Pourquoi avait-elle accepté d’aller au camping déjà ? Ah oui, parce que le confort des tentes sorcières était mille fois supérieures à celles des moldus et que c’était un peu the place to be pour l’été. Scarlett ne se voyait absolument pas louper autant de rumeurs et potins en tout genre simplement parce qu’elle avait peur qu’une araignée ou tout autre chose du même genre vienne l’enquiquiner pendant la nuit, c’était ridicule. Certes, la rouge et or n’était et ne serait jamais la reine de la débrouille en pleine campagne, mais elle pouvait au moins essayer de le faire croire en accrochant des fleurs à sa robe ou en jouant avec des brins d’herbes ou… Non, même là ça ne passait pas. Scarlett restait une vraie citadine des pieds à la tête et détestait se retrouver coupée de la civilisation. En même temps, elle avait déjà passé sic longues années à Poudlard et mis à part le village de Pré-au-Lard qui se trouvait à côté, elle n’avait pas de grande ville où se rendre. C’était bien loin de ressembler à Londres et elle s’en lamentait bien assez souvent pour le réaliser. Et cette année, en plus d’avoir passé de trop nombreux mois à errer dans les couloirs ou à visiter une énième fois la même boutique de fringues parce que le choix restait très limité, elle allait devoir y retourner avant même avoir tenté de profiter de son retour chez elle. Scarlett s’était quand même octroyée un bref passage par la case maman et surtout par la case machine à laver pour que toutes les affaires qu’elle avait pu mettre à l’école en dehors de ses uniformes qui avaient réintégré leur armoire, puissent repartir avec elle. La rouge et or arrivait très bien à berner son petit monde en faisant croire qu’elle possédait un nombre absolument infini en tout genre, mais il faut dire que jusqu’à maintenant, elle n’avait jamais eu l’occasion de dormir dans la même pièce que sa meilleure amie. Ses camarades de dortoir, donc cette imbécile heureuse de Di Cavour ne prêtaient aucune attention à elle ou à ses affaires et c’était très bien comme ça. Pour ce qui était de Sarah, en revanche, la gryffondor avait moins de certitudes et elle voulait tout mettre en œuvre pour que son secret en reste un le plus longtemps possible. Cette histoire avec Scipion s’était désormais tassée, et encore de temps en temps, elle avait l’impression que Sarah ne digérait pas vraiment cette histoire, mais Scarlett ne comptait donner à personne l’opportunité de se venger de quoi que ce soit. C’était donc pour cette raison qu’elle avait calculé avec une précision désarmante ce dont elle aurait besoin exactement pour tenir les deux mois sans que la préfète des poufsouffles ne réalise dans quelle immense supercherie Scarlett s’étaient engouffrée. Seulement, la rouge et or devait bien reconnaitre qu’elle avait sous-estimé le degré de difficulté de sa tâche et déjà, elle craignait fortement d’avoir à avouer toute honteuse quelque chose qu’elle n’aurait voulu dire à personne.

Aujourd’hui, fort heureusement, Scarlett avait la tête complétement ailleurs. Et pour cause, on était le sept juillet et ce n’était autre que le jour le plus important de l’année pour la jeune fille, à savoir son anniversaire. Sauf qu’on était déjà en début de soirée et qu’elle n’avait pas reçu une seule lettre de la part de sa mère ou de son père et qu’elle commençait sérieusement à désespérer. La rouge et or avait erré toute la journée comme une âme en peine, évitant soigneusement de rejoindre la tente, elle savait que Sarah s’y trouverait forcément et c’était la dernière personne qu’elle avait envie de voir. Pourquoi avait-il nécessairement fallu que leur anniversaire tombe le même jour ? La gryffondor n’en savait strictement rien, mais elle trouvait ça complétement injuste. Bien sûr, elle ne rechignait pas à souhaiter un joyeux anniversaire à sa meilleure amie, bien au contraire, mais elle détestait s’apercevoir qu’elle était plus aimée qu’elle par sa famille c’est pour cette raison évidente qu’elle ne pensait la rejoindre que plus tard pour constater l’étendue des dégâts sans les avoir eu au compte-goutte pendant toute la journée. De toute façon, il aurait bien fallu qu’elle découvre tout ça à un moment ou à un autre, il était grand temps de rentrer à présent. Scarlett jeta un dernier coup d’œil vers le ciel, s’attendant à apercevoir un hibou, mais rien ne vint et elle dut se résigner à reprendre le chemin de la tente, non sans trainer les pieds. La dite tente arriva bien trop vite à son gout et elle y pénétra doucement, s’attendant à voir le sol jonché de cadeaux qu’auraient pu recevoir sa meilleure amie. Elle préféra ignorer superbement tout ce qui pouvait se trouver dans la pièce et se dirigea directement vers le canapé où elle se laissa tomber sans même faire un effort pour tenter de sourire ou de sauver les apparences. De toute façon, c’était comme si elle avait écrit le mot déception sur son front tellement celle-ci était flagrante. Sauf que Scarlett n’avait jamais eu la chance ou la malchance de passer son anniversaire avec sa meilleure amie, ce qui lui avait jusque-là évité le problème du « je ne reçois pas de cadeaux de la part de mes parents qui ne m’aiment pas. » Cependant, malgré toute la rancune qu’elle éprouvait actuellement contre ses géniteurs, elle ne pouvait pas se laisser aller à jouer les victimes. Eviter Sarah toute la journée avait déjà été pas très sympa de sa part, elles auraient pu passer un anniversaire sympa toutes les deux. La rouge et or se fit donc violence et prononça les premiers mots de sa journée, avec une difficulté manifeste.

« Joyeux anniversaire Chérie. »

Elle en profita pour se souhaiter la même chose mentalement, c’était toujours ça de gagné puisqu’elle n’avait pas entendu une seule personne le lui souhaiter depuis ce matin. Peu importait de toute façon, elle n’avait même pas de vrais amis ici à part Sarah et si elle n’avait pas encore pu le lui souhaiter, c’était tout simplement parce qu’elle ne l’avait pas vu. Et pour ses parents, il devait y avoir une explication tout à fait rationnelle et crédible là-dedans, ils n’avaient pas pu l’oublier. Personne n’oubliait Scarlett Levinson. Seulement, cette fois-ci, elle n’arrivait même pas à se convaincre elle-même, il n’y avait rien à faire, l’objectif bonne humeur serait certainement reporté à un autre jour…

Arrivée au camping le matin-même, Sarah peinait encore à comprendre ce qu'elle faisait là, la logique aurait voulu qu'elle reste terrer chez elle, enfermée dans sa chambre à pleurer toutes les larmes de son corps mais après avoir passé une semaine à jouer les pestes mieux encore qu'elle ne l'avait jamais fait, à être imbuvable et susceptible avec tout le monde pour des raisons qu'elle-seule était apte à comprendre, voire peut-être Danah à en croire le sourire gentiment moqueur qui étirait ses lèvres à chaque fois qu'elle la croisait, elle avait décidé qu'il était temps de se bouger, qu'elle ne pouvait décemment pas rester ainsi pendant deux interminables mois mais malgré toute la conviction du monde, le résultat n'était pas très convainquant. Elle s'était empressée de déposer ses valises dans la tente qu'elle était censée partager avec Scarlett, râlant en voyant qu'elle devrait partager sa chambre avec cette dernière. Elle finit par se dire qu'elle louerait une chambre aux Trois-Balais d'ici une semaine, ce qui ne put que la rassurer et rayer un problème de la liste de ceux qu'elle se trimbalait depuis le bal de fin d'année. Elle était partie à l'aube, alors que ses parents dormaient encore, sans leur laisser l'occasion de lui dire au revoir, de peur de renoncer et de rester avec eux...

Première année que son anniversaire se passerait loin de sa famille, loin de ses amis, loin de l'univers familier qu'elle retrouvait avec plaisir chaque été. Elle n'était pas convaincue d'avoir à s'en réjouir mais elle n'avait pas trop le choix, et puis il fallait voir le bon côté; ça lui évitait les sempiternelles discours de sa génitrice qui n'avait de cesse de lui rappeler tous les ans à quel point elle pouvait grandir vite, qui se remémorait à voix haute quand elle était encore sa petite fille, son bébé, combien la vie était douce et agréable. A quoi elle rajoutait d'une voix pressée que c'était toujours le cas même si les choses avaient quelque peu changer mais qu'elle ne pouvait s'empêcher de s'imaginer qu'elle allait bientôt voler de ses propres ailes et quitter le nid familial, et pendant ce temps-là, l'adolescente jouait négligemment avec son gâteau avant de déclarer avec indifférence qu'elle devait rejoindre ses amis, la laissant à ses divagations sans y prêter plus d'attention. Elle n'aurait à supporter rien de tout ça aujourd'hui, elle passerait une bonne journée avec sa meilleure amie et elles fêteraient dignement leur anniversaire ensemble.

