Cette réunion pseudo-révolutionnaire avait passablement énervé Colin. Heureusement un adulte avait fini par intervenir pour mettre fin à la mascarade, enfin, pour rappeler des choses assez élémentaires comme "on n’emmène pas une épée en classe" non mais franchement c'était vraiment n'importe quoi...! Cela ne faisait même pas un mois qu'il avait fait ses premiers pas à Poudlard et presque tout décidément lui paraissait hostile. A part peut-être son dortoir qu'il avait pris pas mal de plaisir à aménager en une petite cabane de couettes qu'il trouvait sécurisante, le reste de son quotidien de son point de vue n'était composé que de cours où il était mauvais et avait le sentiment de ne jamais pouvoir rattraper son retard, de farces de mauvais goûts et de discussions souvent tendues avec les autres élèves qui ne semblaient pas vraiment partager sa morosité.

De fait, à par Kovit qui ne parlait presque pas et Dmitri qui parlait beaucoup trop, il ne fréquentait presque personne de son âge, la seule personne qu'il aimait bien étant Junior mais ce dernier semblait l'éviter ces derniers temps ce qui attristait un peu le garçon. Les mains enfoncées dans les poches de sa robe - sa stupide robe qui lui donnait un air idiot - le serpentard avait décidé de ne pas trainer plus que de raisons avec les autres enfants, prenant sans perdre de temps le chemin des cachots dans l'idée de pouvoir au moins y être un peu tranquille et pourquoi pas lire un livre qui l'intéressait ou jouer un peu avec son rat.

Il avait presque atteint les escaliers fous - encore un truc inutilement dangereux à son avis - lorsqu'un bruit de pas un peu précipité dans son dos le fit se retourner. Il n'avait pas envie qu'on le pousse dans le vide, même s'il y avait certainement un sort pour éviter les chutes, ça aurait été une bien mauvaise blague. Finalement, personne n'avait l'air décidé à lui faire du mal mais c'est tout de même un peu méfiant qu'il avisa Liam qui trottinait vers lui. Liam était l'une des personnes dont il avait rapidement retenu le nom parce que le hasard les avait mis dans le même groupe en astronomie ce qui les avait obligé à travailler ensemble. La cohabitation n'avait pas été une franche réussite mais il en allait de même pour presque toutes les relations de Colin alors il ne s'en était pas vraiment formalisé.

Le garçon néanmoins n'avait rien de méchant, même bougon le serpentard était bien obligé de le reconnaitre et s'il lui avait crié dessus en astronomie c'était surtout parce qu'une fois de plus il avait perdu ses nerfs mais l'intervention du poufsouffle lors de la réunion qu'ils venaient de quitter avait un peu remonté son estime envers lui. Après tout il avait été l'un des seuls à prendre la parole pour le soutenir, avec Dmitri, même si ce dernier avait préféré aller taper sur une autre fille de deuxième année.

C'est donc un peu suspicieux et aussi un peu curieux qu'il attendit que Liam se rapproche, rendant à son salut un petit hochement de tête. Colin n'avait plus trop envie de parler jusqu'à savoir ce que lui voulait le poufsouffle : il était fatigué de se bagarrer et encore un peu fébrile de l'effort que lui avait demandé de prendre la parole devant autant de monde, surtout pour les engueuler.

- "Tu sais je suis totalement d’accord avec ce que tu as dit. C’est n’importe quoi, leurs méthodes sont pourries. T’as deux minutes ? Je vais pas t’embêter longtemps…"

Rassuré, il lui rendit son sourire, tout aussi timide. Est-ce qui c'était lui qui intimidait tout le monde ou la gêne était à ce point répandue dans cette école ? En tout cas ça ne facilitait pas trop les débuts de discussions... Il osa tout de même un petit :

- Ah ? soulagé avant de hocher la tête. Heu oui oui pas de problème.

Il jeta un oeil aux environs. Ils se trouvaient toujours dans le couleur donnant sur la salle de réunion et déjà plusieurs élèves en sortaient en maugréant ou ricanant de ce qui n'avait dû être pour eux qu'un petit débat amusant. Ne souhaitant pas affronter leurs regards ou risquer de relancer une polémique, Colin fourra ses mains dans ses poches et trouvant Kraken, le rat roux, au fond de l'une d'elle, l'en extirpa pour le présenter à Liam.

