Premier week-end à Pré-Au-Lard depuis la rentrée. Tous les élèves s'étaient rués sur l'occasion et arpentaient en long, en large et en travers les rues étroites du village. Les conversations allaient de bon train et les rires fusaient de partout. L'humeur était à la joie et à la décontraction, bien loin des premiers devoirs et des leçons commencées. Malgré cette fin d'été, le ciel était nuageux, probablement triste de voir les élèves savourer ces derniers instants de liberté.

"J'allais oublier, je dois acheter une nouvelle plume !" s'exclama Cassidy, tirant la Verte et Argent de ses pensées sur le temps.

Son amie lui attrapa le bras et la força à la suivre entre les petits groupes d'élèves. Lorsqu'elles passèrent devant Gaichiffon, désert, Bonnie s'arrêta nette. La Gryffondor se retourna, étonnée, et la questionna d'un regard inquiet. Ce n'était pas dans les habitudes de la rousse de faire du shopping vestimentaire, et elles ne le savaient que trop bien. Il fallait donner une explication sous peine de passer pour une folle, pour l'une de ses filles qui devenaient superficielles en l'espace de deux mois, le temps des vacances. Loin d'elle pourtant ce brusque changement de personnalité.

"Camelia a vu une robe dans Sorcière Hebdo, j'aimerai lui trouver et comme y'a personne pour une fois... J'l'ai acheté pour l'article sur le possible remaniement du Ministère, rien d'autre ! On se retrouve devant les Trois Balais, Oliver passera sûrement."

Elle baragouina quelque chose que la rouquine ne fut pas capable de comprendre, lâcha son bras et disparut dans la foule. Bonnie, quant à elle, s'avança d'un pas prudent vers la boutique et passa nerveusement la porte. La cloche tinta, ce qui la fit sursauter. La vendeuse était occupée avec une cliente ce qui rassura la jeune fille n'ayant pas envie de se faire harceler de question sur les raisons de sa présence ici.

Aussi, elle commença à passer de rayon en rayon à la recherche de la robe tant voulu par sa soeur. Un autre portant et voilà l'objet de ses recherches qui paraissait n'attendre qu'elle. Elle s'en approcha et posa la main dessus alors qu'une autre personne faisait exactement la même chose de l'autre côté du vêtement. Génial, il ne manquait plus que ça...

[HJ: Désolée, c'est très court et très nul. T-T]

Manque de chance, ce n'était pas une erreur. La fille de l'autre côté, qu'un regard lui permit de reconnaître comme était l'une de ses camarades de maison, n'avait pas attrapé cette robe par hasard... Dommage... Bonnie ne put s'empêcher de se demander d'où elle sortait. Elle ne l'avait pas vu lorsqu'elle était entrée quelques minutes plus tôt et la clochette n'avait pas tinté désagréablement depuis son arrivée... Elle n'eut pas le temps de se questionner davantage sur la question que la voix de la Serpentard résonna dans la boutique.

" Excuse-moi? C'est embêtant, je suis certaine d'avoir vu cette robe la première. "

Camelia ne savait pas qu'elle était ici, ni même qu'elle avait eu à l'idée de lui offrir cette robe, lorsqu'elle la lui avait montré dans le magazine, la rouquine s'était contenté de hausser négligemment les épaules avec un désintérêt total et de se replonger dans le mensuel de la métamorphose sans poser un regard de plus sur l'objet des envies de sa soeur. Aussi si elle ne l'avait pas, ça n'aurait rien d'étonnant et elle ne lui en voudrait certainement pas. Elle se dirait probablement qu'elle n'avait pas eu envie de rentrer dans un magasin de vêtements comme ça avait toujours été le cas et elle passerait à autre chose, probablement aux éditions de la Gazette qu'elle aurait ramené avec elle de Poudlard. L'histoire s'arrêterait là et il n'y aurait ni perte ni fracas...

Ce fut donc après cette déduction que la Serpentard s'était convaincue de laisser la robe entre les mains de sa camarade et de retourner à Scribenpenne pour retrouver Cassidy, qui ne s'étonnerait probablement pas de la voir revenir si tôt tant Gaichiffon n'était pas connu pour être son endroit de prédilection. Elle n'avait pas la moindre envie d'attirer des histoires pour quelque chose d'aussi futile et dont sa soeur pourrait se passer sans problème. Ce n'était pas la première fois qu'elle remarquait un truc qu'elle n'aurait jamais... Sauf qu'avant qu'elle n'ait eu le temps de lâcher le tissus, de présenter ses excuses et de disparaître au pas de course jusqu'à une boutique bien plus accueillante à son goût, la voix de l'autre fille se manifesta de nouveau.

" Si tu veux, on peut s'arranger. J'ai de l'argent sur moi. "

Bonnie, choquée, releva brusquement les yeux, resserrant instinctivement les doigts sur le pauvre vêtement. Pour quoi la prenait-elle ? Que la majorité des élèves ait fini par la voir comme lâche, peureuse et asociale, d'accord, après tout elle était bien placée pour savoir qu'ils n'avaient pas tort, mais pour le coup, ça allait un peu trop loin ! Elle n'avait pas la moindre envie de se faire acheter de la sorte, aussi elle dut prendre sur elle pour résister, et rester là à tenir ce bout de tissus sans intérêt... Et dire qu'elle avait été à deux doigts de partir sans broncher, mais non, il avait fallu qu'elle trouve intelligent de rajouter ça... Ca ne les arrangeait ni l'un ni l'autre. C'était bien triste. Elle dut renoncer à son envie de quitter au plus vite cette boutique pour l'autre sans savoir à quoi qu'elle s'exposait réellement en agissant ainsi.