Elle avait pris son temps dans la journée, pas spécialement pressée de rejoindre Scarlett malgré tout. Elle lui en voulait toujours, c'était un fait, mais elle n'avait plus qu'elle désormais et si elle comptait bien écouter Scipion et se garder de lui faire de nouveau confiance, elle ne pouvait pas renoncer à sa présence, à son amitié comme elle le devrait. Elle avait distraitement fait le tour du camping, s'attendant à chaque instant à le croiser. Chaque bruit de pas sur son chemin laissait son coeur s'emballer avant que la déception ne remplace l'espoir bien vite envolé. Qu'est-ce qu'il ferait là de toute façon ? Il lui aurait semblé étrange que le Grand Sélené se donne la peine de côtoyer les imbéciles de l'école alors qu'il n'y était pas obligé... C'était bien dommage d'ailleurs. Elle s'était laissée rêvasser jusque là qu'un miracle se produirait et qu'elle le retrouverait ici mais il était temps de revenir à la réalité, de jouer les filles sérieuses et réalistes. C'était bel et bien terminé, il fallait se faire une raison aussi difficile que ça puisse être. C'était terminé... Cette simple pensée lui fit monter les larmes aux yeux et elle décida qu'il n'y avait plus rien d'autre à faire que rentrer.

Ca faisait un moment qu'elle avait retrouvé leur tente lorsque la Gryffondor se montra enfin. Le hibou familial avait déjà eu le temps d'arriver, lui apportant les cadeaux de ses parents ainsi qu'une lettre de remontrance pour avoir disparu de la sorte, celui de sa soeur et, la surprenant, ceux de ses amis moldus que Danah avait dû prévenir de son départ, et elle, elle avait eu le temps de s'ennuyer encore et encore, attendant que le temps passe sans trouver le courage d'affronter la présence des gens dehors. Couchée sur le dos au beau milieu du salon, elle observait sa manucure en tenant son bras tendu à la hauteur de ses yeux, simplement vêtue d'un tee-shirt un peu trop grand noué au dessus du nombril et d'un micro-short en jean sombre, des boucles blondes brouillonnes et légèrement emmêlées s'étalant sur le sol autour de son visage. Elle ne la remarqua d'ailleurs pas tout de suite, trop occupée à soupirer toutes les cinq secondes comme si elle portait tout le malheur du monde sur ses épaules.

« Joyeux anniversaire Chérie. »

La Poufsouffle sursauta violemment, se relevant d'un bond, peinait à reprendre ses esprits, ses yeux clairs fixés sur le visage de sa meilleure amie. Elle ne savait pas si elle était censée lui faire la tête pour avoir disparu ainsi, pour l'avoir fait sursauter mais finalement, elle se contenta de lui sourire d'un air ravi. Enfin la journée allait pouvoir commencer pour de bon ! Elle en avait marre de ressasser encore et encore les derniers jours de cette année scolaire, s'enfermant toujours davantage dans un monde imaginaire où tout pouvait continuer sans qu'il n'y ait jamais la moindre fin à voir arriver. Elle passa nerveusement une main dans ses cheveux, tirant machinalement sur les noeuds et finit par attraper sa baguette, glissée dans la poche arrière de son short et l'agita doucement. On entendit sa valise s'ouvrir puis une boîte, un paquet emballé dans du papier rose contenant une robe de créateur sorcier de la même couleur, soi-disant introuvable, et une bouteille de Whisky Pur Feu arrivèrent sur la table basse à côté d'elle.

"Je finissais par croire que tu m'avais oubliée. On va enfin pouvoir faire la fête. J'ai tout prévu, cadeau, gâteau, alcool... Et puis on ira manger où tu voudras, ce sera bête de rester enfermées là ce soir ! On est majeures, à nous la liberté !" débita t-elle d'un ton joyeux. "Joyeux anniversaire à toi aussi, Chérie !"

Elle lui sourit de plus belle et se laissa gracieusement tomber sur un fauteuil non loin d'elle. Avec un peu de chance, elle finirait par oublier cette peine de coeur stupide, voire même par passer des vacances inoubliables. Avec un peu de chance...

Sarah aurait pu ne carrément pas être là, il aurait été fort probable que Scarlett ne le remarque même pas, elle était entrée dans sa bulle et n’en ressortirait probablement pas facilement. Elle avait bien trop de critiques à faire pour elle-même. Le sept juillet était son jour privilégié, celui où elle pouvait critiquer son père et sa mère sans aucune crainte parce que de toute façon, c’était une douce vengeance et qu’ils l’avaient bien mérité. Tout ce qu’elle avait pu leur reprocher tout au long de l’année ressortait inévitablement à cet instant précis et elle aurait beaucoup aimé avoir en sa possession deux immenses photos à accrocher au mur pour pouvoir leur lancer des fléchettes, mais de toute façon, elle était nulle dans cette discipline et sa meilleure amie ne trouverait pas spécialement qu’elles passaient une soirée intéressante avec ce genre d’activité. Seulement, Scarlett n’avait pas envie d’essayer de s’amuser, elle aurait plutôt tendance à vouloir mourir et s’enterrer sur son canapé, chose qui était pour le moment impossible. La voix de la préfète la ramena douloureusement à la réalité. Il lui était difficile de s’arracher à ses sombres pensées, mais la rouge et or voulait profiter de ces vacances loin de tout élément perturbateur pour reconquérir sa meilleure amie. Elles avaient beau être en pleine phase post-réconciliation, quelque chose avait changé, c’était flagrant. Pour cela, il fallait qu’elle évite au maximum de bouder pour un oui ou pour un non et ce n’était pas évident puisque son naturel avait légèrement tendance à revenir au galop, mais pour le moment, la jeune fille tenait bon, espérant secrètement retrouver son ancienne Sarah d’ici la fin des vacances.

"Je finissais par croire que tu m'avais oubliée. On va enfin pouvoir faire la fête. J'ai tout prévu, cadeau, gâteau, alcool... Et puis on ira manger où tu voudras, ce sera bête de rester enfermées là ce soir ! On est majeures, à nous la liberté ! Joyeux anniversaire à toi aussi, Chérie !"

La jeune fille ne put s’empêcher de sourire. L’enthousiasme de Sarah était tout de même légèrement contagieux, même si elle ne pouvait pas franchement s’enlever de la tête le fait que ses parents l’avaient délibérément oubliée. Et dire qu’elle avait pris la peine de rendre visite à son géniteur avant de repartir pour le camping, ces brefs séjours dans la maison de la remplaçante de sa mère lui coutaient toujours énormément, même si elle devait bien reconnaitre que c’était probablement grâce à ça qu’elle était si bonne actrice. L’ambiance de cette maison lui donnait la nausée, tout était si différent de chez elle. La grognasse qui lui avait volé son père était une femme active, mettant un point d’honneur à garder sa maison propre et bien rangée alors que sa maman était une véritable loque humaine qui ne s’était pas remise de la disparition subite de son ex-mari. Pathétique. Et puis, il y avait évidemment Leanna, cette gamine était une tête à claque sur pattes, toujours plus intelligente, souriante et désirant être la plus gentille adolescente possible. Insupportable. Même Scarlett avait toujours droit à un sourire et à un bonjour le matin alors que la rouge et or lui lançait un regard noir en tentant de dissimuler ses envies de meurtre. Les repas de famille collaient avec tout le reste, ambiance chaleureuse, table mise par les deux enfants, enfin souvent Leanna parce que Scarlett boudait dans sa chambre. En gros, ils étaient le tableau sans aucune imperfection de la famille idéale. En général, quelle que soit la durée de son séjour, Scarlett ne pouvait empêcher sa colère de déborder à un moment ou à un autre. Cette fois-ci, c’était lorsque son père lui avait proposé de partager sa chambre avec sa petite sœur histoire de fréquenter « les bonnes personnes » qu’elle était sortie de ses gonds, affirmant avec une profonde haine que cette petite conne ne vivrait pas longtemps si elle pointait le bout de son nez au camping. Charmante enfant… Finalement, être loin de Londres n’avait pas que des inconvénients en fin de compte. Elle échappait aux disputes qu’elle ne pouvait s’empêcher de provoquer, dont celle des remises de bulletins de notes. C’était l’occasion pour son père de pointer du doigt ses défauts et de lui rappeler que si elle travaillait autant que son petit prodige, elle serait probablement une personne fabuleuse à l’avenir. A l’issue de ce petit discours, Scarlett dévisageait sa sœur d’un air dégouté avant de partir pour une journée d’isolation dans la chambre qui lui était attribuée. Cette année, elle allait passer toutes ses vacances avec sa meilleure amie, et elle devait arrêter de se comporter comme une gamine capricieuse pour en profiter un maximum.

