La joie et l’exaltation n’avaient jamais été autant visibles sur le faciès si expressif de la jeune Louna. Venant d’apprendre la nouvelle qui se répandait au sein du château, son dynamisme s’était avéré particulièrement insupportable pour les personnes qui clamaient le calme et la douceur. Eclatant de rire sans se soucier des tympans fragiles des élèves aux alentours, elle avait échangé pendant une bonne heure une conversation enjouée avec ses camarades au sujet d’un voyage organisé par Poudlard. Ce fut après avoir signé sa propre inscription qu’elle put commencer à songer aux agréables événements qui l’attendaient. Son cruel père ne l’avait jamais emmenée en vacances et les rares voyages qu’elle avait fait en compagnie de la vendeuse de la Ménagerie Magique lui manquaient beaucoup. C’était pour cette raison qu’elle se trouvait aujourd’hui en pleine nature, occupant une ferme en compagnie des autres inscrits. Le quinze juillet, le Poudlard Express était venu chercher tout ce petit monde impatient pour les emmener dans un endroit incartable et protégé par de nombreux sortilèges complexes. Leur protection était assurée et garantie par le Ministère de la Magie lui-même, conférant aux élèves un bon séjour en perspective.

Pour un début de vacances, les choses s’avéraient effectivement aussi ensoleillées qu’amusantes. Il y avait une maison plutôt charmante au goût de Louna, une grange, un lac, des champs et surtout, toute une communauté animale qui attirait particulièrement l’attention de la plupart des élèves. Les premiers jours s’étaient déroulés dans la bonne humeur et la Serpentard ne s’était pas encore embrouillée avec les personnes qu’elle ne tenait pas dans son cœur. Elle avait pris le soin d’ignorer Aniek afin de passer de bonnes vacances sans devoir hurler, mais elle savait pertinemment que si la vipère tentait de la provoquer ne serait-ce qu’une fois, les conséquences en seraient bien explosives. Heureusement, les ennemies de guerre avaient été conviées à des activités différentes et Louna ne se plaignait pas particulièrement de devoir faire le ménage dans la ferme. A vrai dire, nettoyer et faire briller les meubles en compagnie de ses camarades s’avérait être une véritable partie de plaisir et de jovialité. Mais bien plus encore, sa meilleure amie était aussi dans ce même groupe, apportant davantage des émotions positives chez la cinquième année. Aujourd’hui, à une heure assez avancée de l’après-midi, Louna s’occupait d’aider quelques personnes, chargées de veiller sur les animaux, à rattraper quelques poules qui étaient parvenues à s’échapper du poulailler. Elle n’avait pas grand-chose à faire depuis qu’elle avait terminé de lire un de ses romans et fait les lits du dortoir des filles. La belle aimait beaucoup prendre soin des bêtes et elle le faisait avec bon cœur. En revanche, si elle avait un talent naturel pour en apprivoiser la plupart, les résistants pouvaient paraître être des anicroches assez exaspérants. A peine eut-elle la furtivité et la rapidité nécessaires pour attraper la plus insupportable des poules que cette dernière, visiblement très vigilante, battit des ailes pour riposter avant de lui infliger des coups de griffes et des coups de becs douloureux sur le bras. La créature n’y alla pas de main forte, ne se préoccupant pas de ce que cette saleté d’humaine pouvait ressentir. Elle ne voyait en cette géante qu’un monstre souhaitant la priver de liberté ; pas de pitié pour les méchants et ses griffes longues et pointues le témoigneraient.

Rapidement, Louna se hâte de rentrer dans la maison avec le bras gauche parsemé de petites plaies peu avantageuses. Jurant discrètement dans sa tête au sujet de cette poule infernale, elle monta les escaliers aussi vite qu’une voleuse et grimpa ainsi jusqu’au second étage. Cette partie de la ferme était réservée aux filles et ce fut sans la moindre hésitation qu’elle se rendit jusqu’aux sanitaires. Visiblement, il n’y avait personne à l’intérieur, donc la voie était libre. Se plaçant face à un grand miroir qui surmontait un lavabo, elle observa sa fine chevelure qui avait été victime de sa course effrénée après ces volailles sournoises. En bataille, il lui faudrait certainement plus de dix minutes pour pouvoir la remettre en état, mais ce n’était pas vraiment ce qui la préoccupait le plus. Une de ses plaies s’avéra assez profonde pour engendrer un saignement au niveau de son avant-bras.
- Par Merlin, je vais vraiment l’étrangler la prochaine fois que je l’attrape, dit-elle à voix basse tout en plongeant son bras sous l’eau qui coulait du robinet.
Que l’on se rassure, elle aimait bien trop les bêtes pour vouloir leur faire du mal, mais sur le coup de la colère, la vue de cette malcommode endiablée en train d’agoniser ne l’écœurait pas tant que cela.