"Je ne crois pas, non."

Cette réaction ne lui ressemblait pas, n'importe qui pouvait se douter qu'elle était prête à laisser tout et n'importe quoi à n'importe qui pour un peu que ça lui permette d'avoir la paix mais pour une fois, elle était bien déterminée à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Elle n'était pas vénale, ni corruptible à ce point. Tant pis pour Scribenpenne et pour Cassidy et Oliver qui l'attendraient certainement un moment, il était tout simplement hors de question qu'elle lâche, ou du moins pas si rapidement... C'était horrible à quel point cela pouvait faire penser à toutes ces idiotes superficielles qui se tapaient à moitié dessus pendant les soldes mais c'était plus qu'une histoire de robe pour le coup, ou ça l'était pour elle en tout cas...

"Tu peux lâcher ça, s'il te plait ?"

" Oh, je suis absolument navrée. Je viens d'imaginer l'éventualité selon laquelle tu refusais mon offre. Mais j'ai certainement mal compris, autant pour moi. Parce que dans l'infime probabilité selon laquelle j'aurais bien entendu, ce serait TRES ennuyeux. "

Il fallait se rendre à l'évidence, ce qu'elle faisait là n'avait pas le moindre sens. Voilà bientôt cinq ans qu'elle faisait son possible pour se faire oublier de l'école toute entière, et en quelques secondes à peine, des années de réussite parfaite sur ce point venait de partir en fumée, pour une simple question de fierté qu'elle avait toujours oublié jusque là... C'était une réaction stupide, qui ne lui ressemblait pas le moins du monde mais qui ravirait probablement ses proches s'ils ne venaient qu'à l'apprendre... Cette pensée parut redonner à Bonnie un semblant de courage qui ne lui avait jamais appartenu si bien qu'elle se ressaisit et refusait encore de lâcher le pauvre vêtement.

Maintenant, restait encore à savoir s'ils pourraient l'apprendre un jour. Qui savait comment pouvait réagir cette fille ? L'idée que ce soit la dernière chose qu'elle puisse faire de son inintéressante et courte vie ne mit pas longtemps à lui traverser l'esprit. Mourir pour une robe, c'était une fin ridicule, bien plus ridicule en tout cas que toutes celles qu'elle s'était imaginée depuis son arrivée à Poudlard ou tout lui avait semblé si bizarre et si dangereux qu'elle avait fini par craindre de croiser sa dernière heure à chaque bout de couloir... Mais voilà maintenait qu'elle se mettait à la chercher, presque à la narguer comme si les risques n'étaient pas assez présents tout le temps et partout et qu'il fallait en plus les taquiner... Son inconscience finissait par lui faire peur mais contre toute attente, elle refusait toujours de capituler...

En plus, sa camarade ne venait-elle pas implicitement de lui faire remarquer la menace qui planait au dessus de sa tête et qu'elle faisait se rapprocher un peu plus à chaque seconde qu'elle passait avec le tissus en main ? Comment interpréter son "ce serait très ennuyeux" autrement ? Sans savoir vraiment pourquoi, elle se mit à espérer que quelqu'un passe la porte de cette boutique, quelqu'un qu'elle connaissait et qu'elle pourrait prendre comme une aide, un soutiens... Manque de chance, des gens comme ça au château, il n'y en avait pas beaucoup et encore moins qui puisse traîner dans ce genre de magasin. Quelle idée, aussi, de rentrer ici, alors qu'elle n'y avait quasiment jamais mis les pieds et en tout cas jamais seule ? A croire qu'elle aimait chercher les ennuis, tout du moins aujourd'hui...

" Je regrette amèrement, je ne vois aucune raison de le faire. Mais dois-je considérer ceci comme un défi? "

Un défi ? Quel défi ? C'était tout bonnement stupide ! Comme si elle avait eu l'intention de défier qui que ce soit sur quelque plan que ce soit... Elle était bien incapable de cela, tout le monde le savait bien. Et puis, quand bien même aurait-elle eu l'inconscience d'y penser sérieusement, elle aurait certainement fini par retrouver la raison, elle n'était pas de taille à lutter... Les choses ne paraissaient pas aller en s'arrangeant mais même avec toute la bonne volonté du monde, la rouquine ne pouvait pas lâcher cette pauvre robe et prendre la fuite comme elle l'aurait tant espéré. Ses doigts étaient comme accrochés à la robe, sans pouvoir la lâcher. Au fond, peut-être était-ce un moyen de ce qui pouvait y avoir de courage ou d'inconscience en elle de lui faire continuer le 'combat' qui s'était engagé ? Elle ne voyait malheureusement pas d'autre explication.

Être ainsi poussée au suicide par son propre esprit n'avait jamais fait partie des morts possibles et envisageables, peut-être devrait-elle donc songé à la rajouter ? Alors que tout en elle ne souhaitait que fuir, elle se sentait plus déterminée que jamais à ne pas se laisser faire. Une contradiction désagréable qui n'avait jamais été habituelle chez elle et qui commençait doucement à la faire paniquer. Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi ici, qui n'était pas du tout son milieu naturel ? Pourquoi maintenant, alors qu'elle était toute seule ? Autant de questions qui n'auraient pas la moindre réponse car ça ne lui semblait être qu'une succession de malheureux hasards, un coup du sort qui n'avait visiblement jamais été son ami mais en lequel elle continuait de croire malgré tout...

