Prendre des vacances ! Ça n’était pas arrivé à Alice depuis l’an dernier. Elle mettait un point d’honneur à prendre des vacances au moins une fois par an et à partir avec Hope, ou seule si Hope n’en avait pas envie, et à se relaxer. C’était quand-même important de faire une vraie coupure, même si ces recherches étaient rien moins que passionnantes. Enfin, ces derniers temps, avec l’ambiance qui régnait dans son équipe, elle n’était pas fâchée d’en avoir fini. Quand elle rentrerait, ce serait pour repartir à Poudlard et enseigner là-bas, aux côtés d’Aidan, de Rowan, d’Amelia. Ne manquerait que Hope pour que son tableau soit parfait. Elle aurait même sa nouvelle petite protégée, Zeynep, auprès d’elle.

Cette année, Alice avait organisé les vacances pour les deux sœurs et elle emmenait Hope dans une petite auberge de montagne, dans les Alpes françaises. Elles ne seraient pas seules, toutes les deux. L’auberge était organisée un peu comme un hôtel tout inclus et il y aurait donc d’autres touristes avec elles, mais elles ne seraient pas obligées de s’y mêler si elles ne le souhaitaient pas. Les deux sœurs avaient donc pris un Portoloin qui les avaient amenées non loin du chemin de randonnée qui menait à l’auberge. Ayant magiquement allégé leur paquetage, elles le portèrent jusqu’à l’auberge où on les attendait pour l’accueil.

En s’avançant dans la pièce principale où les autres touristes étaient installés sur des chaises face à une estrade pour le moment vide, Alice ouvrit des yeux ronds en reconnaissant parmi la foule une de ses amies d’enfance, voire même un crush de jeunesse, car elles étaient sorties ensemble quelques mois. Mais Alice n’en dirait rien car Hope ne le savait pas. Rowan Moon, car c’était elle, était venue manger quelques jours auparavant et Alice était vraiment heureuse de la revoir. Elle entraîna Hope auprès de la jeune femme qu’elle interpella avec enthousiasme.

« Rowan ! Si je m’attendais ! Alors toi aussi, tu es venue passer tes vacances dans les Alpes. Ca c’est une sacrée bonne surprise ! Tu te rappelles de ma petite sœur, Hope ? Nous vivons ensemble actuellement. »

Alice s’installa auprès de son amie, laissant une chaise libre près d’elle pour Hope si elle en avait enve. Elle savoura la joie de l’idée de partager ses vacances avec sa sœur et son amie quand une voix s’éleva de l’estrade où un animateur en combinaison de ski avait pris place.

« Bonjour à tous, je vous souhaite la bienvenue au Chalet du Pic des Dames ! Je suis Alexis et je serai votre animateur durant votre séjour. Vos chambres vous ont été attribuées avant votre arrivée et le plan de trouve à l’entrée de l’espace nuit. Le nom que vous avez utilisé pour la réservation est indiqué. Vous disposez tous d’une chambre avec salle de bain privée et vue sur un pic, car nous sommes entre deux. Dans votre chambre, vous trouverez une carte des menus, et une carte des activités. Sachez que rien n’est obligatoire. Si vous préférez faire des choses dans votre coin, c’est autorisé, mais soyez attentif à votre sécurité. Si vous avez des questions, nous nous tenons à votre disposition. Bien ! Je vous laisse vous installer et je vous retrouve ce soir après le dîner pour une petite soirée d’improvisation théâtrale. Pour les couche-tôt, rassurez-vous, l’espace nuit est totalement isolé et tout à fait calme. Bon séjour à vous ! »

Alice se tourna vers Hope et Rowan, enchantée.

« Nous allons voir où sont les chambres ? La soirée promet d’être sympa ! Ca ne vous fait pas envie, vous ? »

Prendre des vacances ! Rowan n’en avait pas l’intention, cette année. A vrai dire, elle ne savait plus complètement ce que c’était. Au cours de ses trois années en Corée, elle avait beaucoup voyagé - elle avait fait le tour de presque tous les pays d’Asie, et était aussi allée en Colombie, en Nouvelle-Zélande et à Madagascar - mais jamais pour des vacances. C’était la mentalité coréenne : des bourreaux de travail, qui ne comptaient pas leurs heures, ni leurs journées ! Et il était d’autant plus facile de se dévouer corps et âme que l’on était passionnée par son travail. Rowan savait qu’à Poudlard, l’enseignement lui laisserait moins de temps pour ses recherches, et elle était bien décidée à profiter de l’été.

