" Mmh, actuellement je recherche une Poufsouffle, en septième année, blonde de préférence, légèrement entêtée et bonne comédienne. Seulement, il n'y en a pas beaucoup qui correspondent au résultat escompé, ce qui est, tu le penses, quelque peu problématique. Tu aurais une idée? "

Elle ne put s'empêcher de rire, amusée, alors qu'elle secouait doucement la tête. Si elle pouvait trouver au sein même de sa maison des filles correspondant à ses critères, elle était bien incapable de lui en en ramener une qui puisse tous les réunir. Enfin, peut-être que ses camarades de dortoir cachaient bien leur jeu mais elle n'en était pas convaincue... Elle n'avait jamais véritablement fait attention à elles, elle était obligée de les côtoyer pendant la plus grande partie de son année mais ça n'avait jamais été par plaisir qu'elle allait les retrouver. Elle échangeait avec ces pauvres filles le minimum de mots parce qu'elle avait entendu un jour que parler aux abrutis les instruisait et qu'elle n'avait guère envie de leur rendre ce service. Ses parents se désespéraient d'ailleurs un peu plus chaque année du peu de liens qu'elle pouvait entretenir avec elles, voyant encore régulièrement certains de leurs anciens colocataires. Ca ne serait certainement pas son cas, elle s'était fait une raison il y avait bien des années de cela et n'était nullement dérangée par le peu d'importance qu'elles avaient dans sa vie, et certainement qu'elle pouvait bien avoir dans la leur également. Si elle avait espéré l'espace de quelques mois se faire plein d'amies merveilleuses, et puis il avait fallu regarder la réalité en face, ce n'était pas franchement son truc, faire passer les gens avant sa propre personne avait bien trop peu d'intérêt pour en faire son mode de vie. Elle s'en sortait plutôt pas mal malgré tout, ou du moins s'en convainquait-elle. Inutile de s'encombrer de boulets qui la suivraient jusque dans sa vie future, elle n'en avait pas besoin le moins du monde et se passait à merveilles de la présence d'hypothétiques amis.

"Non, pas la moindre malheureusement. Je crains que tu doives revoir tes exigences à la baisse..."

Elle afficha une moue désolée, comme si elle s'en voulait réellement de ne pas pouvoir l'aider dans sa quête, ce qui n'était bien heureusement pas le cas. Qu'importe qui il pourrait trouver à l'avenir pour reprendre son rôle d'ennemie, elle s'en fichait. Elle était bien plus à cette place-ci qu'à celle qu'elle avait occupée durant des années. Elle souhaitait d'ailleurs bien du courage à la malheureuse qui lui succéderait. Elle avait intérêt à avoir les nerfs solides, à moins qu'il se soit calmé durant ces derniers mois. Mieux valait pour elle qu'elle ne soit pas trop attachée ni à sa place à la place au château ni à sa vie, puisqu'elle avait eu l'occasion d'apprendre cette année qu'elles ne lui étaient pas véritablement acquises ni l'une ni l'autre. Elle finissait par le prendre à la légère, s'étonnant joyeusement des rebondissements qui avaient mouvementé cette sixième année à Poudlard. Si elle avait eu la bêtise de trouver sa scolarité vaguement monotone, il avait tout mis en oeuvre pour faire changer les choses et ça avait fonctionné bien au delà de ses espérances. Tout avait changé. Le hasard avait d'ailleurs été un ami fidèle et un allié de taille, elle ne pouvait le nier, l'inconscience n'avait pas forcément été en reste non plus mais elle préférait faire comme si elle ne l'avait pas remarqué. Si elle souhaitait que cette dernière année ne se fasse pas plus calme, elle croisait les doigts pour que les changements s'arrêtent là. Si elle n'avait pas eu le moindre mal à accepter l'existence de sa vie amoureuse, elle peinait encore un peu à admettre voir Scarlett comme une véritable amie, s'y être attachée et ne pas avoir grande envie de la voir disparaître de sa vie... Elle trouvait ça largement suffisant pour ne pas vouloir se découvrir un tas de super copines, un meilleur ami pour la vie, ou une soudaine passion pour les Bavboules.

« Quand est-ce qu’il est… ? Je veux dire, ton père. »

Attendrie par son hésitation sans savoir réellement pourquoi, elle ne put s'empêcher de sourire légèrement, recommençant à maltraîter les brins d'herbe qui étaient à portée de main. Alors donc ils y arrivaient ? Après six ans à se voir quasiment quotidiennement, à partager une histoire pour le moins houleuse, allaient-ils cesser de se contenter de ce qu'ils avaient réussi à apprendre du temps de leur guerre pour chercher à se connaître enfin davantage ? C'était une sensation étrange qu'elle ne parvenait pas à cerner réellement, elle ne savait pas si c'était plaisant ou non, si elle voulait éviter cette conversation ou bien au contraire faire en sorte d'en apprendre le maximum. A quoi devait-elle s'attendre ? Elle ne craignait pourtant pas d'étaler toute sa vie devant lui, si elle tâchait d'en dire le moins possible pour préserver son image superficielle habituelle, elle se fichait pas mal qu'il se rende compte qu'elle était une fille parfaitement normale, quoi que largement plus dérangée que la moyenne pour réussir à mener deux existences aussi différentes l'une de l'autre sans en être inquiétée. Enfin, qu'elle ait un problème mental important ne devait pas lui avoir échappé depuis le temps qu'ils se connaissaient, il s'y ferait probablement facilement, ou en tout cas, c'était à espérer. Où est-ce que cette conversation les mèneraient ? Elle n'avait pas envie que quoi que ce soit change entre eux, ni qu'il y ait un certain malaise ni qu'il finisse par l'éviter. Certes, il y avait peu de chance mais malheureusement pas aucune et elle ne pouvait s'empêcher d'avoir peur que ça arrive malgré tout. Non non, il n'y avait pas de raison !