- On peut juste bouger ? Il faut que je lui donne de l'eau toutes les deux heures on m'a dit dans le magasin.

Liam n'avait pas l'air d'être le plus méchant de l'école et même semblait plutôt content de pouvoir engager la discussion avec Colin ce qui surprenait un peu ce dernier, persuadé que toute l'école ou presque lui en voulait. De fait, prétexter devoir abreuver son rat était autant un moyen de s'éloigner un peu d'un couloir trop exposé à son goût que de tester la détermination du poufsouffle à lui parler. Il emboîta donc le pas du jeune homme, le rat toujours au creux de ses mains et le regard rivé sur ses chaussures comme s'il craignait de trébucher sur un tapis.

Heureusement sans quoi le trajet jusqu'aux toilettes se serait fait dans le silence, Liam semblait décidé à entretenir leur conversation ce qui convenait très bien à Colin qui préférait ne plus prendre d'initiative pour la journée. Néanmoins, les questions de son camarade avaient le don de le dérider un peu, parler de son petit compagnon étant l'une des plus sincères passions du serpentard depuis qu'il avait mis les pieds à Poudlard.

- Oui, répondit-il, c'est Kraken le rat. A la boutique on m'a dit qu'il était plutôt intelligent et c'est vrai qu'il est assez sage, je crois qu'il dort juste beaucoup mais je le fais sortir dans mon dortoir quand le chat de Kovit n'est pas là. Kovit est mon colocataire. précisa-t-il rapidement.

Il s'engouffra dans les toilettes à la suite de Liam qui lui tenait gentiment la porte, une marque de politesse que nota Colin dans un coin de sa tête. Il était très sensible à ce genre de chose de part son éducation et y voyait des marques nécessaires à une discussion civilisée, bien éloignée de ce qu'ils venaient de vivre avec les autres enfants et qui avait plutôt tourné au pugilat.

- Tu as un animal, toi ? Je crois que c'est une bonne chose que les élèves y aient droit, ça apprend les responsabilités. Le mien s'appelle Kraken parce qu'il aime bien l'eau.

Ce n'était pas certain que le rat soit effectivement un grand amateur de baignade mais comme Colin tenait à le nettoyer une fois par jour et se plaisait à le voir barboter dans les lavabos, certainement que l'animal n'avait pas eu vraiment le choix que d'y prendre goût.

Dans les toilettes, les bruits des discussions et des pas dans le couloir étaient considérablement amenuis et ce qui apportait un semblant de calme bienvenue après les émotions de la matinée. Colin se dirigea tranquillement vers un robinet qu'il régla de manière à faire couler un mince filet d'eau tiède et plaça son rat juste à côté afin de lui permettre de s'abreuver tranquillement. Sans quitter l'animal des yeux, certainement de crainte qu'il ne file, il secoua la tête à la question du poufsouffle.

- Militaire, pas policier. expliqua-t-il d'un ton sérieux. Les policiers ne font pas partie de l'armée, ils s'occupent de résoudre des enquêtes et sont sous la responsabilité des juges alors que les militaires travaillent pour le gouvernement et en général ils ne s'occupent pas des délits.

Se résignant à lâcher Kraken des yeux un instant, il les posa sur Liam avec une curiosité professionnelle.

- Et toi ? Tu sais ce que tu veux faire après... tout ça ?

Le rat pataugeait désormais dans l'eau tiède sous le regard attentif de son propriétaire et à voir comme il remontait sur le rebord du lavabo pour y glisser à nouveau aussitôt, soit il s'amusait bien soit il était en train de paniquer. Colin semblait avoir tiré ses conclusions puisqu'il observait d'un oeil visiblement attendrit l'agitation du petit animal, ce qui ne l'empêcha pas de répondre à la question de Liam.

- Une chouette ? Oui c'est cool aussi je trouve, mais c'est plus farouche et tu ne peux pas l’amener dans ton dortoir, non ?

Ce qui avait motivé l'acquisition de Kraken pour le jeune serpentard était qu'il était suffisamment petit pour pouvoir le trimballer un peu partout si besoin et surtout bénéficier de sa présence une fois de retour dans sa chambre là où un oiseau devait rentrer à la volière à la tombée de la nuit. Colin supposait que c'était pour éviter de tapisser les sols de guano, mais comme Kraken ne se privait pas de semer aussi ses petites crottes un peu partout, le garçon avait préféré ne pas évoquer le sujet de peur qu'un adulte ne réalise l'incohérence du règlement et annonce qu'il devait se séparer de son rat.

