Esther avait oublié qu'ils avaient casé la salle des profs aussi haut. Cinquième étage, quand même ! Avec des escaliers capricieux qui ne se gênaient pas pour changer de direction. Quoique vous allez me dire, ce n'est pas pire que la salle d'Etude des Moldus. En effet, lorsqu'elle s'était souvenue que ses cours allaient se dérouler au septième étage, la nouvelle prof avait ravalé son mécontentement. Elle ne voulait pas jouer la vieille dame aigrie mais tout de même : elle avait quarante ans. Faire du sport dans les couloirs, sauter d'un escalier à un autre et courir pour revenir sur le bon chemin lorsque ces derniers bougeaient, ce n'était plus de son âge. Aujourd'hui, elle aspirait à un quotidien plus calme et plus posé. Elle se souvenait parfaitement des frayeurs de jeunesse, lorsqu'un escalier commençait à les emmener dans la direction opposée. La terreur d'arriver en retard en particulier en cours de potion. Le professeur Rogue n'était pas un mauvais bougre en soi. Mais elle devait avouer qu'il avait tout de même un côté flippant.

Enfin, toujours est-il que ce matin-là, Esther gravissait les quatre étages un par un, step by step, ne s'impatientant pas lorsqu'un escalier changeait soudainement de direction. C'était la première fois qu'elle remettait réellement les pieds à Poudlard depuis qu'elle l'avait quitté, à 18 ans, après avoir refait sa septième année. Rien n'avait changé. Le château était toujours aussi majestueux, aussi ancien, aussi beau. Le parc, fidèle à lui-même, restait magnifique et le paysage qui entourait l'école était plus que jamais éblouissant. En ce mois de septembre, le soleil, bien que toujours présent, réchauffait de moins en moins. L'automne était là et déjà, il annonçait l'hiver.
Lorsqu'elle s'était retrouvée devant l'énorme grille, Esther avait soupiré de contentement. Elle était heureuse de revoir son ancienne école. En entrant dans le hall, elle s'était demandé si des choses auraient changé à l'intérieur. Eh bien non. La château semblait avoir été reconstruit à l'identique. L'ancienne Serpentard s'en était réjoui. De la modernité n'irait pas avec l'aspect vétuste de Poudlard ; l'endroit perdrait tout son charme si le temps avait eu emprise sur lui.
Cependant, dans sa pensée actuelle, Esther revoyait son jugement. Finalement, une petite once de technologie ne serait pas de refus. Un ascenseur, par exemple. Cet objet n'était pas exclusivement Moldu, puisque même le Ministère de la Magie en possédait ! Alors pourquoi pas Poudlard ? Certaines choses iraient plus vite avec un ascenseur. Et un tel objet épargnerait les pauvres jambes et le pauvre dos de certains profs vieillissants.

C'était étrange pour Esther de se dire qu'elle avait quarante ans et qu'elle était nouvelle prof. Généralement, ceux qui bénéficiaient du status de nouveau avait entre vingt-cinq et trente ans. Ce n'était pas son cas. Et même, certains pourraient la mettre dans la case des anciens s'il l'apercevaient furtivement.

Toujours est-il qu'Esther parvint tout de même au cinquième étage. Poudlard était encore vide ; les élèves n'arrivaient que le lendemain, par le Poudlard Express. C'était étrange de trouver l'école vidée de toute âme, silencieuse. Jamais l'ancienne Serpentard n'avait vécu cela.
Arrivée un jour avant la rentrée, donc, elle voulait profiter de cette journée pour prendre ses marques. S'installer, se sentir à nouveau chez elle. Et quoi de mieux que de faire un tour en salle des profs, lieu où elle avait de fortes chances d'y passer le plus clair de son temps.
Esther ouvrit la porte d'un geste enthousiaste : elle était tout de même heureuse d'être revenue et, malgré la légère angoisse, contente de pouvoir assurer ses premiers cours.

Elle s'attendait à être seule mais au lieu de cela, une autre femme, plus jeune, était là. L'ancienne Serpentard lui fit un sourire qu'elle espérait être accueillant et chaleureux :
"Bonjour".
Elle referma la porte derrière elle, posa son sac sur une des tables. Puis elle se tourna de nouveau vers sa collègue :
"Je viens d'arriver, c'est ma première année d'enseignement".
C'était étrange de dire ça à une femme plus jeune.
"Je m'appelle Esther Hohenfeld" se présenta-t-elle poliment.