Le passage de cette eau purificatrice sur les plaies de Louna la débarrassa de ces petites traînées de sang qui tourbillonnèrent autour de la voie d’évacuation, avant de s’enfoncer dans les profondeurs des siphons de l’évier. La pression du robinet exerçait une pression qui endolorissait sa plus grande blessure mais elle ne s’en plaignit pas, beaucoup trop occupée à pester contre la petite terreur, rebelle des champs. Ces vacances s’avéraient tout de même intéressantes pour en apprendre plus sur la vie à la campagne. Elle n’avait jamais pu effleurer une végétation aussi luxuriante et riche en aliments de toute sa vie ; ses escapades dans la forêt interdite n’étaient même pas à la hauteur de la beauté et de l’abondance de ces lieux. D’un naturel curieux, la jeune fille aimait connaître de nouveaux horizons et elle était capable de passer outre certains inconvénients. Il était clair qu’ils ne bénéficiaient pas d’un très grand luxe en matière de chambres, de sanitaires et de cuisine, mais cette atmosphère rustique ne lui rappelait en rien le domicile qu’elle occupait avec son père. Ce simple fait lui plaisait. Tout ce qui pouvait lui rappeler son paternel la faisait grimacer et ici, elle avait la nette impression d’être autant libre qu’à Poudlard. Ce sentiment d’exaltation émanait d’elle aussi facilement comme dans un livre ouvert ; en clair, elle s’amusait comme une petite folle. Elle n’avait pas besoin de grand-chose pour se sentir bien et même ces toilettes usées et un peu rouillées ne la dérangeaient plus tant que cela à force de devoir les utiliser. Malheureusement, tout n’était pas toujours aussi rose, mais elle savait mettre en valeur les bonnes choses et chasser les mauvaises de son esprit. L’optimisme, il n’y avait que ça de vrai.

Alors qu’elle oubliait peu à peu la poule en repensant à tout cela, ses oreilles ne furent pas assez attentives pour entendre le grincement de la porte d’entrée. Il n’était tellement pas extraordinaire d’apercevoir des filles se rendre ici que la chose lui parut parfaitement banale. Néanmoins, elle ne s’était pas doutée que la nouvelle visiteuse ne s’était pas contentée de s’enfermer dans une cabine. Au contraire, son ombre grandissante fit obstacle à la lumière qui illuminait les mains de Louna. Cette dernière leva les yeux, légèrement surprise d’apercevoir quelqu’un se poser contre le lavabo voisin. Puis, ses lèvres étirèrent un sourire ravi, contrastant avec la grimace qu’elle affichait lorsqu’elle était entrée ici. L’un des éléments qui rendaient son quotidien si bon à vivre venait de pointer le bout de son nez. Elle semblait avoir deviné que la Serpentard ne s’était pas contentée de faire le ménage aujourd’hui. Toutefois, elle n’était pas non plus en plein sur la vérité. A la vue des dernières gouttes de sang qui coulaient, Anoushka semblait supposer qu’elle s’était battue contre une personne, peut-être quelqu’un qu’elle connaissait ou détestait ? Sa réplique fit doucement rire Louna, amusée par ces idées. Depuis le début des vacances, elle n’avait pas rencontré la moindre hostilité avec qui que ce soit, ce qui pouvait forcer le respect.
- Je ne pense pas que tu la détestes, mais je crois que tu n’aimerais pas l’odeur qu’elle dégage tout comme les autres de la ferme , répondit-elle avec un brin de malice, comme si elle lui posait une devinette.
Elle coupa ensuite le flux d’eau qui coulait et attrapa une serviette rangée dans le tiroir sous le robinet pour s’essuyer les mains et les bras. Quelques gouttelettes furent dégoulinèrent sur le sol, humidifiant un peu les bottes de fermière qu’elle portait – et qui étaient déjà salies par la terre -.
- C’est la faute d’une de ces fichues poules ! Je ne sais pas ce que les gens ont fabriqué, mais des poules se sont évadées de leur enclos et j’ai essayé de les aider à les rattraper. Voilà ma superbe blessure de guerre, poursuivit-elle en tendant son bras gauche en hauteur comme s’il s’agissait d’un trophée. La plus vieille d’entre elles était, comme par hasard, la plus tenace !
Mieux vaut en rire qu’en pleurer, comme disait un dicton très célèbre de la culture moldue. Il était clair que la prochaine fois, elle prendrait plus de précautions et saisirait la coupable de manière à ce qu’elle puisse ne pas l’atteindre. Attrapant une petite boite remplis d’accessoires de soins, Louna sortit un petit flacon magique qui désinfectait les blessures mineures afin de faciliter la cicatrisation.
Pendant qu’elle faisait tomber quelques gouttes de la substance à l’aide de sa main droite, elle s’intéressa particulièrement à la journée de sa meilleure amie. Elle ne l’avait pas revue depuis tôt ce matin et il fallait avouer que le ménage à faire dans cette maison était chaque jour assez important et dispersé.
- Sinon, quoi de neu… Euuuurk !
Elle ne put finir sa phrase devant l’odeur fétide qui s’échappait du flacon ouvert et, désormais, de son bras. On aurait dit une senteur d’œufs pourris depuis quelques mois et elle n’eut pas le souvenir que ce type de médicament puisse avoir une effluve aussi forte et à en donner la nausée. Avec appréhension, elle retourna le flacon et lut les lettres minuscules qui formaient une notice : A CONSOMMER DE PRÉFÉRENCE AVANT LE 31 DÉCEMBRE 2018 AFIN D'ÉVITER D'ÉVENTUELS EFFETS SECONDAIRES INDÉSIRABLES.
Avec horreur et dégoût, elle relâcha le flacon qui tomba sur le bord de l’évier, avant de glisser et de faire une nouvelle chute sur le sol. Le contenu se déversa à proximité des chaussures des deux filles.