Il hocha la tête avec satisfaction à la question du poufsouffle, heureux de voir que le nom qu'il avait choisit pour son compagnon, et dont il était fier, trouvait écho aussi chez ses camarades.

- Oui, c'est un mythe très connu, un monstre marin gigantesque avec des tentacules qui s'attaque aux navires !

Un furtif regard au rat suffisait à réaliser l'ironie d'un tel patronyme, mais Colin semblait prendre la chose plutôt au sérieux.

- On dit qu'il apparait quand la mer est tellement calme que tu n'avances plus parce qu'il n'y a pas de vent, impossible de s'enfuir, il attaque le bateau par en dessous et le fait couler pour manger les marins...

Quand il était petit, cette histoire entendue par un marin ayant un peu trop bu l'avait terrifié. Son père avait engueulé le marin et lui avait alors expliqué que ce n'était qu'une légende sans fondement, mais Colin en avait tiré une certaine fascination pour la créature. Cela ne l'empêcha pas de hausser les épaules d'un air confiant.

- Enfin avec les moteurs, maintenant, c'est moins risqué. Donc faut pas avoir peur.

Disait-il vraiment cela pour Liam ou pour lui-même ? En tout cas il récupéra son rat dans le lavabo et entreprit de le sécher avec du papier en écoutant tranquillement la suite de la conversation. A présent qu'on lui posait des questions et que son camarade de poufsouffle lui avait donné des gages d'amitié, Colin semblait déjà beaucoup plus en confiance, ayant une certaine propension à la naïveté.

Ce dernier évoquait ses ambitions pour plus tard "quelque chose en rapport avec les animaux", Colin hocha la tête d'un air sérieux.

- Oui si tu n'as pas encore d'idées il ne faut pas se précipiter. dit-il doctement. Peut-être que tu vas découvrir autre chose de passionnant plus tard et que tu changeras complètement d'envie, c'est pas impossible.

Si Colin s'était montré plutôt ouvert jusque là, frisant parfois la limite de la jovialité, il se rembrunit un peu quand Liam évoqua de nouveau la réunion qu'ils venaient tout deux de quitter. Est-ce qu'il aurait vraiment appelé la police ? Ba, Colin doutait de plus en plus que celle-ci ait la moindre influence dans le chateau et d'ailleurs il n'avait aucune idée d'où dégotter un téléphone. Il haussa les épaules d'un air maussade.

- Et pourquoi pas ? La police ou un professeur en tout cas, quand il se passe des choses dangereuses, si on laisse faire, alors on est complice. Il ne faut jamais laisser s'installer l'illégalité, sinon les méchants se croient tout permis.

Il avait conclu sa tirade en relevant un peu le menton et avec une pointe de fierté dans la voix. Fierté où se mêlait également un peu d'appréhension, il n'avait pas envie de devoir encore se disputer...

Les sujets de conversation s'enchaînaient bien et de manière plutôt bon enfant, passant de leurs animaux respectifs aux légendes du Kraken pour finir sur les métiers qu'ils envisageaient pour plus tard. En fait tout ça plaisait bien à Colin : ils étaient en tête à tête et dans un lieu à peu près sûr - les toilettes des garçons - loin de la foule et des coups de pression divers et variés qui pouvaient s'y produire. Ça ressemblait presque à l'idée qu'il se faisait d'une discussion avec un ami aussi se montra-t-il un peu contrarié quand inévitablement celle-ci revint porter sur la petite esclandre qui venait d'avoir lieu et dont il était encore un peu fébrile.

Heureusement Liam le rassura tout de suite sur le fait qu'il était d'accord avec lui, se justifiant par sa simple curiosité. C'est vrai que menacer de prévenir la police tout de suite n'était peut-être pas si commun que ça et Colin lui-même ne l'avait jamais fait, par contre il avait totalement intégré les enseignements de son père quant à l'impérieuse obligation de prévenir les forces de l'ordre ou au moins un adulte en cas d'infractions à la loi et de mise en danger d'autrui. Avec ce genre de consignes, on ne tergiversait pas et sans doute que si ses camarades s'étaient montrés plus virulents et déterminés, Colin serait allé chercher un responsable pour se plaindre.