"Parti ? J'en sais trop rien... Un peu avant mon premier anniversaire, d'après ma mère."

C'était d'ailleurs bien l'une des rares choses venant d'elle qu'elle était prête à croire sur paroles. Elle n'en avait aucun souvenir, et n'avait d'ailleurs jamais vu la moindre photo sur laquelle il pouvait apparaître. Peut-être que sa génitrice les avait toutes jetées lorsque qu'elle s'était installée avec le père de sa soeur, ou alors n'y en avait-il simplement jamais eu ? Elle en avait vu plusieurs où elle dormait dans les bras de sa mère, alors qu'elles étaient toujours dans l'affreuse chambre d'hôtel où elle avait habité les premiers mois de sa vie, ce qui signifiait bien qu'ils avaient immortalisé certains moments à cette époque. Elle n'avait jamais cherché à en savoir davantage, pas certaine de vouloir apprendre quoi que ce soit à son sujet. Il n'était pas là, c'était largement suffisant. A son entrée à Poudlard, elle avait eu du mal à accepter tenir de lui sa maison, ce qu'elle lui avait annoncé dans une lettre accompagnant un dessin et un mot de Danah, comme si elle avait vraiment eu besoin de le savoir... Elle avait paniqué à chaque répartition de voir apparaître une possible demi-soeur inconnue, mais ça n'avait jamais été le cas, si bien qu'arrivée en cinquième année, elle avait préféré faire comme ses camarades, se plaignant du temps de perdu avant le dîner au lieu d'écouter, le coeur battant, chaque nom appelé. Il avait sûrement dû changer de pays, de continent, voire même de planète si c'était possible, et c'était probablement bien mieux ainsi. Elliott et Scarlett, de ce qu'elle pensait bien se souvenir en tout cas, lui avaient demandé si elle avait eu l'intention d'entrer en contact avec, et même si elle avait reconcidérée la question à chaque fois, la réponse ne changeait pourtant pas. S'il était pas mort dans d'atroces souffrances depuis le temps, elle continuerait de faire comme si.

" Je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire de s'attarder sur eux. Que sont-ils dans la masse? S'il y a bien quelque chose pour les caractériser, c'est bien leur trop grande banalité. Tout ça, la magie, l'anormalité... ça ne correspondait pas à leur idéal de vie, je présume. "

Il ne semblait pas non plus porter ses parents dans son coeur. Y avait-il rien qu'un élève de sa connaissance à vivre en parfaite harmonie avec les siens ? Visiblement pas... Elle finit par s'allonger de nouveau près de lui, glissant sa main dans la sienne comme si elle ne l'avait jamais lâchée. Ca passait bien loin de ce qu'elle avait pu entendre à son sujet, rumeurs dont il était probablement l'instigateur d'ailleurs. Ca ne correspondait pas ? Sous-entendait-il qu'il ne les voyait plus ou bien simplement qu'ils avaient fini par s'y faire ? Mimi lui avait raconté qu'une gamine de Serdaigle était venue chouiner une fois parce que ses parents avaient du mal à accepter son statut de sorcière mais que quelques mois plus tard, elle était revenue toute joyeuse pour lui expliquer qu'au final, ils tenaient bien trop à elle pour s'arrêter à des histoires de pouvoirs sans grand intérêt, sur quoi la morte s'était mise à sangloter en menaçant de provoquer une nouvelle inondation tandis qu'elle prenait la fuite sans demander son reste. C'était peut-être son cas, Mimi et les pleurnicheries en moins. Il fallait l'espérer... Même si elle détestait sa mère, elle avait du mal à se dire que l'année prochaine, elle ne la reverrait plus ou quasiment alors que c'était de son plein gré et qu'elle n'était forcée à rien, alors avoir à couper les ponts avec ses géniteurs parce que ceux-ci le désiraient, ça devait être affreusement perturbant. Ou du moins c'était ce qu'elle supposait. De ce qu'il lui avait dit dans le couloir la dernière fois, il ne semblait pas avoir beaucoup d'attaches près de sa famille puisqu'il était prêt à partir il ne savait trop où pour faire il ne savait trop quoi, peut-être était-ce finalement lui qui souhaitait s'en éloigner ?

"Qu'est-ce qu'ils t'ont fait pour que tu les aimes aussi peu ?" lui demanda t-elle en entortillant, sans y prêter la moindre attention, une de ses mèches blondes autour de ses doigts. "Tu crois que ça s'arrangera quand tu seras sorti du château ?"