" Si je puis me permettre, le vert émeraude siérait beaucoup mieux à ton teint. Cette couleur en revanche ne mettrait pas beaucoup tes cheveux en valeur. Enfin, c'est une question de point de vue. "

Une nouvelle tentative désespérément ratée. De toute façon, la couleur du pauvre vêtement était tout simplement affreuse mais puisque ce n'était pas pour elle, ça ne la regardait en rien. Bonnie ne se séparait que très rarement de son uniforme, même durant les vacances et les week-ends, y voyant un gain de temps spectaculaire le matin et une absence certaine de faute de goût puisqu'elle n'avait jamais été douée dans ce domaine de filles qu'était la mode, si bien qu'il était assez évident pour quiconque la croisait parfois qu'elle n'avait absolument pas l'intention de porter ce truc... Et puis, même si on admettait qu'elle puisse en avoir eu envie l'espace d'un instant, ça n'aurait certainement pas été la remarque de son interlocutrice qui l'aurait fait changer d'avis. Elle n'était peut-être pas d'un courage exemplaire mais elle n'était pas non plus idiote... Bien que ses propos soient vrais, le sourire amical dont s'étaient fendues ses lèvres ne la trompait pas.

Maintenant, il fallait espérer qu'elle finirait par se lasser. Cette bataille lui semblait aussi futile qu'inutile mais pourtant, elle restait là, à attendre que son adversaire finisse par lâcher avant elle. Ce qui ne risquait sûrement pas d'arriver, elle le savait bien. Combien de temps cela durerait-il encore ? Elle n'en avait pas la moindre idée mais elle espérait que ce soit suffisamment rapide pour qu'elle puisse retrouver ses amis et oublier toute cette histoire avec, néanmoins, la satisfaction du devoir accompli et un cadeau à ramener à Camelia... Tout cela restait bien entendu utopique mais rien n'était encore perdu, sauf peut-être l'espoir que tout se passe rapidement et sans le moindre problème...

" Dis moi... est-ce que par hasard tu ne serais pas la "fille aux livres"? "

Sa question ne put que la surprendre. Elle n'en savait rien, bien qu'elle supposait qu'il s'agissait bien d'elle. Personne ne l'avait encore jamais appelée ainsi en sa présence, si bien qu'il pouvait y avoir un malentendu mais, à Serpentard, rares étaient les bouquins aux manigances et autres bêtises en tout genre... Au fond, il ne pouvait pas y avoir trop de doutes sur la question. Qu'elle soit ou non ce que sa camarade pensait qu'elle était changeait-il quelque chose dans la lutte qui s'était lancé autour de cette robe ? Probablement pas. Alors que venait faire sa possible identité dans cette histoire ? La rousse n'y comprenait plus grand chose mais refusait de lui faire le plaisir de laisser ses doigts se relâcher sous l'hésitation... Il était hors de question de se faire avoir aussi facilement et après tant d'efforts pour rester là, sans ciller, sans broncher et surtout sans fuir...

"Si... Probablement..."

Bon, d'accord, ce n'était pas vraiment la meilleure réponse qu'on puisse attendre mais elle n'avait finalement aucune certitude sur rien concernant cette nouvelle appellation, peut-être s'agissait-il tout bêtement d'une autre habituée de la bibliothèque, comme Astride ? Ce n'était pas vraiment réaliste mais pas totalement impossible... Mais toujours est-il que ça n'arrangeait pas les choses autour du vêtement. Malheureusement...

" Isis. On a déjà du se croiser. Tu es à Serpentard aussi, non? "

Bonnie se contenta de hocher discrètement la tête. Si elle était capable de l'affubler d'un nouveau surnom, c'est qu'elle la connaissait suffisamment pour savoir dans quelle maison elle était. La question était particulièrement inutile. Peut-être lui demanderait-elle, comme Cooper l'avait fait, ce qu'elle y faisait, comment elle avait atterri là-bas ? Ça ne semblait pas être le genre de la maison mais pour lui faire prendre patience ou lui donner envie de fuir, peut-être que toutes les techniques seraient bonnes à prendre ? Ça ne changerait pas grand chose de toute façon. Elle s'y attendait et ce n'était pas la première fois qu'elle y aurait le droit... Encore, peut-être se faisait-elle simplement des films, peut-être que son imagination n'avait toujours pas décidé de la laisser tranquille ? Qu'Isis choisirait des méthodes bien plus douteuses et douloureuses pour la faire prendre la fuite...

Cette idée la fit frissonner alors que sa main se resserrait encore davantage sur la robe. Quel sortilège avait-elle reçu dans la nuit pour changer à ce point ? Ce n'était pas comme si sa fierté existait encore ou qu'elle avait un honneur à sauver... Etait-elle réellement à une sale réputation de plus ? Elle n'était pas la plus à plaindre mais elle était bien consciente que l'image que ses camarades avaient d'elle n'était pas géniale... Asociale, invisible, lâche, peureuse, muette... Peut-être même folle vu le magnifique portrait qu'elle venait de faire...? Rajouter vénale et corruptible à cette liste de qualités merveilleuses lui était-il vraiment insupportable ? Il fallait reconnaître que non... Le choc que sa proposition lui avait fait l'avait fait agir sur un coup de tête, sans réfléchir, et maintenant elle se voyait mal tout abandonner...

Maintenant, sa camarade irait sûrement rapporter à qui voulait l'entendre cet incident et on imaginerait sans mal qu'elle n'avait fait que cacher son jeu toutes ses années... Qu'elle jouait un rôle stupide pour qu'on ne se méfie pas d'elle. Ce qui était totalement faux mais elle n'aurait aucun moyen de le prouver... La rousse devrait alors faire face à des regards bien plus désagréables encore. Tout ça pour une robe qu'elle trouvait particulièrement laide... Que lui avait-il pris d'entrer dans cette boutique, d'avoir envie d'acheter un vêtement, d'écouter sa soeur quand elle parlait prêt-à-porter ? Voilà qu'elle allait devoir passer deux années interminables et effrayantes pour une histoire de vêtements puérile... Oliver le lui reprocherait certainement... Quant à son père... Peut-être qu'il refuserait qu'elle remette les pieds à Poudlard et elle n'aurait jamais ses ASPICs... Cette idée était encore plus effrayante que toutes les tortures du monde...