Il hocha la tête à la mention rassurante de monsieur Bradford qui avait rapidement mis les points sur les i et eu le bon sens de confisquer rien de moins qu'une arme à une élève de gryffondor.

- Oui, t'imagines quand même qu'une fille avait une épée ! Ça aussi c'est n'importe quoi. Mais de toute façon avec les baguettes qui explosent tout le monde est potentiellement armé dans cette école et ça n'a l'air d'embêter personne. conclut-il un peu amèrement.

Il haussa les épaules quand Liam lui confirma qu'il était sans doute le seul à voir la dangerosité de toute cette situation. Ça, il l'avait bien remarqué, oui. Même si plusieurs personnes avaient été gentilles avec lui depuis sa rentrée, toutes étaient souvent des sorciers et sorcières accomplies ou avaient grandit dans des familles pratiquant la magie, alors leur faire réaliser qu'il n'était peut-être pas très prudent de laisser toute une population, dont des enfants, avec le potentiel d'une grenade dans la poche avait du mal à passer.

- Je suis moldu. répondit-il un peu fièrement. Enfin, "né-moldu", j'habitais sur un bateau avant, mon père en est le capitaine, je te montrerai des photos si tu veux ?

Colin était toujours partant pour parler de la mer et de sa vie au large, n'ayant pas encore coupé les ponts avec ce passé il le ressassait volontiers dès qu'on lui en donnait l'occasion.

- En mer, tu ne peux rien transporter d'explosif. commença-t-il à expliquer un peu comme pour se justifier. Tout est plutôt fragile, si un moteur se casse à cause de toi ça peut faire couler le navire alors il faut respecter de nombreuses règles de sécurité. Pareil pour ne pas tomber à l'eau ou se faire écraser par un conteneur.

Entre ses doigts, Kraken s'agitait un peu et Colin lui grattouilla le dos affectueusement avant de reporter son attention sur Liam.

- C'est gentil d'être venu me parler, Liam. Désolé de t'avoir crié dessus la dernière fois en cours, j'étais un peu énervé c'est pour ça, et toi d'où tu viens alors ?

Liam avait beau être sympathique et leur discussion être l'un des trop rares moments où Colin s'était senti à peu près à l'aise depuis sa rentrée à l'école, il ne pu que lever les sourcils d'un air dubitatif quand son camarade un peu trop enjoué lui assura que les baguettes lui plairait à coup sûr. Le serpentard en doutait sincèrement et par sincèrement il entendait ne faire strictement aucun effort pour ne serait-ce qu'envisager l'idée que tout cela puisse réellement lui plaire. De toute façon pour l'heure sa baguette s'était au mieux contenté de ne rien faire, au pire de lui exploser au nez, aussi n'avait-il pas besoin de grand chose pour se convaincre qu'elle n'était clairement pas son alliée à Poudlard. D'ailleurs, contrairement à la plupart des élèves qui la portaient dans leurs poches, lui la gardait rangée au fond de son sac, dans un chiffon et ne la sortait que quand un professeur l'exigeait. Le reste du temps, c'était plus rassurant de la savoir hors de porté.

Il ne releva néanmoins pas ce détail. Déjà parce que mine de rien Liam était un peu plus âgé que lui ce qui comptait quand même aux yeux du garçon qui ne prenait assez confiance pour s'opposer aux autres que quand on le mettait vraiment en colère où qu'il constatait une trop flagrante injustice, ensuite parce que même s'il était bien décidé à ne pas donner sa chance à l'école, avoir une conversation apaisée n'était pas désagréable et il était content de trouver chez son camarade une oreille attentive. En plus, ce dernier parut enthousiaste lorsque Colin lui proposa de lui montrer des photographies de son navire, ce qui ne pouvait que le ravir. Il en avait accrochées quelques unes autour de son lit, mais clairement ce n'était pas la même chose que de montrer aux gens et d'expliquer ce grand bateau qui, au fond, représentait presque l'intégralité de son petit univers.