" Est-ce que tu le regrettes? Je veux dire... il t'arrive de te dire que ta vie aurait été bien mieux avec lui qu'avec ta mère et ton beau-père? Tu penses que tu aimerais le voir revenir? "

Sa première question la surprit plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Elle n'avait jamais réellement pris la peine de se la poser elle-même, puisqu'au fond pour regretter quelque chose ou quelqu'un, fallait-il encore l'avoir connu. C'était en tout cas ce dont elle était persuadée... Et si avoir une vie familiale parfaitement normale comme ça pouvait être le cas de Danah lui avait manqué nombre de fois, ça n'avait jamais été le cas de son géniteur, et il y avait fort à parier que ça ne le serait jamais. C'était en tout cas à espérer... Quant à le voir revenir, c'était totalement exclu. Il avait sûrement refait sa vie ailleurs, aussi n'avait-elle pas la moindre envie de remarquer à quel point il pouvait être heureux sans elle, à la tête d'une famille formidable et soudée. Elle avait toujours imaginé avoir des demi-frères et soeurs quelque part dans le pays, mais si le croire n'était pas plus gênant que ça, en avoir la certitude le serait certainement bien davantage. Pourquoi reviendrait-il, de toute façon ? Pour lui dire qu'il avait beaucoup pensé à elle durant ces seize dernières années ? Pour lui présenter une fratrie dont elle ne voulait pas, parce que c'était important pour les plus jeunes de savoir qu'ils avaient une grande soeur sur qui compter ? Si elle peinait à garder le rôle d'aînée modèle avec la Serpentard, ce n'était certainement pas pour essayer avec des mômes qu'elle ne voulait pas rencontrer, qui ne faisaient pas et ne feraient jamais partie de sa vie pour un peu qu'ils existent. Ce n'était pas toujours très concluant, et l'existence qu'elle menait à l'école était une preuve largement suffisante du manque de stabilité dont elle pouvait faire preuve, mais elle avait réussi à se construire sans lui, aussi pourrait-elle continuer jusqu'à la fin de ses jours sans plus de problème. Sarah finit par se reprendre et secoua doucement la tête.

"J'ai probablement dû le dire à ma mère quelques fois mais je ne l'ai jamais réellement imaginé, non. Je suis pas malheureuse avec eux, au contraire. J'ai un beau-père génial, une soeur formidable, une vie merveilleuse... Je suis juste pas forcément à ma place dans tout ça, c'est tout."

Elle ne se défaisait pas vraiment du ton léger que leur conversation avait emprunté un peu plus tôt, comme si tout ça n'était qu'une continuité de choses sans grande importance et qu'il n'y avait aucun intérêt à se pencher dessus avec sérieux. Si elle voulait bien se plaindre auprès de Scarlett et se mettre à pleurnicher bêtement, elle n'avait guère envie d'en faire de même avec lui. Ca arriverait sûrement un jour mais tant qu'elle pouvait l'épargner ce n'était pas plus mal ainsi. Elle n'avait pas pour intention de gâcher ce moment, certes la discussion n'était pas la mieux choisie mais au fond, il fallait bien qu'ils finissent par y passer un jour. Elle n'aurait juste jamais cru que ce serait maintenant mais puisqu'ils étaient lancés, ça aurait été bien bête de tout arrêter simplement pour éviter les questions gênantes, sachant pertinemment qu'ils ne seraient jamais revenus dessus un jour. Ou du moins c'était ainsi qu'elle voyait les choses. S'ils n'avaient jamais eu le courage — l'occasion aurait-elle plutôt dit — de l'aborder avant, ce n'était certainement pas pour le faire tous les quatre matins. Peut-être se trompait-elle et qu'ils finiraient par en parler aussi souvent que de leur fuite prochaine mais elle ne pouvait qu'en douter fortement. Elle finit par poser machinalement les yeux sur l'oiseau qu'il observait, le fixant à son tour sans le voir vraiment. La blonde reprit doucement conscience du monde qui les entourait, du fait qu'il n'y avait pas qu'eux, qu'il lui faudrait bientôt reprendre le cours normal de sa vie même si elle lui semblait bien plus agréable ici qu'auprès de sa meilleure amie. Elle n'en aurait pourtant pas le choix, elle avait beau repoussé l'échéance au maximum, il lui faudrait revenir un jour à la réalité, malheureusement...

"Par contre, non, je n'ai pas envie qu'il revienne. Enfin, je reste confiante, s'il n'a pas donné signe de vie en seize ans, il ne le fera certainement pas davantage maintenant."

