Malgré l'heure du repas, Sarah n'était pas dans la Grande Salle, assise à la table des Poufsouffle en compagnie de ses camarades. Pour une fois, le dîner serait sauté. Elle avait de toute façon de quoi manger dans ses affaires, débordant de sucreries en tout genre made in Honeydukes. Pour une fois que son habituelle gourmandise lui servait à autre chose qu'à dépenser un argent fou dans la boutique, il fallait en profiter... Quoi qu'il en soit, son absence auprès de son assiette n'était pas une question d'utilité des stocks qu'elle avait dans sa valise, loin de là...

La Préfète courait à toutes allures dans le couloir menant à sa salle commune, poursuivant tant bien que mal Ruby Diamond, son rat. Alors qu'elle rejoignait le hall avec l'une de ses amies, elle avait tout juste eu le temps de lui mettre la main dessus avant qu'un horrible chat ne se décide à en faire son casse-croûte. Ce n'était pas la première fois que son animal était victime des félins du château, et à chaque fois, il en sortait traumatisé, restant caché elle ne savait pas où pendant des jours, la laissant s'inquiéter sans le moindre remord. Cette fois, ça ne se passerait pas comme ça ! Elle l'attraperait coûte que coûte et l'enfermerait dans une cage ensorcelée un moment.

C'était dans un vieux livre poussiéreux de la Réserve qu'elle avait trouvé ce sortilège. Une fois lancé, l'animal se retrouvait dans une espèce de bulle magique qui lui permettait de bouger à sa guise mais qui le protégeait de tout, corps à corps et enchantement compris, il n'y aurait qu'elle à être en mesure de la faire disparaître. Elle s'était entraînée plusieurs fois sur des objets en tout genre et ça avait toujours marché... Lorsqu'il serait enfermé, le rongeur ne pourrait plus se cacher, la bulle étant trop volumineuse pour passer sous les meubles et dans les divers trous de Poudlard...

La porte de la salle commune s'ouvrit, laissant sortir un élève et entrer le rat. Sarah ouvrit de grands yeux, un peu paniquée et entra comme une furie à la suite de l'animal sans même un regard pour son camarade, mais il était trop tard... Ruby avait disparu... Le peu d'avance qu'elle lui avait involontairement laissé lui avait suffit à se planquer comme il ne l'avait probablement jamais fait... Une élève était présente dans la salle commune. Elle ne chercha pas à savoir qui c'était, ce n'était pas le plus important pour le moment.

"T'aurais pas vu un rat blanc ?" demanda t-elle précipitamment alors qu'elle falsait bouger un fauteuil d'un coup de baguette magique.

Elle soupira avec lassitude. C'était probablement peine perdue... Ruby Diamond réapparaîtrait comme si de rien était dans quelques jours et viendrait quémander un morceau de chocolat comme il avait l'habitude de le faire, oubliant sans problème l'incident qui l'avait poussé à l'exil et les recherches vaines de sa maîtresse...

Sarah n'avait pas fait attention à qui se trouvait dans la pièce. Elle s'était contentée d'un vague coup d'oeil lui précisant qu'il s'agissait d'une fille. Ca suffisait largement pour lui demander des renseignements sur son rongeur. Renseignements que sa camarade ne lui donna malheureusement pas...

« Non, je n’ai rien vu. »

La Préfète arrêta donc son sortilège et le fauteuil qu'elle soulevait retomba lourdement sur le sol. Elle s'y assit sans un mot. A quoi servait donc d'avoir des camarades de maison si ceux-ci étaient incapables d'aider en cas de besoin ?! On disait pourtant les Poufsouffle toujours prêts à s'aider mais pour l'instant, à part lui tenir compagnie dans sa mort de faim, elle ne lui servait strictement à rien. Elle se décida tout de même à approfondir un peu les informations qu'elle détenait à son sujet et posa un regard plus intéressé sur la jeune femme. Sarah n'eut aucun mal à la reconnaître.

Astride Whitby, la seule fille de ce château qu'elle craignait un tant soit peu; non pas pour une puissance hors du commun ou des relations extraordinaires, non, simplement parce qu'elle avait de quoi balancer à son sujet et faire voler en éclats l'image de fille parfaite et superficielle qu'elle avait mis des années à se forger. Et accessoirement l'une des victimes du Sectumsempra lancé durant le bal et pour lequel elle avait été accusé, à tort, par Sélené. L'idée de retourner dans la Grande Salle au plus vite lui traversa l'esprit mais l'envie de savoir ce qu'elle savait à propos de son agression se fit plus forte que le reste, aussi elle resta sagement assise dans son siège, regardant la cinquième année poser ses affaires puis reporter son attention sur elle.

« Je suis étonnée de ne pas te voir avec tous tes amis. »

Sarah soupira. Ça faisait beaucoup trop de gens qui la voyaient loin de toute sa bande ces temps-ci. Tyler, ce n'était pas gênant, après tout, elle en savait suffisamment à son sujet désormais pour pouvoir se défendre d'une possible attaque de sa part mais elle... A ce train-là, le château tout entier finirait par penser qu'elle avait été lâché par ses amis à cause de son caractère insupportable et de son égoïsme légendaire... Peut-être devrait-elle sérieusement songer à donner de nouveau l'impression d'être entourée à chaque minute de chaque journée... Elle se força à lui sourire et haussa vaguement les épaules.

"Je ne pense pas qu'ils aient besoin de moi pour manger. Et puis je préférais être sûre que Ruby ne finisse pas en dîner pour chat."

C'était la vérité, rien que la vérité. Pour une fois qu'elle n'était pas obligée de trouver une excuse rapidement pour s'expliquer... Ca ne vaudrait certainement pas le mensonge qu'elle avait débité il y a vingt ans de ça, et qui avait tenu étonnamment longtemps, suffisamment en tout cas pour lui permettre de fuir. Elle ne put s'empêcher de se demander ce qu'était devenu ses camarades d'un soir, si elle avait appris la vérité ou bien si elles avaient été victimes d'un Oubliette pour leur éviter de parler...

"Et toi ? Qu'est-ce que tu fais loin de la Grande Salle à l'heure du dîner ?"

Ce n'était pas que ça l'intéressait réellement mais si elle voulait avoir des informations, elle devait sûrement passer par un semblant de conversation, histoire de la mettre en confiance...

Sarah ne répondit rien quant à son rat. Elle savait très bien qu'il reviendrait, parce qu'il revenait toujours et puis, il fallait être idiote pour ne pas remarquer que la présence du rongeur dans la même pièce qu'elle n'aurait pas forcément comblé de bonheur sa camarade. Beaucoup de gens, de filles principalement, réagissaient ainsi sous prétexte que les chats et les chouettes c'était "tellement plus mignon" mais elle n'en avait pas grand chose à faire. Le pauvre rat avait été un habitant du grenier de ses grands-parents et elle l'avait sauvé d'une mort certaine alors qu'importe ce qu'en pensaient les autres élèves, elle l'appréciait.

