« Mais maman ! Je veux rester là avec Candy ! »

Bailee avait beau promettre d'être sage, elle n'arrivait pas franchement à faire ce qu'on lui demandait sans rechigner. Pour le coup, elle avait quand même l'impression d'être dans son droit. D'accord, il y avait quatre bouches de plus à nourrir, d'accord il fallait organiser un après-midi courses pour ravitailler tout ce petit monde, mais non, elle n'était pas obligée de partir avec sa mère, son père et sa sœur au supermarché. Sa maman avait sans doute peur qu'elle se comporte mal avec leurs invités et c'était sans doute pour cette raison qu'elle avait envie de l'emmener, mais la petite fille savait qu'elle se tiendrait à carreaux, elle ne voulait surtout pas donner une mauvaise image d'elle aux parents de sa meilleure amie. Et puis, ses parents devaient bien reconnaître qu'elle s'était montrée particulièrement sage depuis qu'elle était rentrée à Oxford. Aucun caprice monstre n'était à déplorer et Bailee avait participé aux tâches ménagères comme tout le monde. Elle n'avait même pas rechigné en voyant que le sapin avait déjà été décoré par Margaret et elle avait insisté très lourdement pour prêter son lit à Candlynn bien que celle-ci ait sa propre « mini-chambre » dans la caravane. Comme quoi, tous les miracles peuvent avoir lieu. La maman de Bailee sembla s'en rendre compte puisqu'elle capitula bien plus rapidement que n'aurait pu l'envisager la serdaigle.

« D'accord, mais tu ne fais pas de bêtises, n'est-ce pas ? »

Elle n'eut même pas droit à de véritable réponse, Bailee se contenta de lui sauter au coup pour lui faire un câlin avant de repartir à la vitesse de la lumière vers sa chambre, où elle espérait pouvoir retrouver Candlynn. Elle avait été particulièrement fière de la faire visiter à cette dernière. Elle espérait fortement avoir réussi à l'impressionner avec sa collection de peluches et de jouets en tout genre auxquels elle prenait toujours bien soin. Étrangement, depuis l'arrivée de sa meilleure amie, la petite fille n'avait même pas daigné sortir un seul bouquin. Elle aimait pouvoir jouer avec Candy et n'éprouvait plus le besoin de s'isoler dans son coin avec un des nombreux romans extrait laborieusement de la bibliothèque familiale. Celle-ci menaçait depuis des années de s'écrouler sous le poids des ouvrages entreposés dedans, mais la famille Browning n'avait pas la place d'en ajouter une seconde et n'avait jamais fait l'effort de tenter de la remplacer. Et pourtant, à chaque passage dans une libraire quelconque, un autre livre venait s'ajouter à tous ceux qui s'y trouvaient déjà et les parents de la petite fille devaient bien souvent se livrer à une partie de Tetris géant pour réussir à caser tous les bouquins à l'intérieur. Ils avaient un peu triché en utilisant le haut de l'armoire comme étagère supplémentaire si bien que Bailee était désormais obligée de poser le dictionnaire illustré qu'elle avait eu pour ses sept ans, sur le haut de l'escabeau. Mais pour le moment, ça n'avait pas la moindre importance. La serdaigle n'avait pas du tout envie d'aller jusqu'à la bibliothèque, elle passait des vacances merveilleuses que ni Jeremiah, ni Margaret n'avaient encore réussi à lui gâcher. Bon, elle n'était pas encore sur le point de leur proposer des entrées VIP pour sa chambre, loin de là, mais elle parvenait à jouer avec eux à des jeux de société sans avoir les étrangler. Il lui arrivait pourtant d'en avoir envie, surtout quand elle perdait, mais elle parvenait à se contenir, surtout lorsqu'elle se disait que son mauvais comportement pourrait donner envie aux parents de la petite Candy de partir un peu plus tôt que prévu. Heureusement ce n'était encore jamais arrivé et en ouvrant la porte de sa chambre à toute volée, elle eut le plaisir de découvrir que sa meilleure amie ne l'avait pas encore abandonnée.

« Ils me laissent rester ! » Cria-t-elle en sautillant joyeusement sur place. « On va pouvoir s'amuser. D'habitude j'y vais, hein, faire les courses, mais c'est pas pareil puisque t'es là, je veux pas te laisser toute seule. Tu veux jouer à quoi ? »

C'était l'un des nombreux changements qui s'étaient opérés chez la petite serdaigle. Elle se sentait toujours obligée de se justifier à chaque fois qu'elle refusait quelque chose, comme si l'idée que sa meilleure amie puisse la considérer comme une gamine mal élevée pouvait changer quoi que ce soit à sa vie. Ses parents avaient d'ailleurs sûrement imaginés pouvoir adopter Candlynn pour les vacances d'été, histoire d'avoir une fille incroyablement gentille pendant toute cette période. Malheureusement, les parents de Candy ne seraient probablement pas très favorables à ce genre d'idée à moins, bien sûr, qu'ils décident de venir de nouveau passer un peu de temps chez les Browning. Après tout, ils n'avaient pas encore l'air totalement traumatisé par cette famille plutôt banale quand Bailee ne se faisait pas trop remarquer et la petite fille avait eu l'impression que les adultes s'entendaient plutôt bien. D'ailleurs, ils avaient passé un super Noël et au-delà des cadeaux trop géniaux que Bailee avait reçu, elle avait trouvé cette soirée bien plus chouette que toutes celles qui avaient précédée. Pas de cris, pas de larmes, rien que des rires et une vraie bonne humeur. C'était du jamais vu et il y avait fort à parier que l'année prochaine, ses parents se plient en quatre pour inviter de nouveau les Zuckowski à passer les fêtes de fin d'année chez eux. La serdaigle trouvait cette idée merveilleuse et bien que ce ne soit pas trop à l'ordre jour, elle aimait se rassurer en se disant qu'elle passerait encore de nombreuses vacances avec sa meilleure amie. La fin de celles-ci arrivaient bien trop vite à son goût, et elle savait pertinemment qu'il lui serait impossible de séquestrer la petite fille chez elle, puisqu'elle devrait de toute façon, elle aussi, retourner à Poudlard à l'issue de ces deux semaines plus que merveilleuses.

« Si tu veux j'ai aussi des feutres, des pastels, de la peinture, des crayons de couleurs et des paillettes, on peut faire plein de trop jolis dessins. »

Bailee était plutôt de bonne humeur, elle voulait faire plaisir à la petite fille, et elle se fichait éperdument que l'activité choisie lui déplaise. Tout ce qui lui importait était de passer une bonne fin de vacances et que Candy puisse en profiter un maximum. Un vrai petit ange...

Il n'y avait pas à dire, c'était les meilleures vacances de toute son existence. Tout se passait pour le mieux au pays merveilleux de Candy. Si ses parents s'étaient tout d'abord un peu inquiétés d'avoir à partager la vie quotidienne de sorciers, et plus encore de voir leur fille au beau milieu de son nouveau monde, ils s'étaient vite rendu compte qu'elle ne faisait pas plus voler les objets chez les Browning que chez eux, certainement parce qu'elle n'en avait pas le droit, exactement comme elle ne l'avait pas d'ordinaire. Les caprices qu'elle avait appris à faire durant les grandes vacances n'avaient pas réapparu depuis qu'ils l'avaient retrouvé à la gare, comme si elle était redevenue la gamine docile qu'ils connaissaient. Elle faisait des efforts pour plaire aux parents de sa meilleure amie, espérant qu'ils accepteraient qu'elles restent amies s'ils voyaient qu'elle n'était pas une délinquante en herbe malgré les heures de retenue qu'elle avait pu, un peu, accumulé l'an passé, et elle tâchait de s'intéresser à Margaret sans que Bailee ne se mette en colère ou ne la prenne pour une traîtresse. D'ailleurs, elle qui l'avait toujours peinte comme un monstre de petite soeur avait dû se tromper sur la marchandise puisqu'il lui semblait que la jeune Browning était une petite soeur très gentille, un peu trop effacée et silencieuse peut-être mais néanmoins pas méchante. Jeremiah s'était plié en quatre pour tenir compagnie à la fillette que les deux Serdaigle délaissaient, mais comme elle s'y était attendue, il ne faisait pas le moindre pas vers sa meilleure amie pour la vie, se contentant du minimum vital pour paraître poli sans avoir l'air amical pour autant. Candlynn ne savait pas si elle appréciait ce manque d'enthousiasme à faire sa connaissance ou si elle devait s'en sentir blesser. Il aurait pu au moins faire semblant de s'intéresser à celle qui était la plus grande partie de sa vie lorsqu'il n'était pas là mais non, il se préférait les observer de loin avec un regard méfiant, comme si elle allait lui faire subir un lavage de cerveau ou un truc dans le genre. Comme si Bailee allait décider de son plein gré de la transformer en légume ! Elles en avaient déjà parlé, et Candlynn ne s'était jamais retenue de lui parler de ses inquiétudes quant au sujet des Grands Légumes et autres Légumes Mutants et sa crainte d'en devenir un un jour.

Couchée sur le lit de sa meilleure amie qui était partie elle ne savait pas trop faire, la jeune Zuckowski tenait sa jambe droite tendue vers le plafond et contemplait avec un intérêt qu'elle-seule pouvait comprendre le trou qu'il y avait dans sa chaussette, juste à l'endroit où aurait dû se trouver la tête d'une girafe. C'était quand même amusant de voir ce corps et ce long cou et puis d'un coup POUF! un gros orteil. Cette pensée lui tira sans mal un sourire stupide, alors qu'elle essayait de rentrer son bout de pied dans la chaussette sans utiliser ses mains. Ca ne servait à rien mais ça avait le mérite de l'occuper, voire même de l'amuser. Heureusement qu'elle avait plein d'autres paires de chaussettes quand même... C'était bizarre parce que le matin-même, quand elle les avait enfilées, elles n'étaient pas trouées. Comment un gros trou comme ça pouvait apparaître en quelques heures à peine sans qu'elle ne puisse s'en rendre compte ? C'était un véritable mystère. Un peu comme le lapin de Pâques qui cachait des oeufs kinder dans le jardin alors que tout le monde savait qu'il n'avait pas les sous pour les acheter puisque le lapin de Pâques n'était pas payé pour son travail... D'ailleurs, est-ce qu'un trou était apparu comme par magie sur ses chaussettes avec les lapins ? Elle ne les avait pas mises mais peut-être qu'elles s'étaient toutes trouées en même temps, comme pour protester contre elle ne savait trop quoi. Peut-être qu'elles en avaient marre qu'elle mette toujours des baskets alors que c'était une fille et que les filles devaient avoir des ballerines et des chaussures vernies ? Sauf que si c'était ça, c'était mieux pour elles qu'elle mette des baskets puisqu'on mettait pas de chaussettes avec des animaux dans des ballerines. Elle fut soudainement prise d'une inquiétude : est-ce que ses diplodocus avaient subi le même sort que les girafes ? C'était ses chaussettes porte-bonheur, celles qu'elle avait quand elle avait pris le train la première fois, et la deuxième fois, et quand elle avait reçu une réponse positive de ses parents pour les vacances avec Bailee, et quand elle avait vu Slevin dans la Grande Salle, et quand elle avait presque vu le Père Noël il y avait quelques jours à peine... Elles étaient un peu petites désormais, mais elle s'en fichait, elle continuait de les mettre en sachant que c'était le meilleur moyen pour qu'il lui arrive des choses bien. Elle ne remarqua même pas que la porte de la chambre s'ouvrait.

« Ils me laissent rester ! On va pouvoir s'amuser. D'habitude j'y vais, hein, faire les courses, mais c'est pas pareil puisque t'es là, je veux pas te laisser toute seule. Tu veux jouer à quoi ? »

Ce fut la voix de sa meilleure amie qui la ramena à la réalité. Elle laissa sa jambe retomber sur le matelas et s'assit en tailleur, posant sur la Serdaigle un regard un peu absent. Un sourire ravi se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle comprit enfin ce qu'avait dit Bailee. Elles allaient rester ensemble toute cette journée encore, c'était trop bien ! Elles passaient la quasi-totalité de leur temps ensemble, sans que grand monde ne vienne les déranger, et lorsqu'elles étaient décidées à prendre part au monde réel, elles ne le faisaient qu'ensemble. C'était tellement bien ! A Poudlard, elle trouvait que l'apparition du Poufsouffle était la pire chose qui aurait pu arriver et qu'il aurait mieux fait de rester terrer dans sa salle commune sans jamais essayer de lui piquer sa meilleure amie. C'était sa meilleure amie. La sienne à elle toute seule. Elle ne voulait pas le voir rôder autour de Bailee mais elle se taisait bien sagement. Les mots de Slevin lui revenaient parfois en tête mais elle ne le croyait qu'à moitié. Enfin, ça ne faisait rien. Elle n'avait pas vraiment envie de se pencher maintenant sur les manières de pouvoir exterminer Kaïn sans blesser sa meilleure amie. Il n'était pas là, il ne pouvait pas l'embêter pour l'instant. Ca lui laissait quelques jours de répit.

« Tu crois que mes chaussettes, elles aiment pas mes chaussures ? »

Son sérieux était inquiétant. Elle n'avait pas tout à faire conscience que les choses n'avaient pas de sentiments et qu'il leur était donc difficile d'aimer des trucs ou non. Dans son petit monde parfait, elle pouvait parler à tout, et si ses interlocuteurs inanimés ne lui répondaient pas, c'était pas parce qu'ils étaient « vides » mais parce qu'on avait juste oublié de leur faire des bouches. C'était bête aussi de pas faire de bouches aux objets, c'était tellement méchant de les forcer à se taire. Elle n'aurait pas aimé, elle, être obligée de se taire comme ça tout le temps simplement parce que des gens méchants ne lui avaient pas fait de bouche... Et pas de bras non plus, pour pas qu'elle puisse communiquer par écrit. Peut-être qu'il y avait des sortilèges pour faire en sorte d'aider les objets...? Elle n'avait jamais cherché parce qu'elle n'avait jamais vraiment vu les choses sous cet angle... Si elle s'en souvenait à la rentrée, elle irait à la bibliothèque et demanderait de l'aide à la bibliothécaire, elle devait bien savoir ça, elle. Elle était censée tout savoir ce qu'il se passait dans les livres après tout.

« Si tu veux j'ai aussi des feutres, des pastels, de la peinture, des crayons de couleurs et des paillettes, on peut faire plein de trop jolis dessins. »

Candlynn hocha la tête, hystérique, alors qu'elle se releva brusquement en sautillant. Des paillettes ! C'était un truc de filles mais l'un des rares trucs de filles qu'elle aimait vraiment bien. Ca collait, on en mettait toujours partout et on en retrouverait sur ses mains pendant des jours et des jours mais c'était tellement trop bien ! Et puis ça brillait, et ça faisait des jolies couleurs parfois. Son frère n'aimait pas trop ça, il disait que ça servait à rien et que ça alourdissait leurs dessins pour pas grand chose, alors souvent elle se pliait à ses désirs et évitait d'en mettre, se contentant de le faire uniquement lorsqu'elle dessinait toute seule. Et les tubes de colle pailletée qui sent trop bon ! Elle avait appris à écrire son prénom avec ça quand elle était petite. Et après elle mettait ses manches dedans sans faire exprès et on pouvait plus rien lire du tout donc elle n'avait aucune preuve mais elle le savait quand même, c'était son père qui lui avait dit, et même qu'il avait gardé la feuille sur laquelle elle avait réussi à l'écrire sans faute la première fois, mais il n'y avait plus qu'une grosse tâche de paillettes vertes... C'était triste.