Au fond, elle en était parfaitement convaincue. Elle avait espéré, durant les années qui avaient suivi l'aveu de sa génitrice, qu'il finirait par lui écrire un jour, prendre de ses nouvelles, ou même lui dire qu'il était fier qu'elle entre enfin à Poudlard, n'importe quoi pourvu que ce soit la preuve qu'elle ait un minimum d'importance pour lui, mais désormais elle ne voyait plus les choses de la même manière. Avec un peu de chance, il était mort dans d'atroces souffrances ou moisissait dans une cellule à Azkaban pour elle ne savait trop quelle raison. Elle n'aurait jamais plus de nouvelles qu'elle en avait eu jusque là et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Elle finit par lâcher le volatile qui faisait sa vie sur la rive sans se soucier d'eux, reportant enfin son attention sur Scipion. Si elle n'avait jamais vraiment su quoi que ce soit sur sa vie en dehors du château, elle s'était toujours imaginé qu'il avait eu une enfance parfaite de gamin à qui on ne refusait jamais rien et que c'était de là qu'il tenait son habitude à tout contrôler et ses Opérations foireuses. Elle n'avait guère de certitudes sur le reste mais visiblement, le côté parfait était un peu raté. Peut-être aurait-elle pu en apprendre davantage du temps de leur guerre en s'intéressant à sa soeur ? Ca ne lui avait jamais traversé l'esprit parce que la pauvre Serdaigle n'avait jamais rien eu avoir là-dedans et que de s'en approcher aurait risqué de plonger Danah dans une histoire qui ne la concernait en rien mais en y repensant, peut-être était-elle moins secrète que lui avait paru l'être toutes ses années ? Enfin, ça n'avait plus la moindre importance désormais et il lui semblait que c'était bien mieux ainsi. Elle serra doucement sa main dans la sienne, il n'y aurait plus ni guerre ni rien maintenant et avec un peu de chance, rien ne changerait plus, les laissant continuer leur idylle jusqu'à la fin des temps...

" Rien de spécial. On ne s'écrit pas, on ne se parle pas, ou alors seulement par nécessité. Je pense... que ça n'a jamais été destiné à fonctionner entre nous. Comme si on venait de deux mondes diamétralement opposés, et même si cela ne se limite pas qu'à la différence sorcier-moldu c'est un peu le cas au fond. Enfin tout ça se terminera bientôt, et je ne pense pas entendre de nouveau parler d'eux avant un bon moment. "

Le vague sourire qui s'était accroché jusqu'ici aux lèvres de l'adolescente s'effaça lentement. Elle se sentait bien bête de se plaindre pour rien alors qu'elle aurait très bien pu se contenter de continuer la même existence naïve qu'elle avait eu durant les septs premières années de sa vie puisqu'elle était au fond toujours aussi choyée qu'avant. Ca devait être affreux de n'avoir quasiment aucun contact avec ses proches comme ça devait être son cas. Elle n'avait jamais fait attention à ce genre de détails, bien plus occupée à vérifier qu'il ne violait pas le règlement pour s'intéresser au reste... Elle avait l'impression d'être passée à côté de beaucoup de choses qu'elle aurait pu remarquer si elle s'en était donnée un jour la peine. Bien sûr, elle n'aurait jamais eu de véritables raisons pour l'expliquer, mais quelle importance ? Mais si cette ignorance était en grande partie dûe à ses pouvoirs, peut-être avait-il connu une toute autre relation avec ses parents, avant cela ? Que ça devait être traumatisant de les voir s'éloigner pour des choses qu'on était bien incapable d'expliquer, ou de contrôler réellement ! La fin la perturba au moins tout autant. Il ne semblait pas particulièrement déranger à l'idée de ne plus avoir de nouvelles de ses géniteurs durant un long moment. Elle avait toujours eu l'impression que c'était le seul point de repère que l'on pouvait avoir en dehors du château, et qu'il était important d'y rester rattacher un minimum même sans passer sa vie avec. Enfin, peut-être que dans un tel cas, il valait mieux s'en chercher d'autres ? C'était possible...

"Et tu comptes t'en sortir comment en sortant de l'école, si tu ne les revois pas ?" lui demanda t-elle avec l'impression étrange de continuer en partie la conversation qu'ils avaient eu lorsqu'il l'avait rattrapée. "Ca se passait comment, avant que vous ne découvriez que tu étais un sorcier ?"

" Avec ta mère... il s'est passé quelque chose pour que tu sembles autant avoir une dent contre elle ? Vous ne vous accordez pas ? "

Il ne s'était jamais rien passé de dramatique en soi. Si elle pouvait trouver aujourd'hui mille et une raisons de ne pas chercher à se rapprocher davantage de sa génitrice, il fallait bien reconnaître que c'était parti d'un rien. Enfin, pour l'enfant qu'elle avait été à l'époque, c'était la meilleure raison au monde pour la détester et souhaiter de tout coeur qu'elle disparaisse de sa vie une bonne fois pour toutes, certes... La Poufsouffle grimaça légèrement. Tout aurait pu aller pour le mieux dans le meilleur des mondes entre elles deux, elle le savait pertinemment, sa mère faisant tous les efforts du monde pour retrouver une certaine complicité, efforts qu'elle prenait un malin plaisir à ruiner à chaque fois avec un sourire aussi mauvais qu'hypocrite avant de retourner vaquer à ses occupations. Elle ne lui servait plus aujourd'hui qu'à lui donner raison en quasi-permanence dans l'espoir vain qu'être de son côté arrangerait les choses, ce qui n'était bien entendu pas le cas mais qu'elle s'était bien gardée de lui faire savoir, la remerciant généralement avec une chaleur feinte après avoir eu gain de cause pour que la comédie continue encore un temps... Tout le monde avait remarqué son manège, tout le monde sauf elle, ce qui n'était pas pour déranger l'adolescente, bien au contraire. Elle n'avait encore jamais culpabilisé de se comporter comme la pire des garces, y voyant là un juste retour des choses. Au point où elle en était, elle pouvait lui expliquer plus ou moins la situation, il ne risquait pas de prendre la fuite en se rendant compte qu'elle n'était pas un ange, elle ne l'avait de toute manière jamais été et encore moins avec lui. Et puis, ce n'était que sa génitrice, personne avec qui l'absence de relation pouvait être pesante...