Veille de la rentrée. Comment vous dire que je me sentais … malade ? C’est le mot, oui, et rien n’aurait pu mieux décrire l’état dans lequel j’étais. Je m’étais levée aux aurores ce matin pour être à l’heure. En soit ce n’était pas forcément nécessaire puisque nous n’avions pas d’heure précise à laquelle être là, si ce n’est peut être « avant 19h ». En ce qui me concerne je n’avais pas dormi de la nuit, et je l’avais passée à avoir la nausée. Pas étonnant donc, que j’avais été si pressée de vouloir sortir de mon lit. Je n’avais pas fermé l’œil, rendue dingue par le stress et l’anxiété. Qu’est ce qui me garantissait que je serais à la hauteur ? Qu’est ce qui me garantissait que mes supérieurs ne me diraient pas, une semaine plus tard, qu’ils regrettaient de m’avoir choisie comme nouveau professeur de Soins aux Créatures Magiques ? Après tout, les professeurs jeunes étaient rares, et il y avait une bonne raison pour cela : Les jeunes professeurs sont souvent un peu trop laxistes pour pouvoir assurer des cours dignes de ce nom. C’était donc un énorme honneur pour moi que d’occuper ce poste, honneur qui, du coup, me mettait la pression. Quelle idée aussi de vouloir jouer un rôle si important dans le seul collège magique de tout le Royaume Uni, alors qu’au fond j’ai toujours eu un fond de timidité en moi ? Non mais je vous jure, parfois je me demande si j’ai vraiment pris la bonne décision en choisissant cette carrière. Puis je me souviens de mes motivations et soudainement ma journée s’éclaircie, j’y vois plus clair dans mess idées, et je suis capable de réfléchir posément. Tout ça pour la fascination que m’évoquaient toutes ces créatures, et pour le bonheur de pouvoir transmettre ma passion aux plus jeunes. Ca valait le coup de se rendre malade, non ?

En arrivant au château, qui était presque désert, j’étais montée au cinquième étage, direction la salle des professeurs. Après tout si j’étais censée y passer l’année de façon régulière il fallait bien que je me familiarise avec l’endroit, non ? C’était donc là que je me dirigeais. Après avoir poussé la porte j’avais constaté que la salle était déserte, pas étonnant puisqu’il n’était que 9h15. C’est à se demander ce que je faisais ici si tôt. Pourtant, après avoir fait le tour et après avoir découvert un casier à mon nom, je me dis que finalement ma présence en avance était justifiée. J’avais ouvert la porte du petit casier, et avait découvert avec surprise qu’il n’était pas vide. Quoi ? Déjà ? De quoi pouvait bien m’informer l’administration ? Est-ce que j’étais déjà renvoyée ? Ils avaient trouvé un meilleur professeur, avec d’avantage d’expérience ? C’est ça, n’est ce pas ? La main tremblante, j’avais lentement approché le bout de papier des doigts. J’ouvris l’enveloppe au cachet officiel de Poudlard, couvert des emblèmes des quatre maisons. Je déglutis et sortit le courrier qui m’était destiné. J’avais peur de le lire, mais étais rassurée par une chose, la couleur bleue dont laquelle était écrit les quelques mots à mon attention. Ayant fait partie de Serdaigle, je m’y sentais en sécurité et les couleurs de cette maison avait un côté apaisant. Et j’avais alors lu. Ces quelques petites phrases. Moi ? Directrice ? Non … Il devait y avoir erreur sur la personne … Mais en même temps il n’y avait pas de doute possible sur la question. Il était clairement écrit que moi, Sasha Blackson, à compter de la rentrée, était nommée directrice de la maison Serdaigle. C’était un rêve, c’est ça ? Je devais rêver… J’allais me réveiller d’un instant à l’autre… Et pourtant. La lettre que je tenais dans les mains était bien réelle, bien solide, et j’étais donc obligée de me rendre à l’évidence : Tout ça était bien réel.

J’avais été sortie de mes pensées anxieuses lorsque la porte de la salle des profs avait été ouverte. J’avais vu apparaître une femme ayant probablement la quarantaine. Je lui avais fait un petit sourire tremblant. Très convaincant, je vous l’accorde. Elle m’avait salué gentiment et j’avais hoché la tête à son attention, n’étant pas sûre de pouvoir maîtriser les tremblements de ma voix. Et pourtant je n’avais pas le choix puisqu’elle entama la conversation. Je devais être livide mais qu’importe, je me devais de lui répondre après qu'elle m'ait dit que c'était sa première année d'enseignement : « Pareil pour moi. » Ma voix était faible, et mal assurée, génial… Mais cette femme avait l’air d’être quelqu’un de très bien, et je devais faire bonne impression, c’était nécessaire : « Sasha Blackson, j’enseigne les Soins aux Créatures Magiques. Et apparemment je suis directrice de Serdaigle. » Dis-je, sur un ton si bas que même moi je me demandais si je l’avais vraiment prononcé à voix haute. En fait je tentais de m’en convaincre moi-même, pour me forcer à voir la réalité en face, et à quel point McGonagall me faisait confiance. Ca faisait chaud au cœur à vrai dire.