« Bien sûr que non, je ne t’avais pas oubliée ! Notre premier anniversaire ensemble, j’allais pas louper ça. »

Un large sourire s’étalait toujours sur le visage de la gryffondor, qui se redressa sur son canapé, où elle s’avachissait de plus en plus. Ce n’était pas le moment de se laisser abattre, elle devait avoir l’air heureuse ? Et bien elle l’aurait, ce n’était pas si compliqué. Bien entendu, elle n’en oubliait pas les événements de la journée ou plutôt les non-événements, mais elle pouvait toujours tenter de faire bonne figure. Après tout, elle était toujours une extraordinaire comédienne et c’était le moment de le prouver. Et puis pour une fois, la jeune fille ne pensait pas qu’à elle, c’était aussi l’anniversaire de Sarah et elle s’en serait tout de même un peu voulu de lui gâcher cette soirée qui était censée être géniale. De toute façon, elle avait sûrement de quoi se réjouir si on excluait le fait qu’elle avait la pire famille de l’histoire de l’humanité. Il y avait d’abord Scipion, ou plutôt son absence qui avait de quoi la réjouir. Bien entendu, elle n’avait jamais imaginé un seul instant qu’il puisse faire une apparition ici et si le doute avait plané pendant les premiers instants, il s’était bien vite estompé. Le gryffondor avait tendance à vouloir faire parler de lui en permanence, et personne n’avait encore mentionné son nom, il était donc évident qu’il n’avait pas pris la peine de faire le déplacement. C’était beaucoup mieux comme ça et pour tout le monde. Le bal de fin d’année avait été un sacré fiasco à cause de ce crétin. Scarlett avait pris l’habitude de passer la soirée avec sa meilleure amie, histoire de critiquer les tenues des uns et des autres et accessoirement de lancer quelques rumeurs ou d’en apprendre de nouvelles, bref, des soirées tout à fait parfaite. Or, cette fois-ci, elle s’était retrouvée entre les deux tourtereaux qui se donnaient bien gentiment la main et elle n’avait pas pu supporter la situation bien longtemps. La jeune fille s’était donc contentée de remonter dans son dortoir non sans avoir tenté au préalable de semer la pagaille et avait fait semblant de dormir au retour de Lara. Elle avait au moins eu la satisfaction, le lendemain, de découvrir que la dispute était dans toutes les bouches et que son prénom ressortait bien souvent là-dedans. En revanche, la rouge et or n’était pas certaine d’avoir envie de recroiser ce mignon petit couple prochainement, puisqu’elle était persuadée de passer un très mauvais moment. Quoi qu’il en soit, elle avait au moins eu sa petite heure de gloire et elle aurait réitéré son geste sans hésiter si l’occasion c’était à nouveau présentée. Sarah ne l’avait pas encore félicité d’ailleurs, et Scarlett ne pouvait que s’en étonner, mais en même temps, elle évitait soigneusement de parler de tout ce qui pouvait se rapporter de près ou de loin à Scipion et n’avait aucune envie de remettre le sujet sur le tapis. Au lieu de ça, elle se contenta d’observer ce que la poufsouffle venait de poser sur la table, des petites étoiles brillants dans ses yeux.

« C’est génial que tu aies pensé à tout. Pourquoi tu m’as pas demandé de t’aider si tu préparais quelque chose ? Je ne savais pas. »

Sarah avait dû penser à son propre anniversaire en premier lieu, mais c’était véritablement la première fois que la rouge et or avait l’impression de passer une journée plus importante que les autres. C’était assez stupide de sa part, mais elle était ravie de voir que pour une fois, elle pourrait peut-être s’amuser un peu, enfin si elle n’avait pas une autre excellente bonne raison de bouder dans les minutes à venir…

Fort heureusement, Scarlett n'avait pas semblé faire attention à elle lorsqu'elle était entrée, oubliant de lui faire remarqué que se coucher par terre n'était pas quelque chose de très classe et tout ce qui pouvait aller avec. D'un autre côté, la blonde n'était pas certaine de vouloir très bien prendre ce manque d'attention à son égard, si elle n'avait plus qu'elle, il était hors de question qu'elle l'ignore de la sorte bien longtemps ! Elle aimait être le centre du monde, et plus encore de son monde et malheureusement pour la Gryffondor, elle en était l'unique habitante désormais. Néanmoins, elle décida que ce n'était pas le moment de faire la tête, d'aller bouder ni même de lui faire une quelconque réflexion. Elle ne donnait pas l'impression de nager dans le bonheur, et si elles avaient été de vraies amies, Sarah se serait certainement assise à côté d'elle en l'encourageant à raconter ce qui n'allait pas, sauf que ce n'était pas le cas et qu'elle-même avait suffisamment de choses qui n'allaient pas, aussi elle se contenta de faire comme si elle n'avait rien remarqué, comme si l'air déçu de son amie était invisible, et ce sans le moindre remord. Elle retrouvait le droit chemin, c'était une bonne chose !

« Bien sûr que non, je ne t’avais pas oubliée ! Notre premier anniversaire ensemble, j’allais pas louper ça. »

Son sourire s'agrandit à cette réponse. Ce n'était pourtant pas l'impression qu'elle avait eu jusque là, combien de temps était-elle restée seule dans cette horrible tente en attendant qu'elle arrive ? Elle n'en savait rien... Elle en était arrivée à regretter ses amis, sa soeur, et même sa mère puisqu'elle avait au moins le mérite de lui faire de la compagnie, une compagnie docile qu'elle pouvait critiquer à tout va sans qu'elle ne se rebelle vraiment... Elle avait même retardé un peu le départ du stupide hibou envoyé par ses parents, juste pour être un peu moins seule mais devant ses battements d'ailes désespérés, elle avait consenti à le laisser filer. Pauvre bête. Elle ne l'aimait pas mais elle n'avait jamais eu envie de le traumatiser... Enfin... Maintenant qu'elle était là, elle n'allait certainement pas gueuler que ça se faisait pas, qu'elle l'avait attendue toute la journée, qu'elle n'était pas à sa disposition et tout ce qui allait avec, elle risquerait de la faire fuir et elle, elle devrait passer ce fichu anniversaire toute seule, ce qui n'était pas une idée brillante...

"J'espère bien ! T'étais passée où ? Je ne t'ai pas croisé de la journée, tu as fait quoi ?"

S'intéresser à la vie de sa meilleure amie ne faisait pas partie de ses habitudes mais si elles devaient passer des jours et des jours non-stop ensemble, autant essayer de faire des efforts, même si ça pouvait sembler bizarre à l'une comme à l'autre. Des jours et des jours... Ca lui semblait déjà long et interminable, elle n'avait pas envie de rester avec elle aussi longtemps que ça, qu'auraient-elles à se dire dès la fin de la semaine ? La Poufsouffle avait toujours profité des vacances pour souffler, pour laisser son rôle de pimbêche derrière elle et renouer avec l'adolescent simple et studieuse qu'elle avait pu être avant Poudlard... Ses amis moldus l'aidaient beaucoup à garder les pieds sur Terre d'ailleurs, n'hésitant pas à la singer quand elle se montrait un peu trop princesse à leur goût. Si elle l'avait tout d'abord mal pris, elle finissait par en rire et grossissait même le trait avec eux. Et là... Elle n'avait d'autre choix que d'être parfaite jusqu'en Juin prochain, faisant attention à ce qu'elle faisait, à ce qu'elle disait, à la façon dont elle s'habillait... Eux se fichaient pas mal de toutes ces choses-là, quelle différence si elle portait la dernière robe vue dans Sorcière Hebdo ou un sweat informe qui semblait avoir connu la dernière guerre sorcière. C'était tellement plus simple là-bas. Elle ne put retenir un soupir discret en se rendant compte de ce qu'elle avait laissé pour venir ici. Et pourquoi ? Parce qu'elle espérait y trouver Scipion, sans y croire vraiment cependant... Et maintenant qu'elle s'était bien rendue compte qu'il n'y était pas, elle n'avait plus qu'à faire bonne impression et laisser Scarlett imaginer qu'elle n'était là que pour elle, parce qu'elles avaient prévu dès le début de venir y passer des vacances entre amies. Elle serait bien idiote d'y croire, mais ça ne l'étonnerait pas... C'était Scarlett après tout.