"Pas réellement... Elle m'a juste laissé vivre durant sept ans dans une illusion parfaite et je n'ai pas supporté le retour à la réalité. Je ne nie pas que c'est idiot, parce que j'aurais fini par apprendre un jour que le père de ma soeur n'était pas le mien mais qu'importe. Elle s'attendait à ce que je n'y vois pas le moindre inconvénient, que tout aille pour le mieux et que je continue ma vie comme je l'avais commencé. Raté. Maintenant, je suis consciente que si l'on en est là aujourd'hui, c'est totalement de ma faute mais ça ne me dérange pas. C'est probablement la seule qui ne me manquera pas quand je partirai de toute manière."

Elle ne refuserait sûrement pas de la revoir pour autant, c'était sa mère quoi qu'elle puisse en dire, mais ne plus la voir en permanence, ne plus avoir à supporter la moindre de ses manies horripilantes et cette attention mal-placée qu'elle pouvait porter à sa vie serait un véritable soulagement, elle en était convaincue. Bien sûr, cela signifiait aussi tirer un trait sur la présence rassurante de sa soeur et sur la complicité qu'elles pouvaient avoir en dehors de l'école, mais de toute façon, Danah retournerait à Poudlard donc qu'elle reste chez elle ou non, elle ne la verrait pas davantage. Quitter sa chambre et ses amis s'annonçait bien plus compliqué que de laisser sa famille, même si ça ne serait pas une mince affaire malgré tout. Enfin, ce n'était pas non plus pour demain, il lui restait encore une année toute entière et probablement l'intégralité des prochaines grandes vacances avant qu'elle n'ait à se séparer de tout son monde... Elle n'avait jamais été très douée pour les au revoir, préférant largement fuire sans adresser la parole à qui que ce soit comme elle l'avait d'ailleurs fait pour venir au camping. Elle n'avait toujours pas répondu à la lettre et aux vagues remontrances de ses parents, lui rappelant sans cesse d'un bout à l'autre du parchemin que ça ne se faisait pas de partir ainsi, que sa mère avait été morte d'inquiétude et tout ce qui allait avec... Elle n'avait pas culpabilisé le moins du monde, bien au contraire. Ca avait légèrement égayé sa journée d'imaginer sa génitrice en train de la chercher partout, allant même jusqu'à appeler ses amis moldus, sous le regard un peu désapprobateur de son mari, pour savoir si elle n'avait pas décidé de se cacher chez eux comme ça lui arrivait régulièrement. Mais non. Elle les avait prévenu qu'elle devait aller au camping avec Scarlett, sa mère avait même trouvé l'idée excellente parce que les vacances entre filles étaient "vraiment le meilleur moyen pour se faire de super souvenirs", si elle ne s'en souvenait pas, elle n'en était en rien responsable. Pour ce qui était des super souvenirs, ça ne s'était pas vraiment déroulé comme prévu, comme si à chaque fois qu'elle lui disait quelque chose il fallait à tout prix que tout le contraire se produise, lui prouvant un peu plus à chaque fois que cette pauvre femme ne savait vraiment pas ce qu'elle disait, qu'elle était complètement stupide et sans le moindre intérêt. Bien sûr, les vacances n'étaient pas terminées et elle pouvait encore trouver le moyen de passer des journées extraordinaires avec sa meilleure amie mais elle ne pouvait qu'en douter, notamment parce qu'il était revenu. Comment pourrait-elle préférer passer son temps avec la jeune fille alors que Scipion était de nouveau là ? Elle n'avait attendu que ça depuis la fin de cette sixième année, elle aurait été bien bête de renoncer à profiter de sa présence au camping simplement parce qu'elle y était venue avec la Gryffondor et qu'elles devaient passer ces deux mois ensemble. Elles n'avaient jamais passé la moindre petite semaine de vacances ensemble en six ans, elles survivraient si elles n'en passaient pas la totalité cette fois-ci. Ou du moins, elle en était convaincue.

" A l'heure qu'il est, il doit le regretter. Et ça continuera certainement de le hanter tout le reste de sa vie, qui qu'il soit, où qu'il soit et peu importe ce qu'il soit devenu. "

