Il s'avérerait que l’ascendance née-moldue suivrait à vie la jeune Lena. Elle qui pensait en avoir fini avec cette discrimination, après qu’ils aient été libérés des cachots et que Blackman ait été vaincu, son sort la rattrapait quoi qu’il arrive. Elle avait naïvement pensé que la majeure partie des pro-sang-purs auraient compris la leçon, que le château défendrait les nés-moldus jusqu’à la bataille. Elle avait pensé qu’ils auraient à présent honte d’avoir de telles idéologies. Pendant un moment elle avait été convaincue que tous les sorciers accepteraient les nés-moldus et les défendraient face à la menace. Mais non. Apparemment, les pro-sang-purs sont aussi tenaces que leurs ennemis. Lena commençait sérieusement à croire que jamais les mentalités ne changeraient. Bien sûr, cela ne concernait qu’une poignée de sorciers, mais ceux qui veulent la chasser sont sans doute beaucoup plus puissants qu’ils en ont l’air. À tous les coups.
La jeune Serdaigle avait reconnu, sur le parchemin express qu’elle avait reçu, l’écriture et les initiales d’un ami qui lui était très cher: Hansel. Lui aussi avait souffert pendant cette terrible année, et il s’était personnellement assuré que la petite Lena s’en remettait bien. Il s’efforçait de ne pas laisser son hypermnésie l’envahir afin de protéger son entourage, ce que Lena respectait beaucoup. Elle aimait beaucoup Hansel. Sa manière de protéger Lena, non seulement des attaques extérieures mais aussi de lui-même, s'apparentait presque à celle d’un grand frère. Cette figure qu’elle avait longtemps connue à travers Tom, mais qui était beaucoup moins présente dans sa vie aujourd’hui. Lena avait songé à amener Justin à cette petite réunion, mais elle se résigna: il était beaucoup trop jeune. Elle préférait le tenir loin de tous ces soucis et le laisser rêver à une vie sans discrimination envers les nés-moldus.
Le Serpentard l’avait convoquée dans la Salle sur Demande. Il n’avait pas précisé pourquoi, ni avec qui, mais Lena s’était doutée qu’il y aurait d’autres nés-moldus. On aurait dit qu’il avait l’intention de composer une sorte de groupe de soutien. Un cercle où chacun mettrait en avant des difficultés rencontrées, des menaces reçues. Un moyen de mieux comprendre ce qui se tramait mais surtout de se sentir moins seul. C’était curieux, mais Lena n’avait pas vraiment d’ami proche né-moldu. Tous ces confidents les plus chers étaient soit sang-mêlés, soit sang-purs. D’un côté, elle était assurée d’avoir des amis du bon côté si une nouvelle attaque éclatait. Mais d’un autre, elle n’avait personne à qui se confier entièrement. Cela ne l’avait jamais vraiment dérangée, et elle se sentait rarement seule, mais avec ces lettres de menace sur la famille, elle avait de plus en plus besoin de parler. Alors oui, elle en parlait, mais ses interlocuteurs ne pouvaient pas réellement comprendre. Et à part Tracy, qui n’avait tout de même pas vécu la même expérience deux années auparavant, elle n’avait personne.
Lena poussa les portes de la Salle sur Demande et vit une poignée d’étudiants assis sur des chaises en cercle.
La Serdaigle s’avança, prit place en observant ses camarades, puis lorsque toutes les chaises furent occupées, Hansel prit la parole. À peine eut-il fini qui les idées fusèrent de tous les côtés, à commencer par une Poufsouffle. Lena hocha vivement la tête en signe de soutien lorsqu’elle se tourna vers les autres membres du groupe. Puis, Gretel, puis une autre Serpentard et enfin un Gryffondor qui proposa de noter ce qui pourrait nous aider à comprendre. Mais ils étaient dans la Salle sur Demande. Alors Lena glissa la main sous sa chaise et y sentit une pile de parchemin et une plume. Elle les sortit et les agita devant elle.
- Tiens, cadeau de la Salle sur Demande. Un tableau aurait toutefois été plus pratique non ?
Peut-être qu'Hansel se dévouerait pour s’en charger. Après tout, c’était lui qui les avait convoqué, ce qui faisait de lui une sorte de chef de la réunion.