" Tu sais, il y a beaucoup, beaucoup d'autres robes. Pourquoi est-ce que tu ne vas pas en chercher une autre? Je suis certaine qu'elles t'iront bien mieux. "

Bonnie soupira. Cette fille ne comprenait décidément rien. Elle n'avait toujours pas l'intention de la porter, cette robe. Elle la trouvait toujours aussi moche. Elle n'était toujours pas prête à lâcher son uniforme pour ça... Peut-être qu'en lui disant, elle comprendrait d'elle-même, verrait la bonté de son geste et déciderait de lui céder cette affreuse robe ? L'idée paraissait intéressante... Presque réaliste. Presque... En y réfléchissant de plus près, c'était plus probable qu'elle ricane et qu'elle lui dise que c'était une raison de plus ou lui laisser, que sa frangine n'en saurait rien ou qu'elle aimerait autant l'une des nombreuses autres robes... Oui, sûrement... Elle n'aurait d'ailleurs pas tort mais elle n'avait pas la moindre envie de perdre son temps à chercher une autre robe hideuse, celle-là était suffisamment laide comme ça.

"Vas-y, toi." lâcha t-elle en fixant le tissus entre ses doigts. "Les autres ne... Elles ne m'intéressent pas."

La confiance qu'elle avait pu ressentir l'espace d'un instant n'avait cessé de se faire la belle jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien... La Serpentard regrettait amèrement de s'être lancée dans une telle histoire alors qu'elle n'en avait strictement pas besoin... Elle ne savait pas combien de temps durerait ce combat vestimentaire, ni même si Cassidy aurait l'idée de venir la chercher ici... Elle penserait sûrement qu'elle avait repris le chemin du château en compagnie d'un professeur qui passait par là ou quelque chose dans le genre sans imaginer un seul instant qu'elle pourrait être coincée dans cette horrible boutique, avec cette fille bizarre à se battre pour un morceau de tissus qui ne lui plaisait même pas...

"S'il te plait..."

La lassitude et l'inquiétude avaient fini par remplacer le courage et la fierté... Que cela cesse au plus vite, c'était tout ce qu'elle pouvait espérer désormais...

" Est-ce que tu as une couleur préférée? "

Bonnie releva brusquement la tête à cette question sans jamais desserrer son emprise sur le tissus innocent. La surprise avait été violente. Qu'est-ce que cela pouvait changer, qu'elle ait une couleur préférée ou non ? Elle ne répondit rien, se contentant de réfléchir tant bien que mal. Elle ne s'était jamais elle-même posé la question et n'avait jamais eu à le faire avant. C'était superficiel, trop pour qu'elle s'y intéresse réellement. Toutes les couleurs étaient jolies et en préférer une revenait à donner moins d'importance aux autres qui n'en étaient pourtant pas moins dignes. Ça ne servait à rien sauf à instaurer une hiérarchie dans ce qui n'avait pas besoin d'en avoir. Allez expliquer ça à cette fille dont elle ne savait rien et qui se servirait sûrement de sa réponse pour l'envoyer voir une autre robe, de la couleur qu'elle lui aurait désigné faute de mieux comme sa préférée...

Oui ! C'était ça ! C'était une feinte pour lui faire comprendre qu'il y avait mille et une autres robes, d'autres couleurs, comme elle avait tenté de le faire en lui disant clairement que cette couleur-là n'irait absolument pas avec ses cheveux. Ne rien lui répondre reviendrait à avouer qu'elle n'en avait pas, ce qui n'arrangerait pas la situation et lui mentir en disant que c'était justement celle du tissus de la robe en question serait rapidement démasqué, la coïncidence était bien trop immense pour cela. Quoi qu'elle puisse dire, ou non d'ailleurs, Isis le tournerait à son avantage, en lui prouvant par A + B qu'il n'y avait qu'elle pour avoir cette robe, qu'elle lui était destinée, que c'était le destin qui l'avait mise sur sa route et qu'elle n'y pouvait rien... Elle la voyait étrangement comme le genre de filles à aller en Divination par passion et conviction... Elle n'y avait été simplement que parce que sa mère voyait là quelque chose qu'elle était capable de comprendre dans son programme et qu'elle n'avait pas eu le coeur à refuser.

"Ça n'a aucune importance."

Cela revenait clairement à dire qu'elle n'en avait pas mais peut-être que sa camarade serait trop outrée qu'elle puisse lui répondre ainsi pour penser à rebondir là-dessus. Il fallait l'espérer en tout cas puisque c'était la seule tactique que la rousse avait trouvé pour se débarrasser de cette question qui la pousserait à perdre cette bataille futile. Aussi inutile que soit ce combat, elle ne pouvait plus l'abandonner maintenant alors qu'elle avait fait tant d'efforts pour tenir tête à la Serpentard. Elle s'en voulait affreusement de ne pas être partie quand elle en avait l'occasion mais c'était trop tard... Ça aurait été tellement plus simple de baisser la tête et de se contenter de faire ce qu'elle avait toujours si bien fait : prendre la fuite pour éviter ce genre de situation. Quel était l'intérêt de repartir victorieuse avec cette robe immonde si c'était pour avoir des ennuis à l'arrivée ? Camelia serait sûrement ravie de recevoir sa robe par hibou en apprenant la mort mystérieuse et tragique de sa soeur... Son manque d'intelligence commençait sérieusement à lui faire peur. Tout ça pour un vêtement aperçu dans un magazine et qu'elle mettrait certainement jamais !