Sans que Colin comprenne exactement ce qui se passait, les efforts de Liam pour l'amadouer s'accumulaient positivement dans sa tête et naïveté ou empathie, le garçon se montrait de plus en plus détendu et à l'écoute de son nouvel ami. Réfrénant donc un peu son envie de parler de plein de choses sur sa vie en mer, les monstres marins, les baguettes dynamitées et ce genre de préoccupations qui lui trottaient dans la tête depuis un bon mois maintenant, il croisa les bras d'un air sérieux, d'un air de grand, plissant un peu les yeux et hochant la tête d'un air concentré aux paroles de Liam. Ainsi c'était un petit londonien et ses deux parents travaillent au fameux ministère de la magie. Le regard de Colin s'alluma un peu à cette mention.

- Ah ! lâcha-t-il d'un ton victorieux, presque sans pouvoir le retenir. J'ai discuté avec une dame du ministère ! C'est elle qui a tout expliqué pour le monde magique, à mes parents et à moi.

De fait, il n'avait pas été très convaincue par cette employée, bien que charmante, qui avait eu le malheur d'être son premier (mauvais) contact avec la magie. C'était donc le moment de demander des comptes.

- Dis, c'est vrai que les employés du ministère suppriment les souvenirs des moldus quand ils voient de la magie ? C'est Dmitri qui me l'a dit, le garçon de Serdaigle qui a parlé tout à l'heure, comment vous savez qu'ils ne suppriment pas vos souvenirs aussi ? Et qui vérifie que ce n'est pas n'importe quoi au ministère ? Comment on fait pour y entrer d'abord ?

Bras croisés, yeux plissés, son attitude se voulant sérieuse et à l'écoute était lentement devenue plus accusatrice et pris d'un élan de lucidité, Colin sembla s'en rendre compte, détournant soudain le regard d'un haussement d'épaule.

- Désolé si tes parents n'étaient pas très présents. lâcha-t-il. Mais ça te rend plus débrouillard maintenant.

C'était peu dire que sur certains sujets, Colin pouvait avoir un côté assez obsessionnel. Sur le navire, cela se caractérisait par une forte tête et un désir d'en savoir toujours plus dans certains domaines ce qui le conduisait à se faire offrir toute sorte de livres de vulgarisation sur la biologie marine ou passer plusieurs jours enfermé dans la salle des machines à regarder sagement mais avec attention les marins travailler. A Poudlard, au grand damn de ses professeurs qui commençaient doucement à se rendre compte qu'il prenait du retard, toute son énergie était tournée vers la réaction et l'accumulation presque maladive d'informations en vrac sur le fonctionnement du monde des sorciers qui, pour intéressantes qu'elles soient, étaient trop désordonnées pour lui donner encore une vue globale de la situation.

Quand Liam avait évoqué ses parents travaillant au Ministère, cet curiosité boulimique s'était réveillée et les bras croisés désormais, Colin entendait bien la satisfaire. Il écouta très attentivement les explications de son camarade, hochant lentement la tête les sourcils froncés en intégrant une à une les informations que ce-dernier voulait bien lui donner, puis dès qu'il eut terminé, reprit la parole immédiatement :

- Oui je comprends ! Mais qui décide des règles à respecter d'abord ? Et qui vérifie qu'elles le sont ? C'est toujours le ministère alors comment on sait qu'ils n'abusent pas de leur pouvoir ? Avec la magie, tout est possible !

Si véritablement des gens s'amusaient à effacer les souvenirs des autres, c'était la porte ouverte au grand n'importe quoi. Avec une franche brutalité, il enchaîna.

- Imagine qu'il arrive un accident et que tes parents meurent, si on t'efface tes souvenirs comment tu le sauras ? Tu ne peux pas !

Quand il était un peu plus jeune, son père, militaire de carrière, lui avait un jour parlé des grandes guerres qui avaient eu lieu dans le temps, et de pourquoi il fallait qu'il soit fier de son pays, parce que la Grande-Bretagne s'était battu pour la liberté. Quand Colin avait demandé pourquoi des gens se battraient contre la liberté, ce qui était absurde, son père avait simplement répondu que les méchants voulaient le pouvoir et étaient prêts à tout pour cela. Ce Ministère de la magie capable de faire presque tout et n'importe quoi dans le dos du gouvernement, cela lui semblait le parfait exemple de quelque chose de dangereux, bien qu'à dire vrai il n'arrive pas encore complètement à conceptualiser les modalités de cette menace. Mais effacer les souvenirs des gens lui semblait un bon point de départ.

Toujours butté, le serpentard serra un peu plus ses bras croisés, dans un mélange d'anxiété et de colère contenue.