« C’est génial que tu aies pensé à tout. Pourquoi tu m’as pas demandé de t’aider si tu préparais quelque chose ? Je ne savais pas. »

Elle avait préparé leur anniversaire la veille, pour éviter de se laisser rêvasser pendant trop longtemps, elle ne voyait pas ce qu'elle aurait pu lui demander. Ca l'avait occupé un moment et écouter Danah raconter sa vie pendant qu'elle mettait dix ans à emballer le cadeau de sa meilleure amie ou pendant qu'elle s'amusait à décorer le gâteau avait été agréable. Au final, elles étaient toujours aussi proches quand elles n'étaient pas à l'école... Comment ça serait à la fin de l'année ? Auraient-elles encore l'occasion de se voir ? Peut-être venait-elle de renoncer inconsciemment à ses dernières vacances avec sa soeur...? Elle n'avait jamais vu les choses sous cet angle et elle n'était pas certaine d'avoir envie de s'y mettre maintenant. Elle chassa ces pensées de son esprit et haussa négligemment les épaules alors qu'elle s'installait en travers du fauteuil qu'elle occupait, les jambes sur un accoudoir et le dos contre l'autre.

"Je n'allais pas te demander de préparer ton anniversaire quand même, ça ne se fait pas." répondit-elle en gloussant bêtement, comme si elle ne réalisait pas vraiment que c'était le sien également. "Isis t'a écrit ? C'est ton amie je crois, non ?"

"J'espère bien ! T'étais passée où ? Je ne t'ai pas croisé de la journée, tu as fait quoi ?"

Scarlett ne put empêcher son sourire de s’élargir davantage. Alors comme ça elle lui avait manqué ? Bien sûr, c’était une telle évidence. La rouge et or avait toujours su à quel point elle était indispensable à sa meilleure amie, ou en tout cas, elle en avait eu la certitude avant l’apparition de ce stupide gryffondor, ou plutôt l’apparition des sentiments de Sarah pour celui-ci. Avant cela, elle avait toujours eu l’impression d’être le centre du monde, c’était vers elle que la préfète se tournait en toutes circonstances. Quoi de plus normal ? Elle était belle, intelligente, bavarde, elle savait toujours tout sur tout le monde et ses gouts en matière de mode n’étaient plus à prouver. Elle était donc la personne qu’il fallait fréquenter et il était donc tout à fait normal qu’une personne aussi fabuleuse que sa meilleure amie se soit intéressée à elle. Tout aurait d’ailleurs dû rester comme ça, il n’y avait aucune raison pour que ça change. Après tout, Scipion ne lui arrivait pas à la cheville, c’était une telle évidence. Seulement, Sarah n’avait toujours pas eu l’air de vouloir ouvrir les yeux pour s’en rendre compte et la rouge et or s’agaçait d’un tel aveuglement. Scarlett avait la nette impression de devoir lui tenir la main à chaque pas pour l’empêcher de se casser la figure, sauf qu’elle avait signé pour être une amie et pas un chien d’aveugle, et encore moins un chien d’aveugle borné. Parce que si Sarah s’était laissée gentiment guidée, elle aurait encore pu gérer, mais non, elle voulait sans rien voir aller dans sa propre direction et empruntait la plupart du temps des chemins semés d’embûche. La rouge et or commençait à se lasser de devoir la suivre en permanence pour regagner quelque chose dont elle ignorait la nature exacte. Il ne fallait pas trop lui en demander tout de même, entre savoir qu’il y avait eu du changement et connaitre la cause et la nature exacte du changement en question il y avait un ravin immense et Scarlett avait la flemme de scier le tronc d’arbre qui pourrait lui servir de pont pour traverser. Pour l’instant, elle se contentait de rester de l’autre côté à se vernir les ongles, tout en cherchant une solution nettement moins épuisante pour comprendre ce qu’il se passait dans la tête de Sarah. Et puis de toute façon, la rouge et or savait que passer du temps ensemble cet été ne pourrait que leur permettre de se rapprocher à nouveau, autant attendre que les choses se fassent naturellement, la dernière fois qu’elle avait essayé de mettre son grain de sel dans une histoire relationnelle concernant sa meilleure amie, elle avait merveilleusement échoué et elle ne comptait pas remettre ça rapidement.

« Je me suis baladée, je voulais profiter de cette belle journée, l’été est définitivement ma saison préférée. » déclara-t-elle avant de glousser bêtement. « Mais je suis là maintenant. »

On ne se refaisait pas, Scarlett ne pouvait pas s’empêcher d’être hypocrite dès que l’occasion se présentait. Il fallait dire qu’il était bien plus simple de mentir dans le cas présent, la vérité était déjà douloureuse à avaler pour la jeune fille alors qu’elle n’avait même pas fait l’effort de la prononcer à voix haute. Il aurait été encore plus difficile pour elle de voir un sourire satisfait et légèrement moqueur s’afficher sur le visage de Sarah. Parce que c’était inévitablement ce qui allait se produire. La rouge et or avait tellement l’habitude d’être parfaite, il aurait été très étonnant de sa part de montrer le moindre petit défaut et une jalousie en était un. Comment aurait-elle pu être jalouse de la vie de famille de la poufsouffle et de ce qu’elle avait eu pour son anniversaire alors qu’elle-même était censée tout avoir pour elle ? Ce n’était pas crédible du tout et ça remettrait forcément en question tout un tas de choses. En réalité, la rouge et or avait loin d’avoir la vie parfaite qu’elle s’était inventée et si celle-ci était facile à faire passer pour réelle lorsqu’elles se trouvaient à l’intérieur du château, ça serait beaucoup plus compliqué pendant l’été. Pourtant, mis à part dormir dans une tente au lieu d’un dortoir, rien n’avait réellement changé. Mais la rouge et or commençait à réaliser qu’elle était ravie de ne pas avoir atterri dans la même maison que sa meilleure amie, ça lui permettait de pouvoir garder ses secrets bien au chaud sans jamais les mettre en danger. Alors qu’ici, elle devait être constamment sur ses gardes. En parant de chez elle, elle avait dû déchirer la doublure de sa valise pour pouvoir y planquer son nécessaire à couture, pour être sûre et certaine que Sarah ne mette pas la main dessus en cherchant un T-shirt à lui emprunter ou toute autre chose dont elle avait envie. Scarlett ne se voyait absolument pas devoir mettre un cadenas sur ses affaires, c’était le meilleur moyen pour elle d’avoir l’air coupable et de susciter la curiosité de sa meilleure amie. La jeune fille ne voulait à tout prix se préserver de toute révélation difficile à gérer et elle était persuadée qu’elle était assez intelligente et rusée pour y parvenir.

"Je n'allais pas te demander de préparer ton anniversaire quand même, ça ne se fait pas. Isis t'a écrit ? C'est ton amie je crois, non ?"