La blonde ne put s'empêcher de rire gentiment en l'entendant, rougissant bêtement comme une gamine. Elle devait probablement avoir l'air stupide mais étrangement, elle s'en fichait complètement. S'il y avait bien une personne avec qui elle n'était plus obligée d'être parfaite en permanence, c'était bien lui. Elle finissait par douter réellement l'avoir été rien qu'une fois mais n'étant pas censé subir de telles remises en question, elle s'était bien gardée d'en faire part à qui que ce soit. Il lui restait un an à jouer ce rôle, c'était sûrement faisable. Il y avait fort à parier qu'elle ne verrait même pas l'année passée, ce qui serait encore plus simple pour tenir jusqu'au bout de celle-ci. Et après... Après elle n'en savait plus grand chose. Ses yeux se posèrent un instant sur l'oiseau qui continuait sa vie le plus normalement du monde, comme s'ils n'existaient pas. Elle aurait aimé pouvoir se dire qu'il disait vrai mais c'était bien plus difficile à croire qu'elle ne l'aurait espéré. Cependant, qu'il en ait l'air aussi sûr la touchait réellement, bien plus qu'elle n'aurait pu l'imaginer un jour. S'il y avait un club à Poudlard pour les idiotes amoureuses, peut-être pourrait-elle en viser la place de présidente, elle avait l'impression d'être particulièrement atteinte, un peu plus à chaque seconde, sans pour autant essayer d'arranger les choses. C'était bien agréable de se laisser glisser dans cet état stupide, où le moindre petit truc paraissait merveilleux. Son nuage était particulièrement confortable et elle n'était pas pressée d'en descendre un jour. Il finirait probablement par se lasser d'avoir une sorte de guimauve humaine en guise de petite-amie mais elle aurait tout le temps de changer à ce moment-là. C'était étrange de ne plus détester tout et tout le monde mais elle ne souhaitait pas particulièrement redevenir une véritable peste dans l'immédiat. A la rentrée, peut-être...

"C'est adorable." gloussa t-elle en l'embrassant tendrement sur la joue. "Mais je parierai pas là-dessus tu sais. Il a sûrment oublié mon existence et c'est très bien comme ça."

Qu'il le regrette sous-entendait à moitié qu'il puisse vouloir faire marche arrière un jour et elle n'avait pas besoin d'un géniteur absent et inconnu pour combler un hypothétique vide qu'elle pouvait avoir dans sa vie... Elle n'aurait rien à lui dire, et l'inverse était probablement vrai. Ecouter un crétin tenter vainement de se justifier d'avoir gâché l'existence parfaite qu'elle aurait pu mener ne faisait pas partie de ses projets. Elle s'était toujours débrouillée sans, et elle continuerait sans plus de mal. Néanmoins la gêne du Gryffondor ne put que l'inquiéter légèrement. Est-ce que leurs confidences changeraient quelque chose à leur relation ? Ca n'avait pour l'instant pas l'air d'être le cas, elle n'avait pas envie de prendre ses distances et il lui semblait que ce n'était pas davantage son cas mais serait-ce encore la même chose le lendemain ? Elle ne voyait pas vraiment ce qui pourrait la pousser à s'éloigner de toute façon... Il aurait pu être activement recherché par le Ministère qu'elle n'aurait pas consenti à le laisser filer, davantage prête à le suivre en cavale qu'à tirer un trait sur leur histoire. Fort heureusement pour tout le monde, ce n'était pas le cas. Mais lui ? Que ferait-elle s'il ne venait qu'à renoncer à tout ça simplement parce qu'elle avait répondu le plus honnêtement du monde aux questions qu'il lui avait posé ? Il paraissait plus réceptif qu'il voulait bien le montrer, qui savait s'il ne finirait pas par prendre peur et disparaître ? Bien malgré elle, elle ne pouvait qu'entendre de nouveau ses pas s'éloigner dans le couloir qui menait à la salle de duel... Mais non, ça n'arriverait pas. Il n'y avait pas de raison... Quel aurait été son intérêt de tout reprendre par deux fois pour finalement abandonner maintenant ? Et puis, il lui avait dit qu'il ne partirait pas, lorsqu'il l'avait rattrapée dans ce couloir. La fin d'année ne pouvait pas compter puisqu'ils y avaient été contraints, maintenant qu'il n'y avait plus cette ombre-là pour planer sur eux, il resterait avec elle. Si s'en convaincre n'était pas chose aisée, elle y parvenait sans le moindre mal.

" Je n'en conserve pas des souvenirs merveilleux, une enfance tout ce qu'il y a de plus banale. Mais au moins, il y avait quelque chose, même si je ne sais pas trop l'expliquer. Il y avait au moins plus que les responsabilités parentales pour nous lier. Mais je suis parfaitement capable de me débrouiller sans eux. "

Elle avait laissé ses doigts glisser sur le bras du Rouge et Or sans vraiment s'en rendre compte, voyant là un contact de plus pour s'assurer que non, elle ne rêvait pas, qu'il était bel et bien là. La Poufsouffle l'avait fixé sans un mot, l'écoutant silencieusement. Elle ne pouvait s'empêcher d'être triste pour lui. Elle avait beau se plaindre de sa mère en permanence, lui trouvant tous les défauts du monde pour expliquer à quel point elle pouvait la détester, elle savait qu'elle n'attendait que de retrouver la complicité qui les unissait autrefois. Se rendre compte de tout le contraire devait être affreusement décevant, attristant. Il avait un courage incroyable, au fond, de supporter tout ça sans broncher. En six ans, elle ne l'avait pas vu laisser paraître quoi que ce soit. Ils n'avaient jamais été très proches, c'était vrai, mais il n'y avait parfois pas à sympathiser avec les gens pour en apprendre plus sur eux qu'ils ne l'imaginaient rien qu'en les observant un moment. Et autant dire qu'avec leur guerre, des moments à l'épier pour le prendre en flagrant-délit de bêtise, il y en avait eu des tas. D'un autre côté, elle ne pouvait que comprendre légèrement l'habitude qu'il semblait toujours avoir eu de faire cavalier seul. S'il ne pouvait pas réellement compter sur ses propres parents, difficile de le faire avec qui que ce soit d'autre... L'obstination qu'il mit dans sa dernière phrase la surprit, la faisant sourire faiblement. Bien sûr qu'il en était capable, elle n'en avait jamais véritablement doutée. Après des années à devoir s'en méfier constamment, elle avait fini par le savoir capable de tout et n'importe quoi. Elle soupira légèrement d'un air vaguement amusé par sa déclaration.