C’était pourquoi elle s’était organisé un séjour dans les Alpes françaises pour l’été. Rowan ne s’intéressait pas qu’aux plantes ostentatoirement magiques - les mandragores, les snargaloufs et les bulbes sauteurs. Aussi intéressantes qu’elles soient à étudier, il était difficile d’innover dans la recherche avec ces “stars” de la botanique. De fait, même si elle était passionnée par les Saules Cogneurs et les filets du diable, une grande partie de sa recherche se consacrait à des plantes beaucoup plus discrètes, des plantes auxquelles la communauté botanique ne prêtait que peu d’attention - à tort, selon elle. Si certaines de ces plantes étaient probablement des plantes sentientes, comme la plante télégraphe - qu’elle avait eu l’occasion d’étudier un peu à Londres, le jour où elle avait revu Aidan - d’autres l’intéressaient davantage pour les propriétés qu’elle avait pu avoir. Ainsi, sa première “dissertation libre” de botanique à Poudlard avait traité des orties, et avait révélé une rigueur méthodologique qui avait beaucoup intéressé son professeur. Désormais, elle voulait étudier les vertus des azalées alpines, des plantes capables de survivre jusqu’à une température de -42°C, et peut-être même, selon les hypothèses de certains chercheurs moldus, de se régénérer des blessures causées par le froid.

Voilà pourquoi elle avait réservé une chambre dans cette auberge, le Pic des Dames. Elle n’avait même pas pensé, à vrai dire, à emprunter un moyen de transport magique, et avait fait le trajet en avion, puis en train, et avait été cherchée à la gare par un employé de l’hôtel. Ses bagages, en revanche, était bien magiques - Rowan était absolument fan du sort permettant de compacter les sacs et, à vrai dire, elle transportait tout un labo dans sa valise. L’employé lui annonça qu’il laisserait ses affaires dans sa chambre et l’incita à s’installer directement face à l’estrade, pour un discours de bienvenue qui serait suivi d’un pot d’accueil.

Elle eut soudain la surprise d’être interpellée par une voix familière, et se retourna avec un sourire radieux !
- Alice ! Quelle bonne surprise ! Non, je ne suis pas en vacances, je suis là pour des recherches. répondit-elle avec enthousiasme, avant lui faire un câlin. Vacances, pour toi, du coup ?
Elle se retourna ensuite vers Hope. A une époque, les choses avaient été tendues entre elles, car Hope n’était autrefois pas tendre avec Alice. Mais c’était du passé depuis un moment, car Hope et Alice s’étaient rapprochées au cours de leurs dernières années à Poudlard.
- Bonjour, Hope ! la salua-t-elle en souriant et en hochant poliment la tête - car elle n’était pas très coutumière des poignées de main.
Elle ne s'était toujours pas départie de l'accent qu'elle avait repris en Corée.

Alice s’installa à côté d’elle, et un animateur en combinaison de ski prit la parole sur l’estrade pour les accueillir. Rowan n’aurait sans doute pas besoin de la carte des activités - vu que ses recherches allaient beaucoup l’occuper - mais elle ne disait pas non au menu, ni au plan.

Alice se tourna à nouveau vers elle, et proposa d’aller voir où étaient les chambres, avant de s’enthousiasmer pour la soirée.
En Corée, les soirées après le travail - jamais obligatoires administrativement, mais presque imposées culturellement - avaient toujours semblé une corvée à Rowan, mais elle aimait bien le théâtre, et en telle compagnie, ça la tentait bien.
- Pourquoi pas, oui, ça peut être sympa ! répondit-elle en souriant avant d’ajouter Mon chauffeur m’a dit que les chambres sont par là.

En montrant la direction d’un geste du bras, elle bouscula sans faire exprès une petite fille au cheveux bruns coupés au carré, qui regardait le plan. Deux jeunes hommes se rapprochèrent immédiatement pour entourer la fillette.
- Oh, pardon ! Je suis vraiment désolée. Ca va, je ne vous ai pas fait mal ? demanda-t-elle avec une expression sincèrement désolée et inquiète.

