vacances, de toute manière : à s’amuser entre nous, non ? » Répondis-je en m’efforçant de me sentir bien.
Hélas, il n’était pas idiot. J’avais tendance à sous-estimer la perspicacité des plus jeunes que moi. Non, Hugo n’était pas stupide. Il avait bien vu que je n’étais pas dans mon assiette. Son sourire s’était un peu effacé, signant l’échec de ma tentative à rester joyeuse. On ne pouvait rien lui cacher, décidément. Il ouvrit de nouveau la bouche, cette fois-ci pour me dire qu’il était à mon écoute. Je soupirai doucement, dépassée par mes tracas. Je saisis une pierre d’une main et la lança dans la rivière, faisant quelques ricochets. Je baissai le regard, lâchant le Gryffondor des yeux. Devais-je le lui dire ? Par où commencer ? Est-ce que cela m’aiderait ? J’en avais un peu parlé à Aurora, mais je n’avais pas trop envie de la déranger avec ces histoires. Beaucoup trop de questions se bousculaient dans ma tête. J’ignorais par quoi débuter. « Euh… je te préviens que ça risque de t’ennuyer. Mais oui, ça ne va pas fort en ce moment… ». Je refermai ma main sur une nouvelle pierre. D’autres ricochets firent surface. Cela m’aidait un peu à lutter contre ma nervosité. « Tu vois la sensation que ça fait quand tu espères quelque chose pendant si longtemps et qu’au final, tu ne l’obtiens pas ? Eh ben, j'ai ça. » Avouai-je sans le moindre enthousiasme, ayant perdu toute trace de joie.
J’avais directement abordé le souci de mes sentiments amoureux. Cela devrait suffire pour le moment. Je me gardais de lui avouer pour mes altercations avec Ashley et Lloyd. De toute manière, c’était Keagan le problème numéro un du jour.

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J’avais eu raison de lui avouer le problème de cette manière, par une sorte de métaphore. Hugo avait deviné de quoi il s’agissait. Je crus voir, du coin de l’œil, un fin sourire se dessiner mais qui ne me paraissait pas aussi heureux que celui de toute à l’heure. J’avais l’impression qu’il était forcé et qu’il dissimulait quelques émotions tristes et perdant de leur saveur. Je me sentais un peu nulle de lui avoir dit cela en sachant ses sentiments à mon égard. Nous souffrions tous les deux. Mais si j’avais osé mentir, il s’en serait sûrement rendu compte et les choses n’auraient pas été meilleures. Au final, je préférais être sincère, fidèle à mes valeurs. Je ne l’avais pas vraiment été ces temps-ci. J’avais beaucoup renié mes principes, devenant moins honnête avec moi-même et souhaitant même que Daniela vive un échec sentimental avec Keagan. J’ignorais que l’Homme pouvait être aussi méchant, même inconsciemment. J’avais toujours voulu être une bonne fille aimable mais il fallait croire que nous possédions tous des démons qui profitaient de notre faiblesse pour émerger dans le but de nous inculquer des pensées horribles. Au bout d’un moment, j’en avais eu assez et j’avais pris un peu de recul par rapport à moi-même. Cela m’avait un peu aidé que de voir du monde, notamment Aurora, par exemple. Et aujourd’hui, je ne refusais pas la présence de Hugo parce qu’il avait de quoi m’apporter un peu le sourire. Était-ce égoïste ? Sûrement, mais j’avais besoin d’être réconfortée. Je ne supportais pas la solitude trop longtemps. Au début, elle m’était utile puis après, l’envie de se sentir entourée devenait incontournable.

Je me tournai vers le jeune Gryffondor qui semblait compatir avec ce qui me frappait au cœur. Cela aurait pu me rassurer de ne pas me sentir seule dans ce cas mais en fait, cela me dérangeait également. Je me doutais bien de qui il parlait. Lui aussi voyait son amour se défiler sous ses yeux. Je me sentais coupable à son égard, cependant, je ne pouvais pas me forcer à aimer quelqu’un d’autre que Keagan. J’avais l’impression que l’on ne pouvait pas choisir la personne sur qui notre petit Cupidon tirait sa flèche. Dommage. Cela épargnerait bien des peines dans le monde.