" Tu les collectionnes aussi? "

Si son but était de la vaincre par la surprise, elle allait certainement y arriver si elle continuait ainsi. De quoi parlait-elle ? Avait-elle réellement l'air d'une collectionneuse d'elle ne savait trop quoi ? Elle prenait soin d'emporter avec elle qu'un minimum d'affaires chaque année si bien qu'il était difficile de voir en elle autre chose qu'une intello désespérante, ce à quoi elle s'accommodait très bien ! Voilà maintenant qu'en plus de la penser vénale et corruptible, elle semblait espérer qu'elle soit comme elle. Parce que c'était ça, non ? Elle se sentait moins seule, elle était contente d'avoir une camarade qui collectionnait elle ne savait toujours pas quoi. Cependant, Bonnie se voyait mal dire que oui, peut-être aurait-elle gain de cause mais elle risquait d'être vite découverte lorsqu'il s'agirait de discuter collections. Surtout si ça avait un quelconque rapport avec la robe qu'elles tenaient toutes deux. Elle ne s'y connaissait strictement pas en vêtements et serait incapable de tenir une conversation sur le sujet, bien trop inintéressant à son goût...

"Je ne collectionne rien."

Elle risquait de la décevoir et d'un même mouvement, d'attiser chez elle l'envie de lui faire comprendre qu'elle n'appréciait pas. Comment ? Elle ne le savait pas et ne préférait même pas y penser tant cela semblait inquiétant. Le résultat serait forcément douloureux. Elle s'était toujours imaginé les Serpentards exceptionnellement doués dans tout ce qui était torture, meurtre et autres démembrements, peut-être à cause des rumeurs qui couraient à leur sujet, dont Cassidy était particulièrement friande et que certains livres ne se gênaient pas pour rapporter. Elle n'avait cependant eu jamais le moindre problème même si le fait qu'elle ne soit pas issue d'une longue et interminable famille de sorciers n'était pas bien perçu par la totalité de ses camarades de maison. Elle faisait son possible pour se faire oublier, histoire de ne pas prendre de risques inutiles et jusque là, ça avait porté ses fruits. Elle s'était alors imaginé sans mal qu'elle continuerait ainsi jusqu'à la fin de sa scolarité et qu'elle s'en sortirait certes sans nombre d'amis mais au moins sans accident grave à son actif.

" Je... je suis navrée. Je ne peux pas. "

La rousse était-elle en train de rêver ou la fille sûre d'elle qui n'avait pas hésité à lui affirmer que c'était sa robe était prise de doutes ? Elle n'avait jamais espéré tant mais ne put néanmoins pas s'engouffrer dans la brèche. Obtenir ce qu'elle voulait des gens en abusant de leur gentillesse ne faisait pas partie de ses principes. Malheureusement d'ailleurs puisqu'elles semblaient prises dans une impasse. Si aucune des deux ne voulaient céder, la seule manière qu'elles puissent en finir rapidement serait qu'il y ait deux robes identiques... Sauf qu'à regarder les portants à sa vue, il n'y en avait qu'une seule... C'était fichu, elles seraient là encore au dîner... A moins que... Après tout c'était une sorcière, non ? Et elle avait lu quelque chose dans un livre... Traîner dans la bibliothèque en permanence avait ses avantages ! Bonnie tira sa baguette de sa poche de sa main de libre, il fallait tenter... Au pire, ce serait retour à la case départ...

PAIR; Le sortilège de Gemino fonctionne correctement et elles se retrouvent avec deux robes parfaitement identiques. Être un rat de bibliothèque ne cesserait donc jamais de lui servir ? Et puis, elle n'était pas peu fière d'avoir réussi un sortilège qu'elle n'avait même pas encore appris en classe. Peut-être devrait-elle en parler à son professeur ? Il serait sûrement ravi de son niveau.

IMPAIR; La situation est définitivement bloquée. Que ce soit parce que les vêtements étaient protégés de toute magie ou parce qu'elle était idiote au point de ne pas savoir faire un simple sort, le résultat était là. Ou plutôt l'absence de résultat... Que faire maintenant ? La rouquine n'en avait pas la moindre idée... Peut-être serait-il temps de renoncer si elle tenait vraiment à rentrer à Poudlard avant la tombée de la nuit ?

Le membre 'Bonnie B. Brawne' a effectué l'action suivante : Le Hasard

'Le Hasard' : 4

" Au contraire! Ca a toute son importance! "

