Cours de sortilèges : Cracbadaboum

Le rush de fin d’année qu’on avait commencé hier allait bientôt finir. Plus que trois cours aujourd’hui et c’était enfin les vacances. Je commençais à 10h30, mais ce n’était pas pour autant que je pouvais lambiner dans mon lit. Même quand il n’a pas cours, un professeur a toujours quelque chose à faire. Heureusement, cette fois ce n’était pas une question de préparatifs pour les cours, j’avais tout amené dans la salle hier matin. Mais il s’agissait simplement de la surveillance dans les couloirs. Et parfois de corrections d’examens, mais ce n’était pas à l’ordre du jour. Comme d’habitude, je me levais, je me préparais, j’allais boire mon café dans la grande salle. Un éternel recommencement, mais quand on s’y fait, ce n’est pas si barbant que ça pourrait en avoir l’air. Et puis de toute façon, les fêtes approchaient à grand pas, ça se sentait à l’ambiance dans la grande salle ce matin. Donc même si on était lassé, il n’y avait plus qu’une journée à tenir. Une fois le petit-déjeuner fini, j’allais faire un tour dans le parc. Une cigarette, et on était parti pour surveiller les élèves qui n’avaient pas cours non plus qui profitaient de la neige pour jouer ou simplement pour avoir un avant-goût de liberté.

Pendant deux heures je patrouillais donc, recadrant les élèves qui faisaient des bêtises, indiquant la direction aux premières années qui avaient cours pour la première fois dans une salle (oui, il semblait que ça arrivait encore à cette période de l’année), ou simplement parlant avec certains élèves. Je m’arrêtais également parfois pour parler un peu avec certains fantômes que j’appréciais comme Nick Quasi-Sans-Tête. Bref, même quand il n’y avait pas cours, il y avait toujours moyen de s’occuper à Poudlard. A 10h, je décidais qu’il était temps que je rejoigne ma salle de cours. Je m’installais sur un des bancs, ouvrant la gazette du sorcier que m’avait apporté un peu plus tôt un hibou, et c’est ainsi que me virent les premiers arrivants pour le cours, le nez dans le journal. Rien qui ne puisse vraiment les étonner. Toutefois, dès qu’ils arrivèrent, je rangeais le papier dans la salle de rangement par respect. Je n’allais pas continuer à lire alors que mes élèves étaient là. Ils pouvaient avoir des questions, entre autres, ou simplement vouloir parler.

Le reste des élèves finirent par arriver, et à 10h30 je pus fermer la porte. La salle était assez remplie, s’il y avait des retardataires ils n’auraient qu’à frapper. Pour une fois, j’avais mis le tableau du côté de la grande fenêtre. C’était un aspect pratique pour la suite de la séance, mais ils ne s’en doutaient pas encore. Bref, il était grand temps de lancer le cours.

« Bonjour à tous. Je sais que c’est dur de travailler le dernier jour des vacances, mais il va falloir s’y mettre. Nous allons donc tout de même apprendre un nouveau sortilège aujourd’hui. Le genre qui pourrait vous être utile pour ces vacances. »

La main sur le tableau, le mot CRACBADABOUM s’afficha. Le sort de découpe, dangereux s’il est mal utilisé, mais très pratique si le père Noël à trop bien empaqueté ses cadeaux. Et même plus tôt, mais ça, ils le verront rapidement. Quoique, certains élèves, s’ils savent déjà ce qu’est ce sort, doivent déjà se douter de ce qui va se passer. Après tout, je les connais depuis deux ans, ils savent que le dernier cours avant les fêtes, bien que restant un cours, et un peu plus léger que les autres.