Encore une question qui lui demandait une réponse difficile. Enfin là, ça pouvait encore aller. Après tout, Isis n’avait jamais été si proche d’elle que ça. Connaissait-elle sa date d’anniversaire ? Il était fort probable que la réponse soit négative. Elle-même ne savait absolument pas quel âge avait Isis et quel âge elle allait avoir. Elle s’en fichait un peu finalement, le plus important restait qu’elle soit plus jeune qu’elle et lui accorde assez de temps pour qu’elle ait le temps de lui inculquer ses sensationnelles valeurs. Pour le moment, c’était plutôt bien parti mais Scarlett avait des reproches en réserve qu’elle ne manquerait pas de faire dès qu’elle la retrouverait à la rentrée. La jeune fille n’avait qu’une hâte pouvoir lui dire que louper le bal de fin d’année était vraiment l’idée la plus mauvais qu’elle ait pu avoir depuis qu’elles se connaissaient. Non seulement, elle n’avait pas pu observer les autres élèves pendant le bout de la soirée qu’elle n’avait pas eu la possibilité de vivre. Et le pire dans tout ça était de réaliser que sa petite élève avait loupé un de ses plus splendides coups d’éclat. C’était bien dommage pour elle puisqu’elle avait manqué une occasion d’en apprendre un peu plus sur l’art de provoquer le chaos et de se faire remarquer. Isis allait se mordre les doigts et c’était évidemment le but recherché par la gryffondor. Il était grand temps qu’elle redevienne l’insupportable pimbêche colporteuse de ragots qu’elle aimait être. C’était le genre de rôle qu’on ne pouvait pas abandonner pour cause de « petits problèmes d’ordre privés ». Scarlett avait eu beau souffrir de voir sa meilleure amie s’éloigner, elle savait qu’elle n’aurait jamais dû abandonner son programme si parfait et son mode de vie sans craindre d’être submergée lorsqu’elle essaierait de le reprendre. C’était évidemment ce qu’il s’était passé et la jeune fille comptait bien profiter de son séjour au camping pour se mettre un peu à jour sur tous les événements plus ou moins récents qui s’étaient déroulés au château. Avec un peu de chance, elle apprendrait que Scipion était mort, écrasé par une armée de Pitiponks en colère, mais elle confondait peut-être le rêve et la réalité. Pour le moment, elle avait malheureusement une réponse à donner et une diversion à tenter ce qui n’allait pas être chose facile.

« Oui, c’est mon amie, et non elle ne m’a pas écrit. » répondit la jeune fille sur un ton un peu plus sec qu’elle ne l’aurait souhaité avant de se radoucir instantanément. « Et toi alors, j’espère que tu as profité de ta journée… Qu’est-ce que tu as fait ? »

Ce n’était pas d’avoir à avouer qu’Isis était restée muette ce jour-là qui l’inquiétait mais plutôt que cette question pouvait en amener beaucoup d’autres nettement moins plaisante. Il fallait espérer que Sarah ait plus envie de raconter sa vie que de lui en demander plus sur la sienne…

« Je me suis baladée, je voulais profiter de cette belle journée, l’été est définitivement ma saison préférée. Mais je suis là maintenant. »

Sarah se contenta de sourire sans chercher plus loin. Ca ne répondait qu'à moitié à ses questions après tout, mais elle n'avait pas la moindre envie de s'attarder là-dessus. Qu'elle aille où bon lui semblait, elle déserte, qu'elle fugue même si ça lui faisait plaisir, elle ne prendrait certainement pas la peine de s'en mêler, ayant bien trop à faire avec sa propre vie pour avoir à se mêler de celle de sa meilleure amie. Savoir que l'été était sa saison préférée était certainement la meilleure chose qui pouvait lui arriver dans sa journée, ça ne faisait aucun doute, peut-être devrait-elle même songer à la remercier de lui avoir apporté une information aussi capitale ? Deux mois, ça allait être intenable. Pourquoi Danah n'était-elle jamais là quand on avait besoin d'elle ? Ca aurait été tellement plus simple pour tout le monde si elle avait partagé la tente de sa frangine, qui avait un semblant de conversation et dont les répliques pouvaient être digne d'intérêt. Mais non, il avait fallu que ce soit avec Scarlett qu'elle se décide d'y aller, avec Scarlett qu'elle soit contrainte de parler, de passer le temps ou plutôt de le tuer puisqu'à ce niveau-là il n'était plus vraiment capable de passer tout seul... La Gryffondor s'en rendait-elle compte de la même manière ou s'enthousiasmait-elle réellement à l'idée de passer deux mois en sa compagnie ? Elle n'était pas certaine d'avoir une véritable réponse à cette question, craignant pour son égo que tout ne soit qu'hypocrisie de son côté aussi. Elle n'y croyait qu'à moitié, bien sûr, puisque même si elle n'avait jamais été une amie admirable, la Rouge et Or n'avait jamais paru se lasser de leur moment entre filles, et c'était dire s'il y en avait. Il y avait bien peu de chance qu'elle s'en lasse maintenant, si près du but, de la fin... Elle n'avait qu'à faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et Scarlett n'y verrait que du feu, idôlatrant leur relation comme elle avait pu le faire jusque là. Ou du moins jusqu'à la fin de cette bien triste année. Si elle lui laissait penser qu'elle s'était trompée, qu'elle n'avait fait que commettre erreur sur erreur mais qu'elle en avait désormais conscience, peut-être que tout redeviendrait comme avant ? Sans Scipion dans les parages, il n'y avait aucun risque de rechute, elle pourrait lui faire croire ce qu'elle voulait, comme elle le voudrait. Si son inconscient la laissait tranquille bien sûr... Rien n'était moins sûr.

« Oui, c’est mon amie, et non elle ne m’a pas écrit. Et toi alors, j’espère que tu as profité de ta journée… Qu’est-ce que tu as fait ? »

Le ton sur lequel elle lui avait répondu la fit grimacer légèrement. Ce n'était pas bien grave qu'elle ne lui ait pas écrit, on ne pouvait pas avoir de véritables amis à Poudlard de toute façon, et si elle en avait encore eu des doutes, c'était bel et bien terminé. Scarlett devait le savoir au moins aussi bien qu'elle puisqu'elle en était la preuve la plus flagrante. Elle ne fit aucun commentaire sur le sujet, se contentant de lui sourire d'un air faussement désolé mais néanmoins encourageant, comme pour lui signaler que la journée n'était pas encore terminée et qu'il y avait toujours une chance qu'un hibou passe tant bien que mal la porte de la tente pour lui apporter mille et une lettres d'amis et autres admirateurs secrets. Bien sûr, elle n'y croyait pas, mais elle ne jubilait pas non plus comme elle l'aurait sans doute fait en temps normal. Si elle ne parvenait pas à s'attrister réellement d'apprendre que les amis de sa meilleure amie l'avait oubliée, ou du moins l'une d'entre elle et pas des moindres lui semblait-il, elle ne s'en réjouissait pas non plus, se mettant sans mal à sa place. Elles allaient passer une bonne soirée, oublier tout ce qui pouvait clocher dans leur existence parfaite et retrouver leur entrain habituel. Peut-être même finiraient-elles par se découvrir de véritables liens ? Elles avaient été à rien d'être de vraies amies la dernière fois, ou du moins c'était ce que pensait la Poufsouffle, pourquoi ne serait-ce pas le cas une deuxième fois ? Non, non et non ! Elle ne pouvait pas lui faire confiance, elle avait bien vu où ça l'avait mené lorsqu'elle l'avait fait. Mauvais exemple... Finir dans les bras du Gryffondor n'avait pas été un mal, du moins pas tant qu'ils étaient à Poudlard. Elle ne pouvait pas lui faire confiance, c'était un fait, mais elle peinait véritablement à trouver une excuse valable pour appuyer ses dires. D'accord, elle l'avait trahie de la plus lâche des manières mais au final, ça avait été dans son sens. Mais ça aurait très bien pu ne pas être le cas, et Scarlett le savait tout aussi bien ! Inutile de lui trouver des circonstances atténuantes, elle n'en avait pas.

"Oh, rien de particulier. J'ai..."

Tenté de mettre en vain la main sur Scipion, mais j'ai dû me rendre à l'évidence, il n'a pas été suffisamment stupide pour venir ici, lui... Du coup je suis rentrée ici dans l'espoir de pouvoir profiter de ta compagnie pour me changer les idées mais tu m'as lâchement laissée tomber. Merveilleuse journée ! Elle ne pouvait pas décemment lui dire ça. Elle venait à l'instant de se dire qu'elle devait feindre d'être passée à autre chose pour arranger la situation, réduire tout à néant avant même d'avoir commencé était d'une débilité affligeante et il était hors de question de tomber aussi bas. Elle ne pleurerait pas, ne se plaindrait pas de leur séparation, ne prononcerait même pas son nom... Elle se contenterait de faire comme si rien ne s'était jamais passé. Comme si ça n'avait été qu'un jeu, histoire d'occuper la fin de son année. C'était faisable. Après tout, elle était particulièrement douée pour mentir et jouer la comédie, il n'y avait pas de raison pour qu'elle échoue maintenant alors qu'elle allait pouvoir évoluer sur un terrain qu'elle connaissait particulièrement bien. Tout irait pour le mieux, Scarlett n'y verrait que du feu et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Au pire, elle prétexterait n'importe quoi pour rentrer plus tôt si ça n'allait pas et que les choses tournaient trop en sa défaveur.