« Je n’aime pas vraiment être dévisagé quand j’entre dans une pièce, depuis le bal j’ai l’impression d’avoir une grave maladie incurable. »

L'intérêt qu'elle portait à la conversation grandit à cet aveux. Elle ne savait toujours pas qui était le véritable responsable de ce massacre mais elle était étonnement compatissante. Même elle, qui appréciait sentir le regard des autres sur elle, ne supporterait pas très longtemps d'être observée telle une bête de foire, ces spectateurs stupides attendant probablement qu'elle fasse quelque chose d'extraordinaire; comme dénoncer publiquement quelqu'un ou se vider de son sang comme par magie, bref quelque chose d'insensée et qui n'avait plus grande raison d'être. La Préfète s'enfonça un peu plus dans son fauteuil et agita sa baguette. Une multitude de petits bruits provinrent de son dortoir avant qu'elle puisse voir descendre les escaliers une grande majorité de ses réserves en sucreries.

"Tu ne devrais pas y faire attention. Après tout c'est pas de ta faute." conseilla t-elle en attrapant un chocogrenouille. "Tu peux te servir si t'as faim. Au pire, tu devrais clairement leur dire d'arrêter de te regarder comme ça. Laisser faire n'est pas forcément la meilleure idée pour que ça s'arrête."

Le ton qu'elle avait employé était neutre, il s'agissait là de simples conseils auxquels elle n'ajoutait finalement aucune émotion, ou du moins le prétendait-elle. Que n'aurait-elle pas donné pour voir Sélené à la place de la pauvre Whitby. Et encore, il aurait trouvé le moyen de tourner la situation à son avantage, ce qui aurait eu le don de l'énerver plus encore et elle n'était pas certaine que les envies de meurtres qu'elle nourrissait à son égard depuis le fameux bal puissent être indéfiniment contenues... Elle ouvrit la boîte du chocolat et attrapa la grenouille au vol avant de la briser en deux sans un regard pour elle. Elle ne prêta pas la moindre attention à la fameuse carte et prit l'air de rien:

"Je ne dirais pas ça à tout le monde mais il est bien temps que tu commences à t'imposer, à prouver au reste du château que tu es plus qu'un rat de bibliothèque intello. Enfin, si c'est le cas..."

Insinuer discrètement qu'elle n'était pas certaine qu'il y ait plus chez Astride qu'une insupportable je-sais-tout ne serait qu'à éloigner les soupçons d'un possible ensorcellement avant qu'elle n'arrive. Il n'était pas courant de voir la Populaire Sarah donner gentiment et sans retour des conseils à ceux qu'elle avait malgré tout l'habitude de prendre pour inférieurs. Elle n'eut pas le temps d'approfondir un peu le côté peste de sa réponse que la brune reprenait.

« Je ne t’ai pas vue au bal d’ailleurs, tu y étais ? »

Surprise par une telle question alors qu'elle pensait que tout le monde avait eu des échos de ses présumés agissements en cette soirée, la Préfète s'étouffa avec son morceau de chocolat et mit plusieurs longues secondes à retrouver ses esprits. Visiblement, son but se présentait bien plus vite qu'elle ne l'aurait imaginé et elle n'avait même pas besoin de mettre le sujet sur la table pour l'y voir arriver. Voilà maintenant qu'on se mettait à lui mâcher le travail, ce qui n'allait pas être pour lui déplaire.

"Oui, j'y étais. Grand mal m'a prise d'ailleurs. Il paraîtrait même que je vous aie envoyé à l'infirmerie." expliqua t-elle avec un sourire mauvais. "Ca m'étonne que tu ne sois pas au courant être en pleine discussion avec ton agresseur présumé."

Un jour, Sélené le lui paierait; parce qu'elle avait rapidement appris que les rumeurs venaient de lui, probablement déçu à l'idée de la voir fouiner dans ses affaires alors qu'il préparait un sale coup... C'était de la lâcheté pure et simple qui l'avait profondément déçue. Si elle respectait plus ses ennemis que ses amis, ce n'était décidément plus son cas... S'il voulait réellement la guerre, il l'aurait.

« Tu as une bien piètre opinion de moi pour quelqu’un qui m’a adressé la parole une fois ou deux et simplement par obligation. »

La blonde ne parut pas étonnée de cette remarque, ni même dérangée qu'elle puisse avoir remarqué. Elle n'était pas connue pour avoir une image merveilleusement parfaite des autres élèves, alors que Whitby ait un tant soit peu de jugeote pour comprendre qu'elle n'échappait pas à la règle ne la peina en rien. Elle était étrangement certaine qu'elle n'était pas la seule à la voir ainsi, elle et toutes les autres gamines enfermées en permanence dans l'immense bibliothèque.

"Je n'ai jamais eu de raisons d'avoir une bonne opinion de toi, à ce que je sache. Je ne suis pas réfractaire à l'idée de voir cela changer un jour, mais ça ne se fera certainement pas pour la simple beauté du geste, tu peux me croire."

Sarah était toujours partie du principe où les gens ne présentaient pas d'intérêt avant qu'ils aient démontré le contraire. Et encore, beaucoup de personnes qu'elle côtoyait régulièrement ne l'intéressaient toujours pas, même après plusieurs années et maints efforts de leurs parts. Ça n'allait certainement pas changer pour les beaux yeux d'Astride sous prétexte qu'elle avait eu le cran de lui balancer franchement ce qu'elle pensait, et ce même si ça marquait un bon point en sa faveur. Si elle était aussi intelligente qu'on le laissait entendre, la brune devait très certainement s'y attendre et ne chercherait pas à perdre son temps pour faire changer quoi que ce soit.

La cadette parut surprise d'apprendre qu'on l'avait accusée à la place du véritable coupable. Les rumeurs n'arrivaient donc pas à l'infirmerie ? C'était étrange pourtant elle avait vu plusieurs fois des élèves sains et saufs y entrer et eux avaient forcément dû en entendre parler. Peut-être Pomfresh y avait-elle interdit ce genre de discussions... Elle n'en savait rien et ne le saurait probablement jamais. Quelle importance de toute manière puisqu'elle n'avait pas la moindre envie d'y passer plus de dix minutes.

« Alors comme ça tu as été accusé…. C’est vraiment frustrant de savoir qui sont les coupables sans pour autant avoir les preuves nécessaires pour les dénoncer. »

Sarah se redressa, abandonnant dans les ruines de son emballage le reste de chocolat qu'elle tenait toujours dans sa main, craignant qu'il ne finisse par fondre tant l'intérêt qu'elle lui portait désormais était minime. Elle pouvait presque toucher des doigts ce qu'elle désirait savoir plus que tout. Elle n'irait pas faire justice elle-même puisqu'après tout ce n'était pas son affaire, mais elle voulait savoir à la place de qui elle était accusée. Le coupable en lui-même ne lui avait strictement rien fait de toute façon. Elle ne lui en voulait pas, il allait avoir suffisamment d'ennuis comme cela.