« Oh oui ! Des dessins avec des paillettes ! C'est vrai ? On peut ? Tu veux bien ? »

« Tu crois que mes chaussettes, elles aiment pas mes chaussures ? »

La petite fille haussa un sourcil, un peu surprise par cette réaction, mais ça ne dura pas. Très vite, elle croisa les bras sur sa poitrine, un peu agacée par le manque d'enthousiasme de sa meilleure amie. Comment pouvait-elle être aussi peu enthousiaste devant une aussi bonne nouvelle ? Elle avait l'impression d'avoir supplié sa mère à genoux toute la matinée pour ne pas avoir à faire les courses et pouvoir rester un peu plus avec la serdaigle, et tout ça, elle l'avait fait pour elle presque exclusivement. Bon, d'accord, elle était aussi contente de pouvoir passer du temps avec son amie au lieu de s'ennuyer à mourir dans les rayons du supermarché, mais quand même, elle aurait être un peu plus reconnaissante que ça, non mais dis donc ! Et puis très honnêtement, elle aimait pouvoir sucrer la petite fille à son frangin qui aurait sûrement été très content de se retrouver en tête à tête avec Candy. Elle avait l'impression de lui prouver que sa meilleure amie était à elle et qu'il lui faudrait se battre s'il voulait la lui voler. Pourtant, elle n'était en compétition avec personne et la petite serdaigle n'était pas à elle, mais elle ne semblait pas l'avoir encore totalement assimilé.

« J'en sais rien, mais on s'en fiche ! » S'exclama la petite fille. « T'as pas entendu ce que je t'ai dit ? »

Franchement, d'où sortait-elle des questions pareilles ? Et puis, qu'est-ce qu'elle en avait à faire que ses chaussettes n'aiment pas ses chaussures, elle n'allait pas arrêter d'en mettre simplement pour ne pas les contrarier ? Enfin, mieux valait qu'elle ne fasse pas une telle suggestion à la jeune fille, elle n'avait pas la moindre envie qu'elle mette son plan à exécution, sinon elle devrait passer la totalité de l'hiver avec la fenêtre ouverte de peur de mourir asphyxiée par les odeurs. Elle trouvait vraiment étrange que la petite serdaigle considère que toute chose avait sa propre manière de penser et d'agir. Les chaussettes comme les chaussures étaient des objets inanimés, elles ne pouvaient pas aimer ou ne pas aimer tel ou tel autre vêtement... Mais bien, sûr, comme pour les légumes géants et tant d'autres folies de la petite fille, Bailee savait qu'il était inutile de discuter et d'essayer de convaincre Candy qu'elle se trompait. En plus, elle n'avait pas la moindre envie de lui casser ses rêves. Si la serdaigle était heureuse comme ça, alors elle allait tout fait pour conserver sa naïveté et son innocence, mais elle ne pouvait quand même pas entrer dans son jeu, son esprit bien trop rationnel l'en empêchait.

« Oh oui ! Des dessins avec des paillettes ! C'est vrai ? On peut ? Tu veux bien ? »

L'enthousiasme de Candlynn faisait plaisir à voir. Elle était ravie d'avoir réussi à susciter une telle bonne humeur de la part de la petite fille alors qu'elle lui avait tout simplement proposé de se livrer à son activité favorite et la plus régulière lorsqu'elles se trouvaient à Poudlard. En même temps, à part explorer les nombreuses cachettes secrètes de l'école et s'amuser en dessinant, elles n'avaient pas grand-chose à faire. Évidemment, il y avait les cours, tous les bouquins de la bibliothèque et de la réserver et elles pouvaient également trouver des amis à gogo pour s'occuper. Enfin, la dernière option ne lui convenait pas franchement quand on savait qu'elle n'avait qu'une seule et unique amie mais tout le reste suffisait à faire son bonheur. Chez elle, c'était un peu différent. Elle avait un tas de jeux divers et variés, il y avait la télévision, l'ordinateur et la balançoire dans le petit jardin, elles étaient pratiquement sûre de ne jamais s'ennuyer et pourtant elles continuaient à agir comme si elles avaient été à l'école. Ça ne dérangeait pas du tout Bailee, tant qu'elle était avec sa meilleure amie, tout lui convenait.

« Bah oui ! Sinon je ne te le proposerais pas. Ne sois pas idiote. »

Elle avait presque honte de lui faire des reproches alors qu'elle semblait si contente de pouvoir dessiner avec ses feutres et ses paillettes, mais son sourire contrastait agréablement avec ce qu'elle venait de dire. Le ravissement se lisait sur son visage et elle se précipita sans attendre vers le tiroir de sa commode dans lequel elle rangeait ses ustensiles à dessin. Elle s'empressa de sortir toute ses affaires et les déposa à même le sol, juste derrière, sans oublier de jeter des petits coups d’œil vers sa meilleure amie pour voir si elle était impressionnée par la quantité de choses qu'elle possédait. Ce n'était pas de sa faute si elle avait encore du mal avec la notion d'amitié, elle pensait encore que ça s'achetait et qu'elle pourrait la gagner en ayant des atouts matériels puisque pour la gentillesse, elle n'était franchement pas la meilleure. Elle aurait dû se rendre compte que ce n'était probablement pas ce que Candy recherchait chez sa meilleure amie pour la vie. Leur dispute dans le train l'avait plus ébranlée qu'elle ne l'avait imaginé. Elle s'était rendue compte que la petite fille ne lui était pas acquise et ces vacances étaient l'occasion d'enterrer ses peurs, elle en avait bien besoin. Elle vivait depuis la rentrée dans la crainte que la serdaigle lui fausse compagnie, elle ne voulait surtout pas que ça arrive.

« Bon, on peut rester dans ma chambre, mais faut pas trop salir par terre, maman elle aime pas. »

Elle avait déjà renversé le pot où elle lavait ses pinceaux pour pas mélanger les couleurs et sa mère était entrée dans une colère noire. D'accord, le bleu, le rouge, le vert et le jaune mélangé ça faisait un marron bizarre et d'accord ça ne faisait pas très beau sur la moquette de sa chambre, mais franchement ça ne valait pas le coup de la priver de dessert pendant une semaine quand même. Depuis ce moment-là, sa maman lui avait plus ou moins interdit de dessiner par terre dans sa chambre, ce qui était bien dommage parce que s'allonger par terre c'était quand même vachement plus chouette que de rester assis à son bureau. Et là, l'interdiction n'avait plus lieu d'être puisqu'elles ne pouvaient pas s'asseoir à deux à son bureau, il fallait bien qu'elles restent sur le sol. Bon, elles auraient aussi pu aller à la cuisine, mais, elle craignait que Margaret et Jeremiah ne se joignent à elle et franchement, elle n'en avait aucune envie. C'était ses feutres, sa meilleure amie et leurs vacances ensembles, rien qu'à toutes les deux. Elle avait été ravie de constater que leurs deux frangins ne se mettaient que rarement en travers de leur route et ça devait rester comme ça. Bailee s'allongea donc sur le sol et attrapa une feuille vierge, se demandant à quoi aller bien pouvoir ressembler son œuvre.

« Tu vas dessiner quoi ? »

Non pas que ça l'intéressait plus que ça, mais elle n'avait pas envie que le dessin de sa meilleure amie soit plus apprécié que le sien et pour éviter une telle chose, mieux valait qu'elles évitent d'avoir exactement la même idée. Candlynn était plus douée qu'elle dans ce domaine, et si ça l'avait un peu énervé au début, elle avait fini par s'y faire. Elle tâchait tout de même de faire en sorte qu'on ne puisse pas les comparer pour ne pas devoir lutter pour faire disparaître la jalousie qui l'envahirait sans aucun doute. La petite fille fixa donc sa meilleure amie, un feutre encore fermé dans la main, attendant la réponse de cette dernière.

« J'en sais rien, mais on s'en fiche ! T'as pas entendu ce que je t'ai dit ? »

Si, comme elle le disait, Bailee s'en fichait, ce n'était pas le cas de tout le monde. Comment pourrait-elle continuer à s'habiller le matin et à marcher toute la journée si au final, ses chaussettes étaient malheureuses ? Elle n'avait pas la moindre envie de rendre qui que ce soit malheureux, que ce soit ses amis, sa famille ou ses chaussettes. Après, elle croyait volontiers qu'il y avait bien peu de gens pour s'intéresser au sort du contenu de leur armoire mais ça ne faisait rien. D'accord, en général, elle s'en fichait un peu aussi, il n'y avait qu'à voir l'état de ses jeans pour s'en rendre compte, les taches de tout ce qui pouvait tacher et les trous par dizaine ne laissaient pas de doutes sur le sujet, mais cette fois, c'était différent. C'était gentil des chaussettes. Et puis, il y avait plein de petits animaux dessus alors il fallait y faire attention. Certes, il n'y avait pas que des animaux puisqu'elle en avait avec des rayures, avec des points, avec des ananas, avec des fleurs, avec des arbres, avec des flocons de neige, avec des Pères Noël... Et même des orphelines qu'elle continuait quand même à mettre en paire dépareillée parce qu'elles n'avaient jamais demandé à être abandonnées par leur famille. Ca n'avait aucune importance, elle ne voulait pas que ses chaussettes puissent se plaindre d'elle. Et ça lui semblait on ne pouvait plus normal. Bien sûr, elle avait entendu ce qu'elle lui avait dit; bien sûr, elle était contente de savoir qu'elles pouvaient rester ensemble un peu plus longtemps, mais est-ce que c'était une raison suffisante pour reléguer son problème au second plan ? Et encore, second plan si on voulait être gentille... Candlynn hocha la tête, pas spécialement enchantée à l'idée de froisser sa meilleure amie.

« Bah oui, j'ai entendu, mais on s'en fiche pas trop quand même. Je fais quoi si elles veulent plus coopérer ? J'ai pas envie de mettre des chaussures de filles toute ma vie parce que mes chaussettes elles préfèrent. T'as pas ce problème toi, t'as de la chance ! Tu crois que je devrais faire une réunion dans ma chambre pour qu'elles puissent s'exprimer ? T'sais, comme dans les trucs diplomatiques... Ce serait trop drôle n'empêche ! Tu voudras venir écouter les demandes de mes chaussettes ? J'suis sûre qu'elles ont plein de trucs à dire, et puis on essayera de trouver une solution toutes ensemble. Ce serait trop bien... Tu voudras bien, hein ? Dis oui, dis oui ! »

Au fond, la Serdaigle ne s'attendait pas vraiment à ce que son amie accepte. Elle était habituée à ce qu'il y ait peu de monde pour la suivre dans ses lubies politico-vestimentaires. Même Jeremiah n'y avait pas adhéré lorsqu'elle lui avait demandé, il y avait deux ou trois ans, de l'aider à expliquer à ses pyjamas qu'il ne fallait pas tomber de la corde à linge qu'il y avait dans le jardin même quand le vent leur demandait gentiment parce qu'après, ils risquaient de se perdre et qu'elle n'avait pas envie de mettre des affichettes dans tout Oldham pour retrouver leur trace alors que c'était uniquement de leur faute. Il avait tenté de lui expliquer qu'elle n'avait qu'à mettre plus de pinces à linge pour que ça tienne bien, que ses pyjamas n'y pouvaient rien. Dans le doute, elle avait appliqué les deux méthodes, et ils n'avaient plus jamais cherché à s'échapper. Il restait un minuscule problème : elle n'avait pas pu savoir s'ils avaient compris ce qu'elle leur avait dit ou si les pinces avaient eu raison de son explication. Elle ne le saurait malheureusement jamais... Elle oublia tout de même rapidement cette histoire pour se concentrer sur la proposition de sa meilleure amie. Avoir quitté Poudlard ne changeait pas grand chose, à l'exception que son frère était là, quelque part, pas loin, et qu'elle pouvait aller le voir quand elle en avait envie, qu'elle pouvait le toucher, lui parler, lui raconter sa vie sans être obligée de passer des heures à la lui écrire. Et c'était quand même vachement bien. Lorsque Bailee s'installa sur le sol, elle ne se fit pas prier pour l'imiter, oubliant totalement sa chaussette et le trou qu'il pouvait bien y avoir dedans.

« Bah oui ! Sinon je ne te le proposerais pas. Ne sois pas idiote. »

Bah elle était pas censée savoir, elle aurait très bien pu vouloir lui faire une blague pas drôle, c'était possible aussi. Non ? Enfin, en tout cas c'était comme ça qu'elle l'avait pris mais elle s'en fichait un peu désormais puisqu'elle venait de prendre bien conscience que c'était vrai et qu'elle allait pouvoir mettre plein de paillettes dans son dessin, autant qu'elle voudrait, alors qu'elle avait plutôt tendance à éviter pour ne pas trop contrarier les certitudes de son frangin. C'était dommage tout de même parce que c'était trop joli les paillettes ! Après, c'était un truc de filles alors c'était peut-être pour ça qu'il n'aimait pas ça, parce que Jeremiah n'était pas une fille, donc ça expliquait bien des choses. Elle ne trouva rien à répondre, n'ayant pas spécialement envie de se perdre dans des explications interminables sur la probabilité qu'il y avait eu à ce que ce soit une farce pas très drôle. La jeune Zuckowski attrapa une feuille et la posa délicatement devant elle avant de prendre un crayon et de s'attaquer tout de suite à son oeuvre. Elle avait déjà hâte d'aller montrer leurs dessins à son aîné qui ne se gênerait sûrement pas pour leur faire des remarques sur leur technique ou sur l'utilisation de ces ''affreuses paillettes''.

« Tu vas dessiner quoi ? »

Candy regarda sa feuille et les quelques traits qu'elle avait fait jusque là. Lui montrer ne servirait à rien puisque ça ne ressemblait à rien de connu, ni même d'inconnu d'ailleurs. Ca ressemblait à rien tout court. Bien sûr, elle ne se faisait pas trop de soucis, à la fin on arriverait à peu près à voir de quoi il s'agissait, c'était juste pas encore le cas pour l'instant. Rien de bien grave. Elle reposa son regard clair sur sa meilleure amie, entourant le crayon qu'elle tenait d'une mèche qui s'était échappée de son chignon plus que brouillon. Ses jambes s'agitaient dans des gestes réguliers, battant une mesure qui n'existait que dans la tête de leur propriétaire.

« La famille vraiment parfaite. J'suis en train de dessiner le salon-là, mais on voit pas trop encore... Et toi ? Tu vas dessiner quoi ? »

« Bah oui, j'ai entendu, mais on s'en fiche pas trop quand même. Je fais quoi si elles veulent plus coopérer ? J'ai pas envie de mettre des chaussures de filles toute ma vie parce que mes chaussettes elles préfèrent. T'as pas ce problème toi, t'as de la chance ! Tu crois que je devrais faire une réunion dans ma chambre pour qu'elles puissent s'exprimer ? T'sais, comme dans les trucs diplomatiques... Ce serait trop drôle n'empêche ! Tu voudras venir écouter les demandes de mes chaussettes ? J'suis sûre qu'elles ont plein de trucs à dire, et puis on essayera de trouver une solution toutes ensemble. Ce serait trop bien... Tu voudras bien, hein ? Dis oui, dis oui ! »

Bailee se montrait de plus en plus conciliante avec sa meilleure amie au cours du temps. Leur trajet en train qui ne s’était pas forcément très bien passé y était pour quelque chose. Elle s’était rendue compte que la petite serdaigle, aussi adorable soit-elle, pouvait lui filer entre les doigts et elle avait voulu faire des efforts pour se monter la meilleure amie possible et donc éviter un tel drame. Sauf que parfois, comme aujourd’hui, elle n’avait pas du tout envie de se montrer gentille et merveilleuse. Elle aurait voulu que Candy soit contente de la voir rester avec elle, qu’elle traverse la chambre pour lui sauter au cou comme si c’était le plus beau jour de sa vie. Mais non, elle avait manifestement pensé que la volonté de ses stupides chaussettes était plus importante qu’elle et ça l’agaçait franchement. Si Bailee n’avait pas été aussi heureuse de pouvoir passer tout l’après-midi en compagnie de la petite fille, elle aurait probablement mis les voiles, claquant la porte derrière elle pour manifester son mécontentement. Au lieu de ça, la serdaigle se contenta de hausser les épaules, avec un soupir exagéré. Elle ne savait pas trop comment signifier son refus à Candy, mais une chose était sûre, il était hors de question qu’elle accepte.

