A quel jeu allais-je bien pouvoir jouer ? Quelle méthode pouvais-je utiliser pour arriver à mes fins, m’éloigner de lui rien qu’une heure, de cette escorte minable dont je commence presque à oublier l’existence. Je devais me défaire de cet Auror juste quelques minutes, le temps de le voir en privé, le temps de vivre ma vie en paix, tout simplement. J'avais alors échafauder un plan avec Avalon, dans le cas où mes motivations ne le convaincraient pas. Finalement, j'ai discuté avec lui, je lui ai parlé de mon père, qu'il connaît très bien, et je lui ai demandé une heure seule avec mon petit ami, sans qu'il n'est besoin de nous écouter ou encore de me surveiller. Le fait qu'Hansel soit préfet, aura sûrement aidé à sa décision. J'ai une heure, pas plus. De toute façon, je sais qu'il ne sera pas loin, si ce n'est pas carrément le bout du couloir.

Je ne suis pas de ceux qui laissent couler en attendant que les problèmes s’effacent, car de cette manière, ils ne s'effacent jamais. Je sais que ce n'est pas évident pour nous de se voir, pas évident du tout même. Mais j'ignore quand même ce qui le ronge vraiment pour n'avoir pas daigné essayer. Ou peut-être qu'il a essayé et que je l'ignore. Peut-être aussi qu'il culpabilise terriblement, ou encore qu'il a peur de moi. Tout est possible, rien n'est à écarter. Rien qui ne veuille sortir de mon esprit, rien dont je ne pense pas ne serait-ce qu'une fois dans la journée. Je le cache plutôt très bien, mais ça me hante. Alors lorsque je l'ai vu passer en direction de l’extérieur du château, j'ai su que c'était le moment. Enfin, il n'y avait rien à savoir, j'en avais besoin c'est tout. Il faut que ça sorte, que ça se libère. Il faut qu'il me parle, tout simplement. Trop de fierté en moi cependant, pour avouer qu'il me manque.

L'Auror, s’il n’est pas au bout du couloir, il est sûrement dans le hall à scruter la moindre intervention possible. Pour être honnête, je lui ai même laissé ma baguette en preuve de confiance. Pas besoin de lui préciser que je suis plutôt douée pour exercer la magie sans baguette, des drames, j’en ai apparemment suffisamment fait comme ça. Prendre une grande respiration, m'approcher du blond, sûre de moi, pourtant pleine d’appréhension. Je suis mêlée entre tristesse et colère, et à la fois, je me réjouis de lui faire face. J'ai autant envie de l’étriper que de le serrer dans mes bras. Désemparée, ce sentiment se lie mal sur mon visage qui reste de glace lorsqu'il me demande comment je vais. Donc on en est là ? Super. Le lâchage d’un sarcasme désagréable me démange complètement. Je voudrais le lui éclater au visage, répondre d’une stupidité alarmante aussi stupide que sa question. Mais je ne dois pas me résoudre à ça. Je pense qu’il vaut mieux que ça. Je pense qu’on vaut mieux que ça. Alors j’expire beaucoup d’air avant de répondre, me tuant pour ne pas le regarder. « Fatiguée. Je suis fatiguée d'avoir quelqu'un à mes basques toute la journée, fatiguée d'être regardée comme une criminelle, fatiguée d'être en colère contre toi... » J'enchaîne, la voix finalement plus faible et narrative que sarcastique. Mais je suis vraiment fâchée contre lui, et des choses à dire, j'en ai plein. Alors j'enchaîne, plus provocatrice, soudainement plus imposante. Je tourne la tête vers lui, le regard gravement froid, à la fois mêlé de peine déchiffrable. « Comment t'as pu le croire, même l'espace d'un instant ? » Je me souviendrais à jamais son regard ce jour-là. Et cette réunion secrète débile, il comptait m'en parler aussi ? Je n'aurais de toute façon pas pu m'y rendre, mais... Je suis sa petite amie. Pourquoi ?