"Et oui... J'aurais aimé être accusée pour quelque chose. J'avoue avoir pensé un instant rajouté une victime, mais j'y ai finalement renoncé. C'est un sortilège trop brillant pour être utilisé à des fins aussi puériles."

Elle n'était pas certaine que Whitby prendrait bien le fait qu'elle qualifie le sortilège qui l'avait menée à l'infirmerie de brillant mais quiconque la connaissait un minimum, ne serait-ce que par les bruits de couloirs, savait pertinemment qu'elle était plus apte à défendre les créations du Prince que n'importe quel élève de Poudlard. Elle se rendit compte un peu tard qu'il était dans son intérêt de caresser sa camarade dans le sens du poil, de se montrer compréhensive et compatissante pour obtenir des informations mais elle craignait que cette méthode ait aussi ses limites; ne croirait-elle pas simplement être utilisée ? Elle aurait raison, se méfierait et se tairait plus encore...

« De toute façon tu seras facilement innocentée, tu n’as rien à te reprocher, enfin j’imagine, alors je ne vois pas pourquoi tu paierais à la place de quelqu’un d’autre. »

Elle haussa vaguement les épaules, reprenant sa dégustation de chocolat là où elle l'avait laissée. Elle n'avait en effet rien à se reprocher, ce qui n'était pas forcément le cas de tout le monde. Elle termina son chocogrenouille sans un mot. Elle n'était plus sûre de rien, est-ce que Whitby avait sous-entendu savoir quelque chose pour attiser la curiosité de Sarah et la laisser en plan sans rien lui dire ou bien savait-elle réellement quelque chose et craignait en parler franchement ?

"Je n'ai rien à me reprocher. Je sais que Sélené connait le nom du coupable, et qu'il cherche probablement à le protéger. Manque de chance, ce n'est pas lui et dire que je n'ai même pas la bassesse de jouer à son petit jeu stupide et chercher à lui faire porter le chapeau. Ils auront bien assez tôt les preuves pour sanctionner les coupables."

Elle s'étira gracieusement et attaqua une plume en sucre, fixant d'un oeil neutre sa camarade, attendant le moindre geste ou mot de sa part, quoi que ce soit qui puisse la convaincre de rester et non d'aller s'étaler sur son lit pour feuilleter le dernier numéro de Sorcière Hebdo...

[HJ: Désolée pour cette nullité RPGique...]

« Je n’ai pas l’intention de me plier en quatre pour que tu changes d’avis, que tu me trouves digne d’intérêt ou pas m’importe peu. »

Un sourire vaguement moqueur fendit ses lèvres à cette phrase. Elle ne lui avait rien demandé de tel et ne le lui demanderait très certainement jamais. Elle avait beau être un peu prétentieuse, elle n'avait jamais eu la prétention de penser être une raison suffisante pour faire changer les gens. Après, elle n'allait certainement pas arrêter les gens qui le feraient, c'était logique... Ce que Whitby ne semblait pas comprendre que son attitude était appréciée. Elle donnait l'air d'être plus qu'une dévoreuse de bouquins incapables de se défendre et de répliquer quoi que ce soit en face de quelqu'un de plus arrogant qu'elle.

"Je ne t'ai rien demandé."

Elle avait été peut-être plus froide qu'elle ne l'avait voulu mais après tout, la situation s'y prêtait bien. Premièrement, Whitby ne faisait pas parti de ce qu'on pouvait qualifier de proches; deuxième, le ton de la conversation n'était pas forcément des plus sympathique et troisièmement, elle n'avait pas la réputation d'être une Bisounours ce qui était pour une fois une bonne chose, elle n'aurait pas à justifier le ton sec qu'elle venait d'employer... De plus, froisser la brune ne la dérangeait en rien. Aucune ombre au tableau.

Sarah ne put s'empêcher d'être surprise en voyant le sourire de sa camarade. Elle ne s'attendait pas à ce qu'elle esquisse un sourire suite à sa remarque. Elle se demandait réellement comment elle avait fait pour bien le prendre, ou si elle feignait d'en être amusée. Elle n'allait certainement pas s'en plaindre. Ca ne déclencherait pas de guerre sans fin pour pas grand chose, ce qui était un avantage non négligeable. Elle avait suffisamment à faire avec la guerre qui l'unissait à Sélené, l'envie d'être embarquée dans un nouveau conflit ne lui aurait de toute façon pas plus.

Apprendre qu'il y avait des gens autres qu'elle qui connaissaient l'identité du coupable la choqua presque. Bien entendu, la Préfète n'avait aucune preuve de ce qu'elle avançait, le Gryffondor ne lui ayant pas dit clairement qu'il le savait. Tout n'était que déduction logique. Il savait très bien qu'elle n'en avait qu'après lui, qu'elle voulait savoir ce qu'il manigançait, et elle était persuadée que s'il avait fait en sorte de lui faire porter le chapeau c'est qu'il avait plus à cacher qu'une simple bêtise d'adolescent. Elle en était intimement persuadée. Inutile de dire à Astride qu'elle ne pouvait rien prouver.

« Au risque de te paraitre opportuniste, qu’est-ce que j’y gagne si je te dis ce que je sais ? »

A cette question, Sarah sursauta faisant tomber tout ce qu'elle avait sur les genoux dans un bruit sourd brisant sans effort le nouveau silence. Elle ne s'attendait pas à ce que Whitby aurait cette mentalité là, opportuniste au possible. Une lueur amusée et intéressée s'alluma au fond de ses prunelles claires. Cependant, si elle s'attendait à avoir un véritable intérêt, elle se mettait le doigt dans l'oeil, ce n'était pas dans les habitudes de la maison ! Elle ramassa ce qu'elle avait fait tomber et se mit distraitement à suçoter sa plume en sucre.

"Rien. A part voir le coupable puni au plus vite. Après, je sais pas si ça t'intéresse. A toi de voir."

Elle ne savait pas vraiment ce qu'attendait Astride, mais elle pouvait difficilement proposer autre chose. Elle n'était du genre à proposer spontanément son aide ou quoi que ce soit d'autre, Whitby ne devait pas être bête à ce point-là pour l'espérer...

« Eh, bien on est d’accord. »

Sarah ricana méchamment alors qu'elle jouait distraitement du bout des doigts avec le paquet éventré de son chocogrenouille. Elle se fichait éperdument qu'elles soient d'accord ou non. L'avis de sa camarade ne changerait certainement pas le cours de sa vie, ça n'avait jamais été le cas jusque là alors il n'y avait pas la moindre raison que ça change...