« Non. » Refusa-t-elle avec fermeté. « C’est des chaussettes Candy, et tu sais ce que c’est une chaussette ? Un objet inanimé. Elles n’ont pas d’âmes, pas la possibilité de penser ou d’exprimer un avis sur quoi que ce soit. Tu peux mettre n’importe quelles chaussures, elles n’en auront rien à faire, je t’assure. Parfois, je te comprends vraiment pas. »

Elle savait pertinemment que les mots qu’elle venait de prononcer allaient entrer par une oreille de son amie et ressortir par l’autre. Les informations logiques et rationnelles ne s’imprimaient pas très souvent dans le cerveau de la serdaigle qui trouvait ça bien dommage. Elles grandissaient, et malgré qu’elle soit toujours la plus petite des deux, Bailee avait bien conscience de s’être nettement plus avancée pour ce qui était de son degré de maturité. Certes, elle se comportait souvent comme une gamine capricieuse, même encore maintenant, mais elle savait quelles étaient les limites de ce comportement de petite fille. A Poudlard, elle ne se permettait pas de faire un caprice, se contentant de se fondre dans la masse et de répondre à ses professeurs quand ils lui posaient une question. Elle passait très certainement pour la peste de service, et elle l’avait bien cherché, mais elle n’était plus une enfant à ses yeux comme à ceux des autres. Pour Candy, c’était bien différent. La serdaigle avait déjà constaté à plusieurs reprises que les élèves plus âgés s’adressaient à elle comme si elle avait cinq ans. Ils étaient gentils, souriants, ne cherchaient pas à casser le délire dans lequel elle ne manquait pas de partir. Bailee trouvait ce comportement parfaitement irritant, mais malheureusement, elle ne pouvait rien faire pour l’empêcher.

« La famille vraiment parfaite. J'suis en train de dessiner le salon-là, mais on voit pas trop encore... Et toi ? Tu vas dessiner quoi ? »

Bailee resta un instant le crayon en suspend au-dessus de sa feuille, il était étrange que ce genre de paroles sorte de la bouche de sa meilleure amie. Candy avait toujours eu l’air de vivre dans un monde parfait, avec de la barbapapa dans les arbres et du sucre rose sur les routes. Il n’y avait jamais de disputes, les gens, les animaux et les objets cohabitaient. Les problèmes étaient réglés très facilement, grâce à une conversation calme et posée. Alors l’entendre qu’elle allait essayer de représenter la famille parfaite la perturbait bien plus qu’elle n’aurait pu l’imaginer. Est-ce qu’elle voulait dire par-là que sa famille à elle n’était pas si parfaite que ça finalement ? Ou alors qu’elle allait justement représenter son propre cocon familial. La serdaigle était étrangement curieuse de connaitre la réponse de la petite fille. Le psychologue chez qui elle allait avant lui demander souvent de faire des dessins, parce que soit disant c’était très « révélateur ». Jusqu’ici, elle avait toujours trouvé ça complètement stupide, mais maintenant, elle n’en était plus si sûre.

« La famille vraiment parfaite ? Tu veux dire que la tienne ne l’est pas ? Ou est-ce que tu vas dessiner ta propre famille justement ? »

Tout en parlant, la serdaigle s’était remise à son propre dessin. Une ligne plus ou moins droite représentait le sol et on pouvait voir très distinctement les fondations ce qui semblait être une maison. La petite fille avait maintenant délaissé le bâtiment en construction pour s’atteler à la décoration du jardin. Elle tirait la langue en dessinant une petite fleur, pas comme les autres. Au lieu d’avoir un rond au centre avec des pétales tout autour, Bailee lui avait dessiné un cœur triangulaire et peinait à tracer des pétales tout autour. Lorsqu’elle eut enfin réussi son œuvre, elle attrapa différent feutres de couleurs, visant à colorier chacun des pétales de façon à ce qu’il ne ressemble pas à son voisin. Elle voulait que tout le monde puisse voir qu’elle n’était pas en train de dessine rune bête maison comme elle en voyait des centaines en prenant la voiture avec sa maman. La sienne serait un peu particulière. La serdaigle était étrangement concentrée sur ce qu’elle faisait, elle qui n’était pas passionnée de dessins avait envie d’épater sa meilleure amie, sûrement à cause de la présence de son génie de frère. Elle mit donc quelques instants à se souvenir de la question posée par sa meilleure amie et prit beaucoup de temps pour y répondre.

« Je vais dessiner une maison d’une autre planète. » Déclara-t-elle avec fierté. « Un monde que personne ne connait à part moi. »

Les romans lui avaient toujours donné une grande imagination, elle aimait beaucoup se projeter dans des pays, des villes, des maisons ou des mondes qui n’existaient que dans sa tête. Souvent, elle imaginait que dans ces mondes parallèles, il existait exactement les même personnes que dans son monde à elle sauf qu’elle ne pouvait pas communiquer avec ses autres elles, justement. Pourtant, ça aurait été vraiment chouette de pouvoir comparer leurs vies et peut-être même échanger leur place pour faire des tests. Mais si elle avait choisi de faire ce dessin aujourd’hui, c’était avant tout pour échapper au critique. Même un trait qui dérapait un peu pouvait passer comme quelque chose de volontaire. Après tout, c’était son monde imaginaire, personne ne savait comment il était à part elle.

« Non. C’est des chaussettes Candy, et tu sais ce que c’est une chaussette ? Un objet inanimé. Elles n’ont pas d’âmes, pas la possibilité de penser ou d’exprimer un avis sur quoi que ce soit. Tu peux mettre n’importe quelles chaussures, elles n’en auront rien à faire, je t’assure. Parfois, je te comprends vraiment pas. »

Candlynn haussa négligemment les épaules. Elle préféra cependant ne pas réengager la conversation sur le sujet, elle ne mènerait à rien. Elle trouvait simplement dommage que sa meilleure amie soit parfois aussi bornée que ça. Un peu plus et elle finirait par prétendre que le Père Noël n'existait pas. Elle avait souvent entendu des gens dire que ce n'était qu'une légende, qu'un conte pour les enfants mais elle, elle savait bien que ce n'était pas le cas, qu'il existait, qu'il lui apportait ses cadeaux tous les ans et qu'il avait des rennes trop chouettes. Elle trouvait ça triste pour Bailee, elle devait bien s'ennuyer dans sa vie si tout était aussi ''simple'', aussi adulte tout le temps. Mais d'un autre côté, ça ne l'étonnait pas. Depuis qu'elle la connaissait, elle avait remarqué qu'elles ne partageaient pas franchement le même point de vue sur un nombre incroyable de choses. Les chaussettes ne faisaient que venir se rajouter à une liste déjà incroyablement long. Enfin, c'était dommage pour la réunion diplomatique qui aurait pu être vraiment intéressante. Qui pouvait se vanter d'avoir déjà participé à une réunion au gouvernement des chaussettes ? Personne ! Pourtant, elles devaient bien en avoir pour gérer leur chaussettecratie. Elles devaient faire ça à l'abri, dans le tiroir du bas de sa commode. C'était peut-être ça les bruits qu'elle entendait la nuit...? Ses parents lui avaient dit que c'était le vent mais c'était sûrement parce qu'ils n'en savaient rien. Et Bailee non plus n'en savait rien. Elle n'était pas dans les tiroirs en pleine nuit pour voir ce qu'il s'y passait, ni même dans la tête des chaussettes.

« D'accord. »

Qu'aurait-elle pu dire de plus de toute façon ? Admettre qu'elle n'était pas d'accord aurait fait soupirer son amie avec une nuance de désespoir qui ne lui plaisait pas, comme si son cas n'avait aucune chance d'être sauvée, que sa bêtise avait atteint des sommets trop hauts pour pouvoir en redescendre. Sa grand-mère paternelle, en Pologne, soupirait souvent de cette manière lorsqu'elle s'essayait à engager la conversation dans un polonais bancal, avant de regarder son père avec mécontentement et de prétendre qu'il lui faudrait rester un moment avec elle pour qu'elle puisse enfin s'exprimer convenablement. Elle s'exprimait convenablement... Dans d'autres langues. En anglais par exemple, et puis elle se débrouillait quand même pas trop mal en russe et en espagnol. C'était toujours mieux que rien, sa grand-mère pouvait toujours apprendre l'anglais, que les efforts ne soient pas toujours fournis par les mêmes, mais elle n'avait jamais eu l'incorrection de le lui faire savoir, promettant simplement à la place qu'elle s'améliorerait pour la fois d'après, ce qui n'avait jamais été vrai. De toute façon, elle n'était même pas née en Pologne et n'y passait qu'une fois de temps en temps, quand ses grands-parents avaient eu gain de cause pour les voir à Noël ou au jour de l'an, et elle passait plus de temps avec ses amies du village qu'avec sa famille... Et ses amies, elles, elles ne trouvaient pas qu'elle ne parlait pas bien la langue, elles s'extasiaient devant son anglais à la place, ce qui était bien plus valorisant.

« La famille vraiment parfaite ? Tu veux dire que la tienne ne l’est pas ? Ou est-ce que tu vas dessiner ta propre famille justement ? »

Elle ne répondit pas tout de suite, regardant d'abord son dessin où le canapé prenait forme près de ce qui serait bientôt la cheminée. La Serdaigle ne le saurait peut-être jamais mais ce qu'elle dessinait là n'était autre que sa propre maison, dont la décoration vieillotte avait été choisi avec soin par sa mère qui donnait parfois l'impression d'avoir quatre-vingt-dix ans. Bien sûr, sa famille était parfaite si on se limitait au fait que sa famille ne pouvait être que telle qu'elle l'avait toujours connue. Chacun de ses membres était parfait et l'entente qu'il y avait entre eux malgré les petites rebellions de la benjamine était parfaite également. Mais Candlynn ne voyait pas les choses sous cet angle. Si sa famille était parfaite telle qu'elle était, elle aurait pu être plus parfaite encore autrement. Bien plus parfaite encore... Elle délaissa son morceau de décor inachevé pour se concentrer sur une silhouette au milieu de la feuille, accentuant distraitement la couleur sombre d'une chevelure qui n'appartenait pour l'instant à aucun visage. On pouvait toutefois apercevoir l'espace vide de ce qui serait plus tard un ruban. Elle reposa son crayon et attrapa une gomme qu'elle fit machinalement tourner entre ses doigts tandis qu'elle relevait les yeux vers sa meilleure amie.

« Si, elle est parfaite ma famille, t'as bien vu. Mais il manque un truc quand même pour qu'elle soit encore mieux. Enfin un truc... » expliqua t-elle sans y faire vraiment attention alors qu'elle finissait de gommer un trait mal placé avant de donner enfin un visage à la pauvre enfant qui attendait toujours au beau milieu du salon. « Toi quoi. »

Elle dessina un sourire rayonnant sur les lèvres de la jeune Browning qui la fixait depuis la feuille. Elle ne put s'empêcher de lui sourire en retour avant de s'attaquer à quelqu'un d'autre sans s'attarder davantage sur le morceau de Bailee qu'elle n'avait pas encore terminé. Elle ne savait pas combien de temps elle aurait pour finir son dessin, ni même combien de temps sa meilleure amie supporterait de rester là à gribouiller pour lui faire plaisir, aussi faisait-elle en sorte de tout commencer rapidement pour qu'on puisse avoir une idée de ce qu'elle avait voulu faire même si elle n'avait pas le temps de le finir. Ce serait dommage de donner l'impression d'avoir eu envie de faire un salon désert quand même, ou juste une personne toute seule et abandonnée dans une maison trop grande pour elle. Elle jeta un coup d'oeil furtif à la feuille de sa voisine, observant avec amusement la jolie petite fleur qui prenait vie sur le sol. Elle n'en avait jamais vu des comme ça. C'était bien dommage d'ailleurs. Elles auraient certainement eu beaucoup de succès dans les bouquets. Ca aurait fait beau sur une table. Ou dans une chambre. Ou en pot sur un rebord de fenêtre...

« Je vais dessiner une maison d’une autre planète. Un monde que personne ne connait à part moi. »

Elle la regarda dessiner un moment, suivant des yeux les aller-retours du feutre, oubliant totalement qu'elle avait quelque chose à finir également. Un autre monde... Parce que celui dans lequel elle vivait ne lui plaisait pas suffisamment ? Bien sûr, il était pas toujours très rose et parfois on en avait marre et on voulait aller ailleurs loin mais dans l'ensemble, il était tout de même agréable. Plongée dans ses pensées, cherchant vainement à savoir comment était ce nouveau monde, Candlynn laissa échapper son crayon qui s'écrasa sur sa feuille en laissant une petite trace. Elle ne le remarqua pas tout de suite mais se hâta de l'effacer dès que ce fut le cas. Elle souffla pour enlever les bouts de gomme qu'elle venait de rajouter sur sa feuille et releva les yeux vers Bailee.

« Tu me le montreras un jour, ce monde-là ? » demanda t-elle alors qu'elle reprenait son dessin le plus normalement du monde, accélérant un peu la cadence malgré tout.

« D'accord. »

Bailee ne savait pas si elle devait être satisfaite de son argumentation ou si Candy avait simplement jugé inutile de continuer un débat qui ne mènerait à rien. La serdaigle avait toujours été butée, d'aussi loin qu'elle s'en souvienne. Elle n'aimait pas avoir tort, du coup, elle réfléchissait toujours un maximum avant de parler, histoire d'être sûre que personne ne puisse la contredire. Seulement, il arrivait quand même que quelqu'un exprime son désaccord, même si elle était persuadée d'avoir raison. Dans ce cas, elle n'hésitait pas à tenir tête au principal intéressé, jusqu'à capitulation ou mort de son interlocuteur. Lorsque c'était ses parents, le combat était plus inégal puisque les punitions finissaient par pleuvoir quand ses géniteurs n'en pouvaient plus de l'entendre leur tenir tête, mais elle trouvait qu'ils étaient un peu lâche et les punitions étaient presque une victoire pour elle puisque ça voulait dire que ses parents n'avaient plus d'arguments pour discuter avec elle. Avec ses professeurs, c'était encore une autre histoire. Bailee détestait toujours avoir tort, mais elle n'osait pas leur répondre quand ils lui disaient quelque chose. Elle s'arrangeait quand même pour donner une réponse uniquement quand elle était sûre d'elle pour limiter les dégâts. Alors forcément, Candy devait commencer à la connaître et elle savait qu'il valait mieux ne pas s'embarquer dans ce genre de conversation.

« Si, elle est parfaite ma famille, t'as bien vu. Mais il manque un truc quand même pour qu'elle soit encore mieux. Enfin un truc... Toi quoi. »

Le crayon suspendu dans les airs, la petite fille regarda Candy en haussant les sourcils, surprise par une telle réponse. Contrairement à sa meilleure amie, elle n'avait jamais rêvée de la voir intégrer sa famille. Elle avait souvent imaginé de pouvoir réunir leurs deux familles respectives pour toujours, ça lui faisait même très plaisir d'imaginer qu'elles puissent vivre toutes les deux dans la même maison, mais que Candy fasse partie des Browning était tout de même assez compliqué à envisager. Bailee avait toujours voulu avoir ses parents pour elle toute seule, sa vie d'enfant unique avait été assez longue, puisque Margaret et elle avaient quand même plusieurs années d'écart. Alors du coup, si Candlynn devenait vraiment sa sœur, elle devrait partager ses parents avec deux personnes non pas une, et elle n'était pas sûre que ça lui fasse vraiment très plaisir. Qui plus était, sa meilleure amie avait quand même bien meilleur caractère qu'elle et Bailee était convaincue qu'elle serait tout de suite favorisée au moins par sa maman qui semblait toujours en adoration devant la toute gentille petite Margaret. En bref, si elles voulaient rester de vraies amies jusqu'à la fin de leur vie, mieux valait qu'elles n'aient jamais de vraies lien de sang, en plus, la serdaigle considérait qu'on ne pouvait pas vraiment être des sœurs et des amies, c'était deux choses totalement différentes qu'il ne fallait pas mélanger.