S’il y avait bien une chose à laquelle Alice ne s’attendait pas, c’était de retrouver Rowan dans sa destination de vacances. Mais ça lui faisait vraiment plaisir. En dehors de sa sœur, Alice n’aurait pas pu trouver personne plus appropriée pour partager ses vacances. A part Aidan, bien entendu, mais il était parti en vacances de son côté avec Poudlard, et visiblement pas à la montagne. Rowan n’était apparemment pas venue pour des vacances, mais pour travailler. Ça n’étonnait pas plus que ça Alice qui connaissait bien son amie et sa propension à ne jamais s’accorder de pause ni de vacances.

« Toujours aussi exigeante avec toi-même, Rowy ! Oui, moi, ce sont des vacances avec Hope. On l’a bien mérité après tout ! »

La soirée était prometteuse. Alice n’avait pas forcément l’intention de participer à toutes les activités. Mais le théâtre était quelque chose qu’elle aimait beaucoup et elle était sûre que cette soirée lui ferait beaucoup de bien. Et que cela en ferait aussi à Rowan qui avait besoin de faire autre chose dans sa vie que d’étudier tout le temps. D’ailleurs, elle était d’accord pour dire que cette soirée était une excellente idée. Alice lui sourit franchement, heureuse à l’idée de partager ces moments avec elle, puis elles se tournèrent vers la direction des chambres. C’est là que Rowan heurta une fillette.

« Toujours aussi maladroite, Rowy ! Tu ne changeras jamais. Tu n’es pas blessée, ma puce ? »

Elle espérait que la petite ne prendrait pas peur et que ses parents n’allaient pas se fâcher contre Rowan. Elle était maladroite mais elle n’avait pas de mauvaise intention. C’était quelqu’un de bien que sa meilleure amie. Cela dit, ils étaient venus en vacances, sûrement, eux aussi, et la petite n’avait sûrement pas envie de voir ses vacances gâchées par quelqu’un qui la bouscule et la traite mal.

Rowan était très heureuse de retrouver son amie ici, par hasard. Et ce, même si elle se doutait bien que cela signifiait qu’elle allait devoir faire une croix sur une bonne partie de ses projets de recherhces, connaissant Alice. Son amie allait sûrement vouloir qu’elle range ses carnets et vienne s’amuser.
- Je ne peux pas exiger l’excellence de mes élèves si je ne m’astreins pas à la même discipline, tu sais ? répondit la jeune femme en souriant.

C’était vrai que son amie méritait bien de prendre des vacances et de se reposer, après l’année chargée qu’elle avait eue !

Rowan accepta volontiers d’assister à la pièce de théâtre. De toute façon, elle n’avait pas prévu de commencer à travailler avant le lendemain matin, et si elle avait appris une chose en Corée, c’était bien à avoir la forme pour travailler après une soirée entre collègues. En Corée, sortir après le travail était fréquent, il fallait boire et rester tard, et il était très impoli de décliner.

Mais d’abord, elle devait poser ses affaires et se rafraîchir un peu. Malheureusement, elle ne s’était visiblement pas débarrassée de sa maladresse légendaire - ce qu’Alice ne manqua pas de souligner - puisqu’elle bouscula une petite fille par accident. Elle s’excusa bien entendu aussitôt, s’inquiétant de l’état de la fillette, tandis que les deux jeunes hommes qui l’accompagnaient s’alarmaient eux aussi.

Ils lui reprochèrent aussitôt sa maladresse, et cela lui sembla bien naturel, puisqu’ils étaient de toute évidence responsable de cette petite fille, et s’inquiétait pour elle. Celle-ci la rassura cependant qu’elle allait bien, et qu’elle ne lui avait pas fait mal, juste surprise.
- Tant mieux, vous m’en voyez rassurée. répondit-elle avec un sourire soulagée.
Et elle adressa un profond signe de tête désolée aux deux jeunes hommes.
- Bien entendu, vous avez raison, je suis absolument navrée pour cet incident.
La petite fille excusa son frère et son cousin, mais Rowan secoua la tête.
- Non, ils ont bien raison de veiller sur vous. Ne vous excusez pas.