"Ca te manque, parfois, de ne pas avoir de vraies relations avec tes parents ? Et je n'ai jamais dit le contraire, je voulais juste savoir comment tu comptais t'y prendre, rien de plus. Mais je suppose que j'aurais tout le loisir de m'en rendre compte quand je t'aurai suivi à l'autre bout du monde, c'est ça ?"

" J'imagine tout de même que cette situation ne doit pas beaucoup lui convenir... elle n'essaie jamais d'arranger les choses entre vous ? "

La blonde ricana doucement, mal à l'aise. Bien sûr qu'elle essayait d'arranger les choses, bien sûr qu'elle faisait tout son possible pour retrouver ne serait-ce que l'ombre d'une relation digne de ce nom avec sa fille aînée mais que pouvait-elle faire si celle-ci faisait tous les efforts du monde pour lui rendre la vie aussi infernale qu'elle le pouvait ? Les moments de trêve étaient purement intéressés mais heureusement bien peu nombreux. Elle n'avait jamais cherché à voir sa mère comme telle, se contentant simplement de la considérer comme une colocataire forcée qu'elle n'écoutait guère, seulement quand ça l'arrangeait, avec laquelle elle n'avait pas la moindre conversation, pas la moindre complicité. Elle lui disait bonjour en se levant, bonne nuit avant d'aller se coucher et ça s'arrêtait à peu près là. Lorsqu'elle passait une journée entière à flaner chez elle, elle ne lui adressait pas la parole une seule fois et ce même si sa génitrice était dans la même pièce. Elle ne voulait rien avoir à faire avec elle, avoir le moins de contacts possible. Elle trouvait sa présence beaucoup plus agréable lorsqu'elle pouvait ruiner un après-midi avec ses crétines d'amies, les critiquant toutes une à une avec un sourire aussi innocent qu'hypocrite, continuant généralement jusqu'à ce que sa mère finisse par craquer, qu'elle s'enferme dans sa chambre ou lui demande à contre-coeur d'aller dans la sienne. Dans sa famille, personne ne comprenait cet archarnement, et elle n'avait jamais cherché à savoir s'il pouvait être compris ailleurs, elle n'avait de toute façon pas pour but de raconter sa vie à qui voulait l'entendre. Elle n'avait rien de la fille idéale et elle ne pouvait que s'étonner de l'entêtement de sa génitrice à vouloir arranger les choses. Beaucoup auraient certainement été touché par ce comportement, y voyant une preuve d'un amour réel et présent mais elle, elle se contentait de remarquer que c'était un merveilleux exemple de la débilité maternelle. Elle avait imaginé, au début, que ça ne durerait pas, qu'elle finirait par s'en lasser et la laisser tranquille, accepter le rôle d'étrangère qu'elle lui donnait mais il n'en fut rien, et il n'en était toujours rien, dix ans après. Sa mère tenait à elle, et si elle n'en avait jamais douté, elle aimait en jouer quelques fois, lui rappeler négligemment à quel point ce n'était pas réciproque à d'autres. Elle n'était cependant pas convaincue de pouvoir exposer les choses ainsi...

"Si. Elle essaye. Bien en vain d'ailleurs... Elle ne semble pas vouloir comprendre que ça ne s'arrangera jamais parce que je n'ai pas la moindre envie que cela arrive un jour. Enfin, c'est son problème, pas le mien..."