« Mais Candy, si je faisais partie de ta famille, je ne pourrais pas vraiment être ta meilleure amie, je serais juste ta sœur. »

Bailee avait quand même l'impression d'être odieuse pour le coup. Sa meilleure amie amie venait quand même de lui avouer quelque chose qui aurait dû lui faire infiniment plaisir. Elle lui avait dit qu'elle aurait aimé avoir un vrai lien avec elle, un lien de sang, un lien totalement indestructible. Elle aurait dû lui sauter au cou, montrer qu'elle était heureuse de voir à quel point elles étaient liées maintenant. La bleue et bronze avait l'impression que leur trajet en train était loin maintenant. L'été dernier encore, elle avait imaginé qu'elle ne reverrait jamais la petite fille, que leur amitié se finissait là. Elle avait préparé la rentrée des classes avec un déplaisir manifeste, imaginant qu'elle se retrouverait seule dès la rentrée, qu'elle aurait l'impression d'être abandonnée et totalement livrée à elle-même. Et dans le train, elle avait été merveilleusement surprise de se rendre compte que Candy ferait encore partie de son année cette fois-ci. Elle s'était alors rendue compte que ses précédentes tentatives fuites n'étaient pas vraiment motivées par le désir de rentrer chez elle, mais plutôt de passer le plus de temps possible avec sa meilleure amie. Elle voulait rester au château avec Candy pendant ces sept ans et elle était persuadée que ce serait les plus belles années de sa vie.

« C'est gentil, merci. »

Bailee se leva brusquement pour aller s'allonger sur le dos de sa meilleure amie, entourant ses bras de son cou. Elle avait bien conscience qu'elle risquait de l'étouffer si elle restait longtemps dans cette position, aussi se hâta-t-elle de regagner sa place et replongea dans son dessins pour éviter de rougir comme une tomate. Les fleurs du jardin étaient presque toutes terminées désormais et elle devait s'attaquer aux fondations de la maison. Ce n'était pas simple, il était vraiment difficile de représenter avec exactitude ce qu'il se passait dans sa tête alors qu'elle avait du mal à dessiner. Elle avait toujours été particulièrement nulle en dessin, les mots étaient beaucoup plus facile à former que les objets, il était facile de décrire une représentation mais difficile de montrer directement à quelqu'un à quoi ressemblait ce qu'il se passait dans son cerveau. Elle avait eu du mal à l'admettre, mais Candy était bien meilleure qu'elle dans cette discipline. De toute façon, il fallait bien qu'elle ait des qualités qu'elle n'avait pas, et celle-là en était indéniablement une. Bailee savait qu'elle n'était pas une fille merveilleuse sur tous les plans, bien au contraire, mais elle savait qu'elle avait bien souvent du mal à ne pas prendre la grosse tête.

« Tu me le montreras un jour, ce monde-là ? »

Bailee aurait beaucoup aimé montrer ses rêves à la petite fille. Non pas qu'elle n'aimait pas le monde réel, celui dans lequel elle était obligée de rester parfois, mais les contes et les légendes offraient des univers particulièrement intéressants où elle aimait pouvoir se réfugier. Elle avait tant de choses à découvrir là-bas, comme ici, la serdaigle voulait être partout en même temps et elle doutait franchement que Candy comprenne ce genre de choses. Enfin, c'était peut-être le cas, mais ça ne changeait rien au problème principal. Elle ne savait pas comment introduire quelqu'un dans sa tête, elle ne savait pas si c'était simplement possible d'ailleurs. Peut-être devrait-elle demander à un de ses professeurs en rentrant à Poudlard ? Ou à son père lorsqu'il reviendrait des courses ? Ce n'était peut-être pas très important, mais Bailee aimait satisfaire les envies de sa meilleure amie, tant que c'était possible. Candlynn était une petite fille si naïve, il était normal qu'elle tente de lui expliquer des tonnes de choses dès que c'était possible, simplement pour augmenter ses connaissances. Certes, ce monde imaginaire n'était pas ce qui lui enlèverait son innocence, mais ça faisait partie des nombreuses choses qu'elle pourrait lui faire découvrir, alors ça valait forcément la peine qu'elle se donne du mal pour ça.

« Bah, il faudrait que tu viennes dans ma tête. » Expliqua-t-elle en réfléchissant. « Je ne sais pas si c'est vraiment possible. J'aimerais bien pouvoir te le montrer. »

Et si elle pouvait entrer dans la tête de Candy ? Ça serait vraiment super chouette. Décidément, cette question méritait vraiment réflexion. Savoir ce à quoi les autres élèves pouvaient bien penser était certainement un atout formidable, la question devait à tout prix être creusée. Mais ce n'était ni le lieu, ni le moment, elle avait un dessin à terminer.

« Mais Candy, si je faisais partie de ta famille, je ne pourrais pas vraiment être ta meilleure amie, je serais juste ta sœur. »

La Serdaigle resta silencieuse, attaquant sans un mot la tignasse brune de son frère, un peu en retrait dans son dessin. Elle n'avait jamais dit qu'elle voulait qu'elle soit sa soeur, juste qu'elle fasse partie de sa famille. Elle n'avait pas envie d'avoir douze millions de frères et soeurs, Jeremiah lui suffisait largement. Il valait tous les frères et toutes les soeurs du monde tellement il était bien, et puis elle n'était pas convaincue de vouloir le partager avec une autre personne de toute manière. Partager ses parents ne la dérangeait pas puisqu'elle n'avait toujours connu que ça et qu'elle ne se sentait pas moins aimée parce qu'ils étaient deux, alors s'ils avaient été trois ça n'aurait eu aucune incidence sur ce morceau-là de sa vie mais son frère avait toujours été son frère à elle et rien qu'à elle et elle n'avait pas grande envie qu'il soit le sien et celui de quelqu'un d'autre... Le voir passer une partie de son temps avec Margaret depuis qu'ils étaient arrivés chez les Browning ne la dérangeait pas parce qu'elle savait que ça ne durerait pas et qu'il la préférait elle à toutes les Margarets du monde mais elle n'aurait certainement pas vu les choses sous cet angle si elle avait dû le partager en permanence avec une soeur trop bien. Il aurait préféré la soeur trop bien, ça ne faisait aucun doute. Elle n'eut pas le temps de se poser plus de s'étendre plus que ça sur le sujet ni même d'ouvrir la bouche qu'elle entendit Bailee reposer son crayon, ce qui lui fit tourner machinalement la tête dans sa direction, juste à temps pour la voir se lever sans la moindre explication. L'avait-elle vexée ? A moins qu'elle veuille partir tant cette idée lui déplaisait ? Elle avait rien dit de méchant pourtant...

« C'est gentil, merci. »

Elle n'eut pas le temps de comprendre quoi que ce soit qu'elle se retrouva avec sa meilleure amie sur le dos et les bras de celle-ci autour de son cou. C'était étrange comme situation. Bien sûr, elles s'étaient déjà fait des câlins, pas très souvent mais c'était arrivé, comme dans le train qui les amenait à Poudlard pour la deuxième fois, mais là c'était quand même un peu bizarre... Elle ne savait pas comment réagir, aussi ne réagit-elle pas, attendant simplement qu'elle retourne à sa place, une douce sensation de chaleur se propageant dans tout son corps. Elle choisit de faire comme si de rien n'était et reprit son dessin le plus normalement du monde dès qu'elle descendit de sur son dos. Elle continuait machinalement sans vraiment faire attention aux traits qui s'étalaient sur la feuille. Le visage de son frère prenait forme lentement sous la mine de son crayon mais elle était loin de se concentrer dessus. Elle ne pouvait s'empêcher de sourire bien malgré elle, tout en lançant furtivement quelques regards un peu gênés à la jeune fille à son côté. Elle ne semblait pas follement plus à l'aise qu'elle, ce qui la rassura légèrement. Qu'elles devaient avoir l'air bête toutes les deux tout de même ! Si elle avait su, elle n'aurait rien dit, ça aurait évité à cette atmosphère étrange de s'installer entre elles. Ca n'avait jamais été comme ça en plus, en une année toute entière et un petit bout de l'autre alors qu'elles partageaient la même chambre, qu'elles avaient les mêmes cours, qu'elles prenaient leur repas ensemble, qu'il n'y avait presque pas une heure qu'elles ne passaient pas à deux... Elle soupira et acheva la silhouette pour l'instant sans couleur de Jeremiah.

« On serait pas obligées d'être sœurs pour faire partie de la même famille n'empêche. Tu pourrais être l'amoureuse de mon frère, on serait un peu de la même famille un jour, ou la m... » s'interrompit-elle brusquement avant de feindre vouloir corriger immédiatement un détail avec une concentration un peu trop grande pour sembler vraiment réelle. « La meilleure cousine du monde, ça marche aussi. Ca aurait été bien si on avait été cousines, non ? T'aurais pas aimé ? On aurait pu se voir souvent, toutes les vacances et tout ! Et entre cousines, on peut être meilleures amies, je crois. »

Elle avait achevé sa phrase à toute vitesse, fixant son crayon avec un intérêt incroyable avant de reprendre rapidement la décoration de son salon en se mordant l'intérieur de la joue pour s'empêcher de parler davantage. C'était bien la première fois qu'elle voulait se taire, faire un truc dans un silence total. Elle abandonna rapidement le salon pour gribouiller vaguement dans un coin ce qui serait un peu plus tard ses parents, regardant la scène de loin avec un sourire attendri. Elle n'osait même plus bouger les yeux de sa feuille pour regarder ce qui se passait sur celle de sa meilleure amie, seule l'envie de filer dans sa micro-chambre et de faire n'importe quoi pour un peu que ce soit loin de Bailee subsistait encore mais elle s'efforçait de la faire taire et de s'accrocher désespérément à son pauvre crayon qui allait finir par succomber sous la force qu'exerçaient ses doigts crispés dessus. Ses gestes étaient moins fluides et ça se ressentait un peu dans sa façon de dessiner. Il y avait fort à parier que son frère remarquerait la différence entre le début et la fin de celui-ci... Elle ne se voyait pas ne pas lui montrer mais peut-être le ferait-elle finalement que plus tard, avant de rentrer au château...? Oui, c'était probablement mieux si elle le lui montrait qu'une fois qu'ils seraient rentrés chez eux...

« Bah, il faudrait que tu viennes dans ma tête. Je ne sais pas si c'est vraiment possible. J'aimerais bien pouvoir te le montrer. »

Mais si elle parvenait à rentrer dans sa tête pour voir son monde, ça voulait dire que Bailee pourrait rentrer dans la sienne également, non ? Elle paniqua un peu à cette idée et tâcha de faire le vide total dans son esprit, de ne penser à rien mais ça ne marchait pas. Tout se bousculait, et au lieu de ne penser à rien, elle pensait à tout, à tout en même temps dans un capharnaüm incroyable qui commençait à lui donner la migraine. Elle finit par reporter son attention sur l'aînée des Browning, non sans une certaine appréhension comme si le simple fait d'espérer pouvoir voir dans la tête l'une de l'autre avait pu lui en donner la capacité...

« Bah non, c'est pas possible. Ca se saurait si ça l'était... C'est pas grave, j'en aurais une idée en voyant ton dessin, c'est toujours mieux que rien, non ? »

« On serait pas obligées d'être sœurs pour faire partie de la même famille n'empêche. Tu pourrais être l'amoureuse de mon frère, on serait un peu de la même famille un jour, ou la m... La meilleure cousine du monde, ça marche aussi. Ca aurait été bien si on avait été cousines, non ? T'aurais pas aimé ? On aurait pu se voir souvent, toutes les vacances et tout ! Et entre cousines, on peut être meilleures amies, je crois. »

Beurk ! Mais quelle horreur ! Comment pouvait-elle envisager une chose pareille ?! Elle voulait vraiment l’intégrer à sa famille en la faisant épouser son frère ? C’était ça son plan depuis le début ? Remarque, ça ne l’étonnait pas tant que ça, il était vrai qu’elle chantait les louanges de son frangin quasiment en permanence depuis qu’elle le connaissait, c’était peut-être pour qu’il soit bien vu de sa meilleure amie et donc qu’ils se retrouvent ensemble plus facilement. Sauf qu’elle avait lamentablement échoué, le seul sentiment qui était apparu chez Bailee était une jalousie intense et mordante à l’égard de celui qui semblait rassembler tout un tas de qualités qu’elle n’aurait certainement jamais. Elle voulait être la meilleure pour tout et en toutes circonstances, alors forcément, savoir que quelqu’un la surpassait de loin dans le cœur de la personne qui comptait le plus à ses yeux ne lui faisait pas du tout plaisir. Maintenant, tout était plus clair dans la tête de la petite serdaigle, mais malheureusement, elle allait devoir mettre fin au doux rêve de Candlynn immédiatement.

« Oh mon Dieu, plutôt mourir que de finir avec ton frère, ça serait vraiment trop bizarre. »

Ce n’était que réaction spontanée et totalement irréfléchie, elle ne voulait pas que sa meilleure amie se vexe, ce n’était pas du tout le but, mais elle ne comprenait pas du tout comment elle pouvait avoir ne serait-ce qu’envisagé une chose pareille. Et puis, elle devait bien se l’avouer, même s’il était évident qu’elle ne le dirait jamais à voix haute, qu’un autre garçon lui venait plus facilement à l’esprit ces derniers temps. Pourtant, ça faisait plusieurs mois maintenant qu’elle l’avait rencontré et elle n’avait pas eu du tout l’occasion de le revoir depuis, et rien ne lui disait qu’elle le recroiserait un autre jour, si ce n’était pendant les cours. En temps normal, ça aurait dû lui suffire à passer à autre chose, sauf que Bailee n’avait jamais eu du mal à se défaire d’une personne simplement parce qu’elle ne cherchait pas à s’y attacher. Candlynn était censée être la seule exception qui confirmait la règle mais elle savait qu’elle pouvait faire confiance à la serdaigle contrairement à ce petit idiot qui n’était pas du tout assez bien pour faire partie de ses amis. Alors pourquoi la hantait-il de cette manière ? Elle n’en savait rien et ça la perturbait beaucoup. Une chose était sûre, elle ne pouvait pas en parler à sa meilleure amie, elle ne voulait pas qu’elle se moque d’elle.

« Je sais pas, je crois que je préfère être ta super-copine-pour-la-vie, ça sonne bien mieux, au moins on sait qu’on veut se voir parce qu’on en a envie et non pas parce qu’un fichu lien de parenté nous y oblige. » Déclara-t-elle avec beaucoup de sérieux. « On est encore plus indestructible comme ça. »

Elle ne savait pas franchement comment Candlynn prendrait ce qu’elle venait de dire, pour elle, c’était plutôt quelque chose de positif, mais rien ne lui disait qu’elle ne prendrait pas la mouche. Elle venait clairement de lui faire comprendre qu’elle ne souhaitait pas appartenir à sa famille que ce soit de près ou de loin, alors forcément, cette nouvelle ne risquait pas de recevoir un accueil chaleureux de la part de la petite serdaigle. Pourtant, elle aurait dû s’y attendre. Le mot « famille » n’avait jamais été synonyme de « bonheur » pour Bailee, bien au contraire. C’était de là que venaient tous ses problèmes et les conflits qui éclataient étaient causés par ceux qui la composaient. Elle n’avait pas envie de se disputer avec sa meilleure amie, elle voulait qu’elle reste avec elle pour toujours et non pas qu’elle finisse par l’étriper comme elle avait envie de le faire pour Margaret. Pour elle, c’était une remarque plein de bon sens et il semblait plutôt intelligent de sa part de faire en sorte de préserver Candlynn, mais elle ne pouvait ignorer l’importance accordée à sa famille par la serdaigle et ce refus catégorique risquait de la blesser. Tant pis, elle commençait à la connaitre et devait en avoir pris l’habitude.