Néanmoins, l'intérêt de Whitby parut soudainement accru et ce n'était pas pour lui déplaire. Redevenir le centre d'attention du monde même lorsqu'il n'y avait personne était tout simplement plaisant. Elle n'aurait pas espéré mieux. Aussi, l'envie de jouer et de profiter de la situation refit surface. Il n'était plus question de subir la conversation et de ne rester que pour éviter les questions de ses amies si elle revenait maintenant dans la Grande Salle. Sarah Wotton reprenait les choses en main.

« Qu’ils soient punis vite ou pas à dire vrai je m’en fiche, ils seront attrapés tôt ou tard, ils ont blessés trois élèves, les professeurs remueront ciel et terre jusqu’à ce qu’ils trouvent les auteurs de cet acte. Je te propose simplement de t’aider, rien ne m’oblige à le faire, je n’en tire aucun avantage, mais je suis sûre que cette information t’intéresse, tu n’aurais pas pris la peine de t’assoir sur ce fauteuil pour discuter avec moi si ce n’était pas le cas. »

La Préfète haussa négligemment les épaules. Elle termina sa sucette et se mit à faire voleter l'emballage de celui-ci de sa baguette, comme elle l'aurait fait si elle s'était ennuyée et qu'il avait fallu trouver une occupation rapidement sans avoir beaucoup d'autres choix. Son regard se concentrait désormais sur le papier brillant qui flottait dans les airs juste devant elle.

"Ils ne le seront pas si je n'accuse Sélené de rien. Tu sais qui a fait ça, tu ne veux pas le dire, et bien soit. Moi, je ne risque rien, personne ne m'a rien fait et je n'ai rien fait non plus. Quand bien même on me ferait passer au Véritaserum et qu'on me demandait si je savais qui était responsable du massacre, je serais incapable de donner de nom et personne n'en saurait jamais rien. L'école fermerait, peut-être. On dit que ça a failli arriver en 1992, après l'attaque d'élèves au sein même du château. Une fois de plus ou une fois de moins, je ne pense pas qu'on soit à ça près. Maintenant, si je reste là c'est par simple politesse. Tu m'as adressé la parole, j'ai répondu, rien de plus. Si ma présence te gêne, tu n'as qu'à le dire, ou mieux, à partir."

Elle soupira, fatiguée d'avoir à se justifier faussement et bêtement. Comme si elle avait un intérêt, elle, dans cette histoire. Elle ne risquait rien, elle n'avait même pas besoin des coupables pour se dégager de cette affaire. Bien entendu, elle aurait aimé le savoir, dans le simple but d'être l'une des seules de l'école à connaître l'identité du danger de Poudlard, mais elle n'allait certainement pas la supplier de le lui dire, plutôt mourir !

«Pour une raison qui m’échappe complétement, j’ai envie de t’aider, tu devrais en profiter. »

Sarah ricana une nouvelle fois, reportant son attention sur la jeune femme, une lueur particulièrement moqueuse au fond de ses yeux clairs. Elle ne s'attendait pas à un tel aveu et surtout, à un tel conseil ! Qui était-elle donc pour insinuer qu'elle lui faisait une fleur et qu'elle devait presque s'en sentir honorer ? Elle semblait avoir oublié qu'elle n'était personne !

"C'est trop gentil." railla t-elle. "Je n'ai pas besoin d'aide, tout le monde n'est pas comme toi. J'ai entendu dire que tu avais eu des problèmes avec Tyler Rentford, c'est pas la meilleure personne à avoir en ennemi, rien que pour ça, tu as bien plus besoin d'aide que moi puisque tu es loin de faire le poids. Balancer ce que tu sais, finalement, c'est dans ton intérêt, qui sait dans quel état il serait s'il apprenait que tu disais à qui voulait l'entendre que c'était lui qui avait essayé de te tuer au bal."

Non, ce n'était pas vrai mais lui n'était pas censé le savoir et le mensonge, la blonde savait le manier à la perfection. Elle ramena ses jambes contre elle après avoir poussé ce qu'elle avait sur les genoux et adressa un sourire de plus hypocrite à sa camarade...

A ses yeux, cette conversation commençait sérieusement à épuiser son stock d'intérêt. Elle n'obtiendrait pas d'informations, c'était presque certain alors elle ne savait honnêtement pas ce qu'elle faisait encore là, à attendre bêtement que tout espoir se soit évanoui. Elle aurait pu trouver mieux à faire que d'entretenir tant bien que mal une discussion avec la bête de foire de Poufsouffle. S'occuper des loosers de l'école n'était pas dans ses habitudes et une fois de plus, elle comprenait pourquoi. Whitby devait penser plus ou moins la même chose ou alors elle était plus idiote qu'on le prétendait. Ca n'aurait certes pas été la première fois que les gens se trompaient dans leur jugement mais elle avait espéré jusque là qu'il n'y ait pas que des attardés entre les murs de sa maison, peut-être avait-elle espéré pour rien ?

« Je me doute qu’il ne serait pas ravi, mais si l’envie de divulguer de telles informations devenait trop forte ne te prives surtout pas tu me rendrais vraiment service. »

Elle la menace doucement de laisser entendre à Tyler qu'elle l'accusait de tous les mots du bal n'eut pas vraiment le résultat escompté, malheureusement. Néanmoins, elle eut se rendre à l'évidence, l'intelligence de la jeune fille n'était visiblement qu'une légende, qu'une rumeur... Vouloir s'attaquer une nouvelle fois au Serpentard s'apparantait à du suicide et elle avait même mieux à faire de mettre fin à ses jours toute seule, elle souffrirait probablement bien moins. Elle-même, à défaut de le craindre, n'irait pas lui chercher des ennuis sans avoir des bonnes raisons de le faire. Ils s'entendaient plutôt bien et elle avait toujours des choses agréables à apprendre à son sujet mais elle ne pouvait s'empêcher de croire les bruits de couloirs. Il n'était pas réputé pour être un garçon charmant, et même si elle l'avait toujours connu ainsi, elle se doutait qu'elle verra aussi un jour son côté sombre. Pourquoi y échapperait-elle après tout...?

" Tu tiens si peu à ta vie ? A moins que tu finisses par prendre goût à l'attention que les gens te portent maintenant, quoi que tu puisses m'en dire... Ce qui, entre nous soit dit, serait vraiment pathétique. "

Machinalement, elle retourna la phrase d'Astride dans son esprit. Quelque chose la dérangeait sans qu'elle ne réussisse à savoir quoi. Soudain, ça lui apparut comme une évidence. Elle ne parlait pas de mensonges mais d'informations... De divulger de telles informations... Elle ne niait même pas, comme s'il n'y avait finalement rien à nier. Le visage de la Préfète se décomposa. Elle baissa les yeux, sujette aux doutes. Est-ce qu'elle s'était contentée de mal interpréter ce que venait de dire sa camarade ou bien était-ce un aveu auquel elle ne s'attendait plus et qu'elle aurait, finalement, préféré ne jamais avoir ?