Comme Louna s’en était doutée, Anoushka avait eu un peu de mal à voir là où elle en voulait en venir, et cela l’amusait. Au final, lorsqu’elle lui expliqué la petite histoire, la Gryffondor s’était mise à plaisanter, lui suggérant qu’il valait mieux laisser les gens dans leur propre guêpiers plutôt que de s’en mêler. Si seulement elle avait su plutôt le dénouement de ses actes, peut-être qu’elle y aurait réfléchi un peu avant. Cependant, elle avait toujours été ainsi : elle ne réfléchissait pas forcément aux conséquences de ses actes et s’avérait parfois bien trop fonceuse. On récolte ce que l’on sème, n’est-ce pas ? La journée s’avéra être couverte de malchance chez cette pauvre Louna, luttant désormais contre un problème beaucoup plus embarrassant. Comment le couple de fermiers avait-il pu laisser un produit ayant dépassé la date de péremption ? Il fallait espérer que la nourriture contenue dans la cuisine soit bel et bien en bon état, autrement, ils se retrouveraient tous malades. Agitant le bras comme si elle souhaitait faire disparaître le liquide de son bras, elle aperçut Anoushka se boucher le nez du coin de l’œil et de s’éloigner d’elle. Elle avait raison ; la meilleure manière de qualifier cette odeur était bien « une infection ». Même les déjections des animaux causeraient sûrement moins de dommages à leur odorat et lorsque Louna baissa les yeux vers le sol, elle crut constater que le produit avait légèrement changé de couleur, passant du transparent à un petit jaune pâle. C’était absolument affreux et à vrai dire, elle remercia intérieurement sa meilleure amie d’avoir eu l’audace de ramasser ce flacon presque tout trempé de cette horreur. Se décalant sur le côté avant que le produit ne touche ses bottes, elle jeta un regard au miroir situé au-dessus du lavabo voisin : sa peau s’était mise à trembloter, comme le mouvement fin perceptible d’un pouls que l’on observe au niveau du poignet.
- C’est censé être que du désinfectant, un produit normal que tu trouves partout normalement. Ils ont laissé un truc périmé depuis quelques années ici, tu te rends compte ? Nom d’un crapaud, c’est dégueulasse ! s’exclama-t-elle avec une expression de dégoût qui lui fit tirer une sale grimace.