« Bah non, c'est pas possible. Ca se saurait si ça l'était... C'est pas grave, j'en aurais une idée en voyant ton dessin, c'est toujours mieux que rien, non ? »

Oui, c’était toujours mieux que rien, mais elle aurait aimé réussir à faire ce dont elle avait envie. La petite fille n’avait pas l’habitude d’être confrontée à des obstacles qu’elle ne pouvait pas surmonter, c’était une grande première pour elle et elle n’était pas sûre d’adorer ça. Enfin, une grande première, pas vraiment, elle se souvenait quand même avoir eu de légères difficultés lorsqu’elle avait tenté de s’enfuir du château, mais ce n’était pas vraiment la même chose puisqu’elle n’avait jamais véritablement eu l’envie de s’enfuir. Elle avait adoré ses tentatives de fuites avec sa meilleure amie parce que ça leur permettait tout simplement de passer du temps ensemble mais aussi de partager un secret qui leur permettait de se rapprocher chaque jour un peu plus. Elle avaient passé un bon moment à établir des stratégies diverses et variées ou encore à visiter le château un peu à l’aveugle en espérant tomber sur quelque chose, enfin. Elles n’y étaient jamais arrivées mais Bailee considérait que cette première année n’aurait vraiment pas pu mieux se passer. La deuxième lui paraissait bien fade en comparaison, plus d’escapade, plus de longues journées passées ensemble, mais au moins, sa meilleure amie était là et c’était tout ce qui importait.

« Si ça l’est, on fait de la magie je te le rappelle, j’ai lu un bouquin sur le sujet, ça s’appelait… Euh… Bah là tout de suite, je sais plus, mais c’était un truc chouette qui faisait voir dans l’esprit des gens, mais je sais pas trop si on pouvait voir que des trucs réels ou pas, il faudrait se renseigner. »

Toute excitée par la perspective de se lancer dans une nouvelle mission en compagnie de sa meilleure amie, la petite fille réfléchissait à toute allure, imaginant des centaines de possibilités pour pouvoir montrer ce monde futuriste à celle qui comptait le plus à ses yeux. Elle était presque sûre qu’avec un peu d’huile de coude, de bonne volonté, quelques livres appropriés et des professeurs désireux d’élargir son domaine de connaissances, elle parviendrait à faire quelque chose de pas trop mal. Et puis, jusqu’ici, elle avait montré à ses enseignants qu’elle était une élève assidue, attentive en cours et bonne travailleuse, jamais ils ne pourraient refuser de lui apporter un peu d’aide si elle leur demandait gentiment. Enfin si, ils pourraient certainement le lui refuser, mais la petite fille aimait croire que ce ne serait pas le cas. Elle savait pertinemment qu’elle ne pourrait pas se permettre de se mettre en colère, aussi préférait-elle se dire qu’elle n’aurait pas l’occasion de le faire, tout se passerait très bien, elles finiraient pas y arriver et Candy entrerait enfin dans sa tête.

« Avant de recevoir la lettre, tu savais que tu étais spéciale ? » Demanda-t-elle, sincèrement intéressée par la réponse qu’elle pourrait avoir.

Elle ne se souvenait pas franchement avoir eu l’occasion d’aborder des sujets un peu plus sérieux avec Candy. Généralement, avec la petite fille, tout tournait autour de ses arbres vivants, de ses chaussettes qui se mettaient à parler ou du nombre de cookies qu’elle avait réussi à piquer pour le gouter. De temps en temps, elle avait le droit à une séquence souvenir dans laquelle elle avait le déplaisir de retrouver Jeremiah, mais globalement, le ‘avant Poudlard’ restait pour elle une zone d’ombre qu’elle aurait beaucoup aimé éclaircir.

« Oh mon Dieu, plutôt mourir que de finir avec ton frère, ça serait vraiment trop bizarre. »

La jeune Zuckowski ne put s'empêcher de rire en l'entendant. En effet, ce serait vraiment trop bizarre. Et puis elle n'avait pas la moindre envie d'avoir à les partager de la sorte. Surtout que pour l'un comme pour l'autre elle ne serait plus que la fille qui arrive loin derrière l'amour de leur vie, et ce n'était certainement pas dans ces plans. Plutôt mourir que de les laisser finir ensemble ! C'était une idée comme une autre pour qu'elles puissent être de la même famille un jour, même si dans le fond, c'était un peu déjà le cas. Ses amis faisaient partie de sa famille, de la partie qu'elle choisissait. Bon, c'était certain que si elle avait dû choisir toute sa famille, elle l'aurait choisi exactement pareille, tellement elle la trouvait trop bien. Elle avait de la chance d'avoir une famille aussi merveilleuse quand même ! C'était pas le cas de grand monde... Enfin, toujours était-il qu'il était bien rassurant d'entendre qu'elle n'avait pas l'intention de devenir la future Madame Jeremiah Zuckowski, même après l'avoir rencontré et avoir passé plusieurs jours à le voir régulièrement, même s'il s'effaçait autant que possible. Candlynn soupçonnait que c'était uniquement pour lui faire plaisir et que ça ne le réjouissait absolument pas. Ils se rattrapaient tant bien que mal une fois de retour dans le camping car, bavassant jusqu'à pas d'heure, la jeunfille s'endormant généralement tout contre son aîné au beau milieu d'une histoire dont elle ne saurait jamais la fin.

« J'crois qu'il se mariera jamais d'toute façon. Quand on était petits, on disait qu'on se marierait ensemble. Mais c'est pas super possible... C'est dommage. Ca aurait été pratique. J'aurais pas eu à changer de nom et tout... J'l'aime bien mon nom. Bon, c'est un peu long quand y'a un appel à l'école, mais j'm'y suis fait depuis le temps quand même. Tu te marieras toi, plus tard, tu crois ? J'pense que j'le ferais pas, moi... J'ai pas envie que quelqu'un compte plus que mon frère et toi, un jour. Alors que si j'ai un amoureux un jour, et pire encore un mari, et bah ça va être le cas... Ce serait trop nul. »

Son dessin se continuait tranquillement, prenant forme sous la mine de son crayon. Un morceau de rideau à fleurs par-ci, le logo sur son sweat Batman par-là, en passant par la broderie de la robe de sa meilleure amie... Elle ne suivait pas de chemin précis, ce qui aurait très certainement fait râler son frère, notamment parce qu'elle gommait toutes les deux secondes des morceaux qu'elle aurait mieux fait de ne pas dessiner puisqu'il y avait peu de chance d'une étagère vienne les transpercer au beau milieu de son salon... Elle espérait, qu'une fois terminé, il plairait à Bailee, et que, peut-être, elle souhaiterait le garder. Elle se releva à moitié, attrapa sa feuille et la tint à quelques dizaines de centimètres d'elle, posant dessus un oeil critique et peu convaincu malgré tout. Enfin, elle pouvait difficilement faire mieux. Il y avait un vrai problème au niveau des mains mais elle n'avait jamais su les dessiner correctement alors il y avait peu de chance que ça s'arrange en deux minutes simplement parce qu'elle le souhaitait de toutes ses forces.

« Tu la préfères quelle couleur ta robe ? »

Elle n'était pas très douée pour assembler ses couleurs et faire des jolies tenues, elle n'aimait pas ça et ne voyait pas l'intérêt de passer plein de temps devant son armoire pour rien, puisque ça finirait plein de taches quand même à la fin de la journée, que ce soit bien choisi ou pas. Sa mère avait bien essayé, pourtant, de lui faire apprécier la joie de ressembler à une fille mais elle finissait irrémédiablement dans le rayon garçon, à hésiter entre un tee-shirt Bob l'Eponge et un autre Happy Tree Friends. C'était sûr que Shelley aurait certainement bien apprécié avoir une enfant comme Bailee... Mais non. Elle avait écopé d'un garçon et demi, l'autre demi enfant ne se situant dans la case ''fille'' uniquement parce qu'on lui avait dit qu'elle le devait. Elle faisait très bien avec d'ailleurs. Elle avait des cheveux de fille, et des peluches de fille, et des draps de fille, et un prénom de fille, et des airs de fille quand même... Bref, c'était un peu une fille quoi. Un tout petit peu. Pas suffisamment pour savoir de quelle couleur devait être une robe pour qu'elle soit jolie...

« Je sais pas, je crois que je préfère être ta super-copine-pour-la-vie, ça sonne bien mieux, au moins on sait qu’on veut se voir parce qu’on en a envie et non pas parce qu’un fichu lien de parenté nous y oblige. On est encore plus indestructible comme ça. »

Candlynn n'en était pas tout à fait convaincue mais elle ne le lui fit pas remarquer, se contentant de sourire en hochant la tête avec entrain. Elle ne voyait pas bien en quoi elles étaient moins indestructibles. Si elles avaient envie, elles pouvaient ne plus être amies. Qu'elle ne pouvait pas ne plus être cousine avec ses cousines, même si elle le voulait, ou ne plus être la soeur de son frère même avec toute la volonté du monde. Là, rien ni personne ne pouvait les obligées à garder un lien quel qu'il soit si elles ne le souhaitaient pas. C'était un peu triste d'ailleurs... Enfin, si ça allait à sa meilleure amie, ça lui irait sûrement aussi. Elle ferait avec en tout cas. Et puis, ce n'était pas comme si elles allaient sauter l'occasion de ne plus être amies de toute façon, n'est-ce pas ? Elles étaient meilleures amies pour la vie et c'était tout ce qui comptait.

« Si ça l’est, on fait de la magie je te le rappelle, j’ai lu un bouquin sur le sujet, ça s’appelait… Euh… Bah là tout de suite, je sais plus, mais c’était un truc chouette qui faisait voir dans l’esprit des gens, mais je sais pas trop si on pouvait voir que des trucs réels ou pas, il faudrait se renseigner. »

La Serdaigle ne trouvait rien de plaisant à laisser des gens s'introduire dans sa tête. Déjà qu'elle n'était pas suffisamment crédule pour ne pas remarquer qu'on la prenait pour une folle alors si en plus on pouvait voir ce à quoi elle pensait, n'importe quand et sans qu'elle soit au courant, ça n'allait vraiment pas être cool. Elle risquait de finir par être la risée de l'école toute entière et ce n'était pas dans ses projets, sur court ou long terme. L'aînée des Browning, elle, ne semblait pas voir les choses sous cet angle. Elle avait bien de la chance. Si ça existait vraiment, elle ne voulait surtout pas que quelqu'un de son entourage ne sache le faire. Ni Bailee ni personne d'autre. Ce qui était dans sa tête devait rester dans sa tête, c'était bien pour ça que ça y était à la base. Les yeux rivés sur sa feuille, elle achevait enfin de reproduire son frère, un peu en retrait au second plan. C'était pas parfait mais largement ressemblant. C'était toujours ça. Elle changea de crayon et reprit le plus normalement du monde...

« J'aimerais pas. J'ai pas envie qu'on lui voir les trucs qui se passent dans ma tête. » avoua t-elle d'un ton anormalement catégorique. « Tu trouverais ça cool, toi, qu'on sache à qui tu penses, ce que tu penses mais que tu dis pas, ou qu'on trouve des souvenirs dont tu parles pas ? J'trouve ça pas chouette comme idée. J'ai pas envie d'essayer. Si ça existe, tant mieux pour toi, mais j'veux pas jouer à ça. Et j'ai pas envie de te servir de cobaye. »

Si sa voix se montrait réellement ferme, sans appel, pour la première fois de leur relation, elle n'en était pas moins douce et amicale, comme si tout ça n'avait au fond pas de véritable importance. Son dessin commençait à toucher à sa fin. Elle parvenait à parler tout en continuant ce qu'elle était en train de faire ce qui lui faisait gagner un temps précieux. Peut-être aurait-elle fini avant que sa meilleure amie ne décide de passer à autre chose ? Ce serait vraiment bien ! Forte de cet espoir, elle accéléra la cadence, tirant distraitement la langue sous la pression, pendant que Bailee reprenait la parole.

« Avant de recevoir la lettre, tu savais que tu étais spéciale ? »

Si elle entendait ''sorcière'' par ''spéciale'', elle savait bien que non. Elle lui avait dit dès le début qu'elle avait cru que la lettre de Poudlard était une blague... Comment aurait-elle pu le savoir, alors que personne dans sa famille n'avait jamais eu de pouvoir...? Mais sans quoi, il s'était bien passé une ou deux choses bizarres, que personne n'avait jamais réussi à expliquer... Avec le recul, ça aurait pu lui mettre la puce à l'oreille mais bon. Ca ne lui aurait servi à rien. Qui aurait cru une gamine un peu bizarre qui prétendait être une sorcière ? Certainement pas grand monde, c'était certain !

« Bah une fois quand j'étais petite, à sept ou huit ans, on a été au Groenland. Je voulais voir des animaux alors j'suis partie toute seule pendant que mes parents étaient occupés. Jeremiah l'a remarqué alors il m'a suivie et au bout d'un moment on s'est retrouvé totalement perdus. On allait faire demi-tour pour essayer de rentrer et tout quand on est tombé sur un ours polaire. Il était trop beau. Mais un peu méchant au début. Je crois que mon frère a cru qu'il allait mourir. Moi aussi d'ailleurs. J'sais pas comment ça a été possible mais j'ai demandé à l'ours de pas nous faire de mal et de nous aider, et il m'a répondu. J'ai compris c'qu'il me disait pour de vrai ! Il nous a accompagné jusqu'au sentier et il est parti. On en a plus jamais parlé... Et ça a jamais recommencé. Il t'est arrivé des trucs bizarres à toi ? »

« J'crois qu'il se mariera jamais d'toute façon. Quand on était petits, on disait qu'on se marierait ensemble. Mais c'est pas super possible... C'est dommage. Ca aurait été pratique. J'aurais pas eu à changer de nom et tout... J'l'aime bien mon nom. Bon, c'est un peu long quand y'a un appel à l'école, mais j'm'y suis fait depuis le temps quand même. Tu te marieras toi, plus tard, tu crois ? J'pense que j'le ferais pas, moi... J'ai pas envie que quelqu'un compte plus que mon frère et toi, un jour. Alors que si j'ai un amoureux un jour, et pire encore un mari, et bah ça va être le cas... Ce serait trop nul. »

La petite fille fronça les sourcils, hésitant entre une exclamation dégoûtée ou une expression de surprise démesurée. Candy semblait ne pas être perturbée plus que ça parce qu'elle venait de dire, continuant simplement son dessin comme si elle avait parlé de la pluie et du beau temps. Bailee savait pertinemment que sa meilleure amie était un peu trop attachée à son grand-frère, elle ne parlait que de lui, le trouvait plus beau, plus fort, plus gentil, plus intéressant et meilleur que la plupart des personnes avec lesquelles elle discutait lorsqu'elle était au château mais de-là à vouloir faire sa vie avec lui, il y avait quand même un sérieux problème et si Candy n'en avait pas conscience c'était encore pire. Avec tout ce qu'on entendait sur les relations incestueuses, elle devait pourtant savoir qu'il n'était pas du tout judicieux de penser à ce genre de choses et encore moins de tenir de tels propos. Là ça allait parce qu'elles n'étaient que toutes les deux et que la serdaigle n'avait pas la moindre intention de répéter ce qu'elle venait d'entendre, mais elle se demandait ce qu'il se serait passé si sa meilleure amie avait lâché ça en plein milieu d'un repas. Une chose était sûre, ça aurait été un sacré choc.

« C'est surtout trop méga dégeu' ! » S'exclama la petite fille. « C'est absolument pas dommage que tu ne puisses pas te marier avec ton frère, non mais tu te rends compte de ce que tu dis au moins ? Je trouve ça dingue de vouloir se marier avec son frère, tu pourrais rencontrer d'autres garçons très bien ailleurs, il n'est pas forcément la seule et unique personne qui puisse vouloir vivre avec toi. »

Elle avait failli dire « te supporter » mais c'était retenue juste à temps, consciente que ce n'était pas la meilleure chose à faire pour appuyer son argumentation. Elle voulait que Candy comprenne qu'elle ne pouvait pas toujours tout ramener à son frère et encore moins ses relations amoureuses. Il était un peu étrange qu'elle soit incapable de faire de distinction entre les sentiments amicaux, amoureux et fraternels qu'elle pouvait avoir à l'égard des différentes personnes qu'elle côtoyait dans la vie de tous les jours. Enfin bon, elle n'allait probablement pas s'étendre sur le sujet pendant la totalité de leur après-midi, c'était un beau gâchis. En plus, son étonnement avait tout de même eu un impact positif, elle avait pu faire semblant d'oublier totalement la question posée par sa meilleure amie et ainsi ne pas se mettre à penser à son propre mariage qui lui paraissait encore être à des années lumières. Bailee ne s'imaginait déjà pas avec un amoureux alors de là à se voir avec les mômes, l'appartement et le boulot, elle en était encore beaucoup trop loin. Candy avait bien de la chance de réussir à se projeter si facilement, ce n'était pas du tout son cas.