- Si ça se trouve c'est même pas eux qui t'écrivent, je suis sûr qu'il y a un sortilège pour imiter l'écriture et comme on est débutants, on ne le connait pas. Au fond, si la magie était un cadre propice à l'imagination, elle l'était également pour la crainte. Moi, eh bien je pense qu'on devrait se méfier, tout simplement.

Il hésita un instant. Bien qu'il ait vaguement conscience que le fond de sa pensée pouvait un peu manquer de rationalité, certaines peurs avaient trouvé à Poudlard un terreau fertile là où elle pouvait.

- En plus, j'ai lu dans un journal que des né-moldus disparaissaient parfois... Et qu'il y a des accidents et des morts chaque année ici.

Si lui mourrait, qui disait qu'on n'effacerait pas simplement la mémoire de ses parents pour qu'ils l'oublient totalement ?

Visiblement Liam n'avait clairement pas pensé à tout : ces histoires de changement de mémoire, le potentiel de la magie, tout cela posait naturellement de nombreux questions on ne peut plus angoissantes pour Colin qui n'avait cessé de monter en inquiétude depuis son arrivée à Poudlard à mesure qu'il découvrait chaque jour un peu plus ce qu'il considérait comme des dérives du monde magique. Qu'un né-sorcier comme Liam ne se soit jamais posé ce genre de question était finalement compréhensible et le serpentard était d'ailleurs prêt à tout lui expliquer plus en détail mais visiblement le poufsouffle ne semblait pas en avoir envie.

En fait, il se mit franchement en colère, reculant d'un pas et fronçant les sourcils, ce qui fit faire de même à Colin. Pourquoi se mettait-il dans un tel état ? Lui, il aurait aimé qu'on le prévienne s'il y avait un danger, là réagir en refusant tout en bloc, c'était rien d'autre que du déni, non ? Sans comprendre à quel point ses paroles avaient pu blesser son camarade, Colin prit comme une forme de profonde injustice que celui-ci rejette la faute sur lui, dont le seul tort avait au final été de dire ce qui lui semblait être des vérités.

- Et bah tu n’auras jamais confiance en personne alors !

Se sentant à son tour agressé, il recula également d'un pas, les bras croisés. S'il avait espéré ne pas provoquer de nouveau conflit après l'épisode houleux de la révolution des nains, c'était raté.

- Et bin peut-être que je vais faire ça, oui ! répondit-il du tac-au-tac, vexé.

Heureusement, Liam semblait capable d'un peu plus de maturité que lui sur ce coup là, ou d'inconscience, selon l'angle par lequel on prenait la chose. Tâchant d'amener la discussion sur le terrain de la réconciliation, il tenta de lui faire entendre raison, argumentant qu'une vie de paranoïa n'était pas possible. Ce en quoi Colin n'était pas convaincu.

- Hmpf. grogna-t-il de mauvaise grâce, quoique un peu amadoué par le ton plus calme du garçon. Le problème, c'est que les méchants ont beaucoup plus de pouvoir s'ils sont sorciers que s'ils sont moldus, hein. Il suffit d'une seule personne très forte ou très maligne et c'est la catastrophe.

Bon c'était également un peu vrai dans le monde non-sorcier qui avait connu ces dernières décennies sont lot d'attentat et de déséquilibrés. N'empêche que le fait de n'avoir qu'une très vague idée des limites de la magie donnait à cette-dernière des potentialités infinies dans l'esprit de Colin qui était incapable de comprendre pourquoi un mage noir ne se servirait pas de ses pouvoirs pour prendre le contrôle du monde, par exemple en remplaçant les souvenirs de tous les gouvernements ? C'était possible, non ?

- Et puis rester à l'école des moldues, on n'a pas trop eu le choix je te signale, sinon j'y serai resté aussi.

Ce n'était pas dans ses habitudes de se montrer aussi directement querelleur, préférant en général s'écraser ou faire preuve d'écoute, sauf bien sûr quand sa colère le dépassait.

- Moi, si j'étais toi, j'écrirai quand même des choses régulièrement dans un carnet et je le garderai toujours sur moi. Et de temps en temps, je vérifierai si tous mes souvenirs sont toujours à leur place, on sait jamais.

Oui, c'était une bonne idée, une très bonne idée. D'ailleurs il allait lui-même s'y mettre dès ce soir !