feat. Jackson Robert Scott
Naissance et petite enfance :Si cela avait été possible, Hector Hill aurait aimé que sa femme accouche en mer. D'après lui, son fils aurait alors été un véritable enfant de l'océan, né hors de toute patrie, destiné dès son premier souffle à embrasser comme son père une vie de marin : saine et fière. Malheureusement, ses employeurs comme son médecin lui interdirent de se lancer dans un long voyage avec Helena alors que cette dernière était enceinte. Trop de risques de complications, pas assez d'assistance en cas de problème. Hector et Helena furent donc assignés au plancher des vaches pendant tout le temps de la grossesse, obligés de poser un congé. Rarement le capitaine du
Collins avait été contraint à passer autant de temps sur la terre ferme et rarement il avait atteint un tel état de nervosité.
Pour faire bonne mesure, il poussa néanmoins chaque jour sa femme - et ce jusqu'à l'accouchement - à se rendre jusqu'aux docks où lui retrouvait ses collègues. Là il la faisait asseoir sur une chaise longue, d'abord emmitouflée dans des couvertures puis plus légèrement à mesure que le temps s'adoucissait, face à la jetée. Pour Hector, il était fondamental que son fils grandisse avec le bruit des vagues. Il avait une haute idée de ce qu'être père impliquait comme responsabilités et ce petit être à naitre aurait la meilleure éducation possible : celle d'un marin. Il embrasserait la même carrière, les mêmes valeurs que son père qui projetait sur lui ses propres accomplissements et tout ce qui faisait sa fierté.
Colin est né le 14 juillet 2015 dans l'hôpital du centre-ville de Cardiff au Pays-de-Galles, et baptisé d'après le nom du navire cargo d'Hector. Ce congé de neuf mois avait entrainé une baisse significative des revenus du couple, mais ce dernier jugeait nécessaire un tel sacrifice, Hector ne pouvant imaginer un seul instant ne pas être présent pour la naissance de son premier enfant. Moins qu'une fibre paternelle frémissante, tout cela correspondait surtout à une certaine vision de ce que devait être une famille honnête et travailleuse à ses yeux, vision à laquelle il entendait ne pas déroger d'un pouce.
Lorsque Colin pu sortir de l'hôpital après quelques jours, son père tint absolument à retourner sur le port pour lui présenter la mer et le présenter à elle. Il avait dans l'idée que ces deux là avaient une destinée commune et comptait bien la faire se réaliser. Ce fut pour Colin sa première véritable expérience de l'océan, à un âge où ses yeux ne percevaient encore que des formes sombres et brumeuses, il retrouvait les sons qui l'avaient bercé pendant près de neuf mois à l'intérieur du ventre de sa mère.
Le congé paternité était court et l'accouchement passé, Hector du bientôt repartir en mission pour la compagnie, laissant sa femme à Cardiff. Direction les États-Unis pour un voyage de trois mois. Lorsqu'il accosta aux côtes de Floride, Colin Hill en avait cinq. Lorsque le
Collins réapparu au large de la Grande-Bretagne, il en avait huit et marchait déjà.
Enfance :D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Colin a toujours vécu en mer. Le cargo
Collins était un navire de taille imposante pour les standards, accueillant une trentaine de membres d'équipage dont Hector, sa femme Helena et leur fils unique. Chargé des échanges transatlantiques, leur quotidien se passait la plupart du temps au large, régulièrement ponctué d'escales dans les grands ports puis suivi de quelques courtes semaines de "congés" passées à Cardiff et qui mettaient Hector Hill de très mauvaise humeur. Bien que possédant un salaire confortable, le capitaine n'avait jamais souhaité investir sur la terre ferme et la famille devait s'entasser dans un petit appartement dans un quartier résidentiel passablement déprimant.