« Tu la préfères quelle couleur ta robe ? »

Enfin une question à laquelle la petite fille n'aurait pas trop de mal à répondre. Pour Bailee, les tenues vestimentaires avaient toujours été primordial. Petite, elle avait toujours tâché de ressembler à une petite fille sage bien qu'elle ne le soit absolument pas en réalité. Elle aimait les rubans, les paillettes, les couleurs, pour ses anniversaires, elle demandait toujours impérativement à ce que les invités soient déguisés et à pouvoir se maquiller légèrement, chose que lui interdisaient catégoriquement ses parents lorsqu'il n'y avait pas une occasion spéciale. Bailee avait peut-être un caractère de cochon, mais elle n'en avait pas moins de vrais goûts de filles, goûts que copiaient bien souvent Margaret sa petite sœur qui semblait toujours être en admiration devant toutes ses robes. La serdaigle se souvenait avoir fait une crise monstrueuse lorsque sa mère avait mentionné l'idée qu'elle puisse donner les tenues trop petite de leur ainée à sa petite sœur, chose qui paraissait totalement inconcevable aux yeux de la bleue et bronze. Plutôt mourir que de céder ses affaires à cet espèce de petit microbe qui ne serait même pas fichu d'en prendre soin. Bien entendu, comme d'habitude, ses parents avaient finis par renoncer, certainement par peur qu'elle vienne étrangler Margaret en pleine nuit dans sa petite chambre. Son armoire était donc pleine à craquer de vêtements qu'elle ne mettrait plus jamais, mais au moins, elle avait eu gain de cause et elle en était très satisfaite.

« Rose ou bleu, comme tu veux. » Répondit-elle sans relever la tête de son dessin.

Le rose faisait peut-être un peu trop petite fille, maintenant. Elle avait tout de même treize ans maintenant, elle n'était plus une enfant même si tout le monde la prenait encore pour une gamine. C'était un peu normal, elle n'avait pas trop de mal à le reconnaître, la plupart des filles de son âge avait subitement grandit pendant l'été, laissant place à des pré-adolescentes qui laissaient derrière elles leurs têtes de poupées pour se préparer à passer dans le monde des grands. Bailee n'avait pas franchement hâte de devenir une grande, elle savait que si elle se retrouvait embarqué là-dedans, elle ne pourrait plus franchement se permettre de faire ses caprices enfantins en plein milieu du supermarché comme elle en avait l'habitude. Si elle le faisait encore à l'heure actuelle c'était tout simplement parce qu'elle ne faisait absolument pas son âge et que les caissières trouvaient souvent trop mignonne la gamine qui se roulait par terre en versant quelques larmes de crocodiles. Seulement, lorsque par malheur, sa mère mentionnait son âge, elles avaient tout de suite l'air beaucoup moins emballées par ses gamineries et la sucette lui passait souvent sous le nez. Elle n'avait donc aucune envie d'imaginer ce que ça serait lorsqu'elle aurait vraiment une apparence d'adolescente et toutes les restrictions que ça amènerait. Bailee n'avait pas du tout envie de grandir.

« J'aimerais pas. J'ai pas envie qu'on lui voir les trucs qui se passent dans ma tête. Tu trouverais ça cool, toi, qu'on sache à qui tu penses, ce que tu penses mais que tu dis pas, ou qu'on trouve des souvenirs dont tu parles pas ? J'trouve ça pas chouette comme idée. J'ai pas envie d'essayer. Si ça existe, tant mieux pour toi, mais j'veux pas jouer à ça. Et j'ai pas envie de te servir de cobaye. »

En même temps ce n'était pas trop difficile de savoir à qui pensait Candlynn, à part à Jeremiah, elle ne devait pas être capable de penser à qui que ce soit d'autre et c'était bien malheureux. Si jamais elles avaient dû jouer à ce petit jeu-là, la serdaigle aurait été presque sûre de remporter la partie tant sa meilleure amie était prévisible. Cependant, Bailee n'avait pas envie de lui répondre gentiment qu'elle comprenait très bien qu'elle n'ait pas envie de servir de cobaye et qu'il était tout à fait normal qu'elle cherche à préserver sa vie privée et son intimité d'un éventuel curieux, Candlynn ne s'était pas montrée aussi gentille et douce qu'à l'ordinaire et elle avait tout simplement détesté la manière dont elle venait de lui répondre. Ce n'était qu'un détail sans importance pour toute personne saine d'esprit mais dans celui de la petite fille, c'était l'un des nombreux signes prouvant l'émancipation quasi imminente de sa meilleure amie, celle dont elle l'avait menacé dans le train le tout premier jour de la reprise des cours à Poudlard. Bailee n'avait absolument pas conscience d'être complètement paranoïaque sur ce coup-là, elle guettait le moindre geste, la moindre parole qui trahirait Candlynn et son envie de fuite. Elle avait beau savoir que sans sortie la petite fille ne pourrait pas rentrer chez elle et abandonner sa scolarité, elle n'en avait pas moins une peur panique de la perdre.

« Je ne crois pas avoir dit que je voulais me servir de toi, et je me fiche que tu n'en aies pas envie. » Répliqua-t-elle sèchement. « Je me débrouillerais toute seule. Lucy avait sans doute raison. »

Bailee n'avait aucun autre ami auquel s'adresser. Il y avait bien ce fameux garçon de poufsouffle qu'elle appréciait de plus en plus, mais elle ne savait rien de lui si ce n'était qu'elle devait continuer à essayer de le faire sortir de ses gonds à chaque fois qu'elle le voyait parce qu'elle ne voulait pas qu'il s'imagine ne serait-ce qu'une seule seconde qu'elle pouvait le trouver un minimum intéressant. Cette révélation ne servirait qu'à flatter son ego disproportionné et il était hors de question qu'une telle chose se produise. En plus, il y avait fort à parier qu'il se servirait de cette information croustillante comme d'une arme contre elle et déjà qu'elle peinait à trouver une excuse adéquate pour échapper à la confrontation en quidditch, elle se demandait bien comment elle pourrait se sortir d'un mauvais pas cette fois-ci. Rien que le fait d'avoir pensé à ce stupide garçon en réfléchissant à une personne vers qui elle pourrait se tourner en l'absence de Candlynn l'énervait. Elle se rendait compte qu'elle n'avait pas le moindre ami entre les murs du château et qu'en plus, le poufsouffle occupait bien plus ses pensées qu'elle n'avait osé se l'avouer. Mais bon, elle pratiquerait l'auto-flagellation une autre fois, elle avait un dessin à finir et elle tenait à le réussir assez pour que sa meilleure amie soit fière d'elle.

« Bah une fois quand j'étais petite, à sept ou huit ans, on a été au Groenland. Je voulais voir des animaux alors j'suis partie toute seule pendant que mes parents étaient occupés. Jeremiah l'a remarqué alors il m'a suivie et au bout d'un moment on s'est retrouvé totalement perdus. On allait faire demi-tour pour essayer de rentrer et tout quand on est tombé sur un ours polaire. Il était trop beau. Mais un peu méchant au début. Je crois que mon frère a cru qu'il allait mourir. Moi aussi d'ailleurs. J'sais pas comment ça a été possible mais j'ai demandé à l'ours de pas nous faire de mal et de nous aider, et il m'a répondu. J'ai compris c'qu'il me disait pour de vrai ! Il nous a accompagné jusqu'au sentier et il est parti. On en a plus jamais parlé... Et ça a jamais recommencé. Il t'est arrivé des trucs bizarres à toi ? »

C'était une histoire à la fois captivante et vraiment très effrayante. Bailee avait entendu des tonnes d'histoire à propos de jeunes sorciers qui découvraient leurs pouvoirs mais tout ce qu'ils avaient accomplis se limitaient à des choses sans grand intérêt comme allumer la douche sans appuyer sur le bouton, pareil pour la lumière lorsque les parents leur demandaient de l'éteindre. D'accord, ça pouvait certainement surprendre au début, surtout lorsque les enfants n'avaient pas conscience de pouvoir éventuellement être de futurs sorciers, mais jusque-là, il n'y avait rien de particulièrement choquant. Pour Candlynn qui n'avait pas conscience de bénéficier d'un don particulier, ça avait dû être vraiment très bizarre. Ou alors, comme beaucoup de petites filles qui avaient des rêves relativement étranges et qui regardaient tout un tas de dessins animés stupides à la télévision, elle avait imaginé que ça pouvait être quelque chose qui arrivait à certains enfants et qu'elle n'avait pas à s'en faire parce que c'était vraiment trop cool. Étrangement, Bailee avait tendance à opter pour la deuxième option, considérant que Candlynn n'était pas du genre à s'inquiéter pour quoi que ce soit si ce n'était l'absence de cookies sur la table du déjeuner. En revanche pour Jeremiah, ça avait certainement dû être une autre histoire, à moins qu'il ait imaginé qu'ils avaient simplement eu de la chance et que tout ceci n'était que le fruit du hasard. De toute façon, ce n'était pas comme si elle allait lui demander. Il était peut-être chez elle, mais rien ne l'obligeait à lui adresser la parole.

« Tu as parlé à un ours ? Vraiment ? » S'émerveilla la serdaigle. « J'ai dû faire voler mon oreiller deux ou trois fois, ou des crayons quand je les oubliais sur mon bureau, mais moi je savais, alors je le faisais un peu exprès, tu sais. C'était plutôt amusant. »

Beaucoup moins spectaculaire, certes, et la petite fille était presque jalouse de se rendre compte que sa vie à elle était beaucoup moins intéressante à raconter que pouvait l'être celle de sa meilleure amie. Mais peu importait, Bailee pouvait parfois se montrer particulièrement curieuse et elle mourrait d'en savoir un peu plus sur cette histoire. Asticoter Candy à ce sujet ne servirait peut-être à rien, elle lui avait sans doute déjà tout dit, mais elle avait vraiment envie de connaître plus de détails.

« C'est surtout trop méga dégueu' ! C'est absolument pas dommage que tu ne puisses pas te marier avec ton frère, non mais tu te rends compte de ce que tu dis au moins ? Je trouve ça dingue de vouloir se marier avec son frère, tu pourrais rencontrer d'autres garçons très bien ailleurs, il n'est pas forcément la seule et unique personne qui puisse vouloir vivre avec toi. »

Dégueu' ? Elle ne voyait pas ce qu'il y avait de dégueu'... Son frère était très certainement la personne qu'elle aimait le plus au monde, et une fois, sa mère lui avait dit qu'elle devrait se marier seulement si elle était certaine d'aimer réellement son futur mari, or là elle en était plus que certaine, ça faisait douze ans qu'elle aimait Jeremiah, et douze ans quand on avait seulement douze ans, c'était un peu comme si elle l'avait aimé toute sa vie. C'était pas dégueu' d'aimer des gens, même quand c'était son frère, quand même ! Candlynn haussa vaguement les épaules alors qu'elle se reconcentrait sur son dessin, feignant de n'apporter aucun intérêt à sa discussion qui se déroulait sous ses yeux. Qu'importe ce que Bailee pouvait bien en penser, de toute façon c'était pas possible, elle était pas complètement idiote ! Et puis, ça ne la regardait pas vraiment en plus. Est-ce qu'elle venait se mêler, elle, de ce qu'elle pouvait bien penser de sa pauvre petite soeur ? Absolument pas ! Enfin bon, c'était sa meilleure amie alors elle ne lui en voulait pas trop et était prête à la laisser se mêler de tout ce qu'elle voulait sans trop râler. Elle râlait pas souvent avec Bailee de toute façon, en général. Parfois, elle lui faisait savoir qu'elle était capable de faire des trucs toute seule, ou de réfléchir de son plein gré, mais ça s'arrêtait bien là, et c'était dans le fond même pas méchant, juste une espèce de mini-crise identitaire qui passait aussi vite qu'elle était venue.

« Y'a p't'être des gens qui voudraient mais si c'est des gens que j'aime pas, j'm'en fiche moi. Tu voudrais, toi ? » la questionna t-elle tout en s'attendant à une réponse négative qui sonnerait comme la preuve qu'il n'y avait pas beaucoup d'autres personnes qui puissent le vouloir, puisque ce n'était même pas le cas de sa meilleure amie en personne. « Et puis tu m'as même pas répondu. »

Ce n'était même pas un reproche, juste une constatation. Elle avait eu beau se plaindre et lui faire remarquer que c'était soi-disant dégueu', elle n'avait pas pris la peine de s'intéresser à sa question. C'était pas très gentil, surtout là qu'elle n'en avait pas posé quinze millions. Lorsque c'était le cas, elle comprenait très bien qu'elle puisse vouloir en éviter certaines, mais là il n'y en avait pas tant que ça alors ça se faisait pas trop de ne pas lui répondre... Tout en lui répondant, elle n'avait pas lâché son crayon, continuant de colorier des petits morceaux de feuilles ça et là. Avec le temps, les morceaux distincts de son dessin et sans vrai lien entre eux commençaient à ressembler réellement à quelque chose. Quelque chose dont elle était même plutôt fière en fait. La fin commençait à se faire sentir, il ne restait plus que quelques aplats de couleurs à appliquer et quelques détails à fignoler et ce serait complètement terminé. Elle n'aurait même pas mis super longtemps, et on reconnaissait tout de même ce qu'elle avait voulu faire. On le reconnaissait même plutôt bien. Ses parents tout au fond, Jeremiah un peu en retrait et elles deux, au premier plan, à faire les idiotes en riant. Sa vie, en fait.

« Rose ou bleu, comme tu veux. »

La Serdaigle regarda un instant les deux crayons qui étaient posés un peu plus loin. Rose ou bleu ? Le choix n'était même pas à faire ! Le bleu, c'était beau, ce qui n'était pas vraiment le cas du rose. Aussi se saisit-elle du crayon bleu avant de commencer à colorier proprement la robe de sa meilleure amie, tout en évitant soigneusement de déborder sur le col blanc qu'il lui avait ajouté. Ca faisait très petite fille sage, un peu ancienne peut-être aussi puisqu'elle ressemblait beaucoup aux robes qu'elle avait vu sur le dos de sa grand-mère sur des vieilles photos encadrées sur le buffet du salon polonais. Le rose, c'était moche. Lorsqu'elle eut terminé, elle reposa son crayon et en attrapa un autre, plus clair, pour achever le tee-shirt de son frère. Elle voulait que tout soit dans les mêmes tons ou presque, que ce soit joli à regarder...

« Tu l'aimes bien ta robe comme ça ? »

Il fallait l'espérer parce que si ce n'était pas le cas, c'était un peu tard pour faire marche arrière désormais. Sa robe était bleue, et elle le resterait. Heureusement, elle ne la forcerait jamais à la porter en vrai, donc qu'elle l'aime ou pas, ça ne changeait pas grand chose à sa vie. Elle attrapa le crayon jaune, et dessina le symbole de Batman sur son sweat, qui était également bleu. Il y avait beaucoup de bleu dans son dessin, c'était beau le bleu ! Ca ne voulait pas dire que son dessin serait beau, bien sûr, mais ça allait aider quand même. Elle reposa rapidement le jaune et tint sa feuille devant ses yeux, un peu loin tout de même, pour voir si ça rendait bien. C'était pas trop moche en fait ! Même plutôt bien ! Elle sourit et la replaça devant elle, avec plus de précaution qu'il en aurait fallu.