Pour ce qui était de l’odeur, il était clair qu’elle était bien trop forte pour la faire disparaître en quelques heures. Elle observa Anoushka se laver les mains avec du savon et elle semblait s’acharner à vouloir enlever toute trace de ce produit infâme. Normalement, cela ne devrait pas être si tenace avec autant d’eau, mais la magie regorgeait toujours bien des surprises. Afin de tenter de limiter un peu les dégâts, la Serpentard s’en alla ouvrir les fenêtres pour aérer la pièce. Malheureusement, il faisait très chaud et les brises n’étaient pas assez fréquentes pour balayer l’ambiance pestilentielle d’un seul coup. L’envie d’avoir le nez collé au-dessus du rebord de la fenêtre la tenta grandement de ne plus bouger de là où elle était. Toutefois, son bras venait de prendre une teinte jaunâtre et les petits tremblements dont elle était victime avaient fait apparaître des petits boutons semblables à des morsures d’insectes. Rapidement, elle accourut de nouveau près du lavabo en prenant le soin d’esquiver la flaque écoeurante qui jonchait toujours le sol.
- Oh mon dieu… A mon avis, tu ferais mieux de ne pas me tuer si tu veux pas toucher à ça ! reprit-elle avec un air horrifié, son teint devenant de plus en plus pâle. Ils vont m’entendre parler, ces deux vioques ! Tu avais raison, j’aurais dû me contenter de me la couler douce sur un transat, je suis vraiment pas possible parfois !

Avec force, elle ouvrit de nouveau le robinet, faisant couler un très fort flux d’eau qui ricochait entre les parois du lavabo. Elle y plongea son bras et frotta aussi fortement qu’elle le put afin de faire disparaître la substance. La nervosité la plongea dans un état d’angoisse que l’on ne connaissait habituellement pas de Louna. Elle qui paraissait n’avoir peur de rien, ne pouvait pas cacher sa frayeur aujourd’hui. Il ne manquerait plus qu’on lui annonce qu’elle était bonne pour un séjour à Ste-Mangouste et ce serait le début de l’enfer. Sans la moindre pitié pour le pauvre petit savon qui traînait par-là, elle l’écrasa avec force contre son bras, souhaitant être sûr que ce produit pénétrerait ses plaies et annulerait cette abomination.
- Bordel… Dis-moi que ça part, dis-moi que je vais pas rester comme ça. J’espère que toute la pharmacie n’est pas toute aussi périmée, sinon on aura rien pour soigner les blessures.

Le cœur battant, Louna continuait de frotter avec férocité, se souciant peu de la douleur que cela pouvait produire contre sa plaie. Pourquoi diable avait-elle cherché à désinfecter une malheureuse petite blessure de rien du tout ? Un simple coup d’eau aurait pourtant suffi, et elle se serait sans doute retrouvée avec Anoushka au cœur d’une discussion bien plus pertinente et intéressante que l’angoisse qui se dégageait de cette situation peu avantageuse. Du côté de sa meilleure amie, les choses n’étaient certainement pas aussi mauvaises ; elles avaient simplement des doigts nauséabonds. Peut-être qu’ils changeraient de couleur, mais elle était toujours mieux placée que la Serpentard, qui échangerait volontiers sa place avec elle. Alors qu’elle relâcha ses efforts, elle fut frappée par une douleur plus forte, les composants du savon lui piquaient la plaie et sans le vouloir, ses frottements brusques avaient de nouveau entraîné un petit flux de sang qui s’écoulait doucement jusqu’au lavabo. Durant un instant, elle eut l’espoir que le produit allait également suivre le courant de ces gouttes flamboyantes et qu’elle pourrait en finir avec cette horreur, mais la substance collait toujours à sa peau. Ce fut précisément à ce moment-là qu’Anoushka émit l’hypothèse qu’il ne s’agissait pas d’un désinfectant, en raison du fait que l’alcool qui le composait devait perdurer dans le temps. Louna n’y connaissait pas grand-chose en médecine, mais elle dut avouer que son amie n’avait peut-être pas tort. Bon nombre d’alcool se dégustait après des siècles de conservation, donc un désinfectant ne devait pas devenir aussi dégoûtant.