C'est dans cet environnement partagé entre terre et mer que Colin passa les premières années de sa vie. Étant de la famille du capitaine, il avait accès aux quartiers sur le pont supérieur mais c'était là bas que s'ennuyait sa mère et il lui préférait sans hésiter la compagnie des autres marins et l'exploration du navire qu'il ne tarda guère à connaitre par cœur. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, malgré l'isolement du bateau en plein cœur de l'Atlantique, ce n'était pas une existence solitaire, loin de là. La vie en communauté était d'une grande importance pour des hommes éloignés de toute civilisation pendant parfois plusieurs mois et Colin apprit très tôt l'importance de la camaraderie, de l'entraide mais également du travail rigoureux et du respect de la hiérarchie.
Toute société a besoin d'un chef. Toute société a besoin d'ordre. Le défaut de l'un ou de l'autre et le navire coule à tous les coups, les hommes s'entre-déchirent, l'anarchie, le chaos se répandent. Voila ce que Colin intégra très tôt et très fort et n'ayant pas d'autre modèle sous la main que la stricte organisation à bord du
Collins, il en fit un principe de vie.
Pendant des années, les seules réelles ouvertures de Colin sur le monde extérieur au navire furent durant les escales du cargo qui chargeait et déchargeait régulièrement ses conteneurs en Europe et en Amérique du Nord. Heureusement pour lui, ces pauses duraient généralement plusieurs jours et la vie sur les docks est plutôt animée, surtout pour un petit garçon. Les enfants des dockers et autres navires à l'arrêt lui réservaient toujours bon accueil, habitués aux amis de passages et c'était pour lui enfin l'occasion de fréquenter des enfants de son âge.
Néanmoins, cet univers restait toujours lié à la mer au point que jusqu'à une excursion en Bavière pour ses huit ans, Colin ne s'était encore jamais éloigné beaucoup des côtes. Il n'en ressentait d'ailleurs pas vraiment le besoin. Tellement habitué à l'océan, une existence loin de ce dernier lui était très difficilement imaginable, ainsi que le concept d'école qu'il commença à découvrir quand il fut en âge d'entrer au primaire.
N'ayant comme port d'attache que Cardiff où ils passaient en vérité peu de temps chaque année, il était impossible pour Colin de suivre une scolarité normale. Lui même d'ailleurs ne la souhaitait pas et il fut assez vite décidé qu'il suivrait l'école à la maison, comme c'était de coutume pour ce genre de situation familiale originale. Il recevait donc des exercices par mails, imprimait de nombreuses pages de théorie et les travaillait de son côté, en plus de recevoir parfois quelques cours ou explications de suivi par des professeurs spécialisés, en général par visioconférence lorsqu'il s'attachait à un port.
Heureusement ou malheureusement pour lui, sa mère avait à cœur sa réussite scolaire - nécessaire pour qui se destinait à devenir officier de marine - et n'avait de toute façon rien d'autre de plus passionnant à faire de ses journées que de veiller au grain à l'assiduité de son fils dans ses études. Elle prenait donc un plaisir un peu malsain à le fliquer à longueur de temps, relire et relire encore ses travaux jusqu'à ce que ces derniers soient enfin vierges de toute erreur. Si Colin avait la mauvaise idée de s'en plaindre, un regard réprobateur de son père suffisait généralement à le rappeler à ses devoirs, très littéralement.
L'adage est connu : les chiens ne font pas des chats et il était difficile de demander à Colin une grande sensibilité littéraire ou historique quand ces matières se résumaient au mieux, pour ses parents, à du vent. Des humanités, il ne s'en sortait qu'en anglais et en langues vivantes plus généralement, ayant été confronté très tôt à tout un tas de vocable lors de ses voyages et sa famille étant professionnellement polyglotte. Il se défendait bien mieux en mathématique et pour les matières scientifiques, celles qui exigeaient un esprit pragmatique, rationnel. Celles qui étaient utiles pour calculer des coordonnées GPS ou comprendre les cycles de vie marine.
Néanmoins, il resta toujours un élève plutôt médiocre, plus soucieux de courir sur le navire et de s'essayer au maniement des clefs à molette dans la salle des machines ou à resserrer les nœuds du pont qu'à faire répéter les dictés et récitations des dates de l'histoire de la Grande-Bretagne dans ses cahiers. Laissé souvent seul, Colin trouva tout de même le temps de s'intéresser à la biologie, et bien vite à la physique, allant jusqu'à demander à ses parents un abonnement à des revues traitant de science, qu'il récupérait une fois l'an dans la boîte au lettre de Cardiff et qui lui tenaient en général deux ou trois mois à tout lire.