Bonnie n'était franchement pas convaincue. Elle ne voyait absolument pas ce que ça pourrait changer pour sa camarade ou pour la situation qu'elle aime le bleu, le rouge ou le vert. Isis ne changerait certainement pas de comportement pour cela. Qu'elle lui dise qu'elle aimait le rose ne la convaincrait pas de lui laisser cette satanée robe. Elle n'aimait de toute façon pas le rose, pas plus qu'elle aimait les autres couleurs. Sa question n'avait absolument aucun sens, tout comme son obstination d'ailleurs. Une couleur préférée, pour un peu qu'on en ait une, ne disait rien sur personne. C'était totalement subjectif et on pouvait changer d'avis comme de chemise tout au long de sa vie sans que ça puisse avoir le moindre impact sur celle-ci. Si encore elle s'était attaquée à quelque chose de plus profond qu'une couleur, comme une matière scolaire, un film, un livre ou elle ne savait trop quoi d'autre, on pouvait imaginer sans trop de mal qu'elle parvenait à en tirer une sorte de conclusion hâtive de la personnalité de son interlocuteur et ainsi les classer dans des cases spécifiques. Par exemple, si elle en était venue à dire qu'elle aimait l'étude des moldus plus qu'autre chose, on pouvait en déduire qu'elle n'était pas très travailleuse puisque venant d'une famille moldue, elle avait des bases solides que certains 'Sangs-Purs' ne pouvaient pas avoir, au même titre qu'on l'aurait pensé d'une naïveté extrême si elle avait reconnu être plus à l'aise en Divination que partout ailleurs... Mais là... Si elle lui disait qu'elle aimait le bleu, passerait-elle plus pour un garçon manqué que si elle aimait le jaune ? C'était insensé et basé sur des clichés ridicules.

Elle n'avait rien contre cette fille qu'elle n'avait jamais osé approcher et qui n'avait jamais pris la peine de le faire à sa place mais elle lui paraissait un peu idiote, comme toutes ses filles qui gloussaient sans cesse pour un oui ou pour un non et qui arrivaient tout de même à être populaire par un malheureux hasard... Ce n'était peut-être pas plus mal qu'elles n'aient jamais eu à se côtoyer avant cela. Elle n'avait jamais porté grand nombre de Serpentard dans son coeur mais si en plus de les imaginer cruels et tortionnaires, elle s'était mise en tête qu'ils étaient stupides et dénués d'intérêt, elle n'aurait probablement jamais remis les pieds à Poudlard. La rousse ne prit pas la peine de répondre. Pour dire quoi ? Elle venait de déclarer qu'elle n'y voyait pas la moindre importance, se répéter serait inutile à en croire l'étrange amour que cette fille portait à sa question enfantine. C'était dommage. Elle ne semblait pas bien méchante en fin de compte mais d'une bêtise effrayante. A elle toute seule, elle était un exemple merveilleux du "Sois belle et tais-toi" ou du moins le laissait-elle clairement penser. Avait-elle véritablement un petit pois à la place de la cervelle ou se contentait-elle de le faire croire à tout le monde ? La jeune fille penchait plus volontiers pour la première option. C'était bien triste d'ailleurs puisqu'il ne semblait pas y avoir grand monde pour relever le niveau intellectuel de la maison... Cooper s'y était heureusement mis et allait peut-être même fini par élire domicile à la Bibliothèque mais il quitterait l'école à la fin de l'année et elle se retrouverait de nouveau toute seule à porter du vert entre les allées... Ça ferait un grand vide... Elle chassa rapidement cette idée de sa tête, elle avait très bien vécu avec pendant cinq ans, elle le ferait tout aussi bien après.

" Vraiment? Il n'y a pas de mal à ça, tu sais. "

Bien entendu, elle aurait pu couper court à cette discussion en avouant qu'elle collectionnait les O et les félicitations de ses professeurs mais ce n'était certainement pas là où voulait en venir Isis. Ce n'était même pas certain qu'elle puisse savoir à quoi cela ressemblait. Sauf si elle était aussi douée en classe qu'elle semblait cruche, ce qui lui laissait facilement envisager qu'elle allait avoir une véritable concurrente dans sa course aux bulletins parfaits. C'était utopique, elle le savait bien. Plus les secondes passaient, plus l'envie de retrouver sa table et ses bouquins se faisait sentir. Il fallait retrouver le sens normal de sa vie, c'est à dire n'adresser la parole à personne et disparaître derrière un livre comme elle l'avait toujours fait. Et si à l'avenir elle évitait d'adresser la parole à sa pauvre camarade, ça ne serait pas par timidité mais par crainte d'avoir à lui expliquer quelque chose. Enfin... Si elle y parvenait avec le jeune homme, elle pourrait sûrement le faire avec elle mais ce n'était pas la même chose. Elle prenait un certain plaisir à aider Cooper, c'était même gratifiant. Cela ne lui ressemblait pas de porter un quelconque jugement sur les gens qui l'entouraient, bien trop consciente du mal que cela pouvait faire lorsqu'on l'apprenait mais c'était bien trop lui demander que de rester neutre sur ce coup. Elle lui avait tout d'abord paru étonnée qu'on puisse passer son temps à lire et étudier si bien qu'elle l'avait affublée d'un nouveau surnom qui donnait l'impression qu'il y avait si peu de personne capable de bouquiner à Serpentard qu'on ne remarquait qu'elle et puis elle s'était enfoncée dans ce rôle de midinette sans cervelle en s'intéressant à des sujets digne d'une enfant... On le lui pardonnerait certainement puisqu'elle avait de quoi s'interroger et même se forger une opinion sur la question...

" C'est génial! C'est un sort qu'on apprend en cinquième année? "

Depuis quand fallait-il attendre d'avoir atteint une certaine année pour apprendre quelque chose ? Bonnie ne s'étonna malheureusement pas beaucoup de cet état d'esprit mais se retrouva à sourire avec discrétion et satisfaction. Rares étaient ses camarades qui prenaient la peine de s'intéresser à ses "exploits", bien souvent parce qu'elle préférait rester bien à l'écart du monde pour s'entraîner et étudier c'était vrai, mais là elle avait presque le sentiment d'avoir accompli quelque chose d'extraordinaire alors qu'il ne s'agissait que d'un vulgaire sortilège qu'elle avait déjà fait plusieurs fois. Enfin, si les hypothèses qu'elle avait pu émettre au sujet d'Isis étaient vraies, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle s'extasie devant si peu. Pour une fois, elle n'allait certainement pas s'en plaindre bien qu'elle ne soit pas spécialement à l'aise en étant ainsi le centre d'une attention bienveillante.