"...visité un peu. J'ai fait du camping qu'une fois et ce n'était pas ici alors je voulais savoir où je passerai mes vacances. Je suis sûre qu'on va bien s'amuser ici !"

Un sourire radieux étira ses lèvres, lui donnant l'air vraiment excité à l'idée de partager ces moments avec la Rouge et Or. Elle se laissa glisser un peu plus dans son fauteuil en s'étirant distraitement. La nuit avait été courte mais elle comptait bien fêter dignement leurs anniversaires même si elle ne savait pas vraiment ce que son amie comptait faire. Peut-être ne souhaitait-elle que passer une soirée entre filles ici, à papoter de tout et rien, à refaire le monde comme toutes les amies du monde ? Pourquoi pas...

"Ca n'a pas été trop dur de quitter tes parents ?" demanda t-elle finalement. "Je suis partie alors que tout le monde dormait ce matin, je n'avais pas envie de leur dire au revoir et de renoncer à venir. Ma mère n'a pas attendu bien longtemps pour me le reprocher mais c'était mieux pour tout le monde. Et puis, ce n'est pas comme si j'allais jamais les revoir non plus."

"Oh, rien de particulier. J'ai...visité un peu. J'ai fait du camping qu'une fois et ce n'était pas ici alors je voulais savoir où je passerai mes vacances. Je suis sûre qu'on va bien s'amuser ici !"

Scarlett ne put que sourire de plus belle. Bien sûr qu’elles allaient s’amuser ! C’était comme si elles se retrouvaient à Poudlard, sauf que cette fois-ci, elles allaient échapper aux cours barbants, à la séance de révisions quotidiennes ou au regard triste posé sur la pile de devoir qui devenait de plus en plus haute au fur et à mesure que les semaines passaient. Non, pendant deux mois, elles auraient simplement à se soucier d’uniformiser leur bronzage pour ne pas avoir les traces de leurs maillots de bains en revenant à l’école à la rentée ou encore de choisir correctement leurs vernis à ongle pour que leurs vêtement soient assortis à la couleur qu’elles avaient sélectionné. En bref, les vacances rêvées. Il ne manquait à Scarlett que les boutiques Londonienne pour passer le meilleur moment de sa vie. Pourtant, la jeune fille avait toujours bien aimé passer du temps avec sa mère, ou en tout cas lorsqu’elle était petite. Les deux jeunes femmes avaient eu, il y a un bout de temps maintenant, les mêmes centres d’intérêts, les mêmes sujets de conversation et elles se sentaient concernées par la vie de l’une ou de l’autre. Mais maintenant, tout avait changé. La rouge et or se rendait compte que sa mère commençait à vieillir, ses sujets de conversations restaient sensiblement identiques, mais elle se mettait à radoter au point que sa fille choisissait de quitter la pièce plutôt que de l’écouter une nouvelle fois. L’inverse était tout aussi vrai, malheureusement. Certes, sa maman avait toujours la bonne idée de la complimenter, de lui faire croire qu’elle était quelqu’un de fabuleux et qu’elle avait toujours la même place dans sa vie, mais à côté de ça, elle lui accordait moins d’importance que lorsqu’elle était encore la source de revenus principale de la maison. Scarlett avait passé deux bonnes années à se leurrer à ce sujet, se contentant d’imaginer que Stéphanie s’était créé une carapace lui permettant de mieux vivre l’absence de sa fille Chérie. Mais la rouge et or avait bien dû se rendre à l’évidence, elle n’avait plus sa place privilégiée de petite fille. Bien entendu, elle avait pris la nouvelle du mieux qu’elle avait pu, mais elle avait encore un peu de mal à gérer la situation. Cette histoire de camping était donc parfaite, elle lui évitait un été égal à tous ceux qu’elle avait passé ces dernières années.

« Evidemment, c’est comme si on était à l’école avec les cours en moins, que rêver de mieux ? T’as vu des têtes connues ? J’ai eu peur que beaucoup de septièmes années décident de ne pas venir, histoire de mettre Poudlard derrière eux, j’espère qu’ils ont changé d’avis, ça sera beaucoup moins drôle sinon. »

La jeune fille n’était pas venue ici simplement pour le plaisir de profiter du soleil, du lac et de vivre dans une tente en compagnie de sa meilleure amie pendant plusieurs semaines. Bien sûr, la perspective d’avoir Sarah pour elle toute seule pendant toutes les vacances scolaires tout ça pour la retrouver dès la rentrée prochaine, était sacrément enthousiasmante, mais ce n’était bien sûr pas le seul avantage qu’elle voyait à cette situation. Si son but avait été de passer des vacances de rêves avec sa meilleure amie, elle aurait tout simplement pu essayer de se faire inviter chez cette dernière, le résultat aurait été identique. Sarah recevait toujours tout un tas de robes plus belles les unes que les autres par hiboux tout au long de l’année, ses parents devaient donc avoir une fortune assez colossale et une maison qui allait avec, la jeune fille n’aurait pu qu’adorer vivre gratuitement dans le luxe pendant quelques semaines. Il y avait tout de même une différence entre feindre d’être riche et de l’être réellement et Scarlett aurait aimé pouvoir comparer les deux justement. Enfin, elle se serait probablement heurtée à quelques difficultés si elle avait eu à convaincre sa meilleure amie de la laisser emménager pendant quelques temps. La poufsouffle aurait pu facilement lui demander de faire l’inverse et quelle aurait été son excuse pour refuser ? Il lui était totalement impossible de raconter que sa mère était une loque humaine vivant dans une porcherie qui menaçait dangereusement de s’écrouler. Vu de l’extérieur, il n’y avait absolument aucun problème, bons nombres de passants auraient même pu rêver de s’approprier cette splendide maison d’une taille très respectable, mais une fois à l’intérieur, ils n’auraient même pas eu besoin de faire cinq pas pour se rendre compte que l’endroit n’était pas franchement habitable. En même temps, elles avaient de la chance, les factures étaient toujours payées en temps et en heure et pas grâce à elles, mais à côté de ça, elles n’avaient pas du tout les moyens de rénover, d’innover ou quoi que ce soit qui puisse éviter que l’était de leur maison se dégrade considérablement au cours de temps. Finalement, les dégâts occasionnés en dix-sept ans avaient été beaucoup plus important qu’elles auraient pu l’imaginer un jour. Il était trop tard pour revenir en arrière à présent et Scarlett était un peu le seul espoir qu’il leur restait. Bientôt, elle terminerait ses études et pourrait être rémunérée. Seulement, sa mère avait peut-être tort de se dire que Scarlett s’en sortirait mieux qu’elle dans la course à l’emploi. En parlant de parents, Sarah semblait aussi avoir les siens en tête à ce moment précis, à croire qu’elle faisait exprès de s’aventurer sur des terrains glissants. Décidément cette soirée d’anniversaire promettait d’être interminable.

"Ça n'a pas été trop dur de quitter tes parents ? Je suis partie alors que tout le monde dormait ce matin, je n'avais pas envie de leur dire au revoir et de renoncer à venir. Ma mère n'a pas attendu bien longtemps pour me le reprocher mais c'était mieux pour tout le monde. Et puis, ce n'est pas comme si j'allais jamais les revoir non plus."