Dans ce quotidien pourtant millimétré comme du papier à musique, des événements étranges commencèrent parfois à avoir lieu. Comme souvent chez les né-moldus, Colin attribua cela à des hasards très improbables, ou de simples choses qu'il ne comprenait pas encore mais qui trouveraient certainement une explication en grandissant. Pourquoi les bancs de poissons le suivaient-ils, lui, lorsqu'il se promenait sur le pont du navire, et pourquoi certaines portes pourtant fermées s'ouvraient elles toute seule quand il le désirait très fort ?
Il savait très bien ce qu'en aurait dit son père : il mentait, ou se racontait des histoires. La rationalité froide ne pouvait envisager une cause surnaturelle à tous ces phénomènes et Colin s'en était également persuadé. Peut-être était-il tout simplement quelqu'un de chanceux, ou les poissons le suivaient parce qu'il lui arrivait parfois de leur jeter des restes de nourriture par dessus le bastingage pour les voir s’agglutiner quelques mètres sous lui ?
La lettre et la vieille dame :"Un jour je serai militaire ! Dans la marine !" voila qui avait réussi à émouvoir Hector Hill quand à dix ans le petit Colin le lui avait annoncé plein d'assurance. "C'est bien mon fils." avait-il répondu et le soir, ils avaient ouvert une bouteille de champagne. Militaire. Comme son père. Il n'en fallait pas plus pour faire la fierté du capitaine du
Collins : comme il l'avait toujours espéré, son fils s'apprêtait à marcher sur ses pas, devenir un homme droit ayant à cœur le respect de l'honneur et la discipline.
C'était sans compter la lettre. Foutue lettre.
Ils naviguaient en pleine mer depuis plus de dix jours lorsque Colin qui courait sur le pont eu la surprise de voir posé sur une rambarde un grand hiboux qui le fixait, portant accroché à ses serres une lettre parcheminée. S'il arrivait parfois que des mouettes ou goéland suivent le navire sur quelques dizaines de kilomètres au large, il était beaucoup plus improbable de trouver un rapace aussi loin de toutes terres. Et surtout, les oiseaux ne transportaient pas le courrier, en général.
Colin l'observa un petit moment mais voyant que le hiboux continuait à le fixer, finit par s'en approcher. Loin de s'effaroucher, l'animal se contenta de lui tendre la patte où avait été attachée la lettre. Situation parfaitement irréelle auquel le pragmatisme du jeune Colin n'était pas du tout préparé, que pouvait-il faire d'autre que de la décrocher et de la lire ?
Colin Hill,
Cargo Collins
28° 31' 15.006" N
35° 13' 7.81" W
COLLÈGE DE POUDLARD, ÉCOLE DE SORCELLERIE
Directrice : Evelyn Appleton
Cher Mr Hill,
Nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d'ores et déjà d'une inscription au collège Poudlard. Vous trouverez ci-joint la liste des ouvrages et équipements nécessaires au bon déroulement de votre scolarité.
La rentrée étant fixée au 1er septembre, nous attendrons votre hibou le 31 juillet au plus tard.
Veuillez croire, cher Mr Hill, en l'expression de nos sentiments distingués.
Evelyn Appleton
Directrice
Les mots avaient été tracés d'une étrange encre verte qui brillait au soleil. Sur la rambarde, le hiboux n'avait toujours bougé et continuait de le fixer, comme s'il attendait une réaction. Celle-ci d'ailleurs ne se fit pas attendre.
-
Papaaaaa ?!Quand on ne sait pas quoi faire, il faut demander conseil au capitaine. C'est encore le meilleur moyen de ne pas se planter. C'est ainsi que le petit Colin débarqua sur la Passerelle, essoufflé, sa lettre à la main et un début d'angoisse au creux du ventre. Est-ce qu'on lui faisait une mauvaise blague ? Tout le portait à croire et c'est d'ailleurs ainsi que réagit Hector Hill en parcourant le papier, sourcils froncés devant ce qui avait tout l'air d'être une farce de mauvais goût.