« Je ne crois pas avoir dit que je voulais me servir de toi, et je me fiche que tu n'en aies pas envie. Je me débrouillerais toute seule. Lucy avait sans doute raison. »

La jeune Zuckowski haussa négligemment les épaules pour la deuxième fois. Et bah elle n'avait qu'à se débrouiller toute seule, elle ne lui avait pas demandé le contraire ! Elle aimait bien quand elles faisaient des trucs ensemble, mais si un truc en question devenait 'fouiller dans la tête de Candlynn', elle préférait largement qu'elle se débrouille. Elle n'avait qu'à demander à d'autres gens. Lucy, par exemple, puisqu'elle en parlait... N'importe qui mais pas elle. Elle préféra d'ailleurs ne pas lui répondre, ne pas répliquer, faire même comme si elle n'avait rien entendu. Elle n'avait pas envie de lui faire savoir qu'elle trouvait que Lucy avait de la chance que Bailee admette qu'elle avait raison, ni même lui faire comprendre qu'elle voulait savoir en quoi elle avait raison et tout ce qui allait avec. Il fallait être réaliste, il y avait de fortes chances pour qu'elle n'attende que ça, et il était hors de question de lui faire ce plaisir. Pour l'instant en tout cas...

« Tu as parlé à un ours ? Vraiment ? J'ai dû faire voler mon oreiller deux ou trois fois, ou des crayons quand je les oubliais sur mon bureau, mais moi je savais, alors je le faisais un peu exprès, tu sais. C'était plutôt amusant. »

Candlynn ne put s'empêcher de rire en hochant la tête fièrement en l'entendant s'émerveiller ainsi. Elle était contente de susciter un réel intérêt chez Bailee, ce n'était pas forcément souvent... Elle prit des paillettes transparentes, qui faisaient des brillants sans pour autant cacher les couleurs de son dessin, et en saupoudra quelques unes sur son oeuvre avant de s'essuyer les mains sur son pantalon pour retirer celles qui restaient. Son jean brillait désormais mais c'était pas grave, elle trouvait ça joli de toute façon.

« Oui, vraiment. Mais je sais pas si j'ai fait ''Grr'' ou pas... Les ours ça fait ''Grr'' et comme j'lui ai parlé bah j'sais pas trop. Jeremiah a dit qu'il s'en souvenait plus. Tu crois qu'il peut vraiment ne pas s'en souvenir ? J'aimerais bien savoir... Je me suis pas inquiétée quand c'est arrivé, mais j'ai eu raison, non ? J'ai lu qu'il y avait des sorciers qui parlaient aux serpents... Des serpents, des ours, c'est un peu pareil. Sauf que j'leur parle pas vraiment moi, juste une fois... » répondit-elle avant de souffler un grand coup pour faire fuir les paillettes qui collaient pas sur sa feuille. « Tu le faisais exprès ? Pour de vrai ? Waaaaw ! J'aurais trop aimé pouvoir faire des trucs comme ça exprès ! Tu y arrives toujours ? Ca devait être trop trop trop bien quand même ! »

« Y'a p't'être des gens qui voudraient mais si c'est des gens que j'aime pas, j'm'en fiche moi. Tu voudrais, toi ? Et puis tu m'as même pas répondu. »

Elle ne s'attendait pas à ce que sa meilleure amie ait tant de mal à faire la différence entre amour, amitié ou relations fraternelles. Peut-être devait-elle laisser tomber une quelconque explication ? Elle n'avait pas la moindre envie de se laisser dans une discussion qui ne mènerait à rien parce que Candlynn était incapable de faire la part des choses, mais elle se sentait un peu obligée d'expliquer à la serdaigle qu'il ne fallait pas qu'elle considère son frère comme un super-héros incapable d'être surpassé par les autres. C'était bien dommage qu'elle ne laisse pas une porte ouverte à de parfaits inconnus, elle était presque sûre que sa meilleure amie pourrait être agréablement surprise si elle cherchait ailleurs que dans sa propre famille. D'accord, elle n'était pas la mieux placée pour faire ce genre de remarques, elle ne laissait pas les autres élèves l'approcher, mais ses raisons étaient totalement différentes et d'après elle, beaucoup plus valables que celles de Candy. Inutile de le préciser, elle n'avait aucune envie que la serdaigle prenne un malin plaisir à la contredire et elle serait en droit de le faire.

« Oui, mais tu peux pas savoir si tu les aimeras vraiment pas, il faut d'abord que tu apprennes à les connaître, si tu ne laisses à personne la chance d'égaler ton frère, tu ne peux pas toujours le placer au-dessus des autres. Et puis si lui rencontre une fille et qu'il veut se marier avec elle, qu'est-ce que tu feras ? » Demanda la petite fille avec un certain scepticisme. « J'ai pas répondu parce que je ne connais pas la réponse, tout simplement. »

Et dire que Bailee s'était juré de donner une chance aux autres élèves... Mais comment pouvait-elle le faire si elle se montrait en permanence sur la défensive ? C'était quasiment impossible et elle le savait pertinemment. En même temps, ce n'était pas de sa faute si tout le monde prenait un malin plaisir à la critiquer, elle ne pouvait pas les laisser faire ça sans rien dire, si ? Avec Lucy, elle avait bien essayé d'être gentille, ou en tout cas de ne pas être trop désagréable avec elle mais la jeune fille avait cru bon de lui faire comprendre que son caractère ne lui plaisait pas tellement et qu'il fallait à tout prix qu'elle change. Qui était-elle pour lui dire une chose pareille ? Elles n'avaient jamais été amies et ne le seraient probablement jamais, c'était pour cette raison que Bailee acceptait difficilement ses critiques. Elle-même avait beau se montrer relativement distante avec les personnes qu'elle ne connaissait pas, elle ne se permettait pas de leur envoyer des quatre vérités, choisies complètement au hasard, dans la tête et elle trouvait ça parfaitement normal.

« Tu l'aimes bien ta robe comme ça ? »

Bailee examina le dessin de sa meilleure amie avec un grand sourire. Elle devait bien reconnaître que c'était un domaine dans lequel Candy était très douée et elle devait certainement le savoir. La seule chose qu'elle détestait était quand sa meilleure amie dénigrait ses talents pour vanter ceux de son frère. Peut-être dessinait-il mieux qu'elle, mais il était aussi plus âgé et avait donc certainement un peu plus d'expérience. Bien sûr, elle aurait pu dire à la serdaigle que choisir une discipline qui lui correspondait à elle seule et pas à Jeremiah et elle, aurait été plus judicieux, mais dans le cas présent, Candlynn avait un talent fou et il aurait été dommage qu'elle gâche cette passion simplement pour éviter de se comparer à son ainé. Bailee était souvent un peu jalouse du don précieux que possédait la petite fille. Lorsqu'elle était encore qu'une simple enfant, son père n'arrêtait pas de lui dire que tout le monde avait un domaine de prédilection et qu'il suffisait de tester plusieurs choses pour finir par le trouver, mais elle n'avait pas toujours trouvé le sien. D'accord, elle avait de plutôt bonnes notes à l'école, mais elle n'était pas la seule et sa grande passion pour la lecture ne lui apportait pas grand-chose de plus que des connaissances supplémentaires. Ce qu'elle voulait vraiment, c'était être douée pour une chose et elle ne savait pas si ça finirait par arriver.

« Elle est magnifique, Candy. »

Bailee était vraiment sincère pour le coup, même si elle avait plus souvent l'habitude de mettre des vêtements roses que des vêtements bleus, les deux couleurs étaient sublimes toutes les deux et du moment qu'elle avait quelques rubans ça lui convenait tout à fait. Il n'était pas habituel pour la serdaigle de faire des compliments, aussi avaient-ils nettement plus de poids quand elle daignait les dire à voix haute. Au moins, elle n'était pas comme tous ces hypocrites qui faisaient en sorte de toujours êtres dans les petits papiers de tout le monde en enchaînant les courbettes, ramper pour se faire des amis n'était décidément pas son truc. Après, elle ne pouvait pas reprocher aux autres de le faire. Certaines personnes avaient sans doute besoin d’être correctement entourées pour se sentir aimées et importantes, elle trouvait qu’elle avait beaucoup de chance de pouvoir faire abstraction de ce genre de détail superficiel, ce qui n’était pas le cas de tout le monde. Il suffisait d’écouter les rumeurs pour savoir que souffrance rimait bien trop souvent avec amitié, elle se félicitait donc de ne jamais être prise pour cible.

« Oui, vraiment. Mais je sais pas si j'ai fait ''Grr'' ou pas... Les ours ça fait ''Grr'' et comme j'lui ai parlé bah j'sais pas trop. Jeremiah a dit qu'il s'en souvenait plus. Tu crois qu'il peut vraiment ne pas s'en souvenir ? J'aimerais bien savoir... Je me suis pas inquiétée quand c'est arrivé, mais j'ai eu raison, non ? J'ai lu qu'il y avait des sorciers qui parlaient aux serpents... Des serpents, des ours, c'est un peu pareil. Sauf que j'leur parle pas vraiment moi, juste une fois... Tu le faisais exprès ? Pour de vrai ? Waaaaw ! J'aurais trop aimé pouvoir faire des trucs comme ça exprès ! Tu y arrives toujours ? Ca devait être trop trop trop bien quand même ! »

Très étrange cette histoire avec l’ours et assez drôle si on excluait le côté tragique de la chose. Bailee aimait imaginer sa meilleure amie faire « grr » comme elle disait si bien, devant un vrai ours qui devait faire trois fois sa taille. Franchement, c’était vraiment bizarre et l’émission vidéo gag aurait probablement adoré ce genre de truc, même si c’était sans doute un peu compromettant pour la petite serdaigle. Elle était très fière de Candlynn et de sa capacité à garder son sang-froid, peu de personnes auraient pu agir de cette façon-là dans une telle situation et le pire était qu’elle n’était probablement pas consciente du courage qu’il aurait fallu à la plupart des autres élèves pour se retrouver dans une situation identique. En revanche, elle n’avait pas l’impression que les serpents et les ours étaient particulièrement semblables. Certes, ils faisaient peur tous les deux et pouvaient leur ôter la vie, chacun à leur façon, mais il y avait quand même une sacré différence de gabarit et il fallait être plus qu’aveugle pour ne pas la voir.

« J'avais un livre que j'adorais quand j'étais toute petite avec une fille qui parlait à un ours. » Déclara la petite fille en se levant pour aller le prendre sur une étagère. « Mon papa me le lisait en boucle, sauf que une fois, je l'ai laissé par terre et Margaret était encore bébé et elle a colorié sur plein de pages et on peut plus lire les mots. Tu vois ? » Demanda-t-elle en tournant les pages souillées pour les montrer à sa meilleure amie. « Je comprends pas comment elle a pu faire un truc pareil, c'était mon bouquin quand même, il était important ! Et tout le monde sait que j'adore les livres, ils sont très précieux, j'aime pas quand on corne les pages, quand on les arrache, quand on dessine ou quand on écrit dessus. En plus, c'est des œuvres éternelles, on en retrouve qui ont été écrits par des gens vraiment vieux ou qui sont mêmes plus là, mais tous les gens du monde, ils arrivent à se souvenir d'eux alors qu'ils les ont même pas connu simplement parce qu'ils ont raconté quelque chose de passionnant sur une feuille de papier. J'aimerais bien pouvoir faire ça plus tard, parce que je pense que c'est bien de pouvoir dire ce qu'on pense et que quand on le fait avec de vraies phrases, généralement les gens, bah ils nous écoutent pas ou alors ils entendent ce qu'on dit et puis après, ils oublient. Moi je veux pas qu'on oublie ce que j'ai à dire, même si c'est pas toujours intéressant pour tout le monde. Plus tard, je voudrais bien être écrivain, du coup et pas seulement pour avoir mon nom sur la couverture comme plein de mauvais auteurs. Papa dit que la littérature se perd parce qu'il y a beaucoup plus de gens qui écrivent des navets et moi je suis sûre qu'il a raison. Et peut-être que juste à cause de ça, ceux qui ont vraiment beaucoup de talents, eh ben, ils seront dénigrés alors qu'ils méritent vraiment pas ça, mais c'est vrai que c'est difficile de retrouver les meilleurs parmi tous les gens qu'il y a. Mais même s'il y en a des moins bons que les autres, c'est pas pour autant qu'il faut souiller leur travail, on est pas obligé d'aimer, mais pas non plus de faire des critiques méchantes et pas constructives. Raturer, gribouiller, arracher les pages, tout ça n'aidera pas la personne à progresser, il vaut mieux dire ce que l'on pense gentiment pour pouvoir aider la personne à avancer, comme ce que font les professeurs quand on est en classe, s'ils se moquaient juste de nous, moi je serais vexée et j'aurais plus envie d'apprendre, alors que c'est important d'apprendre. Même si tu es très douée en dessin, j'espère pour toi que tu n'as jamais fait un truc pareil parce que ce n'est vraiment, vraiment, vraiment, vraiment pas bien. A quoi ça sert d'avoir des carnets à dessin ou des feuilles de papiers si c'est pour ruiner le travail de quelqu'un qui a fait de gros efforts pour écrire quelque chose de correct ? En plus, mon papa a même pas grondé Margaret, il a dit qu'elle pouvait pas savoir parce qu'elle était trop petite, mais moi j'avais vraiment envie de me mettre en colère contre elle et je ne l'ai pas fait, et on dit que c'est moi la méchante et... »

La petite fille se rendit d'un seul coup compte qu'elle venait de s'emporter pour un rien et s'arrêta net, ne prenant même pas la peine de terminer la phrase qu'elle venait de commencer. Candlynn allait certainement la regarder avec de grands yeux, se demandant ce qui avait bien pu lui passer par la tête et elle aurait tout à fait raison. Il n’arrivait pas souvent à la petite fille de faire de grands discours, elle était plus du genre à se rouler par terre jusqu’à ce qu’on lui obéisse au doigt et à l’œil ou à ronchonner dans son coin pour faire passer sa mauvaise humeur, la plupart du temps, sans grand succès. En revanche, argumenter pour prouver qu’elle avait raison ne lui était encore jamais arrivé. Elle n’en voyait d’ailleurs pas l’intérêt puisque peu lui importait que sa requête soit judicieuse ou non du moment qu’on l’acceptait. Enfant pourrie gâtée ? Elle ? Non, absolument pas, elle était simplement, comme le disait sa première baby-sitter « une petite fille avec beaucoup de caractère qui n’avait pas peur de dire ce qu’elle voulait ». Ce n’était même pas négatif en plus, c’était beaucoup mieux que d’être indécis en permanence, en tout cas, c’était ce que se disait Bailee lorsque par malheur un léger sentiment de culpabilité venait la titiller.

« Désolée, je voulais pas être désagréable, ce n'était pas si grave en plus. » Marmonna la petite fille, peu habituée à présenter ses excuses. « Parfois on oublie les choses qui sont difficiles à ressasser, peut-être qu'il veut pas s'en souvenir et qu'il croit qu'il s'en souvient vraiment pas ? Ça doit pas être évident de voir sa sœur faire ça quand on s'y attend pas... Bah ouais, je peux toujours, mais je contrôle pas du tout, tu sais. Je veux dire, je peux soulever les objets, mais pas contrôler la direction et tout comme je peux le faire avec ma baguette. Généralement, dans ma maison, c'était pratique parce qu'ils s'arrêtaient quand il y avait le plafond, c'est pour ça que j'ai jamais essayé dans le jardin. »

La petite fille adressa un sourire radieux à son amie, consciente qu'elle avait besoin de rattraper sa mauvaise humeur. Elle était tellement contente que Candlynn ait accepté de venir passer des vacances avec elle, la serdaigle voulait faire en sorte qu'elle ait de très bons souvenirs des moments qu'elles auraient passés dans la maison des Browning. Ça ne tenait qu'à elle. Sa meilleure amie savait comme toujours se contenter de peu et lorsque quelque chose allait mal, c'était simplement parce que Bailee était incapable de ne pas se comporter comme une gamine capricieuse. Mais elle allait faire un effort, un vrai effort.