Un pronom est la seule chose qu’il parvient à prononcer, nos regards croisés, le mien cherchant des réponses presque inatteignable en vu du froid que je dégage. Savoir que ce ne sera pas évident pour lui, savoir que je ne l’aide pas en ce moment. Aussi avenant qu’il puisse être, il y’a des moments où il a besoin du soutien de l’autre pour s’en sortir. Et par soutien, je parle simplement d’un regard amical, d’un sourire approbateur, ou encore d’une aisance partagée. Fermée comme une huître depuis des semaines, je ne lui ouvrirais rien tant qu’il ne fera pas de même. J’en fais beaucoup, je le sais bien. Mais mes jours derniers sont loin d’être plus beaux que les siens. Chacun sa merde, comme on dit. Le regarder ramasser une nouvelle pierre, celle-ci jetée dans un lancé faiblard. Sentir que je le perturbe, sentir que je me sens faiblir moi aussi. Parce que j’ai beau être ferme, autoritaire, vexée et froide, je tiens à lui, il me manque, toute ses choses que je ne semble pas vouloir assumer en ce moment.

Son affirmation sur tous les trucs bizarres déroulés cette année me fait hausser un sourcil. Sans déconner ? Non, pas de mauvaise foi, on le laisse finir. Il évoque cette année si durement bien connue et qui a laissé des traces, des cicatrices. Il évoque des complications évidentes, les doutes qui règnent envers chaque personne pouvant croiser notre chemin. Ce qu’il dit est vrai, si ce n’était pas carrément prévisible. Je ne peux pas lui en vouloir de penser les choses ainsi. Nous sommes tous perdus, et chacun encaisse à sa manière. Le manque de confiance d’Hansel envers lui-même l’a un peu plus engouffré dans les méandres du doute et de la décadence. Je peux le comprendre, je me doutais d’ailleurs que ça se trouvait à ce niveau là. Mais est-ce une raison valable pour douter de moi et me laisser en plan ? Moi ? Non, je ne pense pas. Cependant je le laisse terminer, réactive de pensés à chacun de ses mots, consciente de la complexité du sujet et de la situation. Tripoter mes doigts, nerveuse, colérique, attristée, tous ses petits sentiments qui s’entrechoquent. Je sais que je suis là pour comprendre et lui pardonner, passer à autre chose ou littéralement tout balayer. Mais j’ai l’impression que ça serait trop facile pour lui. Ses mots me touchent, parce qu’il dit ce qui est, il dit ce que je ressens. Il se rend compte de tout, loin d’être idiot. A moi de lui dire ce que je pense en ce moment, mot pour mot, regard enfin dévié du sien, cherchant la force dans l’horizon bleu verdâtre. « Je sais que t’es pas idiot, que tu regrette, que tu fais de ton mieux et que rien n’est évident pour personne. Mais moi, je n’ai jamais douté de toi. Alors même si ce que tu me dis ça me touche comme tout ce qu’il y a de plus vrai, je peux pas te dire oui amen, parce que ça serait trop facile pour toi. » Paroles plus sèches vers la fin, consciente qu’il ne cherche pas mon pardon, juste à discuter, juste à s’exprimer. Et là, mes propres paroles raisonnent dans ma tête. Et là, la caractérielle se rend compte de son égoïsme. Nombrilisme grandissant autour de péripéties qui ne touchent que moi. C’est pourquoi je reprends, rapportant finalement le regard vers lui. « Et là je me sens égoïste de te dire ça, sans même te demander comment tu vas. Tu sais quoi, pour la première fois depuis très longtemps, c’est moi qui suis perdue. J’ai trop de fierté pour te dire que j’ai besoin de toi, trop d’incertitude pour me défendre auprès de ceux qui pourraient me sortir de là » Plus je parle, plus je me perds dans mon flot de parole. Alors je me redresse, cette envie de faire demi-tour, de retourner vers le château, seule. « Écoutes, oublies, t'emmerde pas à t’inquiéter pour moi, continue comme tu fais et prends soin de toi, ça semble te réussir..! » Et je suis sincère. Il ne s’inquiétait pas pour moi avant, et ça semblait le rendre plus fort en vue de ses dernières initiatives. Le regarder, très sérieuse, très triste aussi, triste avec beaucoup de sincérité ferme. Je fais un pas en arrière, me demandant encore ce que je suis entrain de faire. Je ne sais plus quoi penser. Je n'ai jamais eu de relation comme celle que j'ai avec Hansel. Le fait que je ne sache pas comment gérer une relation amoureuse, ça joue aussi. J'ai l'impression de jouer les victimes, alors que non, je n'arrête juste pas de me poser des question, la première étant : Comment me sortir de ce merdier ?