Homme terre-à-terre, il prit le temps de regarder le GPS du navire. Aussi improbable que cela puisse sembler, les données correspondaient à celles écrites. Mais c'était impossible, à imaginer même l'hypothèse improbable que ce hiboux ait été envoyé depuis la terre ferme, le temps du voyage le navire se serait déplacé, il aurait alors fallu anticiper leur vitesse de déplacement, connaitre leur route et...
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Papa ? Il y a une dame sur le pont...Il y avait bien une dame. Depuis la passerelle, on pouvait la voir caresser lentement la tête du hiboux tout en regardant régulièrement sa montre, comme si elle attendait qu'on honore un rendez-vous. Les choses devenaient de plus en plus absurdes mais comme souvent, Hector Hill avait une interprétation très pragmatique de la situation aussi ouvrit-il le tiroir en fer qui se trouvait à côté des commandes, en sortit son arme de service et descendit quatre à quatre les marches menant au pont, Colin sur ses talons, furieux de ne découvrir qu'après une semaine qu'ils avaient embarqué un clandestin.
La dame, pourtant, n'avait ni l'allure ni le profil d'un passager clandestin. Elle était très vieille, vêtu de fourrures élimées comme une désargentée et d'un grand chapeau en feutre où avaient été piqué des plumes de paon et d'autres très surprenantes rouges et or qui semblaient presque en flamme sous les reflets du soleil. Plus étrange encore que son accoutrement, elle ne parut pas le moins du monde surprise ou intimidée de voir débarquer Hector Hill, arme au point et l'air furieux, se dirigeant dans sa direction.
-
Si vous saviez mon bon monsieur, j'ai déjà eu bien pire accueil... lui expliqua-t-elle en soupirant.
Déjà autour d'eux plusieurs marins curieux s'étaient rapprochés et commentaient la scène aussi lorsque Hector exigea des explications du haut de toute son autorité, la sorcière - car c'en était une - lui assura qu'il en aurait, à condition de se rendre dans un lieux un peu plus discret.
La petite dame avait beau être deux fois moins grande que le plus petit des hommes sur le pont et faire certainement le tiers de son poids, une espèce d'assurance très étrange chez elle en imposait à l'assemblée. Un sorte de malaise s'était répandu dans le groupe, d'autant plus que la clandestine refusait de dire un mot supplémentaire devant une telle compagnie, pas le moins du monde intimidée par l'arme qu'on lui agitait sous le nez et les menaces de l'enfermer dans la cale pour le reste de la traversée. Au bout de quelques minutes de tensions, Hector sentant que la situation lui échappait n'eut guère d'autre choix que de ranger son pistolet et de lui proposer de monter dans ses quartiers pour discuter plus sereinement. La femme accepta et exigea au passage la présence de Colin et de sa mère.
Ce fut certainement la discussion la plus étrange qu'ils aient jamais eu. Il y eut d'abord beaucoup de déni de la part des parents devant les absurdités de la vieille dame, puis un mouvement de recul paniqué lorsqu'elle fit apparaitre sous leurs yeux une volée de moineau rien qu'en remuant un bout de bois. Le temps passait et les preuves devenaient de moins en moins réfutables : tout portait à croire que cette étrange passagère était bien ce qu'elle prétendait être : une sorcière.
Elle leur expliqua le secret magique, le monde caché et certainement l'information la plus importante : leur fils, Colin, était lui-même un sorcier. Impossible de se tromper, tous les indices étaient là et avaient été détectés par les autorités compétentes de l'école Poudlard, l'y inscrivant de fait, et pas question de refuser.