Elle s'était tout de même gardée d'expliquer qu'elle se comportait avec elle comme la pire des pestes, qu'il était étonnant qu'elle n'ait pas été jetée dehors depuis des années, qu'il n'y avait pas de semaine qu'elle passait à Newcastle sans qu'elle ne se fasse passer de savons mémorables par son beau-père, ce qui ne l'assagissait généralement que pour quelques heures. Il était difficile d'admettre ruiner de son plein gré une relation qu'il était, de ce qu'elle en avait compris, plus ou moins contraint à ne pas connaître. Elle se demandait tout de même parfois comment aurait pu être les choses si elle s'était contentée de digérer la nouvelle le plus normalement du monde. Est-ce qu'elle aurait une complicité extraordinaire avec sa génitrice ? Est-ce qu'elles passeraient des journées entre filles à se raconter leur vie en gloussant autour d'une tasse de thé ? C'était possible... Elle se félicitait néanmoins de ne pas avoir eu l'occasion de passer ces premiers jours de vacances à chouiner dans ses bras en se lamentant sur son sort, en pleurant son amour perdu avant de se plaindre d'une voix désespérée que la vie c'était nul et qu'elle voulait rester à la maison pour toujours. Si elle l'avait pensé plus d'une fois, elle s'était bien gardée de tomber aussi bas, gardant toujours l'air hors d'atteinte tant qu'elle était en dehors des murs rassurants de sa chambre. Elle enviait parfois ces gamines qu'elle croisait dans les rues, à rire de bon coeur avec des femmes auxquelles elles ressemblaient parfaitement, plaisantant sur tout et n'importe quoi tandis qu'elle marchait deux bons mètres derrière sa propre génitrice. Danah connaissait tout ça... Mais Danah n'avait jamais eu de raison de lui en vouloir, ce qui simplifiait bien les choses. Enfin ça n'avait plus d'importance puisque ce serait bientôt terminé. Quoi qu'il puisse arriver, elle n'aurait plus à la supporter d'ici la fin de l'année. Dans le meilleur des cas, elle s'enfuirait loin avec le Gryffondor, au pire elle emménagerait à Londres et passerait sa vie à faire les boutiques avec Scarlett. D'ailleurs... Si leur fuite ne venait qu'à ne pas avoir lieu pour d'obscures raisons, partirait-il tout de même sans elle ? Si elle se savait prête et capable de tirer un trait sur sa famille, il était hors de question qu'elle puisse en faire de même avec lui. Elle n'avait pas la moindre envie de le voir disparaître de sa vie, juste parce que leurs projets insensés ne pouvaient pas être menés à bien... Le merveilleux avenir qu'elle leur avait imaginé jusque là venait subitement de prendre du coup dans l'aile. Il ne pouvait pas partir, il le lui avait promis. Il devait rester auprès d'elle quoi qu'il puisse arriver, et ce même s'ils avaient dû renoncer à leur départ au bout du monde.

" Non, non, pas du tout, ça ne me manque absolument pas, je suis parfaitement indépendant, j'ai toujours très bien vécu en me débrouillant seul et je... enfin, peut-être pas tout le temps. Mais ça n'a aucune importance. On partira, on trouvera de quoi subvenir à nos nécessités, puis on changera d'endroit encore et encore. A compter de ce moment-là je me ficherais bien de savoir où ils sont et ce qu'ils font. "

Si, ça avait de l'importance, bien plus qu'il ne semblait vouloir en donner en tout cas. Elle avait beau se plaindre silencieusement, pestant dès qu'elle en avait l'occasion contre la vie qu'elle avait en dehors du château, s'attardant généralement sur tous les points négatifs qu'elle pouvait y trouver, elle ne pouvait nier qu'elle était bien chanceuse par rapport au jeune homme. Elle n'avait qu'à claquer des doigts pour que sa génitrice accoure, prête à l'aider du mieux possible. Un mieux qui n'était cependant jamais assez bien... Elle n'avait jamais eu à se débrouiller, et s'inquiétait à avoir à le faire dans un an alors que rien ne l'y obligeait. Elle n'avait cependant pas envie de le pousser à approfondir le sujet s'il ne le désirait pas, elle s'était montrée suffisamment curieuse et il s'était confié plus qu'elle n'aurait jamais osé l'espérer. Elle n'avait jamais véritablement imaginé qu'ils pourraient avoir une telle conversation un jour, dans le fond c'était un peu comme si leur relation s'officialisait encore un peu davantage. Même si elle n'avait jamais eu réellement l'impression d'être face à un parfait inconnu, mieux le connaître avait un côté rassurant qu'elle n'avait jamais véritablement soupçonné. Et puis, c'était bien la preuve qu'il lui faisait confiance, non ? Elle n'avait jamais cherché à savoir si c'était bien le cas ou non, bien trop occupée à être heureuse lors des deux derniers mois qu'ils avaient passé ensemble au château pour s'encombrer de détails comme celui-là mais s'en rendre compte ne pouvait que la faire planer un peu plus sur son nuage. Etrangement, il lui semblait que la vie était belle et merveilleuse et que rien ni personne ne pourrait plus jamais changer ça. Du moins, pas tant qu'il serait là. Mais comme il ne partirait plus jamais, il y avait de fortes chances que cela dure encore et encore.

"Que j'ai hâte ! Ca va être trop bien !"

Si on lui avait dit un jour qu'elle attendrait impatiemment un tel avenir et plus encore en sa compagnie à lui, elle ne l'aurait jamais cru et serait partie en ricanant. Comme si elle pouvait envisager autre chose que de se poser confortablement quelque part, avec un chemin tout tracé qui s'étendrait devant elle... Visiblement oui, elle le pouvait désormais. Tout quitter pour partir elle ne savait pas où, faire elle ne savait pas quoi, pour elle ne savait combien de temps sans même pouvoir être certaine de rester en vie très longtemps ne l'effrayait pas plus que cela tant qu'elle avait la certitude qu'il serait là. Scarlett aurait probablement dit qu'elle devenait folle. Elle n'en avait pourtant pas l'impression... La Poufsouffle finit par se rasseoir dans l'herbe, s'étirant paresseusement, avant de se relever et de retirer les brindilles et autres morceaux d'herbe qui s'étaient accrochés à sa jupe ou à son tee-shirt. Elle reposa les yeux sur Scipion, un sourire bête et amoureux étirant doucement ses lèvres.

"Je vais devoir y aller. J'avais promis à Scarlett qu'on passerait la journée entre filles, enfin... Ce ne sera plus que l'après-midi, mais elle s'en remettra sûrement. Tu me raccompagnes jusqu'au camping ?"