Les derniers jours avaient été relativement riches en activité. Des journées speed et bien remplies, où la pause déjeuner est un luxe qu’on ne peut pas nécessairement se permettre. Des journées comme je les aime, où je n’ai pas le temps de m’ennuyer. Mon affectation au poste de professeur a été beaucoup plus rapide que je ne l’aurai imaginé, et j’étais déjà en retard dans la préparation de mes cours. J’avais pris le temps de m’installer correctement dans le château, chose qui me paraissait importante puisque j’allais y passer la grande majorité du temps, à présent. Le déballage des cartons et le rangement de mes effets personnels me prirent beaucoup plus de temps que je l’avais supposé. Il est beau le nouveau professeur de divination, même pas capable de prédire son propre temps d’installation !

C’était la première fois que j’allais enseigner dans mon pays natal, et j’espérai sincèrement que les élèves seraient réceptifs à mes méthodes d’enseignements. J’avoue qu’une fois encore, je ne pus m’empêcher de constater combien je faisais tâche au milieu du décor. Un ancien rockeur tatoué jusqu’au cou éduquant des jeunes dans un établissement aussi réputé, c’était déjà assez atypique. Alors un professeur de “voyance” incapable de lire une boule de cristal, cela ressemblait presque au début d’une mauvaise blague. Evidemment, ce n’était pas la première fois que j’enseignais dans une école renommée. Mais je ne m’étais encore jamais investi dans un milieu comportant des responsabilités aussi importantes dans mon propre pays. Les Américains sont selon moi, et dans leur grande majorité, quelque peu exubérant. Ils ont l’habitude des individus qui sortent de l’ordinaire. Je ne pouvais m’empêcher de penser que mes choix seraient peut-être beaucoup moins bien reçu ici. Mais le professeur McGonagall avait accepté de me donner ma chance. Elle a choisi d’avoir confiance en mes capacités, et de m’offrir l’opportunité de prouver ma valeur en tant qu’enseignant dans sa propre école de magie. Ce n’était pas maintenant qu’il fallait se remettre en question.

Elle avait d’ailleurs accepté de céder à l’un de mes caprices anticonformistes. Lorsqu’elle voulu me remettre le registre des élèves auxquels je devrai enseigner, je lui ai demandé s’il était possible que celui qui me serait remis comporte uniquement les noms, prénoms et photos de ces élèves. Le plus important pour moi, c’était surtout de ne pas avoir leurs dates ni leurs lieux de naissance. J’envisageai effectivement de commencer mes cours par de l’astrologie, et je ne voulais pas gâcher la surprise de découvrir par moi-même le tempérament de mes élèves. Ainsi, je venais de recevoir une petite note de cette chère Directrice indiquant qu’il m’était possible de récupérer le registre en question dans la salle des professeurs. Ni une ni deux, je me saisis de ma plume pour lui griffonner rapidement un petit mot de remerciement avant de prendre la direction du cinquième étage. Je frappai à la porte pour annoncer ma venue aux potentiels occupants de la pièce et l’ouvrit dans la volée, sans vraiment attendre que l’on m’invite à y entrer. Je marmonnai un rapide << Bonjour >> et en homme pressé que j’étais, commençai à balayer la pièce du regard pour y repérer le registre. Mon regard croisa alors celui de l’autre professeur présent dans la salle, et réalisant que je ne m’étais pas présenté, je passai ma main dans mes cheveux en me frottant machinalement l’arrière de la tête, signifiant ainsi ma gêne.

<< Pardon pour cette intrusion; je suis le nouveau Professeur de Divination. Je suis arrivé il n’y a pas si longtemps et j’étais censé récupérer le registre de mes élèves ici… Est-ce que vous seriez tombé sur quelque chose qui pourrait s’y apparenter ? >> C’est pendant que j’étais en train de parler que je fus en mesure de contempler son visage plus en détail. Un visage qui me semblait étrangement familier pour quelqu’un que je venais théoriquement de rencontrer. Cet homme me rappelait un garçon que j’avais connu à l’époque où j’étais encore à Poudlard. Autant dire que ça commence à dater, c’est pourquoi je n’en étais pas tout à fait sûr. Je décidai de ne rien ajouter de plus et j’attendis qu’il me réponde en observant le moindre battement de cil. S’il s’agissait de la personne à laquelle je pensais, il était plus qu’évident que son comportement saurait me le confirmer.