Helena ne mit pas longtemps à s'indigner. Comment ça pas question ? Mais qu'ils sachent, c'était encore eux qui décidaient ! Leur fils continuerait quatre ans l'école à la maison puis rejoindrait le lycée militaire de Cardiff avant d'entrer dans une école d'officier où il suivrait sa passion et sa voie naturelle : devenir marin. Il fallut toute la patience de la sorcière pour leur expliquer que rien ne s'opposait à ce que Colin devienne marin, mais qu'il était absolument inenvisageable d'envoyer le jeune homme dans un collège moldu. Il était trop ignorant des usages de la magie et de ses subtilités pour être laissés sans surveillance des autorités compétentes.
Ne reconnaissant aucune autorité à ce pseudo "ministère de la magie", Hector s'emporta et l'envoya crument aller raconter ses salades ailleurs. C'était bien sûr métaphorique mais la sorcière disparu alors très littéralement, laissant la famille un peu sonnée. S'ils avaient au moins retenu une chose de cette entrevue, c'était qu'il leur était formellement interdit de révéler le secret magique hors de leur cadre familial restreint et le capitaine eut bien du mal à expliquer à ses hommes la disparition de la vieille dame, en plein milieu de l'océan. Mais s'il leur avait raconté qu'elle s'était volatilisé sous leurs yeux à l'aide d'un sortilège, qui y aurait cru ?
Le lendemain, la sorcière était de retour. Elle attendait Colin dans sa chambre, assise sur son lit, lorsqu'il y entra après déjeuner. Pour toute autre situation, le jeune homme n'aurait jamais osé passer outre l'autorité paternelle et serait immédiatement allé le chercher, mais les propos qu'avaient tenu la vieille femme la veille l'avaient laissé très retourné. Se pourrait-il qu'il soit bel et bien un sorcier ? La question méritait de se poser, après tout ce qu'il avait vu, et peut-être pour la première fois de sa vie, Colin choisit de ne pas tout rapporter à son père et d'écouter ce que la dame avait à lui dire. C'était sa première discussion "de grand".
A Poudlard, lui expliqua-t-elle, il pourrait développer ses pouvoirs dans un cadre sécurisé et bienveillant, entouré d'une équipe pédagogique attentive et dynamique. Des mots qui laissèrent Colin complètement de marbre. Les questions d'équipe pédagogique et de bienveillance lui en touchait l'une sans faire bouger l'autre, pour quelqu'un qu'on avait toujours éduqué selon des principes militaires il ne voyait pas l'intérêt de tous ces concepts-là. La notion même d'internat lui était très étrangère, n'ayant seulement jamais connu l'école qu'à distance. En somme, tout cela ne lui faisait pas envie du tout. La magie, même, ne lui apparaissait que d'un point de vue très gadget. Savoir réparer un moteur, faire un nœud, cuisiner, se repérer, c'était là des savoirs utiles, vitaux même, mais faire apparaitre des moineaux... quel intérêt ? Quel intérêt de se téléporter quand on voyageait un bateau ? Cela ôtait tout le charme de la traversée... non décidément, cette idée était loin de l'enchanter et pour la seconde journée, la sorcière repartit bredouille et sensiblement plus contrariée lui sembla-t-il.
Elle revint néanmoins le lendemain et prit cette fois à parti les parents. Et le surlendemain encore, et ainsi de suite pendant presque un mois entier, le temps d'une traversée. Août approchait désormais. Si Colin restait entêté dans son idée que tout cela ne lui inspirait rien du tout, et qu'il était bien mieux sur le bateau de son père que perdu dans un collège bizarre au fin fond de l’Écosse, ses parents eux furent plus sensibles à de nouveaux arguments. Très pragmatiquement, si l'on n'éduquait pas leur fils, il pourrait devenir dangereux pour lui même et pour les autres. Personne n'avait envie de voir les turbines du moteur se briser lors d'un coup de colère, ou un marin éjecté par dessus bord en cas de grosse contrariété. Plus le temps passeraient plus ses pouvoirs deviendraient incontrôlables et personne ne souhaitait d'une bombe à retardement dans un espace si risqué.