" Pas Tyler... " murmura t-elle, comme pour s'en convaincre.

Sarah passa une main tremblotante dans ses cheveux blonds, retirant des noeuds qui n'existaient pas avant de se laisser tomber contre le dossier de son fauteuil, oubliant totalement d'avoir l'air classe et un minimum distinguée. Elle se souvenait de chaque détail de son entrevue avec le jeune homme, la pluie, l'histoire de la magie, son cahier, leurs secrets partagés... Elle avait eu l'impression qu'ils étaient plus proches que jamais, qu'il était adorable, aussi menteur et perdu qu'elle... Ils s'étaient tellement ressemblés. Il ne pouvait pas avoir fait ça. N'importe qui d'autre, mais pas lui. Comment en était-il arrivé là ? Elle n'arrivait pas à le croire, c'était une erreur. Oui, une erreur, elle s'était lamentablement trompée à vouloir analyser toutes les phrases de Whitby pour trouver des informations qui n'étaient pas là... La brune ne lui laissa pas l'occasion de se torturer davantage qu'elle reprit la parole.

« Qu’est-ce que tu vas faire pour Scipion ? Les autres élèves pensent réellement que tu es à l’origine de ce carnage ? »

Après avoir violemment sursauté, elle haussa les épaules. Elle s'en fichait éperdumment, de ce qu'il pouvait arriver à Sélené, elle n'était même plus certaine d'avoir envie de le dénoncer pour elle ne savait trop quoi. Si ceux qu'elle appréciait sincèrement avaient des ennuis, est-ce que c'était vraiment le moment d'en chercher à ceux qu'elle détestait ? Il l'avait certes déçue mais au final, ne l'avait-elle pas aimer plus que ses propres amis pour la simple et bonne raison qu'ils avaient une relation honnête à défaut d'être amicale ? Ca n'en valait peut-être pas la peine en fin de compte.

" Je ne sais pas... Je n'ai pas envie qu'il a d'ennuis. Je... "

Elle releva brusquement la tête vers Astride, choquée elle-même par ce qu'elle venait de dire. Qu'elle le pense, passe encore, mais de là à l'avouer haut et fort auprès d'une fille dont elle ne savait rien, il fallait être malade !

" Oublie ça. Et oui, il y en a pour le penser vraiment. Après tout, qui s'étonnerait que je connaisse les sortilèges du Prince, hein ? "

Astride ne parut pas ravie suite à son murmure intempestif mais Sarah n'y prêta pas grande attention. Elle l'avait entendu, c'était certain mais elle n'avait rien confirmé, rien infirmé, la laissant dans le doute le plus total. Elle ne put s'empêcher de se demander si ce n'était pas là tout son but; la faire suffisamment douter du Serpentard pour qu'elle ne veuille plus l'approcher et qu'elle réussisse peut-être à lui mettre tous ses amis à dos afin qu'il se retrouve plus seul qu'il ne l'avait jamais été. Son regard se fit plus suspicieux encore...

Cette idée, aussi tirée par les cheveux soit-elle, la rassura légèrement. Il y avait une possibilité pour que ce ne soit que des mensonges inventés par Whitby dont les détestables desseins étaient de nuire à Tyler. Pour quelles raisons...? Elle l'ignorait mais n'avait aucun mal à se l'imaginer amoureuse, comme grand nombre des filles du château et désespérée du peu d'attention qu'il lui portait... Elle ne parvenait malheureusement qu'à y croire à moitié sans pour autant réussir à s'en convaincre un minimum. Cette fille, aussi idiote et inintéressante qu'elle soit, ne lui paraissait pas aussi manipulatrice et calculatrice. Elle avait plutôt l'air gentille, un peu naïve peut-être et en pleine rébellion contre les mauvaises personnes. Peut-être avait-elle tendance à voir les gens un peu trop comme elle était... D'un côté, ce n'était pas plus mal pour eux puisque les gens doux et gentils étaient les premiers à se faire lamentablement marcher sur les pieds puis carrément bouffer. Ils n'avaient qu'une très faible chance de survie avec cette évidente loi du plus fort et les penser plus mauvais qu'ils ne l'étaient allongeait un peu le temps qu'elle passerait à les laisser tranquilles...

La conversation reprit plus ou moins son cours normal. Manque de chance pour la Préfète, ses esprits mirent plus de temps que prévu à retrouver leur place habituel si bien qu'elle se retrouva involontairement à balancer ses véritables intérêts au sujet du Gryffondor, ce qui n'échappa malheureusement pas à sa camarade. Elle resta sans voix, lui laissant le temps de se reprendre en vain. Bien sûr qu'elle n'oublierait pas et bien sûr qu'elle chercherait inlassablement à savoir ce qui la poussait à vouloir le laisser s'en tirer sans le moindre problème alors qu'elle pouvait en risquer par sa faute. Et bien entendu, elle risquerait d'avancer la thèse stupide et dangereux de l'amoureuse comme elle l'avait elle-même fait à son sujet une poignée de secondes plus tôt...

« Que tu les connaisses n’a rien d’étonnant, mais que tu les utilises, et surtout dans ses conditions parait assez peu envisageable. Beaucoup de gens te considèrent comme une fille intelligente, ce qui exclut ton implication. »

Elle ne sut pas si elle était sincère ou si elle usait d'un énième stratagème pour parvenir à ses fins. Qui la considérait comme une fille intelligente, à part les quelques rares personnes qui la connaissaient réellement ? Ca faisait des années qu'elle se forgeait une image de blonde écervelée, gloussante et un peu pouffe sur les bords, le genre de filles à ne lire que des magazines et à flirter avec tous les garçons qui passent près d'elles pour un peu qu'ils aient leur âge... Elle ne pouvait pas cacher ses résultats plus que satisfaisants mais laissait planer un doute quant à la manière dont elle les obtenait...

"Je doute fortement qu'on me prenne réellement pour une fille intelligente, en tout cas pas en dehors des salles de classe et encore moins 'beaucoup de gens' qui ne font que me croiser lorsque j'ai ce temps à leur accorder et qu'ils le fassent est loin d'être le but ultime de ma vie à Poudlard. Maintenant, je ne suis pas réputée pour aimer grand monde dans cette école, alors je ne pense pas que ça aille en ma faveur. La seule chose qui est sûre dans cette histoire, c'est que je n'aurais pas sali une telle invention pour attaquer des élèves alors qu'il y a des manières bien plus banales et prudentes d'arriver au même résultat; vous envoyer agonisants à l'infirmerie."

Elle avait eu le temps de réfléchir à la question depuis ce satané bal et le mauvais coup de Sélené. Combien de nuits avait-elle passé éveillée à imaginer le meilleur moyen de le tuer sans se salir les mains et sans que personne ne parvienne à remonter jusqu'à elle ? Combien de livres étranges pour l'y aider avait-elle chercher dans les boutiques malfamées des ruelles sombres et délabrées près de la Tête de Sanglier ? Le sujet Scipion, bien que silencieux, sembla intéressé la brune qui reprit l'air de rien...