- Le meilleur moyen de contrer ce maître chanteur, comme tu dis, c’est de comprendre ses intentions. Il faut qu’on mette tout en commun, je suis d’accord. Et il faudra se tenir prêt lorsqu’il décidera de frapper. Moi je n'ai reçu qu'une stupide instruction me disant d'emmener une née-moldue à la soirée d'Halloween, puis de lui décrire par lettre par la suite tout ce que j'y avais vu. Quelqu'un a reçu une lettre anonyme avant ça ? Tu as raison, il faut noter chronologiquement les événements, dit-elle en s'adressant à la Serpentard.

Tracy, en bonne Serdaigle, proposa la manière réfléchie de faire les choses. Elle n’avait pas tort, il serait plus efficace de combattre un ennemi dont on ne connaissait rien. Or, il leur manquait une chose cruciale: le temps. Le groupe qui s’était formé dans la Salle sur Demande n’avait pas le temps d’enquêter sur un corbeau dont ils ignoraient absolument tout. Ils n’avaient aucune piste, aucune, à part l’identité de ses adeptes. Et à part demander gentiment à un Sorensen qui se cachait derrière tout ça et accessoirement de lui demander d’arrêter, cela ne leur servait à rien. D’autant plus qu’ils n’étaient pas sûrs d’avoir de réponses à leurs interrogations. Tout cela était très inquiétant. Lena qui pensait se rendre à un groupe de discussion pour se rassurer, commençait à paniquer intérieurement. La préfète Serdaigle n’avait pas arrangé les choses en avouant que la soirée de la Saint-Valentin avait bel et bien été annulée à cause de la dissuasion à ses adeptes du corbeau à s’y rendre. Lena s’était efforcée de croire que ce n’étaient que des rumeurs, mais apparemment, les rumeurs disent parfois vrai. Elle ne pût s’empêcher de lâcher un « Quoi ? » dans un murmure.
Lena n’avait pas l’intention d’attaquer dans le vide, et si ils mettaient en commun leurs connaissances, le groupe de nés-moldus pourrait peut-être en savoir un peu plus sur les intentions du corbeau. Même si cela paraissait impossible, ils se devaient d’essayer. Mais il fallait se rendre à l’évidence: ils étaient coincés. À part former un groupe de défense, il n’y avait rien d’autre à faire. Mais pour l’instant, il fallait se concentrer à mettre en commun les expériences respectives de chacun.
– Non, rien du tout, répondit-elle à Avalon. Silence radio. Je n’ai jamais été recontactée et il ne s’est rien passé d’anormal après ça. Je lui ai écrit ce que j’avais vu à la soirée et je lui ai transmis mon mécontentement. Aucune représailles. Peut-être qu’il cherchait juste à me faire peur, peut être qu’il avait prévu d’attaquer à ce moment-là mais que quelque chose ne s’est pas passé comme prévu… Je n’en sais rien.
Lena hocha fermement la tête lorsqu’elle entendit l’avis d’Avalon. Il était hors de question d’abandonner en prenant la fuite, ce serait leur donner ce qu’ils veulent aux pro-sang-purs: l’absence de nés-moldus dans le monde magique. Lena se mit à sérieusement réfléchir. Comme l’avait dit Avalon, il y avait forcément quelque chose qu’ils oubliaient. La clé de ce mystère était sans doute juste sous leur nez.
Hansel aussi avait reçu une directive qui s’était avérée sans suite.
– Peut-être qu’il veut nous mettre sur de fausses pistes ? Il s’attendait sûrement à ce qu’on ne reste pas les bras croisés et qu’on commence à enquêter, nota Lena à la suite du Serpentard.
La Serdaigle écoutait très attentivement toutes les interventions de chacun quand Tracy confia une liste d’ingrédients que le corbeau avait commandité à un adepte. Il était essentiel de connaître la potion qu’il avait l’intention de préparer.
– Je pourrais t’aider à trouver la potion qu’il cherchait à obtenir avec ces ingrédients, proposa Lena les yeux pétillants. Ça peut être une information primordiale. Après, peut-être qu’il a été intelligent et qu’il a réparti la tâche à plusieurs élèves, et on n’a qu’une partie des ingrédients…
Lena était négative depuis le début mais il fallait considérer toutes les possibilités pour être le moins surpris à la fin. Elle était l’une des plus jeune et elle était encore en quatrième année, ce qui était ridicule quand on savait que certains suivaient probablement le cours de potions de septième année. Mais lorsqu’il s’agissait de potions et de serre de botanique, elle était au taquet.