"Non, en sixième d'après le programme officiel."

Une pointe de fierté s'était fait sentir dans sa voix. Et oui, à passer sa vie à apprendre tout et n'importe quoi, elle finissait par avoir un niveau quelque peu supérieur à celui qu'elle devrait avoir bien qu'au fond, son avance scolaire était largement effacée par un retard sociale des plus imposants et qu'elle traînait derrière elle depuis toujours sans jamais avoir pris la peine d'y remédier, bien plus sûre d'elle lorsqu'il s'agissait d'étudier.

" Dis... ce double... c'est pas comme avec l'or de farfadet, rassure-moi? Ca ne va pas disparaître au bout de quelques instants? "

La rousse ne put s'empêcher d'ouvrir de grands yeux surpris. Où avait-elle été chercher ça ? La prenait-elle pour une idiote au point de ne pas réussir ce sort ? Sûre d'elle et de la réussite de l'enchantement, elle lui tendit la robe d'origine, sans se défaire de cette ombre de sourire qui planait sur son visage. Pour une fois qu'elle s'embarquait dans une histoire pareille, à tenir tête à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, il fallait en plus qu'elle parvienne elle-même à dénouer la situation et ce avec brio. C'était tout simplement extraordinaire et elle ne pouvait qu'avoir hâte de raconter ça à son père, Oliver et Cassidy, tout en promettant bien entendu de ne pas s'y réessayer.

"Rassurée ?"

" T'es douée. C'est dans les livres que t'apprends ça? "

Bonnie ne s'était jamais vue comme douée. Bien sûr elle n'avait jamais eu le moindre problème durant sa scolarité, étudiait avec plaisir et savait des choses que la plupart des élèves de son année ignoraient mais c'était tellement normal à ses yeux qu'elle ne se considérait pas plus douée que ses camarades pour autant. Certains excellaient dans des domaines auxquels elle ne prêtait même pas attention, tel que le Quidditch ou la musique, ce qui équilibrait merveilleusement bien la donne. Elle n'avait jamais eu l'impression d'être supérieure à qui que ce soit en quoi que ce soit. Presque au contraire, ils étaient tous si à l'aise entre eux qu'elle devenait même la plu mal en point de l'école, bien incapable de se comporter comme tout le monde dans une situation on ne peut plus banal. Elle avait des facilités en cours, mais finalement, c'était la moindre des choses...

Quant à sa question... La rousse resta interdite un moment. Où d'autre pouvait-elle apprendre des sortilèges qui n'étaient au programme ? Elle s'imaginait tout de même pas qu'elle suivait en plus des siens les cours des années supérieures, tout ça en même temps et sans éveiller les soupçons de qui que ce soit ? Elle ne connaissait personne de leur génération à avoir fait ça et de toutes ses lectures, elle n'avait pas vu une seule personne au monde qui l'avait fait, et ce n'était pas elle qui allait commencer, lancer la mode et compagnie. Elle n'était pas non plus née avec la connaissance parfaite de tout un tas de sortilèges, elle n'était d'ailleurs pas née avec la connaissance de l'existence des sortilèges tout court... Il n'y avait donc pas beaucoup d'autres moyens de connaître des choses qu'on ne lui apprenait pas.

"Oui."

Elle n'était pas certaine d'avoir envie de se lancer dans des explications interminables sur les raisons qui la poussaient à se plonger dans ses études à corps perdu alors que la plupart de ses camarades de maison s'en fichaient éperdument. A ses yeux, le véritable problème n'était pas son amour de l'apprentissage mais l'indifférence que cela provoquait chez le Tout-Serpentard. Comment pouvaient-ils espérer, tous autant qu'ils étaient, obtenir leurs ASPICs ? Avoir un avenir digne de ce nom ? C'était tout simplement insensé... Peut-être étaient-ils tous issus de famille immensément riches mais cela n'avait pas la moindre importance enfin de compte, à quoi bon venir en cours si ce n'était pas pour espérer obtenir un travail intéressant à la fin ?

Bien entendu, elle ne s'était jamais penchée sur la question puisqu'elle n'était pas certaine d'avoir envie de rester en contact avec le monde magique mais elle savait pertinemment qu'elle terminerait sa scolarité secondaire moldue qu'elle avait eu la chance de commencer réellement contrairement à la plupart des autres étudiants... Après... L'avenir la pousserait sur un chemin qu'elle ne connaissait pas encore et elle s'y ferait sans broncher. Il fallait toujours se plier à ce que voulait le destin. Enfin, c'était en tout cas ce que lui avait toujours dit sa mère. C'était un peu triste de ne pas vraiment chercher à savoir ce que serait sa vie plus tard... Peut-être serait-elle historienne ? Ou bien professeur ? Non, c'était peu probable, autant d'yeux fixés sur elle... Rien que d'y penser, elle en avait la nausée. Mère au foyer, gérant tant bien que mal une famille nombreuse ? Probablement pas... Avec qui pourrait-elle fonder cette famille de toute façon ? Les seuls garçons qu'elle côtoyait étaient Cooper et Oliver, et dans les deux cas, cela lui semblait bien improbable.