« Je n’arrive pas à comprendre ce qui peut te pousser à éviter les ennuis à Scipion ? Il reste mon ami, mais je dois reconnaitre que ce n’est pas quelqu’un de très fiable… »

Sarah resta hébétée un moment, n'arrivant tout simplement pas à croire ce qu'elle venait d'entendre. Un petit rire plus choqué qu'amusé s'échappa d'entre ses lèvres alors qu'elle se redressait dans son fauteuil... Elle ne pouvait pas être amie avec lui, c'était tout simplement impossible. Sélené n'avait pas d'amis, il n'avait que des sbires, des esclaves.

"Toi ? Ami avec cet imbécile ? Tu devrais vraiment surveiller tes fréquentations !"

Et voilà comment on esquivait plus ou moins discrètement la question dérangeante...

« Oui, je sais, je suis une petite idiote naïve qui se laisse embobiner par le beau Scipion… Je connais la chanson. Mais, tu n’as pas répondu à ma question…. Qu’est-ce qui te pousse à protéger ce garçon ? Tu l’aimes bien n’est-ce pas ? »

Sarah eut un rictus en entendant l'oxymore dont venait habilement de se débarrasser Astride. Scipion ne pouvait être qualifié de beau, ou alors il était temps pour la brune de faire un tour par la case lunettes. Elle manqua néanmoins de s'étouffer sur la suite. Elle soupira avec lassitude et laissa le silence s'installer un instant. Loin d'être mal à l'aise pour l'unique raison qu'elle était sûre de ce qu'elle ressentait, ou plutôt ne ressentait pas, à son sujet, elle ne se précipita pas pour nier en bloc et lui donner ainsi l'impression qu'elle avait mis le doigt dans une faille. Elle ne voyait tout simplement pas comment lui expliquer.

Ni même s'il fallait réellement lui expliquer... Après tout, il lui faudrait avouer n'être sincère avec personne dans ce foutu château, hors il était de notoriété publique que Sarah Wotton, à défaut d'être appréciée par tout le monde, avait su s'entourer d'une belle bande d'amis. Difficile de reconnaître qu'elle ne considérait finalement personne comme tel et qu'elle était certainement plus seule que le pire des loosers de l'école. Non, en effet, pas la peine de s'enfoncer. Il fallait cependant trouver quelque chose à lui répondre sous peine de la voir se coller à elle comme son ombre jusqu'à ce qu'elle finisse par craquer...

"Bien entendu. Tout le monde sait que j'en suis follement amoureuse." ricana t-elle avec ironie. "Je suis sûre que nous aurions pu entamer une très belle histoire le soir du bal, s'il n'avait pas décidé de me mettre sur le dos tous les maux de la soirée. Triste fin, n'est-ce pas ?"

Elle réalisa un peu tard que c'était finalement crédible. Qui conque l'aurait entendu avouer ne pas vouloir lui attirer d'ennuis, pour un peu qu'il les ait vu danser ensemble, pouvait y croire dur comme fer et se mettre en tête d'en informer le principal intéressé. Jouer les entremetteurs était l'un des passes-temps favoris du tout Poudlard... Whitby ne lui avait malheureusement pas montrer de preuves irréfutables de sa grande intelligence si bien qu'elle s'attendait à voir Sélené débarquer, moqueur, dans les jours à venir.

"Restons sérieuses. Tu ne dois pas être sans avoir entendu parler de l'infâme trahison donc ton merveilleux ami a été victime par ma faute ? Tu crois sérieusement que j'ai pour habitude de trahir mes amis, ou plus généralement les gens que j'apprécie ? Je veux bien admettre que je ne suis pas un ange, mais je ne suis pas non plus la pire des salopes."

Elle laissa un silence rempli de doutes à la fin de sa phrase, pas convaincue par ses propres mots. Elle était capable de trahir ses amis, bien entendu puisque ce n'était qu'un titre dénué de tout sens et de tout sentiment. Heureusement, ça, Whitby ne le savait pas.

"Cet idiot de Sélené est la seule personne de ce château à me tenir tête en permanence, quoi qu'il arrive. C'est un bon exercice. Ce serait bête de perdre ça. Et puis, j'ai envie de le tuer moi-même, comme une grande. Bien sûr, il disparaîtra mystérieusement et je resterai hors de tout soupçon. Suspectée une fois à la limite, mais certainement pas deux."

Ce n'était pas qu'un mensonge, pas forcément la vérité non plus... Mais ça devrait probablement suffire à éloigner les questions sur sa relation avec le Gryffondor un moment...

"Bien entendu. Tout le monde sait que j'en suis follement amoureuse. Je suis sûre que nous aurions pu entamer une très belle histoire le soir du bal, s'il n'avait pas décidé de me mettre sur le dos tous les maux de la soirée. Triste fin, n'est-ce pas ?"

Astride trouvait que sa réponse semblait ironiquement vrai, mais manifestement ce n’était pas la peine d’enfoncer le clou, elle ne dirait certainement rien de plus, mais la poufsouffle était tout de même intimement convaincue que Sarah ne faisait pas preuve d’une réelle indifférence devant le jeune homme.

« Je ne crois pas avoir parlé de sentiments amoureux. »

C’était vrai d’ailleurs, elle lui avait demandé si elle l’aimait bien pas si c’était l’homme de sa vie, de toute façon qu’elle le lui avoue une attirance pour Scipion ou non ne serait pas d’une grande utilité à Astride, il n’était pas dans ses habitudes de faire circuler des rumeurs. Après l’épisode de la cabane hurlante, Sarah devrait tout de même le savoir, il aurait été tellement simple pour la cinquième année de ridiculiser une camarade qui lui avait rendue la vie dure pendant près d’un an alors qu’elle essayait désespérément de se faire remarquer. Si la préfète n’avait pas encore compris que les rumeurs et les manipulations n’étaient pas ce qui intéressait Astride, alors elle n’avait certainement rien compris. Sans être amies proches, à force de malentendus elles finissaient par se connaitre un peu mieux, enfin dans l’esprit d’Astride tout devenait soudainement un peu plus clair. La poufsouffle tout à ses pensées écouta à peine ce que sa camarade venait de lui dire et dut retourner plusieurs fois les paroles dans sa tête pour réussir à en comprendre le sens.

"Restons sérieuses. Tu ne dois pas être sans avoir entendu parler de l'infâme trahison donc ton merveilleux ami a été victime par ma faute ? Tu crois sérieusement que j'ai pour habitude de trahir mes amis, ou plus généralement les gens que j'apprécie ? Je veux bien admettre que je ne suis pas un ange, mais je ne suis pas non plus la pire des salopes."