Mon “nouvel” interlocuteur semblait en pleine séance de grignotage lorsque je fis irruption dans la pièce. Et lorsque je pris l’initiative de m’adresser à lui, je l’imaginais presque s’étouffer en avalant de travers tant il avait l’air déstabilisé. C’est drôle, même après quinze ans il y a des choses qui ne changent jamais. La réponse qui me fut fourni me confirma bel et bien que je ne m’étais pas trompé de personne. Un petit sourire en coin étira le coin de mes lèvres, lorsque je repensai aux dernières fois où nous avions pu nous adresser la parole. Et aussi loin que je me souvienne, ses premiers mots avaient toujours été très difficile à organiser.

Nathanaël Crawford. Il avait un an de moins que moi et appartenait à la maison des Serdaigles à l’époque où nous étions encore scolarisés ensemble. C’était quelqu’un de relativement discret. Ou plutôt… Il n’était pas du genre à se faire remarquer comme j’ai toujours eu tendance à le faire. Je sais que j’avais remarqué son regard posé sur moi à chaque fois que nous nous croisions, mais je dois bien admettre que je n’y avais pas prêté une attention particulière au début. Car il était loin d’être le seul. Je ne me rappelle pas exactement par quel concours de circonstances, j’avais eu la confirmation que la petite tête bouclé avait louché sur le préfet des Serpentards de cette époque. Mais ça m’avait fait plaisir. Sincèrement. Mon égo a toujours été un point sensible chez moi, et je me suis toujours senti flatté par l’intérêt que les autres pouvaient m’accorder. Du coup, en bon petit gars décontracté que j’étais, je me souviens être allé l’aborder. Peut-être n‘aurais-je pas dû, car je l’ai senti beaucoup plus mal à l’aise qu’autre chose. Mais bon, les gens ont tendance à condamner beaucoup trop facilement les mauvais comportements, par contre, un comportement positif n’est que rarement encensé alors qu’il est selon moi beaucoup plus rare.

Ce garçon m’avait donné du baume au coeur par l’intérêt qu’il me portait, j’avais envie qu’il le sache. Et surtout, qu’il ne se laisse pas influencer par les moqueries éventuelles des autres adolescents car à cet âge-là, surtout pour un garçon, on devient facilement la cible de raillement lorsqu’on affirme avoir de l’attirance pour quelqu’un. Quoi qu’il en soit, mon attitude un peu trop directe j’en conviens avais dû l’intimider. Il avait été très difficile pour lui de me répondre, et la conversation ne s’éternisa pas. Je n’ai pas cherché à insister, pour plusieurs raisons. Déjà parce que je ne voulais pas qu’il se sente “envahi”. Si ma présence le mettait mal à l’aise, c’était mal venu de ma part de chercher à m’imposer. Ensuite, je le reconnais, un petit caprice personnel m’a poussé à attendre de voir s’il revenait vers moi. Vous l’aurez compris, j’aime attirer l’attention, et le voir venir de lui-même à ma rencontre m’aurai fait plaisir. Oui, j’aime bien qu’on me courre après. Mais il était plus qu’évident qu’il ne reviendrait pas vers moi après avoir été si désemparé en ma présence. J’estimai néanmoins que nous étions plus que de simples étrangers. Alors après notre entrevue, je me suis permis de lui sourire et de le saluer à chaque fois que nous nous croisions à nouveau. Mais je n’allais jamais plus loin, en me disant que peut-être ce dernier prendrait les devants. Mais ce n’est malheureusement jamais arrivé; et j’ai toujours trouvé ça un peu dommage.

J’ai appris comme beaucoup de monde grâce à l’actualité qu’il était devenu joueur de Quidditch professionnel une fois sorti de Poudlard, mais ayant moi-même énormément de choses à gérer dans ma propre vie, je ne m’étais pas renseigné davantage. Et voilà qu’une fois notre expérience de jeune adulte menée à bien, nous nous retrouvions de nouveau face à face. Je lui adressai un sourire chaleureux lorsqu’il m’appela par mon nom de famille, et entrepris de me placer à sa hauteur pour lui serrer la main afin de le saluer. << Il me semblait vous avoir déjà invité à m’appeler par mon prénom il y a quelques années de cela… Sachez que je ne reviens que rarement sur mes décisions. >> Toujours le sourire aux lèvres, je marquai une pause puis repris : << Cela me fais plaisir de rencontrer des visages familiers ! Je dois reconnaître que je ne m'attendais pas à vous revoir ici. >>