Hector Hill était têtu, mais pas inconséquent. Helena, elle, n'avait pas voix au chapitre. Le temps passant et les entretiens avec, il lui fallu bientôt accepter l'évidence : si ce que disait cette bonne femme était vrai, alors en bon capitaine il ne pouvait risquer la sécurité et de son fils, et de son équipage. Et puis, ce n'était que le temps du collège après tout, passées ces sept années, Colin serait ensuite libre de faire ce qu'il avait toujours désiré : prendre la mer. Ce qui acheva de convaincre le couple Hill fut paradoxalement la crise que piqua leur fils quand ils lui annoncèrent avoir décidé de l'envoyer à Poudlard. Ce dernier n'était peut-être pas du genre à défier l'autorité paternelle mais il était tout aussi têtu que ce dernier et claqua la porte de sa chambre. Qui se trouvait à dix mètres de lui et sans la toucher.
Hector Hill considéra cet acte comme l'illustration de tout ce qu'il avait craint et la chose fut décidé sans possibilité de négociations : Colin irait dans cette école de sorcier, que cela lui plaise ou non.
Le chemin de Traverse et le départ à Poudlard :La rentrée approchait donc et ne laissa guère de temps à Colin pour digérer la nouvelle. Il y eut d'ailleurs quelques détails à régler encore avec le ministère de la magie dont un "pas des moindre" : le 1er septembre le
Collins se trouverait au large des Caraïbes et il avait été prévu que le jeune homme manquerait le premier mois de classe dans son nouveau collège. Apparemment, cette option n'était plus du tout envisageable à Poudlard, d'autant plus qu'il lui faudrait s'y prendre un peu à l'avance pour effectuer quelques achats nécessaires avant sa rentrée.
On proposa de laisser la vieille sorcière prendre en charge le garçon mais celui-ci refusa tout net, cette fois-ci appuyé par son père qui tenait à l'accompagner et à voir de ses propres yeux dans quoi on embarquait son fils unique. Après négociation, il fut décidé de profiter d'une escale à Maracaibo et d'utiliser un portoloin en accord avec le ministre de la magie d'Amérique du sud pour ramener Hector, Colin et la vieille sorcière à Londres, où ils avaient instruction de se faire discrets. Personne n'aurait compris de voir le capitaine du
Collins et son gamin sur le sol de Grande-Bretagne alors qu'ils se trouvaient la veille encore de l'autre côté de l'Atlantique.
Heureusement, le portoloin ne les mena guère loin de l'entrée du Chemin de Traverse et ils n'eurent pas à marcher longtemps avant de passer le mur de brique qui les fit entrer pour la première fois dans le monde sorcier. Ils devaient donner un spectacle bien étrange à voir : Hector Hill, fidèle à son pragmatisme, ne s'autorisait que de brefs coups d’œils aux boutiques magiques et accoutrements des sorciers qui auraient pourtant suffit à impressionner n'importe quel homme. A peine entrés sur le chemin, il sortit la liste de fourniture scolaire et exigea qu'on le mène au magasin le plus proche qui se révéla en vérité être la banque où il du changer sa monnaie. Colin, quant à lui, tirait la tronche. Il n'avait toujours pas accepté qu'on le force aussi soudainement à quitter sa famille, et sans lui demander son avis en plus, l’emmener loin de son élément naturel : la mer.
Il fallu ensuite aller lui chercher une baguette magique, ce qui ne parvint pas à le dérider, même lorsqu'il fit presque exploser un tabouret en agitant avec un peu trop de force l'un des bouts de bois qu'on lui avait mis entre les mains. Tout ça était non seulement dangereux mais en plus tout à fait idiot et avec une maturité qui frôlait la mauvaise foi Colin demanda au vendeur pourquoi on autorisait des enfants de onze ans à se balader avec des machins à explosions dans leur poche. Il n'obtint toutefois pour seule réponse qu'un regard outré de ce dernier et Colin jugea que l'homme devait être aussi idiot que son métier. Têtu jusqu'au bout, il passa tout la première heure sur le chemin à fixer obstinément ses chaussures, sans accorder la moindre étincelle d'émerveillement à ce qui l'entourait mais n'osant se montrer plus rebelle que ça en compagnie de son père. Finalement, il ne se dérida que lorsque la vieille sorcière qui semblait un peu mal à l'aise lui expliqua qu'il avait droit à un animal.