" Euh... merci alors! "

Bonnie lui adressa un sourire timide et discret, pourtant contente de voir qu'elle était parvenue à se tirer d'affaires sans soucis et plus encore qu'elle ne s'était pas attirée les foudres de sa camarade, bien au contraire. Celle-ci semblait même plutôt ravie de cette entrevue, de la conclusion de leur problème... Pourquoi ? Elle n'en avait pas la moindre idée, elle lui avait tenu tête alors qu'elle n'aurait jamais dû le faire, Isis aurait dû la détester, lui promettre une vie affreuse jusqu'à ce qu'elle quitte Poudlard... A côté de ça, elle paraissait intéressée par ses connaissances, presque admirative. C'était une sensation étrange, elle n'avait jamais pensé qu'être une intello asociale et peureuse aurait pu lui attirer la "sympathie" d'une fille comme elle... Elle n'aurait jamais changé pour autant, bien entendu, mais elle s'était fait à l'idée.

« C’est tout de même étrange, que tu sois à Serpentard. »

La Serpentard sursauta, serrant brusquement la robe contre elle comme si elle pouvait la protéger. Elle avait déjà entendu ça plusieurs fois et elle s'était elle-même fait la remarque bien plus de fois qu'elle pourrait jamais le retenir mais voilà qu'elle l'entendait de la bouche d'une fille qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Pourquoi les gens remarquaient-ils ce genre de détails en premier ? Elle était intelligente donc elle devait être à Serdaigle ? Astride n'y était pas, elle, et pourtant elle n'avait jamais entendu dire qu'on lui faisait ce genre de remarques ! Ce n'était pas très juste...

"Je sais..."

" Tu cherches quelque chose en particulier, quand tu lis? "

La question d'Isis la surprit. Ne lisait-elle donc jamais ? Bonnie ne savait pas vraiment comment répondre à ça... Tout dépendait des raisons pour lesquelles elle lisait : Si c'était pour faire ses devoirs ou approfondir les notions qu'elle avait bien pu voir en cours alors oui, elle cherchait quelque chose en particulier puisqu'il lui fallait rester dans une certaine continuité même si elle poussait généralement ses recherches bien plus loin que ce qu'elle devait; si elle lisait pour le simple plaisir de lire ou d'apprendre de nouvelles choses, alors elle ne cherchait rien et se laissait proter au gré de ses envies et des titres qui lui paraissaient intéressants sans se soucier réellement de ce qu'elle pourrait trouver à l'intérieur... Comme tout le monde, finalement. Encore fallait-il avoir ouvert un livre de son plein gré au moins une fois dans sa vie pour comprendre ça, ce qui ne semblait pas, du moins à sa question, être le cas de sa camarade. Enfin, elle serait probablement aussipeu expérimentée, à la limite de l'inculture, s'il lui fallait tenir une conversation sur les collections dont s'occupait Isis, puisqu'elle lui avait demandé si elle aussi elle les collectionnait... Elle ne savait toujours pas de quoi il s'agissait et ne préférait pas savoir mais elle ne pouvait nier que cela avait attisé sa curiosité. Pas au moins de lui faire demander des explications ou des informations supplémentaire à une fille qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam, il ne fallait pas exagérer, mais suffisamment pour laisser cette phrase tourner dans son esprit et se mélanger au reste de la conversation dans l'espoir que ça finisse par lui échapper...

"Ca dépend." admit-elle. "Tu cherches toujours quelque chose, toi ?"

Non pas que ça l'intéressait réellement de le savoir, loin de là, mais peut-être pourrait-elle enfin savoir concrètement qui était cette fille qui ne semblait pas être une lumière mais était suffisamment intéressante pour lui donner silencieusement envie de la comprendre. Elle n'avait pas envie de la connaître et n'imaginait pas un seul instant faire en sorte qu'elles deviennent "amies", elle ne semblait pas avoir assez de conversations pour valoir la peine d'être vue régulièrement, mais elle voulait comprendre cette histoire de collections, savoir ce qu'elle collectionnait et pourquoi... Ce n'était pas banal comme passe-temps. Elle ne se souvenait pas avoir entendu rien qu'une fois quelque chose de semblable... Oh bien sûr, il y avait Shirley qui collectionnait les médailles mais ça n'était pas un passe-temps, juste les conséquences d'une passion. Ca n'avait absolument rien à voir. Sa soeur n'avait rien en commun avec cette fille-là. Elle se laissait aller à son jugement sans ciller, sans se dire un seul instant qu'elle n'avait pas véritablement de raison de le faire puisqu'elle ne la connaissait pas et qu'elle ne connaissait rien d'elle et de ce qui avait pu la mener à cette apparente bêtise. Elles s'en remettraient certainement, aussi bien l'une que l'autre, et puis ce n'était pas comme si la rousse lui faisait clairement part du manque de considération qu'elle éprouvait à son égard.

" Ce n'est pas important. Tu connais encore beaucoup d'incantations comme celle de tout à l'heure? "

Elle soupira et se dirigea vers la caisse, tenant fermement la robe si durement acquise comme si sa vie en dépendait avant de la déposer délicatement sur le comptoir, puis politesse oblige, elle se tourna de nouveau vers sa camarade. Ses questions étaient de plus en plus stupides, en avait-elle conscience ? Comment pouvait-elle s'attendre à ce qu'elle comprenne ce qu'elle entendait par "incantations comme celle de tout à l'heure" ? Elle ne connaissait pas d'autres sortilèges pour dupliquer les objets, si c'était ce qu'elle voulait savoir. Après, s'il s'agissait simplement de sortilèges qui n'étaient pas au programme, oui, elle en avait plusieurs en réserve. Bonnie haussa négligemment les épaules et fouilla dans son sac pour en sortir son porte-monnaie.

"J'en sais rien. Je ne connais que celui-ci pour multiplier les objets."

Elle n'avait strictement rien comme elle mais elle ne pouvait que reconnaître que la conversation devenait un peu lassante...