Je ne répondis rien à sa première phrase, laissant sa bouche reprendre le flot de ses paroles calmement. Il ajouta avec franchise que la personne que j’aimais ne me méritait pas. Avait-il raison ? Est-ce que le fait que je souffre soit entièrement de la faute de Keagan ? N’avait-il qu’à m’aimer pour me rendre heureuse ? Hélas, je ne pouvais pas penser ainsi. D’une part, je ne lui avais jamais avoué mes sentiments directement. Je ne lui avais pas encore dit que je l’aimais plus que tout mais j’avais tout de même osé espéré que l’épisode de la chasse aux œufs de Pâques ait pu lui donner quelques indices à ce sujet. Je m’étais sans doute réjouie trop vite lorsqu’il avait fini par m’inviter au Bal.
« Quelle idiote, je suis… » Répondis-je simplement, un sourire triste agrémentant mon faciès.
Je me sentais mal, maintenant. J’avais plus que besoin du réconfort. Je me sentais complètement inutile et perdue. Ma confiance en moi s’était envolée entre quelques pensées négatives. Mon regard croisa celui de Hugo. Une fine brise agréable nous traversa à cet instant-là. Je buvais ses paroles parce qu’elles me faisaient du bien et qu’elles me permettaient de retrouver un sentier qui ne me faisait pas souffrir. Il effaçait la vue de Daniela, ma nouvelle rivale, qui avait l’air d’être bien mieux que moi pour le beau Poufsouffle. Rien n’était joué et pourtant, j’avais le sentiment qu’elle allait me mener à l’échec.
Je pouvais voir son visage se rapprocher doucement du mien. Je ne m’écartai pas, sans doute séduite par la tentation de détruire ma douleur par une expérience qui me semblait être réconfortante. Ce n’était plus le jeune Hugo que je remballais sans cesse que j’avais en face de moi. Je venais de l’idéaliser, pour une fois. Il m’apparaissait comme un égal à Keagan, même si les sentiments n’y étaient pas. Tous ces compliments qu’il me faisait me réchauffait le cœur. Il savait exprimer tout ce dont je voulais entendre. Il était la Pomme interdite et j’étais l’Eve qui venait franchir la limite.
« Tu le penses vraiment ? » Chuchotai-je, presque hypnotisée par ce qu’il m’inspirait actuellement.
Je m’approchai de lui, à mon tour. Je clignai des yeux avant d’observer ses lèvres. Étais-je prête à faire ce genre de choses alors que mon cœur était porté ailleurs ? Je n’avais encore jamais embrassé de ma vie. Allais-je l’attribuer à Hugo par tristesse ou frustration d’être déprimée ? Il fit le premier pas, visiblement déterminé à me soutenir jusqu’au bout. Je savais qu’il souhaitait m’aider. A moins qu’il ne veuille que me décrocher un baiser ? Je préférais pencher pour la première option ; elle m’était plus favorable. Bientôt, nos lèvres ne furent plus qu’à quelques centimètres les unes des autres. Je pouvais ressentir son souffle parfumé à cette distance. Je voulais me laisser aller… pensant que cela me rendrait heureuse, ne serait-ce qu’un moment.
Et puis…
Au moment fatidique, sans même un seul frôlement, je me retirai, penchant la tête avant de la poser sur son épaule, mes bras venant l’enlacer. Non, Hugo n’avait pas à subir cet espoir à cause de mes histoires. C’était bien trop égoïste de ma part. Comment pouvais-je l’utiliser de cette manière ? Cela aurait été horrible de ma part. Je me détestais. C’était comme jouer avec ses sentiments et en profiter. Hugo était un gentil ami et il ne méritait pas cela. Parfois, il faut affronter son mal toute seule, ma chère Phoebe…tel un lion face à son ennemi, il ne compte que sur lui et s’en sort avec bravoure et honneur sans blesser ses alliés.
« Je suis désolée. Merci d’être là pour moi, Hugo… mais je ne veux pas te faire de faux espoirs, car je sais que c'est horrible de faire ça. » Dis-je d’une voix à la fois calme et hésitante.

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Mouillés jusqu'au bout !

Je me sentais nulle d’avoir, durant un instant, voulu céder à la tentation d’embrasser Hugo. Je ne l’avais fait que pour des raisons égoïstes, sans vraiment me soucier de ce qu’aurait pu ressentir le jeune homme. Heureusement que je n’avais pas été au bout de cet acte qui ne transpirait d’aucune sincérité. Il aurait été béat, content si cela avait été le cas mais pour combien de temps ? Je ne pouvais point lui offrir ce qu’il cherchait même si j’aurais tant aimé ne pas lui faire de mal. De la même manière que Keagan semblait intéressé par Daniela, je préférerai qu’il ne m’embrasse pas ‒ si l’envie le lui venait un jour ‒ sans y mettre des sentiments. Peut-être que rien était joué et que j’avais encore mes chances mais à l’heure actuelle, j’avais tendance à penser que c’était mort d’avance.