C'est que pour caractère de cochon qu'il était, Colin aimait bien les animaux, d'autant que sur le cargo on lui avait toujours défendu d'en avoir. Alors il regardait les poissons par dessus le bastingage. Il ne se privait d'ailleurs pas pour les nourrir, ou courir derrière les chats errants qui peuplaient souvent les docks des villes, à la recherche de déchets alimentaires.
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Poudlard accepte les chats, crapauds et rats monsieur Hill. Elle semblait visiblement soulagée d'enfin trouver un sujet capable de le dérider un peu.
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Et les poissons ?-
Ah... non, pas les poissons, question de tradition.-
La tradition ira très bien. avait finalement coupé son père.
Allez, choisis vite, fils.Cela prit beaucoup plus de temps que pour le reste des fournitures, où ils s'étaient contentés de suivre les instructions relativement précises de la liste. Colin hésita longuement devant le bac des chatons avant de finalement jeter son dévolu sur un rat roux qu'il baptisa Kraken, espérant que cela compenserait le fait de n'avoir pas pu choisir un animal marin. L'avantage de Kraken, c'était qu'il tenait dans sa poche et donc qu'il n'aurait pas à s'en séparer en cas de coup de blues.
On n'était que le trente août et il restait encore deux jours avant la rentrée. Malheureusement, Hector ne pouvait justifier son absence auprès de son navire trop longtemps et du repartir sans tarder pour le portoloin. Il accorda à Colin une solide poignée de main, l'encouragea à "faire ce qui était juste" et "ne jamais oublier d'où il venait" puis prit le chemin en sens inverse. Et le garçon se retrouva tout seul avec la vieille dame qui le guida jusqu'à un pub où elle se fit servir un godet de whisky avant de lui expliquer qu'ils dormiraient ici, qu'elle avait loué une chambre à l'étage pour deux nuits, et qu'il ne devait pas faire de bêtises d'ici là.
Colin n'eut pas à attendre longtemps avant que la vieille soit pochetronée et lui fila entre les pattes à la première occasion pour découvrir un peu tout ça par lui même. Loin du regard de son père et de sa gardienne, il pouvait désormais cesser de tirer la gueule et se promena de boutiques en boutiques en observant tout avec des yeux ronds, essayant vaguement de ne pas se montrer trop intéressé et échouant à chaque fois. A dix-neuf heure, la sorcière débarqua dans la pâtisserie magique où il trainait en lui criant dessus qu'il n'avait pas à partir ainsi sans sa permission ce qui fit rougir le garçon jusqu'aux oreilles.
Tiraillé entre son respect pour l'autorité et son envie sincère de mettre de la mauvaise volonté dans tout ce qui toucherait à la magie, le lendemain fut un peu plus calme, la vieille lui offrit une glace goût "flamme de l'enfer" mais lui préféra un classique au chocolat d'un ton un peu méprisant. Puis quand elle lui proposa de lire une bande dessinée animée où les personnages se battaient en vrai dans les cases, il la bouda pour sa nintendo DS qui arrivait à peu près à produire le même effet.
Sa gardienne n'était pas méchante mais devant tant d'obstination à ne lui donner aucun signe d'émerveillement, elle finit par lâcher l'affaire et retourner se murger toute seule au bar pendant que Colin passa le reste de la journée dans un magasin de bibelot qui proposait des répliques miniatures de bateaux pirates qui voguaient vraiment à l'intérieure des bouteilles avec leur équipage au complet.
Le lendemain, il fallu se réveiller aux aurors ce qui n'avait pas dérangé Colin, habitué à ce genre de discipline, et qui avait même tiré son lit à quatre épingles. Ils arrivèrent à la gare de King's Cross avec vingt-cinq minutes d'avance et lorsque la vieille sorcière voulu lui donner un bisou sur le front pour lui souhaiter bonne chance, le jeune homme lui tendit royalement la main et la remercia d'un ton très protocolaire pour son professionalisme.