Est-ce que par ami elle entendait sa petite bande de groupie personnelle ? Si c’était vraiment ça elle doutait fortement de la sincérité de ses paroles, qu’elle ne trahisse pas ses amis en général ça ne lui paraissait pas improbable, après tout Sarah était un être humain comme les autres avec des sentiments, elle devait donc être attachée à pas mal de gens, mais qu’elle soutienne que les oies superficielles qui la suivaient partout étaient ses amies, était difficile à avaler. De toute façon ce n’était pas à Astride de s’en préoccuper et elle n’allait pas non plus s’avancer à lui dire qu’elle ne pensait pas vraiment qu’elle soit la pire des salopes, premièrement parce que Sarah se fichait complétement de son avis et elle n’avait même pas besoin de Véritaserum pour en être sûre, deuxièmement parce qu’elle n’en était pas tout à fait convaincue alors prendre la peine de lui mentir ne servait tout bonnement à rien. De toute façon Sarah ne semblait pas attendre une quelconque réponse de sa part, et tant mieux, ça lui évitait de sortir une banalité, Astride ne put s’empêcher de remarquer que sur le sujet Scipion la préfète semblait intarissable, ou peut-être était-ce juste une manière de la convaincre de son indifférence, mais il était clair pour la poufsouffle que si tel était son but, il ne serait certainement jamais atteint.

"Cet idiot de Sélené est la seule personne de ce château à me tenir tête en permanence, quoi qu'il arrive. C'est un bon exercice. Ce serait bête de perdre ça. Et puis, j'ai envie de le tuer moi-même, comme une grande. Bien sûr, il disparaîtra mystérieusement et je resterai hors de tout soupçon. Suspectée une fois à la limite, mais certainement pas deux."

Le tuer, vraiment ? C’était intéressant, elle ne l’aurait certainement pas dis à Astride si elle comptait vraiment mettre son projet à bien dans les jours à venir, un mensonge de plus destiné probablement à la déstabiliser, d’ailleurs, ça ne rata pas. Astride sauta sur ses pieds prenant un air mi- effrayé, mi- interrogateur, que voulait-elle qu’elle réponde à ça ? La poufsouffle ne savait pas vraiment quelle attitude adopter, crier au scandale, faire preuve de désinvolture, et si ce qu’elle lui disait était vrai pour une fois, si Scipion venait à disparaitre Astride se sentirait incroyablement responsable... Mais qu’est-ce qu’elle racontait ? C’était stupide une élève de poufsouffle n’allait pas commettre un meurtre, c’était tout bonnement inenvisageable, mais c’était Sarah, on pouvait s’attendre à beaucoup de choses de sa part. La sixième année semblait laisser tranquillement Astride se torturer l’esprit, elle n’avait pas l’air disposée à reprendre la parole, c’est donc timidement que la poufsouffle chercha à connaitre ses véritables intentions.

« Le tuer… Vraiment ? »

A peine avait-elle prononcé ses mots qu’elle se rendit compte de l’absurdité de sa question, ce n’était pas comme si Sarah allait lui répondre : « Oui vraiment, si tu veux je te donnerais la date et l’heure pour que tu préviennes les professeurs ». C’était complétement stupide et ce fut à elle de grommeler vaguement.

« Je n’ai rien dit, à question idiote, réponse idiote et je ne préfères pas la connaitre. »

Astride retourna vers le fauteuil qu’elle venait de quitter et s’y laissa retomber lourdement, au moins Sarah n’était pas la seule à commettre des impairs. Perdue pour perdue, la poufsouffle se sentait d’humeur à en apprendre le plus possible mais si pour cela elle devait subir les remarques glaciales de la préfète, au moins elle aurait des réponses à ses questions et ça en valait certainement la peine.

« Tu te souviens de l’épisode de la cabane ? Pourquoi tu n’as rien fait pour que je me taise ? »

Si elle s’en souvenait c’était plus que certain, mais il est vrai que cette question lui trottait dans la tête depuis pas mal de temps. Sarah avait de multiples moyens de la menacer ou d’acheter son silence, elle était au courant de tout ce qu’il se passait dans le château et elle avait la possibilité de provoquer un juste retour des choses dès qu’elle le voulait, enfin c’était l’avis d’Astride et il fallait bien reconnaitre qu’elle passait son temps à se fourvoyer en ce moment. Elle lança un regard interrogateur à la préfète, espérant que cette-fois ci elle n’emploierait pas l’ironie pour lui répondre.[/size][/font]

« Je ne crois pas avoir parlé de sentiments amoureux. »

Sarah haussa les épaules. Quelle différence ? Elle vivait avec le pire groupe de commères du château en permanence, elle était bien placée pour savoir que la question revenait au même et qu'aucune fille dans cette maudite école n'imaginait pas un instant que "bien aimé un garçon" pouvait largement dire plus. Whitby était peut-être bien moins commère qu'elles mais jusqu'à preuve du contraire, elle n'en restait pas moins une fille, elle devait donc fonctionner de la même manière.

"J'anticipe. A croire ce qu'on raconte, je passe ma vie à flirter avec tous les garçons de Poudlard, j'dis pas que c'est toujours faux bien sûr, alors autant limiter les dégâts maintenant. Si j'avais dit que j'l'aimais bien, ce qui aurait été un horrible mensonge, même venant de moi, je suis sûre qu'à un moment ou à un autre tu en serais venue à te demander si je me contentais de 'bien' l'aimer. Là, au moins, t'es fixée. Ce n'est pas le cas."

La Préfète soupira. Ce n'était pas dans ses habitudes de se justifier de la sorte. La plupart des rumeurs qui couraient à son sujet venaient d'elle, à force de laisser parler sans jamais rien nier, sans jamais rien confirmer. Le but n'étant pas qu'on dise du bien d'elle, mais qu'on en parle. Jusque là, il fallait reconnaître que sa stratégie marchait à merveille puisqu'il ne se passait pas une semaine sans que les élèves du château n'aient son nom à la bouche. Mais voilà que maintenant, elle devait elle-même tenter de faire taire les qu'en-dira-t-on. Cette fois, c'était bien plus qu'une vague rumeur qui menaçait de percer, c'était l'humiliation. Comment pouvait-on sincèrement penser qu'elle pouvait ressentir ne serait-ce que la moindre lueur d'amitié envers Sélené ? C'était n'importe quoi et c'était ce genre de sottise qu'il fallait à tout prix tuer dans l'oeuf. Manque de chance, la stupide brune semblait y croire dur comme fer...

Alors qu'elle laissa planer le doute sur de possibles envies de meurtre à l'égard du jeune homme, la réaction de sa camarade ne se fit pas attendre. Elle sauta hors de son fauteuil, prête à... A rien, probablement. Que pouvait-elle bien faire de toute façon ? Quand bien même elle serait persuadée qu'elle pouvait le faire, à qui irait-elle en parler ? Qui la croirait ? Sarah était déjà soupçonnée pour l'attaque du bal, il lui faudrait vouloir la prison pour s'essayer à un meurtre, surtout dans l'enceinte même du château, surtout après en avoir parlé à l'une de ses compagnes de maison. Un sourire aussi mauvais que moqueur reprit place sur les lèvres de la blonde qui se délectait particulièrement du spectacle...