« Alors, qui sait à quoi sert ce sort ? Un indice, sa formule est un faux ami. »

Vacances, vacances, va... Non ? Non ?! Pourquoi non ?!!..
Tandis que je sentais déjà le goût de la liberté me titiller la langue, et accessoirement, le moelleux de la moquette purement vintage de mon douillet petit salon s'insinuer entre mes orteils, la dure réalité était venue me harponner avec la férocité d'un hameçon en acier trempé. Encore une journée à tirer avant de rejoindre ma chère Irlande, Hunter dans mes bagages. Ô désillusion ! Ô monde cruel ! (Pas Hunter, non, pauvre chéri, il s'agit de ces heures d'attente, pardi !) J'en étais tombée de mon lit. Littéralement. S'étaler de bon matin sur la pierre glacée comme une tâche d'huile en plein soleil; en somme, un réveil qui avait le mérite de remplir sa fonction première : me chasser brutalement des bras de Morphée à grands coups de babouches dans l'arrière-train. Ce traitement de choc n'était pas sans conséquence, mon épaule gauche avait peu apprécié la descente - aouch !
Je zigzaguais comme une éclopée jusqu'à la grande salle, me resservait deux fois du crumble pour me remettre sur pieds. Tout ça pour arriver à dix heures trente-sept devant ma classe de sortilèges, bonne dernière, comme d'habitude, et malgré une volonté toute neuve de me montrer studieuse et ponctuelle - disons, dans les limites du possibles... Porte fermée, évidemment. A croire que je cultivais l'art de faire de la honte une habitude ! Toc toc, crissement de porte, raclement de gorge embarrassé et léger grattement de tête. Je bafouillais une excuse complètement bancale du genre "Mon hibou s'est suicidé, il a fait le saut de l'ange...", "Je me suis fais agressée par un fantôme psychopathe !" ou le très inspiré "Ma baguette m'a téléportée dans l’Égypte ancienne, Cléopâtre vous salue bien !". Certains professeurs me laissaient entrer selon l'inventivité de mes histoires, d'autres, pas pitié et sans doute un peu par désespoir. Winslow, lui, avait au moins la gentillesse de laisser la porte ouverte. Difficile, en revanche, de dire s'il se souciait d'écouter ou non mes justifications aux petits oignons. Savait-on jamais, tous les profs avaient le droit à mes excuses, pas de jaloux, hors de question de les réserver à quelques privilégiés ! Je scrutais la salle du regard, repérais une place libre à la droite de Snow. A sa gauche se tenait Noel. Pourquoi pas ! Je saluais Noel en souriant - lui ne souriait pas des masses, mais se sont des choses qui arrivent... - puis son frère et m'installais à côté du second - Shiver, voilà, il y avait Noel, et il y avait Shiver - en écoutant d'une oreille l'intervention de Nathan, heureusement, assis assez loin - désolée, pas moyen, no way, il y avait quelque-chose de pas net chez ce mec... Je jetais un rapide coup d’œil sur le tableau. Sortilège de Cracbadaboum. Si ça c'était pas un nom à faire apparaître des personnages de cartoon ou la bonne fée de Cendrillon... D'après Fitzgerald, il s'agissait d'un sort de découpage, ce qui était quand même rudement moins marrant. C'est sans doute pourquoi j'ajoutais, histoire de :

« C'est un sort pour tout casser, en gros, non ? »

Il n'y a pas à dire, ça avait déjà plus de cachet, formulé de la sorte...

C’était drôle comme les élèves se mettaient souvent par maison dans les cours. Sauf Snow, bien que ce soit surtout parce que son frère s’était mis à côté de lui, attirant les autres Gryffondor. Notamment mlle O ‘Connor qui était arrivée comme très souvent en retard. Comme d’habitude elle m’avait sorti une excuse qui n’arriverait jamais en vrai, mais bon. Ce n’est pas comme si elle se pointait un quart d’heure en retard encore, ça restait honnête. J’avais donc posé mon éternelle question du « qui sait ce que c’est » qui débutait chaque cours de chaque professeur de Poudlard. Du moins pour ceux où il y avait lieu de demander cela, comme la métamorphose ou les potions. Je ne pense pas que ça arrive dans l’étude des moldus par exemple. Bref. La première réponse vint de Snow, qui ne proposa pas une mais trois réponses, toutes à côté de la plaque. Heureusement, j’avais l’oreille et j’avais bien compris qu’il disait ça pour plaisanter. Mais ça ne m’empêcherait pas de rétorquer.

