Encore une journée de clôturée, Charlie est fatigué, depuis sa sortie de Sainte Mangouste après l’événement de la salle de duel, il a énormément de mal à reprendre le dessus. Malgré tous les efforts de l’équipe médicale, il gardera la cicatrice (bien que très légère grâce aux potions) de la blessure infligée par le serpent aquatique. Il lui arrive le soir de l’observer en se demandant ce qui aurait pu se passer si il s’en était tenu à son plan initial. Ou si ce connard d’Esteban l’avait écouté en immobilisant la créature au lieu de lui reprocher son initiative. Charlie n’aurait sans doute pas été mordu, une raison de plus de détester ce Serpentard individualiste. Venant de lui c’est un peu hypocrite certes, mais c’est sa vie qui a été mise en jeu donc sur ce coup là, son manque d’objectivité est tout à fait compréhensible. Il est environ dix-sept heures quand le jeune homme quitte son dortoir, paré de son étui à guitare, le regard plombé par les cernes du sommeil qu’il ne parvient pas à rattraper. La salle commune de Serpentard est quasiment vide, seuls quelques élèves se sont installés devant la cheminée pour bouquiner et/ou discuter tranquillement. Charlie aime l’ambiance de sa maison, les élèves y sont toujours plus ou moins flegmatiques et par dessus tout, civilisés. Il traverse la salle en leur adressant un petit signe de la tête qu’ils lui rendent sans un mot puis il s’engage dans les cachots. Le château est calme à cette heure-ci, personne dans les couloirs, deux ou trois élèves dans le hall cependant mais rien de bien conséquent. Dehors il fait bon, le printemps s’installe enfin, le Serpentard inspire profondément tout en prenant le chemin des serres.

Comme à chaque fois qu’il n’est pas dans son assiette, Charlie s’isole avec les plantes du Professeur MacDougall et sa guitare, rien n’est plus apaisant pour lui que la musique et la botanique. Mais contre toute attente, à peine est-il arrivé à quelques mètres de la serre numéro 4 (sa préférée puisqu’elle abrite les géraniums dentus) qu’un flot de musique le fige sur place. Quelqu’un ici à Poudlard serait musicien ? Du saxophone en plus, c’est rare d’en entendre parler dans la société magique. Surpris, Charlie hésite à entrer, déjà parce qu’il n’a pas mais alors pas du tout envie de tailler la bavette avec qui que ce soit ce soir, mais également parce qu’il peut dire adieu à la paisibilité de sa serre de prédilection. Il jette un coup d’oeil en direction du château, il n’a pas non plus envie de rentrer, cela dit. Après une bonne minute de réflexion, Charlie remonte la sangle de son étui sur son épaule et passe la porte vitrée. Il n’aperçoit pas immédiatement Artemisia, cachée dans l’allée derrière une rangée de bacs en terre, il l’entend simplement. Grand amateur de Jazz, il reconnaît immédiatement Louis Armstrong, une autre surprise puisque c’est un artiste moldu. Le Serpentard contourne les géraniums, pose sa guitare contre un gros pot en terre et s’approche de la jeune fille qui lui tourne le dos, assise sur une chaise. Il observe ses cheveux blonds dorés qui tombent en cascade dans son dos et sur ses épaules, ils lui rappellent vaguement quelque chose mais il est incapable de dire où il les a déjà vus. Lorsqu’enfin elle termine le morceau qu’elle est en train de jouer, le Serpentard s’appuie contre un bac, bras croisés.

“Armstrong, dit-il simplement de son ton vide de toute émotion. Très bon choix… Une légende du Jazz.”

Charlie n’est pas très doué pour tout ce qui touche aux relations, si il paraît froid, c’est en réalité sa façon de parler à tout le monde et dans n’importe quelles circonstances. Lorsqu’elle se retourne, le sixième année de Serpentard reconnaît immédiatement la jeune fille qui lui a sauvé la vie dans la salle de duel. Derrière son masque impassible, il se sent immédiatement gêné et surtout redevable. Il fixe la Poufsouffle sans rien laisser paraître de son malaise bien qu’au fond de lui, tout un tas de sentiments contradictoires bataillent pour savoir comment il doit réagir. Charlie finit par baisser les yeux, réaction inattendue de sa part.

“Je n’ai pas eu l’occasion de te remercier de m’avoir sorti de la salle de duel Lundi dernier, je te dois la vie… Déclare t-il un tantinet moins inébranlable que d’habitude. Merci.”

Puis, pour chasser l’ambiance embarrassante qui s’installe, le Serpentard attrape l’étui qu’il a posé près de lui, l’ouvre et en sort une Takamine en épicéa. Il passe la sangle autour de son cou, pose une main sur le manche avec douceur et entame un morceau de Wes Montgomery : “Four on Six”. A son tour de lui montrer ses talents de Jazzman, Charlie fait danser ses doigts sur les cordes avec une dextérité digne d’un grand guitariste. Huit ans de travail acharné ça paye ! Il ferme les yeux quelques instants puis les rouvres sur Artemisia sans cesser de jouer. Si elle est assez attentive, elle devrait pouvoir remarquer le petit sourire qui s’installe au coin de ses lèvres au fur et à mesure qu’il avance dans le morceau. Lorsqu’il le termine enfin, il sourit un peu plus franchement (chose très rare pour Charlie Campbell) et croise ses avants bras sur l’éclisse de sa guitare.

“Charlie… Enchanté.”