- Attends un peu…Je vais voir ça. Tu me fais peur, là, répondit-elle sur un air troublé.
Rien ne l’effrayait en principe, sauf dans ce genre de cas où elle ignorait totalement dans quel sens elle allait. Sans couper l’eau de son robinet, elle tendit la main vers le flacon fermé situé dans le lavabo voisin en prenant la précaution de ne pas toucher au liquide qui collait le bouchon à la paroi du prétendu « médicament ». Elle relut une nouvelle fois la date de péremption, puis chercha le nom du produit sur l’étiquette jaunie. Malheureusement, le titre avait été effacé avec l’usure et le temps, ne laissant apparaître qu’une toute petite description de l’objet : Traitement de la peau à base de pus de Bubobulb.
- Je ne sais pas ce que c’est exactement, mais il y a du pus de Bubobulb dedans ! annonça Louna avec stupéfaction. On étudie ça en quatrième année, et si mes souvenirs sont bons, quand le pus est dilué, ça peut faire un bon remède pour l’acné.
Bien des gens auraient besoin de ce type de produit pour faire fuir les boutons, pensa-t-elle en se moquant intérieurement de ces pauvres élèves qu’elle avait souvent vu en train de se promener avec le front en forme de calculatrice. Toutefois, bien qu’elle aurait pris du plaisir à rire de ceux qui étaient affectés par le phénomène intempestif de l’acné, aujourd’hui, elle dut rapidement chasser ces pensées amusantes pour revenir à une profonde réflexion. Le pus de Bubobulb dilué ne constituait en rien un danger, à la base. En revanche, s’il n’était pas dilué, le professeur de Botanique avait clairement dit que cela pouvait produire des effets étranges sur la peau comme des cloques douloureuses, par exemple.
- Nom d’un gnome, il a peut-être changé de consistance après toutes ces années et voilà le résultat !

Elle observa son bras qui subissait de plus en plus de tremblements, quand bien même elle l’avait de nouveau plongé dans l’eau. Le résultat en question était difficile à décrire, entre ces gros boutons qui apparaissaient, et cette plaie qui devenait de moins en moins jolie avec des espèces de croûtes bizarres qui venaient d’apparaître. En y réfléchissant encore un peu plus, il n’y avait sans doute pas que du pus de Bubobulb dans ce mélange, mais également peut-être d’autres produits que Louna ne connaissait pas et qui devaient tout aussi être suspects lorsqu’ils dépassaient la date de péremption. Et comme si cela ne l’inquiétait pas assez, Anoushka en rajouta une couche en lui disant qu’elle finirait peut-être à Ste-Mangouste pour que les médicomages puissent nettoyer son sang. Cette pensée abominable la plongea durant une seconde dans une scène illusoire dans laquelle elle était étendue sur un lit de malade, pendant que des petits engins magiques venaient s’occuper de cette pathologie. Les yeux écarquillés vers sa meilleure amie, elle en resta bouche bée, appréhendant avec horreur ce cas de figure. Elle l’entendit ajouter qu’elles devraient sans doute prévenir quelqu’un, les fermiers possédant sûrement un remède. Cependant, l’idée de devoir traverser la ferme avec cette infamie signifiait qu’elle attirerait l’attention des autres sur ce qu’il venait de lui arriver. Il était hors de question qu’elle ne devienne un phénomène de foire.
- J’irai pas à l’hôpital, et je n’irai pas demander de l’aide à ces fermiers, fit-elle avec fermeté, refusant décidément de mettre sa fierté de côté et d’accepter le soutien de quelqu’un d’autre. Non, il doit bien y avoir une solution ! Quant à mon bras, j’ai l’impression qu’il enfle un peu et qu’il devient tout chaud. Ca me gratte un peu, en fait.
Elle fut tentée de mettre fin à ces petites démangeaisons à l’aide son autre main, mais elle se ravisa en pensant qu’il n’était pas question d’empester ses doigts avec ce liquide fétide. Tout en continuant de tremper inutilement la zone touchée dans l’eau, elle entendit Anoushka s’approcher de la fenêtre et s’y percher avec une agilité qui lui était si fidèle à elle-même. Apparemment, ses doigts commençaient à picoter et Louna lui adressa une grimace compatissante. Alors qu’elle éteignit le lavabo, résignée à cesser ses actions inutiles, sa détermination prit le dessus sur ses nerfs bouleversées. Il ne fallait pas rester les bras croisés à ne rien faire et elle lança à sa meilleure amie :
- Ecoute, je crois avoir une idée. Peut-être que tous les produits ici ne sont pas si pourris que ça… On a qu’à fouiller et voir tout ce qu’il y a dans la pharmacie. On a qu’à faire un mélange de ce qui peut être utile et essayer d’appliquer ça sur notre peau ? De toute manière, ça ne peut pas être pire que ce truc-là, non ?
Louna et ses idées loufoques... Même Keagan refuserait de s'aventurer là-dedans.
Pourtant la jeune fille pensait sérieusement qu'avec un peu de perspicacité, elles pourraient sans doute aboutir à un résultat, quand bien même elles n'étaient pas des potionnistes accomplies.