A la place, je me réconfortais dans les bras du Weasley, jugeant qu’un câlin amical transcrirait mieux mes émotions. J’avais besoin d’une main secourable qui puisse m’aider. Et Hugo était là. Mais n’était-ce pas autant égoïste que de vouloir l’embrasser par tristesse ? Je me poussais à croire que non. Quand bien même il m’avait beaucoup enquiquiné par le passé, je l’appréciais tout de même, non ? Sinon, je n’aurais jamais accepté de passer la journée avec lui. Oui… c’était sûrement ça. Je voulais être amie avec Hugo mais je n’ai tout simplement jamais évoqué cette possibilité face à lui.
C’était pathétique. Je ne savais même plus ce que je pensais. Évidemment que je n’avais pas cherché à devenir son amie, auparavant. Il m’avait tellement charriée que je n’avais su comment le considérer. Ni comme un ami, ni comme un camarade. Cependant, je commençais tellement à culpabiliser que je cherchais à me dédommager de mes actes. J’aimais ce câlin. Il était agréable, confortable et il me détendait. Malheureusement, il s’éteignit bien vite. Le garçon fut le premier à se débarrasser de mon étreinte, sans doute trop déçu. Je ne voulais pas le faire espérer et pourtant, durant quelques secondes, j’avais sans doute fait naître chez lui ce fameux espoir… que j’avais ensuite détruit. Si tu savais comme je m’en veux…
Si la magie pouvait me permettre de retourner dans le temps, ne serait-ce que cinq minutes auparavant, alors je saisirai cette chance sans même y réfléchir. Cinq petites minutes. De toutes petites minutes qui auraient pu changer la suite de cette histoire. J’aurais pu feindre un meilleur sourire pour n’avoir jamais à lui raconter mes tracas. Ou alors, j’aurais pu mentir et raconter autre chose que ce souvenir douloureux d’un amour qui n’était peut-être plus à ma portée. Chaque seconde qui s’écoulait désormais me rendait nerveuse et me faisait de plus en plus regretter cette tentation à laquelle j’avais failli céder.
J’observai Hugo. Il venait presque de me tourner le dos, le visage face à la rivière. Je ne parvenais pas à contempler son visage. Peut-être valait-il mieux que j’ignore quelles étaient ses expressions faciales, à cet instant. Je ne voulais ni le voir enragé, ni le voir en larmes. J’avalai difficilement. Je me sentais une nouvelle fois égarée dans mes histoires compliquées. Je ne dis rien. J’attendis. Me perdant dans les abysses de mes pensées les plus froides, je me tus. Ce fut lui qui brisa le silence, me demandant de le laisser. Ce manège durait bien trop longtemps pour lui et il voulait tout simplement arrêter. Il ne viendrait donc plus me voir et me laisserait tranquille, comme il le disait. Je ne parvenais pas à deviner l’émotion du timbre de sa voix. Elle me semblait lassée mais il n’y avait nulle trace de joie ou de colère.

Contre toute attente, ses paroles me firent mal. A l’accoutumée, je cherchais toujours à fuir ses conneries ou sa présence. Mais là, je n’en ressentis plus l’envie. C’est lorsque l’on perd une personne que l’on se rend compte de son importance dans notre entourage, non ? C’était ce que je ressentais. J’étais dégoûtée. J’avais le sentiment d’avoir perdu… un ami. Tout comme j’avais perdu Nathan. Non, je ne voulais pas que les choses se finissent mal avec Hugo. Pas à cause de mon comportement. Il fallait que je le sorte de ce pétrin dans lequel je venais de le mettre. Je voulus poser une main sur son épaule mais je me désistai. Il ne désirait sûrement plus de contact physique pour le moment. Alors je ne pouvais l’atteindre que par des mots.
« Non, je… ce n’est pas ce que je veux, Hugo. Je ne peux pas te donner ce que tu cherches, mais je ne veux pas non plus qu’on en vienne à s’ignorer. Je n’aurais jamais cru te dire ça mais je t’apprécie. Ne pourrait-on pas… partir sur d’autres bases ? »
La demande était très égoïste et je le concevais. Pourtant, je ne voulais pas perdre le sourire de Hugo lorsqu’il me voyait. Je ne désirais pas être l’objet de ses peines ou de ses colères. Je voulais réparer cela et apprendre à le connaître autrement qu’en l’envoyant balader comme je le faisais depuis que je le connaissais.
« On pourrait devenir amis… non ? Peu importe le temps que ça prenne, tant que l’on reste sur une bonne entente. » Me risquai-je à lui demander.