Scarlett dut retenir un soupir. Ce n’était pas entendre Sarah parler de sa maman qui l’agaçait mais surtout la façon dont elle les évoquait. Après tout, il semblait tellement simple pour la poufsouffle de raconter simplement qu’elle avait dû partir tôt le matin pour éviter les adieux déchirants qui ne manquaient pas d’avoir lieu et que sa maman lui avait envoyé rapidement un hibou désespéré pour savoir ce qui l’avait poussé à quitter la maison sans rien dire. Alors que la rouge et or de son côté ne pouvait absolument pas prétendre à une telle affection de la part de ses proches. C’est tout juste si sa mère avait pris la peine de venir l’accueillir à la gare, elle avait tout de même par pointer le bout de son nez, évidemment, puisqu’un taxi leur aurait couté bien trop cher pour qu’elle puisse se le permettre, mais elle avait quelques heures d’avance et semblait tout à fait sereine, pas pressée de retrouver la blondinette. La gryffondor n’avait pas essayé de lui faire comprendre quoi que ce soit d’ailleurs, elle savait à l’avance que toute tentative de lui inculquer un savoir quel qu’il soit était vaine et qu’arriver à l’heure ne faisait absolument pas partie des choses qu’elle avait tenté d’apprendre. De toute façon, ça lui donnait encore une fois l’occasion de montrer à quel point elle était bonne comédienne, le trajet du retour s’était déroulé dans la joie et la bonne humeur. La jeune fille avait raconté toute sa vie au château en commençant par la rentrée, passant en revue tous les événements important, dans lequel elle jouait évidemment le rôle principal et en inventoriant les tenues les plus spectaculaires qu’elle avait porté. Stéphanie quant à elle s’était contentée de hocher la tête sans même prendre la peine de lui faire croire qu’elle était attentive. En arrivant à la maison, elle avait presque aussitôt annoncé à sa fille qu’elle l’envoyait chez son père quelques jours ce qui avait laissé sa fille sans voix. Une semaine, c’était tout ce qu’elle avait comme temps à passer chez elle et même ça, sa maman ne s’en sentait plus capable. Cependant, elle n’avait encore une fois pas osé hausser la voix et avait préparé ses bagages sans un mot, bouillonnant à l’intérieur mais rayonnante à l’extérieur. Maintenant, elle avait envie de beaucoup de choses, comme de recevoir une lettre d’excuse de sa génitrice qui la rappelait auprès d’elle tout en lui souhaitant un bon anniversaire, mais surtout pas de ressasser ses affreux souvenirs qui se gravaient malheureusement dans sa tête beaucoup mieux que n’importe quel cours qu’elle avait pu suivre à Poudlard cette année.

« Renoncer à venir ? Pour ta mère ? Vraiment ? Et ton père ? Tu les reverras beaucoup trop tôt à ton gout et puis on est grandes, c’est pas comme si on allait rester chez eux éternellement. Personnellement, je n’ai eu absolument aucun remords, à quoi ça sert de toute façon ? Ils veulent, théoriquement, me voir heureuse, et je savais que je préférais passer mes vacances avec toi. On est amies depuis tellement de temps et pourtant, on en avait jamais eu l’occasion avant. C’est dommage. »

Finalement, le meilleur moyen pour elle de préserver ces petits secrets était sans doute de camoufler ses réponses évasives et son air blasé par d’autres questions qui intéresseraient sans doute bien plus sa meilleure amie. Qui n’aimait pas parler de sa propre personne ? En tout cas pas Scarlett mais pour une fois, elle ne voulait absolument pas être le centre d’attention, ça arrivait tellement peu souvent que la préfère ne pourrait pas se refuser ce luxe ou tout du moins elle l’espérait fortement.

« Evidemment, c’est comme si on était à l’école avec les cours en moins, que rêver de mieux ? T’as vu des têtes connues ? J’ai eu peur que beaucoup de septièmes années décident de ne pas venir, histoire de mettre Poudlard derrière eux, j’espère qu’ils ont changé d’avis, ça sera beaucoup moins drôle sinon. »

Sarah haussa distraitement les épaules. Beaucoup, beaucoup... Il fallait le dire vite. Et puis quand bien même il s'agissait de têtes connues, elle aurait préféré les savoir à des kilomètres de là bien loin d'elle et des souvenirs qu'elles pouvaient lui rappeler. Il n'y avait bien eu qu'une seule personne qu'elle aurait espéré croiser mais il lui semblait que c'était bien la seule qui ne se soit pas donné la peine de venir... Il avait probablement raison de toute façon. Rester enfermé deux mois ici avec l'étendue de ces stupides élèves... C'était du masochisme. S'il n'y avait pas eu Scarlett, jamais elle n'aurait mis les pieds ici, ça n'aurait pas eu le moindre intérêt et déjà qu'il lui fallait y réfléchir à deux fois pour en trouver un en sachant que sa meilleure amie y était... Quelle idiote elle avait fait en lui assurant qu'elle viendrait, qu'elles passeraient des vacances entre filles mémorables... Enfin, pour être mémorables, elles risquaient de l'être. Entre les crises de larmes que la pauvre Gryffondor aurait très sûrement à supporter et la mauvaise humeur dont elle ferait les frais, il y avait bien peu de chance qu'elle les oublie. Bien sûr, elle était prête à faire tous les efforts du monde pour que ça se passe à merveilles mais elle ne tiendrait pas deux mois tout entiers à feindre vivre dans un monde parfait alors que la torture était quotidienne.

"Maddox, Di Cavour, Caldin, Wolsdorf et compagnie... Je ne suis pas certaine d'avoir grande envie de les côtoyer par contre, tu m'excuseras. Enfin, ça nous donnera des raisons supplémentaires de rester toutes les deux, vu le niveau de nos voisins, s'abaisser à traîner avec risquerait de finir par nous nuire."

Risquerait surtout de lui rappeler que tout Gryffondor s'était donné rendez-vous... Sauf un. Mais elle ne lui fit pas par de cette excuse-là, certaine qu'elle ne l'apprécierait qu'à moitié pour ne pas dire pas du tout. Avec un peu de chance, la compagnie permanente de la jeune femme lui permettrait de penser à autre chose et de finir par tirer un trait sur lui. Ca allait être bien compliqué mais elle ne pouvait s'empêcher de l'espérer un minimum. Elle ne voulait rien oublier, non, mais simplement passer à autre chose, cesser de vivre dans les souvenirs qu'il lui restait avec l'espoir insensé que tout n'était pas réellement fini, qu'ils trouveraient un moyen pour ne pas vraiment mettre un terme à leur relation. Ils l'avaient déjà mis, elle le savait, mais elle refusait de l'admettre pour autant. Tout n'était pas fini, ça ne se finirait jamais. Ca ne pouvait pas se finir. Scarlett ne pouvait pas comprendre de toute façon, mieux valait tenir sa langue et faire comme si de rien n'était, comme s'il ne la hantait pas sans cesse depuis la fin du bal... Elle finirait sûrement pas s'en rendre compte, par comprendre qu'elle était plus atteinte qu'elle ne le laissait paraître.

« Renoncer à venir ? Pour ta mère ? Vraiment ? Et ton père ? Tu les reverras beaucoup trop tôt à ton gout et puis on est grandes, c’est pas comme si on allait rester chez eux éternellement. Personnellement, je n’ai eu absolument aucun remords, à quoi ça sert de toute façon ? Ils veulent, théoriquement, me voir heureuse, et je savais que je préférais passer mes vacances avec toi. On est amies depuis tellement de temps et pourtant, on en avait jamais eu l’occasion avant. C’est dommage. »

Elle savait bien qu'elle devrait quitter Newcastle à la fin de l'année puisqu'elle irait normalement à l'université et qu'elle n'avait jamais aimé voyager en cheminée, et que transplaner n'avait jamais été sa tasse de thé mais elle n'était pas spécialement pressée de quitter le coccon familial malgré la présence constante de sa génitrice. Elle avait ses amis là-bas, sa soeur, sa chambre, tout son univers et devoir tout plaquer pour recommencer plus loin ne faisait pas partie d'un rêve qu'elle faisait depuis des années. Bien sûr, Londres n'était pas non plus dénuée de connaissances à elle, elle parviendrait certainement à se faire de nouveaux amis et à recommencer sa vie sans plus de souci que ça mais ça ne serait plus jamais pareil. Elle devrait laisser de côté son caractère d'enfant gâtée pour se prendre en main pour de bon, devant gérer sa vie toute seule. Ce serait une catastrophe... Elle avait été prête à prendre le large sans diplôme pour suivre Scipion quelques jours plus tôt et là, la simple idée de déménager la mettait dans tous ses états. Ca n'avait pas beaucoup de sens et pourtant... Avec un peu de chance, Scarlett acceptera de jouer les colocataires ? La solitude était peut-être finalement le véritable problème de cette appréhension. Elle n'en savait trop rien et n'avait pas spécialement envie de se lancer dans des thérapies silencieuses et inutiles. Il lui restait encore un an tout entier avant de quitter la maison, et elle avait mieux à faire que de s'inquiéter pour cela maintenant. Elle était en vacances, il fallait s'amuser, et mieux encore, c'était son anniversaire !