Ils insistèrent auprès de la fillette, inquiets, mais celle-ci les rassura à nouveau, soulignant qu’elle allait bien. Au cas où, Rowan préféra quand même prendre les devants - après tout, il était fréquent de ne pas réaliser tout de suite qu’on s’était blessé. Elle se baissa à la hauteur de la petite fille et sortit de la poche de sa veste une jolie fleur jaune, qu’elle lui tendit. Elle l’avait ramassée pour son herbier, mais elle en trouvait d’autre.
- Si jamais vous avec des douleurs ou un bleu demain, ceci est une fleur d’arnica. Elle pousse partout, par ici. C’est facile de la reconnaître, aucune autre fleur jaune n'a des feuilles comme ça.
Elle la montra d’abord à la petite fille, qui serait sûrement heureuse, et fière, de pouvoir la reconnaître.
Elle se redressa ensuite et s’adressa aux deux jeunes hommes.
- Il faut la faire bouillir dans l’eau chaude, et masser avec l’infusion quand elle aura suffisamment refroidi. Il faut juste qu’elle ne la boive pas.
Il y avait d’autres méthodes, comme les macérats d’huile, qui se conservaient mieux et étaient plus pratiques à masser, mais ils étaient plus complexes et plus longs à préparer, et ce format serait bien plus pratique pour eux.

La petite fille se présenta, ainsi que ses deux compagnons. Rowan sourit.
- Enchantée ! Je m’appelle Rowan Moon, et voici mon amie Alice Cooper.

La fleur d’arnica:

L’exigence, ça avait toujours été le maître mot de l’existence de Rowan. D’abord, parce qu’elle avait été éduquée comme ça. Sa mère avait toujours été particulièrement exigeante avec elle. Mais ensuite, elle s’était approprié ces exigences et elle avait finalement adopté complètement ce mode de vie qu’elle suivait depuis l’enfance sans en dévier. Fondamentalement, ça ne dérangeait pas Alice. Elle prenait ses amis tels qu’ils étaient. Mais tant qu’elle serait présente dans la vie de Rowan, elle ferait ce qu’elle pourrait pour qu’elle fasse un minimum attention à elle. Après tout, elle était là pour ça, c’était à ça que servaient les meilleurs amis.

« Tu n’a donc pas l’intention de profiter de la beauté des lieux ? De te promener ? De t’amuser un peu dans les activités de l’hôtel ? »

Si elle le pouvait, Alice se ferait un plaisir de l’entraîner dans cette direction. Elle ne la forcerait pas, mais être dans le même site et ne pas profiter ensemble lui semblait inconcevable. Elle ne voyait déjà pas beaucoup Rowan alors l’idée de ne pas profiter des rares occasions de partager un moment lui était intolérable. Cependant, leurs bavardages furent interrompus quand Rowan heurta une fillette. Aussitôt, les deux jeunes hommes qui l’accompagnaient se firent un devoir de vérifier son état et de sermonner Rowan pour ce qu’elle venait de faire. Quand Sarah rassura tout le monde et s’excusa auprès de Rowan, Alice sourit.

« Eh bien, Miss, vous avez là deux gardes du corps bien efficaces, dites-moi. »

Alice était passée au vouvoiement en entendant le nom de la petite. Les Davenport étaient connus dans le milieu de la magie pour l’une des grandes familles de sang pur anglaise. Ayant désormais en vente des livres concernant ce sujet, Alice était donc informée et avait reconnu ce nom.

« Je m’appelle Alice Cooper et voici Hope, ma sœur, et Rowan Moon, une amie qui nous vient de Corée. » les présenta-t-elle. « Je ne crois pas me tromper en présumant que j’ai affaire à la famille Davenport, parmi les familles connues du monde de la magie ? »

Son propos était assez neutre pour ne pas alarmer des moldus. Si ce n’étaient pas des sorciers, ils s’offusqueraient peut-être seulement d’être comparés à des saltimbanques. Mais s’ils étaient qui elle pensait, ils comprendraient qu’elles aussi étaient des sorcières. Un bon compromis pour se présenter.