« Non monsieur Shiver, je sais que vous rêvez de ce dernier sort, mais il n’a malheureusement pas encore été inventé. »

Puis vint la bonne réponse, évidemment émanant de Nathan Fitzgerald. Il y avait d’autres têtes dans la promotion, mais il répondait très souvent en premier aux questions. Un bon Serdaigle à l’ancienne. Avant que je ne réponde, O’Connor enchaîna en disant que cela permettait de tout casser. Le choix du verbe n’était pas tout à fait bon, mais l’idée était là. Ce sort permettait de découper n’importe quoi. Et ce fut Aniek Frowein qui rajouta ce détail avant que je ne puisse le faire. Elle aussi était assez brillante.

« En effet, c’est un sort qui permet de découper beaucoup de chose. Cela en fait un sort très utile, mais aussi très dangereux de par sa capacité à découper la peau. »

Enfin, Brynn Wellington annonça la dernière spécificité de ce sort dont les élèves avaient pu entendre parler en dehors du cours. Parfait, tout était dit comme ça.

« Oui miss Wellington, les deux formules sont utilisées. Il n’y a, à ma connaissance, pas de réelle explication sur pourquoi le sort a deux formules. Peut-être que cela vient d’autres pays. »

Je ne me suis jamais vraiment posé la question, je dois l’avouer. Peut-être l’un des formules était plutôt le nom français que l’autre. Bref, je ne voulais pas m’avancer plus que cela sur un sujet que je ne maîtrisais pas. Le fait qu’il y ait deux formules hein, pas le sort en lui-même.

« Bien, tout a été dit sur ce sort, vous avez toute la théorie. Nous pouvons donc passer à la partie pratique. »

D’un geste de la main j’ouvrais la porte du rangement à côté de la grande vitre, et j’attirais une grande planche de bois, pas très large, mais au moins aussi haute que moi. Je sortais également ma baguette, toujours planquée dans ma cravate, afin de faire la démonstration. J’aurais facilement pu le faire à la main, mais…
« Pour maîtriser ce sort, il vous faudra deux choses en plus de la bonne formule. En premier, il vous faudra visualiser comment vous voulez découper votre cible. Cela peut paraître bizarre, mais par là, j’entends simplement le sens de la coupure. Par exemple, ma planche, je vais la découper bien horizontalement, mais je pourrais également la couper en biais, voire même sur la hauteur. Ensuite, il vous faut le bon mouvement de baguette. Soyez bien attentifs à mon geste. »

Je faisais donc le mouvement de la main caractéristique de ce sort, lentement pour que les élèves puissent bien le voir, tout en prononçant « Cracbadaboum ! ».
La planche se coupa d’un trait bien net, horizontal, la partie inférieure tombant puisque je tenais la partie supérieure. Je rangeais ma baguette et je montrais bien la zone de la coupure.

« Comme vous voyez, le sort permet des découpes très nettes. Si vous n’avez pas bien vu le mouvement de baguette, n’hésitez pas à me redemander. Maintenant, voici votre exercice. »
Toujours avec ma baguette (quitte à l’avoir sortie…), je renvoyais les deux bouts de planches dans le rangement, et j’attirais à moi plusieurs sachets contenant deux ou trois bonbons (dont évidemment une dragée surprise prise au hasard). Ils se souviendront qu’en 4ème année (puisque pour eux, c’était justement l’année de mon arrivée), je faisais des jeux. Et quand je le peux, même en 6ème année, je le fais également. Un sachet fut donc déposé sur chaque table, puis j’attirais à moi une boîte de métal avec une croix rouge dessinée dessus.