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Je regrettais tous ces moments, toutes ces opportunités où j’aurais pu dire à Hugo qu’il avait la bonne étoffe pour devenir mon ami. Pourquoi avais-je été si stupide au point de le rejeter à chaque fois ? Il ne m’avait jamais fait de mal. Je n’avais voulu voir en lui qu’un garçon emmerdant qui passait son temps à faire des âneries sans la moindre intelligence. J’avais refusé de voir plus profondément. Cela ne me ressemblait pas, moi qui étais si lucide, habituellement. J’étais capable de cerner mes contacts mais il fallait croire qu’être victime des bêtises du Gryffondor m’avait embrouillée. Si seulement je pouvais tout recommencer. On serait sûrement là à continuer à se battre avec de l’eau ou à rire de n’importe quoi. Voilà que je me sentais mal et démunie. J’avais sûrement perdu quelque chose que j’aurais pu gagner ; une nouvelle amitié.
Hugo me le confirma, d’ailleurs. « Nous ne sommes pas amis. On ne sera jamais amis. » Cette réponse était lourde. Elle faisait mal. Elle me frappait comme une massue le ferait. Je déglutis difficilement. J’avais mal à la gorge, soudainement. Je me sentais très triste, mal à l’aise. J’avais merdé. Devenais-je si mauvaise ? Pourquoi n’avais-je pas mis les points sur les i dès le départ ? Je lui avais mis bien des râteaux mais s’il était revenu à la charge, c’était, qu’en un certain sens, j’avais continué de le faire espérer sans le vouloir ?

Je continuais de l’observer, calmement. Je pouvais constater, avec peine, que des larmes perlaient sa joue. Peut-être même les deux. Je n’avais jamais fait pleurer quelqu’un. C’était plutôt les autres qui m’avaient fait pleurer. Lloyd et Anastasia. Bientôt Keagan. J’avais du mal à accepter le fait qu’aujourd’hui, les rôles s’étaient inversés et que c’était moi qui l’avait fait tant souffrir. Je le savais mais j’avais du mal. Je tenais sans doute à l’image de « Phoebe, la fille bien et gentille ». Rosenbach n’avait pas tort : je voulais sans doute trop jouer les miss parfaites. J’en étais bien loin.
Sursautant à la vue du coup de poing qu’il venait de s’infliger, je murmurai :
« Arrête. Ne te fais pas de mal à cause de moi… »
Je ne voulais plus le voir chagriner. Pourquoi son cœur m’avait-il choisie ? Pourquoi pas une autre ? Les choses auraient pu être simples de cette manière aussi. Je me sentais de plus en plus mal. Les nausées commençaient à venir. C’était psychologique, je le savais mais cela me paraissait réel. Je culpabilisais tellement. Je me mettais à sa place et je me reconnaissais, moi, cherchant l’impossible avec le cœur de Keagan. L’amour fait souffrir. On a beau dire que c’est l’essence même de la vie, je commençais à ne plus vouloir y croire. Beaucoup de couple finissait par se briser, en plus. Ne pense pas comme ça… il suffit de trouver la bonne personne. Comme tes parents. Oui… cela n’aurait pas marché entre moi et Hugo, si ça se trouve, de toute façon. Il fallait qu’il continue à croire en l’amour. Moi aussi, d’ailleurs. A se sentir défaitiste, nous n’obtiendrons rien du tout. Le premier essai n’était peut-être pas le bon mais on a rien sans rien. J’essayais de me rassurer avec ces belles phrases, pour lutter contre mes ondes négatives. Il fallait que j’en fasse profiter au jeune Gryffondor avant de… M’en aller.
« Ne perds pas espoir, s’il te plait. Toi comme moi, on finira par trouver la fameuse perle, fis-je d’une voix douce avant de reprendre quelques secondes plus tard. Écoute, je vois que ma présence ne te fait pas du bien, maintenant… et je me sens pas bien. J’ai besoin de manger quelque chose. Je vais te laisser tranquille, j’en ai assez fait comme ça…»

Garde l’espoir, Phoebe. Ce ne serait peut-être pas pour demain que vous deviendrez amis, ni dans six mois, mais cela finirait bien par arriver, non ? Je voulais le croire, alors j’y croyais. Il me détesterait peut-être en attendant, mais je n’allais pas me laisser abattre, ni me prendre à ce jeu. Toujours nauséeuse, je me relevai avec lenteur. J’étais trop engourdie par mes émotions.
« Je suis tellement navrée... » Ajoutai-je d'une voix presque cassée, retenant un sanglot.
Je n’entendais même plus Hugo répondre ‒ dans le cas où il avait répondu. Je m’engouffrai dans les premiers arbres de la clairière, m’abandonnant à quelques chants d’oiseaux censés me détendre. Hélas, c’était vain. J’avais l’impression de marcher sans savoir où aller. Le camp me paraissait si loin d’ici. Sous mes pas, les branches et le feuillage craquaient avec mélancolie. Le vent balayait mon visage, comme une punition qu'elle m'infligeait cruellement.
Merde.Cela m’embêtait que tout finisse ainsi. Vraiment.

Putain…

{FIN DU RP}

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