« Le tuer… Vraiment ? »

Elle ricana. Pauvre petite chose. Voilà maintenant qu'elle se torturait comme elle avait bien pu le faire quelques minutes auparavant après qu'elle eut insinué que Tyler était à l'origine du massacre. C'était de bonne guerre. Elles devaient certainement espérer la même chose: que tout ne soit que mensonge. C'était probable... Risquerait-elle de mettre sa future carrière en danger pour un imbécile de la sorte ? Certainement pas. Elle se contenterait de lui mener la vie plus dur que jamais, de l'espionner plus encore qu'il pouvait l'imaginer et trouver la faille, le délit qui le mettrait à la porte du château, ou mieux encore, dans l'une des nombreuses cellules d'Azkaban. Avec un peu de chance, elle se verra même remettre une médaille pour service rendu à l'école, voire à la communauté magique toute entière...

« Je n’ai rien dit, à question idiote, réponse idiote et je ne préfères pas la connaitre. »

Elle se retint d'avouer qu'elle ne s'était pas attendue à d'autre genre de questions venant de sa part mais se résigna à se taire. Les hostilités n'étaient pas ouvertement déclarées alors inutile de le faire maintenant. Surtout qu'il n'y aurait personne pour voir comment la pauvre Astride retournerait dans son dortoir en pleurant... Du travail accompli avec brio pour rien était encore pire que de ne rien faire du tout... Whitby retourna dans son fauteuil sans un mot. Si elle avait espéré la faire fuir, c'était raté. Qu'importe... La conversation n'avait certes plus aucun intérêt puisqu'elle doutait fortement qu'elle lève les doutes sur l'implication du Serpentard mais elle ne voulait pas lui faire elle-même le plaisir de partir. C'était son territoire et ce n'était certainement pas à elle de le quitter. La cadette reprit le plus normalement du monde...

« Tu te souviens de l’épisode de la cabane ? Pourquoi tu n’as rien fait pour que je me taise ? »

Son regard s'assombrit alors qu'elle reportait toute son attention sur la jeune fille. Comment l'oublier ? C'était bien la seule fois que quelqu'un d'autre qu'elle avait mis les pieds dans sa Cabane... Ce n'était pas le meilleur souvenir qu'elle en avait mais elle s'était toujours refusée de le voir disparaître au cas où la Poufsouffle finirait par parler un peu trop...

"Je manque à la liste de tes ennemis ?"

Il fallait être un peu masochiste pour aborder le sujet et pire encore se plaindre presque de son absence de réaction. Si cela lui manquait à ce point, elle n'avait qu'à lui demander réparation, il n'était jamais trop tard pour une telle chose. Sarah se ferait une plaisir de lui faire vivre un enfer, surtout à sa demande. Néanmoins, elle consentit à lâcher quelques bribes d'explications...

"Je n'ai pas toujours envie de chercher les ennuis là où il n'y en a pas. Je t'ai gardé à l'oeil un bon moment, tu n'as rien dit, je n'ai rien fait. Fin de l'histoire. Tu aurais eu le malheur d'en parler, je me serais vengée, tout simplement. Et sans vouloir me venter, je crois que je commence à être très douée en la matière."

« Je n’ai pas d’ennemis prédéfinis. »

Elle ne répondit rien mais le sourire narquois qu'il y avait sur ses lèvres en disait long. Pas d'ennemis prédéfinis peut-être mais une capacité immense à s'en faire. Whitby était peut-être même plus douée qu'elle sur le sujet. On entendait beaucoup de choses dans les couloirs, surtout lorsqu'il s'agissait de casser du sucre sur le dos de quelqu'un et il était revenu régulièrement qu'en plus de s'attirer les foudres des Grands de l'école, elle parvenait aussi à s'attirer celles de ses soi-disant amis. Il fallait être sacrément douée ou insupportable pour y parvenir; Sarah ne parvenait pas à un tel résultat.

« A part Tyler, mais je crois que je reste pour lui simplement une petite emmerdeuse inférieure et sans utilité. »

La Préfète leva les yeux au ciel alors que son sourire s'agrandissait encore un peu plus. Jusque là, Tyler avait fait preuve de bons sens à son égard et on ne pouvait pas l'en blâmer. Elle n'était intéressante que grâce aux informations qu'elle avait, rien de plus. En elle-même, c'était une intello insignifiante comme il y en avait des tas dans cette école, de celles qu'on ne voyait qu'entre les murs de la bibliothèque et encore, quand on avait le courage de les y chercher. Ce qui n'était heureusement pas son cas, elle avait toujours eu bien mieux à faire...

"A t-il vraiment tort ?"

C'était sorti tout seul, sur le ton de la conversation, ni vraiment méchant ni vraiment innocent. La brune pouvait le prendre mal si l'envie lui prenait, ça n'avait pas été prononcé dans ce but là mais après tout, ça ferait d'une pierre deux coups. Elle n'avait pas eu envie de déclarer la guerre, mais si c'était pris dans ce sens-là, ça n'était pas non plus la fin du monde; juste une suite logique à une conversation sans fin ni intérêt, qui n'était ni très amicale ni franchement hostile...

Astride parut se perdre dans ses pensées suite à sa réponse. Peut-être aurait-elle mieux fait de balancer d'un air railleur qu'elle n'avait pas de temps à perdre avec une idiote comme elle. Elle l'aurait sûrement mieux pris et aurait continué sa vie sans se demander pourquoi elle l'avait ainsi épargnée... Elle ne put s'empêcher de s'imaginer faisant équipe avec Tyler pour essayer de la tuer d'une manière ou d'une autre pour avoir été là au mauvais endroit au mauvais moment... Manque de chance ce n'était pas le cas... Elle était là à devoir feindre de la supporter et d'apprécier un tant soit peu cette discussion insensée...

« Je ne doute pas une seconde de ton talent. »

La blonde n'aurait pas pu espérer meilleur compliment que celui-ci. Elle venait d'avouer la reconnaître douée. Même si ce n'était que dans la vengeance, c'était toujours mieux que rien. Il y avait des gens qui étaient bons en beaucoup de choses mais doués en rien, Whitby en était malheureusement pour elle l'une des plus grandes preuves; à apprendre beaucoup dans les livres sans pour autant exceller quelque part...

"Je m'attendais pas à ce que tu sois si réaliste, ou en tout cas, pas jusqu'à l'avouer. Mais... Merci pour le compliment."

Et si ce n'en était pas un ? Aucune importance, pour être pris comme tel, c'en était forcément un.