« Bien, les sachets qui se trouvent devant vous ont été scellés par mes soins. Vous pouvez essayer, mais vous n’arriverez pas à les ouvrir à la main. Votre seul moyen de les ouvrir sera d’utiliser le Cracbadaboum. Evidemment, vous pouvez également vous entraîner avec des feuilles de papier. Tant que vous ne vous entraînez pas sur le bras de votre voisin… »

Puis, j’ajoutais après un regard vers Alycia Underwood et en montrant la boîte que j’avais entre les mains : « J’ai également emprunté ça à l’infirmerie. Si jamais vous vous coupez, j’ai ce qu’il faut pour éviter les saignements. » et enfin, avec un sourire « Mais je suis sûr que vous arriverez à éviter ce genre d’incidents. »

En effet, Alycia était arrivée avec des cicatrices déjà.Je ne savais pas d’où ça venait, c'était la première fois qu'elle arrivait dans cet état. Elle risquait en tout cas de ne pas aimer ce cours, elle risquait d’en rajouter si elle se loupait.

« Bien, et comme d’habitude, si vous avez des questions, n’hésitez pas à m’interpeller. »

Spoiler:

Spoiler:

Je tâchais d'ignorer les remarques ô combien brillantes d'Aniek, sans pour autant réussir à me retenir de rouler des yeux en soufflant mon dégoût. Tout le monde devait bien se douter où voulait en venir la reine des vipères, il n'y avait qu'à voir le petit air goguenard de cet abruti de Clewstone alias le clebs d'Aniek - bien dressé, il fallait le reconnaître, du genre à grogner à la vue du premier né moldu qui passe. Cela étant, Winslow n'avait pas relevé. Autant pour moi ! C'était beau, l'amour du métier, la conscience professionnelle, l'affection pour ses élèves, forcément. C'était beau et idyllique au point de rendre aveugle et sourd à toutes les infamies. Puis moi, je n'avais plus qu'à garder mes crocs au chaud. Pas de scandale, juré. J'aurais dû être habituée, de toute manière...
Le cours était intéressant, autant ouvrir grand les oreilles et écouter. Avec la tronche que tirait Noel, je comprenais que le bavardage intempestif était à proscrire. Quant à Snow, eh bien... qu'est-ce que j'aurais bien pu raconter à Shiver ? Je me voyais difficilement faire la causette avec le joli brun, comme je pouvais le faire si aisément avec sa Claudia Shiffer de frangin. Vraiment, j'avais toutes les raisons du monde de me concentrer sur le cours, qui était quand même rudement intéressant. Alors ça ressemblait à ça, d'être assidue en cours ? Comprendre tout ce que le prof disait quand il le disait ? D'accord, pas non plus la peine de me morigéner et de m'enterrer toute seule sous l'auto-critique, je n'étais peut-être pas une élève brillante, mais pas non plus un cas désespéré - sauf pour Crawford, peut-être, pauvre de lui...
En attendant, c'était le moment de passer à la pratique et d'étriper de pauvres petits sachets de bonbons - trois bonbons, quatre tout au plus, c'est vraiment la crise pour tout le monde... - innocents façon ninja, comme Winslow venait de faire sa fête à une planche en bois comme un authentique pro du kung-fu. Tout en lorgnant du côté des autres, je répétais le mouvement en jouant de mon poignet, baguette tenue en main prudemment - Winslow était juste en ligne de mire, et mon rêve n'avait jamais consisté à me faire virer pour avoir rendu un prof borgne, même si certains ne l'auraient pas volé... Échec de Noel. Rien, nada, niet ! Quand même, il y avait de la nourriture à la clé, rien de plus motivant pour cet estomac sur pattes. Et le plus étonnant de l'histoire, idem pour Hunter. Les sachets faisaient de la résistance. On était tombés sur des coriaces... Je pointais mon petit résistant de ma baguette d'un air menaçant.

« A nous deux amigo ! » lançais-je d'un air de défi avant d'articuler « Cracbadaboum ! »

Mouvement souple du poignet, visuel très net d'une coupure à l'horizontale tout ce qu'il y avait de plus proprement horizontale. Verdict...

4-5-6: Sortilège raté, rien ne se passe, il fallait d'y attendre...
3 : Sortilège raté, ça n'a rien d'une découpe, ça, le sachet de bonbons a gonflé comme un ballon avant de commencer à flotter en apesanteur. En apesanteur !
2 : Sortilège partiellement réussi, il y a bien une coupure, ce n'est pas un échec.
1 : Sortilège réussi, hallelujah !