« Oui, mais tu peux pas savoir si tu les aimeras vraiment pas, il faut d'abord que tu apprennes à les connaître, si tu ne laisses à personne la chance d'égaler ton frère, tu ne peux pas toujours le placer au-dessus des autres. Et puis si lui rencontre une fille et qu'il veut se marier avec elle, qu'est-ce que tu feras ? J'ai pas répondu parce que je ne connais pas la réponse, tout simplement. »

Candlynn soupira, un peu lasse de cette conversation. Qu'est-ce que ça pouvait bien faire si dans son univers rares étaient les personnes qui pouvaient égaler son frère ? Sa meilleure amie le pouvait, elle. Oh, bien sûr elle ne parvenait pas à détrôner l'indétrônable Jeremiah mais elle avait réussi à se positionner comme son égal, ce qui ne plaisait pas spécialement à celui-ci. Elle se fichait pas mal de rencontrer tout le monde dans le monde, elle était capable de se faire des amis qu'elle aimait bien un peu tout le temps, et faisait son possible pour les revoir souvent. Elle était amie avec Hyli, Albus, Slevin, Khalis... Et elle connaissait pas mal d'autre gens qu'elle aimait plus ou moins comme Hailey, Ryan et Amara, qu'elle avait rencontré vite fait... Elle avait même bien apprécié Meredith, mais elle était visiblement partie sans lui dire au revoir, ce qui était méchant quand on y pensait... Alors ce n'était pas parce qu'elle n'avait pas l'intention de se marier un jour parce que la personne en question ne pourrait jamais être aussi merveilleuse que son frère qu'elle était une sorte de monstre asocial tout juste bon pour le service psychiatrique de Saint-Mangouste ! Il y avait plein de gens qui ne se mariaient jamais, elle pouvait très bien faire partie de ceux-là sans pour autant être malheureuse ou super bizarre. A sa question, elle ne répondit rien. Elle ne voyait pas bien ce qu'elle pourrait faire, à part un caprice... Elle lui poserait un ultimatum avec des yeux humides de larmes qu'elle retiendrait avec fierté, priant pour qu'il admette finalement la préférer elle, sa seule et unique petite soeur.

« Parce que t'essayes d'apprendre à connaître les gens, toi ? C'est pas parce que j'ai pas envie d'espérer faire ma vie avec quelqu'un qui n'arrivera de toute façon pas à la cheville de mon frère que je veux connaître personne. J'ai plein d'amis, et j'aime bien en avoir des nouveaux tout le temps, j'ai juste pas envie de plus. Et puis c'est mon problème. De toute façon, j'ai que douze ans alors hein... »

Certes, c'était une conclusion bancale mais elles feraient avec, elles n'avaient de toute façon guère d'autre choix. Elle n'avait pas envie de se lancer pendant des heures encore dans cette conversation inutile qui ne servirait à rien d'autre que de les faire camper indéfiniment sur leurs positions jusqu'à ce que Bailee se mette à bouder parce qu'elle n'avait pas eu la capitulation qu'elle attendait. Autant limiter les dégâts pendant qu'ils étaient encore limitables. C'était bizarre quand même comme en tant que meilleures amies pour la vie elles ne se ressemblaient quasiment pas... Quand elle était petite, elle s'imaginait que la meilleure amie qu'elle aurait un jour serait en tout point le double d'elle-même, qu'elles n'auraient que des points communs et passeraient leur vie à faire les mêmes trucs tout le temps, avec un sourire rayonnant, le tout dans une atmosphère débordante de joie et de bonne humeur. Dans l'ensemble, c'en était pas loin. Elles ne se faisaient pas souvent la tête et faisaient toujours un maximum de choses ensemble même si la vie les éloignait parfois un peu, probablement pour qu'elles rencontrent d'autres gens de temps en temps... Mais elles ne se ressemblaient en rien, tant mentalement que physiquement... A la loterie des meilleures amies, si elle avait été bien chanceuse, elle était tout de même tombée sur son exact opposé.

« Elle est magnifique, Candy. »

La Serdaigle ne put retenir un sourire ravi tandis qu'elle achevait son dessin. Elle savait pertinemment qu'elle se débrouillait plutôt bien de ce côté-là, elle était relativement plus douée que les autres enfants de son âge, mais elle n'était pas contre les compliments de sa meilleure amie pour se rassurer davantage. Ceux de ses parents ne comptaient plus depuis longtemps puisqu'ils avaient pris l'habitude de lui dire que c'était joli à chaque fois même quand c'était hyper raté, sûrement pour ne pas la décourager, et ceux de Jeremiah même s'il avait un impact extraordinaire sur son humeur était toujours teinté de remarques et de conseils en tout genre pour qu'elle s'améliore, ce qui finissait par les desservir immanquablement...

« Merci. Je dois faire un dessin pour Hailey aussi un jour, tu la connais ? Elle a dit qu'elle demanderait à sa petite soeur de m'en faire un. J'lui ai pas trop dit mais j'm'en fiche un peu de sa soeur... Elle est un peu bizarre Hailey quand même... » expliqua t-elle avant de prendre une pose exagérément prétentieuse. « Je m'appelle Hailey et je viens dans le parc parce que je vais vraiment mais alors tellement vraiment pas bien... Je vois pas en quoi ça te regarde et puis j'vais quand même pas discuter avec une gamine pendue à la branche d'un arbre qui parle, nan mais sérieusement quoi ! Attends... T'as un renne sur ton pull ? C'est vrai ? Je peux le voir ?! »

Elle avait volontairement grossi les traits de la pauvre Gryffondor avant de se mettre à glousser comme une idiote en reprenant le crayon qu'elle avait laissé tomber le temps de singer sa camarade. Et puis la conversation reprit son cours le plus normalement du monde jusqu'à ce que Bailee lui parle d'un livre qu'elle avait quand elle était petite, sur une fille qui parlait à un ours et dont les pages avaient été gribouillé par une Margaret en bas âge. Ce fut le point de départ d'une tirade sans fin sur l'impact des livres et le respect qu'on leur devait. La jeune Zuckowski regardait son amie d'un air hébété, un peu assommée par le nombre incalculable de mots qu'elle lui débitait à la seconde et dont elle en perdait la plupart en cours de route... Elle finit par décrocher totalement, fixant encore et toujours Bailee sans pour autant la voir réellement. Elle repensait à tous les livres sur lesquels elle avait dessiné, même encore maintenant, et les punitions qu'elle avait eu depuis son entrée à Poudlard parce qu'elle gribouillait les pages de ses manuels au lieu de prendre des notes... Ca n'avait aucune importance, elle n'avait pas l'intention de le rappeler à sa meilleure amie qui repartirait très certainement dans autre monologue interminable qui lui donnait davantage envie de se jeter par la fenêtre que de l'écouter. Est-ce qu'elle donnait la même impression, elle, quand elle parlait à moitié toute seule tout le temps ? Non, sûrement pas, il y aurait eu des morts depuis longtemps sans quoi !

« Désolée, je voulais pas être désagréable, ce n'était pas si grave en plus. Parfois on oublie les choses qui sont difficiles à ressasser, peut-être qu'il veut pas s'en souvenir et qu'il croit qu'il s'en souvient vraiment pas ? Ça doit pas être évident de voir sa sœur faire ça quand on s'y attend pas... Bah ouais, je peux toujours, mais je contrôle pas du tout, tu sais. Je veux dire, je peux soulever les objets, mais pas contrôler la direction et tout comme je peux le faire avec ma baguette. Généralement, dans ma maison, c'était pratique parce qu'ils s'arrêtaient quand il y avait le plafond, c'est pour ça que j'ai jamais essayé dans le jardin. »

Elle n'avait jamais essayé dans le jardin ? Jamais jamais jamais ? Mais ça devait être trop drôle. Elle abandonna totalement son dessin de toute façon terminé, pendant qu'en bas le bruit de la porte d'entrée se faisait entendre, puis elle se leva et sautilla sur place les mains jointes comme dans une énième supplication. Il fallait trop essayer ! Mais vraiment trop trop trop ! Oui, c'était là tout ce qu'elle avait retenu des millions de mots offerts par l'aînée des Browning mais ça ne faisait rien, personne ne lui demanderait jamais de répéter quoi que ce soit de ce qu'elle avait bien pu dire ce qui l'arrangeait largement !

« Tu pourras essayer avant que je parte, hein, dis oui, dis oui, dis oui ! J'veux trop voir ! Ca doit être trop génial ! Aller, dis ouiii ! »

Et elle n'en finissait plus de sautiller, de quoi donner le mal de mer à une baleine...

Spoiler:

« Parce que t'essayes d'apprendre à connaître les gens, toi ? C'est pas parce que j'ai pas envie d'espérer faire ma vie avec quelqu'un qui n'arrivera de toute façon pas à la cheville de mon frère que je veux connaître personne. J'ai plein d'amis, et j'aime bien en avoir des nouveaux tout le temps, j'ai juste pas envie de plus. Et puis c'est mon problème. De toute façon, j'ai que douze ans alors hein... »

La petite fille se contenta de hausser les épaules, pas plus perturbée que ça par la manière dont lui répondait sa meilleure amie. Elle n’était toujours pas d’accord avec la façon dont elle idéalisait son frère en permanence et ne pouvait que lui en vouloir d’être aussi bornée lorsqu’il s’agissait du jeune homme. Cependant, elle ne pouvait que reconnaitre qu’elle n’était pas la mieux placée pour donner ce genre de conseils. Certes, dans son esprit à elle, la petite fille n’avait pas du tout l’impression d’être aussi fermée au monde extérieur, elle avait même tendance à penser que c’était les autres qui ne l’aimaient pas et non l’inverse, mais elle avait tout de même conscience de son incapacité à se montrer agréable et surtout amicale, ce qui, elle en était certaine, lui fermait de nombreuses portes. Elle s’y était faite, ce n’était pas la fin du monde, jamais elle n’avait eu envie de faire partie de ces filles populaires, hyper maquillées, faisant vraiment très attention à leur image de peur de perdre un nom sur une liste d’amis. Bailee au moins, s’investissait dans les rares relations amicales qu’elle entretenait et trouvait que ça suffisait amplement à son bonheur. Si sa meilleure amie n’était pas capable de le comprendre, c’était son problème.

« Merci. Je dois faire un dessin pour Hailey aussi un jour, tu la connais ? Elle a dit qu'elle demanderait à sa petite soeur de m'en faire un. J'lui ai pas trop dit mais j'm'en fiche un peu de sa soeur... Elle est un peu bizarre Hailey quand même... Je m'appelle Hailey et je viens dans le parc parce que je vais vraiment mais alors tellement vraiment pas bien... Je vois pas en quoi ça te regarde et puis j'vais quand même pas discuter avec une gamine pendue à la branche d'un arbre qui parle, nan mais sérieusement quoi ! Attends... T'as un renne sur ton pull ? C'est vrai ? Je peux le voir ?! »

L’imitation était vraiment drôle et Bailee rit de bon cœur, un peu déçue toutefois qu’elle se termine aussi rapidement. Elle ne connaissait pas la fille en question, elle n’avait même jamais entendu parler d’elle, mais ça n’avait pas grande importance, si Candlynn la trouvait bizarre, il en serait certainement de même pour elle et après la conversation étrange qu’elle avait eu avec cette fille encore plus étrange alors qu’elles cherchaient à quitter le château, elle préférait rester loin de toutes les personnes pas très saines d’esprit que renfermait le château. Et il y en avait des tonnes, il suffisait de voir Lucy pour s’en rendre compte. Cette fille avait beau ne pas avoir totalement tort dans son analyse de sa personnalité, elle ne la connaissait pas et se permettait de lui donner des conseils sur sa façon d’agir avec les autres, bref, la serdaigle était complètement dérangée et elle n’aurait pas été étonnée de la voir finir ses jours à Sainte-Mangouste, lieu qui lui conviendrait à merveille. Et puis, il y avait ce garçon rencontré à l’infirmerie qui tapait sur les filles et semblait avoir du mal à contrôler ses nerfs ou encore Hyli, la gryffondor trop bizarre qu’elle préférait ne pas croiser dans les couloirs. Finalement, elle était peut-être la seule à avoir la tête sur les épaules et elle tenait à la garder.

« Nan, je la connais pas, mais vu comme tu la décris, elle a l’air vraiment très… bizarre… ? Enfin, j’imagine que tu l’aimes bien quand même, sinon tu lui ferais pas un dessin. »

Il y avait tout de même une légère pointe de jalousie dans sa voix, mais elle tenait à ne pas trop la laisser paraitre. Elle savait qu’elle était bien trop possessive lorsqu’il s’agissait de sa meilleure amie et ne tenait pas spécialement à lui donner la preuve qu’elle était incapable de faire des efforts et de s’améliorer. D’autant plus que c’était faux, elle avait fait de gros efforts depuis le début de l’année et même si elle était contente de pouvoir se retrouver seule avec Candy, elle la laissait de plus en plus souvent vaquer ses occupations sans réellement s’inquiéter de ce qu’elle pouvait bien faire. Quand elle y repensait, elle avait quand même fait du chemin depuis l’année passée ou ne serait-ce que perdre la petite fille du regard pendant un dixième de seconde la faisait paniquer. Elle avait pris l’habitude de lui dicter son comportement, ne la laissant jamais faire ce dont elle avait envie et si Candlynn semblait s’être pliée de bonne grâce à tout ce qu’elle lui demandait, il était sans doute normal qu’elle cherche à se rebeller un peu maintenant qu’elle avait fait de nouvelles rencontres et qu’elle n’était plus sa seule et unique amie.

« Tu pourras essayer avant que je parte, hein, dis oui, dis oui, dis oui ! J'veux trop voir ! Ca doit être trop génial ! Aller, dis ouiii ! »

Son enthousiasme faisait plaisir à voir, elle n’avait aucune envie de l’empêcher d’assister à une telle démonstration aussi ridiculement nulle soit-elle. Bien entendu, il leur faudrait se dissimuler à l’arrière du jardin, histoire qu’aucun voisin ne puisse assister à un tel fiasco. C’était important de respecter à la lettre le règlement, Bailee se souvenait fort bien des histoires racontées par son père, qui relataient les jugements de jeunes sorciers qui n’avaient pas été capable de se contrôler et de savoir quelles étaient leurs limites. Alors, évidemment, elle ne voulait pas avoir des problèmes et être obligée de renoncer à la magie. Etrangement, elle n’avait même pas songé à cette éventualité lorsqu’elle souhaitait plus que tout rentrer chez elle et ne pas remettre les pieds à l’école. Bien sûr, l’idée lui avait traversé l’esprit et c’était bien normal, mais jamais elle n’avait eu la moindre envie de la mettre en application, imaginant simplement qu’il devait exister bien d’autres moyens de parvenir à ses fins. En vérité, ce n’était pas le cas et c’était bien pour cette raison qu’elle ne comptait pas suggérer cette solution à Candy, au moins, elle resterait avec elle, et jalousie ou pas, elle ne pouvait pas honnêtement lui souhaiter de quitter Poudlard avant elle.

« Si tu veux. » Capitula-t-elle en riant. « Viens, on va aider mes parents à ranger les courses, ça leur fera plaisir et ils nous laisseront sûrement aller faire du vélo toutes les deux, ça arrive pas souvent. »

Sur ces bonnes paroles, la jeune fille se leva, et entraina Candy à sa suite vers la cuisine. Elle avait toujours eu pour habitude de rendre de petits services quand elle voulait obtenir une faveur. Ses parents savaient que rares étaient les moments où elle se montrait serviable et c’était pour cette raison qu’ils n’osaient rien lui refuser. Peut-être n’était-elle qu’une petite garce opportuniste, mais elle préférait déformer ces propos en se disant qu’elle était simplement futée et que ce n’était pas de sa faute si ses manigances n’étaient pas à la portée de tout le monde.