"Aucune importance de toute façon, on est là maintenant !" s'exclama t-elle finalement avec enthousiasme. "On la fait, cette fête d'anniversaire ou pas ? C'est bien la première fois qu'on a l'occasion d'être réunies ce jour-là, ce serait bête de passer à côté ! Tu veux sortir ce soir, ou on reste là à refaire le monde en gloussant ?"

Pour le changement de sujet, on y repasserait. Elle n'avait pas la moindre envie d'aborder le sujet de sa génitrice, ni même de son beau-père d'ailleurs. Elle n'avait rien contre lui, bien au contraire, il était adorable et la traitait comme une véritable princesse depuis toujours mais ce n'était pas son père et elle ne souhaitait pas expliquer à sa meilleure amie que sa vie parfaite ne l'était en fait qu'à moitié. Elle aurait une vie parfaite encore un an, et on verrait après. Pour l'heure, place à l'amusement !

"Maddox, Di Cavour, Caldin, Wolsdorf et compagnie... Je ne suis pas certaine d'avoir grande envie de les côtoyer par contre, tu m'excuseras. Enfin, ça nous donnera des raisons supplémentaires de rester toutes les deux, vu le niveau de nos voisins, s'abaisser à traîner avec risquerait de finir par nous nuire."

Scarlett dut retenir un éclat de rire. Alors comme ça, Sarah se trouvait trop bien pour passer du temps en compagnie des autres élèves ? C’était la meilleure. Il y a encore quelques mois de ça, elle aurait approuvé sans aucune hésitation. La poufsouffle avait toujours été pour elle une idole, quelqu’un qu’elle pourrait suivre en permanence sans avoir peur de faire un faux pas. Jusqu’ici, elle n’avait absolument pas regretté son choix, ni son admiration pour la préfète. Bien sûr, elles étaient différentes sur bien des points, mais ça ne les empêchait pas d’avoir de nombreuses choses en commun et de pouvoir se donner des conseils sur bien des sujets. Sauf qu’ensuite, Scipion était arrivé. Tant qu’ils avaient été ennemis, la gryffondor n’avait rien eu à y redire. Ce garçon était un parfait crétin qui méritait de chuter de son piédestal en polystyrène pour venir s’écraser à ses pieds. Seulement, au lieu de le faire chuter comme sa meilleure amie l’avait espéré, Sarah s’était contentée de lui donner deux bouts de bois pour qu’il réussisse tan bien que mal à se maintenir en place et avait fini par lui donner son cœur en prime, cœur que Scarlett avait toujours pensé pouvoir détenir indéfiniment. Au-delà de la jalousie maladive qu’elle éprouvait envers ce merveilleux petit couple qui lui donnait surtout envie de vomir, elle était avant tout déçue du comportement de celle qu’elle avait toujours trouvé absolument fabuleuse. Sarah était devenue l’ombre d’elle-même, enfin en tout cas, dans les yeux de la rouge et or. Son intérêt pour les ragots avait diminué, elle pensait Scipion, mangeait Scipion, rêvait Scipion. Ce crétin était partout et ça en devenait insupportable. C’était pour cette raison que la rouge et or était si contente de le voir enfin sorti de leurs vies. Bien entendu, elle n’avait absolument aucune envie de le montrer, son rôle d’amie parfaite en prendrait un sacré coup, mais elle avait déjà l’impression que l’absence de son camarade était bénéfique pour tout le monde. Elles allaient enfin pouvoir se remettre à vivre dans leur petite bulle de deux, critiquant les autres élèves, passant leur temps dans les boutiques. Il y avait tellement de choses que la rouge et or regrettait… Finalement, elle n’avait peut-être rien perdu, appuyer sur le bouton pause lui avait au moins appris à quel point elle était attachée à sa vie actuelle qu’elle ne voulait perdre pour rien au monde.

« Oh… Personnellement, je pense que je vais éviter Lara, je crois qu’elle ne m’aime plus trop, je ne comprends vraiment pas pourquoi d’ailleurs. Mais pour ce qui est d’Alex, je te trouve bien difficile, il est vraiment pas mal. Enfin, je crache pas dessus, j’ai perdu Tyler, et il me tarde de lui trouver un remplaçant. »

Scarlett ne se souvenait pas avoir une seule fois mentionné ce petit détail dans l’une de leurs conversations, mais celle-ci s’y prêtait admirablement bien, autant dire ce qu’elle pensait réellement. Si la rouge et or avait toujours tenu à passer pour une enfant de chœur auprès de ses professeurs, ce n’était pas du tout la même chose avec sa meilleure amie. Elle pouvait penser ce qu’elle voulait d’elle, ça lui était totalement égal. La rouge et or ne se croyait pas moins parfaite simplement parce qu’il lui arrivait de temps à autre de poser son regard sur un garçon et d’apprécier son physique. Bon, parfois elle trouvait que le regard ne suffisait pas, mais ça arrivait à tout un tas de filles très bien, Sarah elle-même avait une sacré réputation dans ce domaine. C’était un peu gênant pour l’AVP d’ailleurs. La gryffondor avait toujours imaginé pouvoir tenir merveilleusement bien son rôle de présidente et donc avoir de plus en plus de crédit auprès de ses professeurs, mais avoir une trainée comme co-présidente ne l’aidait pas à renforcer la crédibilité de l’association qui était d’ailleurs en train de s’effondrer. Le départ d’Elliott y serait forcément pour quelque chose d’ailleurs. De tous les membres qui s’investissaient plus ou moins pour défendre les valeurs du club, il devait être le seul à penser réellement ce qu’il disait et malheureusement les personnes comme lui ne couraient pas les couloirs. Mais comment recruter les bonnes personnes ? La jeune fille n’en avait absolument aucune idée et de toute façon, pensait franchement laisser tomber l’idée dès l’année prochaine. Elle devait bien trouver un moyen de remplacer Tyler et ce n’était pas en restant les bras croisés avec son nuage de pureté au-dessus de la tête qu’elle y parviendrait. Beaucoup de garçons bien partaient cette année, il lui faudrait donc revoir un peu la liste qu’elle avait faite, puisqu’Alexander y figurait probablement en tête et qu’il serait sûrement un peu trop loin pour elle. Enfin, il était aussi au camping, mais Lara lui mettait sérieusement des bâtons dans les roues de ce côté-là et Scarlett désespérait de pouvoir un jour s’en débarrasser. Ce n’était pourtant que le début des vacances et elle aurait encore un peu le temps de voir ce qu’il se passait par la suite, si toutefois elle arrivait à croiser, par hasard bien sûr, le charmant serdaigle.

"Aucune importance de toute façon, on est là maintenant ! On la fait, cette fête d'anniversaire ou pas ? C'est bien la première fois qu'on a l'occasion d'être réunies ce jour-là, ce serait bête de passer à côté ! Tu veux sortir ce soir, ou on reste là à refaire le monde en gloussant ?"

Aucune importance ? Ces deux mots suffisaient très largement à attiser la curiosité de la jeune fille. Et dire qu’elle avait passé toutes ces années avec sa meilleure amie sans jamais chercher à savoir si elle était le genre de personne à dissimuler des informations intéressantes. Pourtant, il était plus que probable que Sarah soit une vraie cachotière, quoi de plus facile que découvrir ceux des autres lorsqu’on en avait soi-même. Scarlett n’expliquait pas qu’elle n’ait jamais fait preuve de trop de curiosité à ce sujet. Pourtant, il n’était pas compliqué de trouver ce qui l’avait poussé à éviter le sujet et il n’y avait pas une seule raison, malheureusement. La première et la plus évidente était tout simplement la peur. Cet interrogatoire pouvait ne pas être à sens unique, et si jamais elle devait révéler plusieurs parties de son passé ou de son présent, elle n’était pas certaine de gérer correctement la situation. La deuxième se rapprochait assez facilement de la première. Depuis qu’elle connaissait Sarah, la rouge et or ne se souvenait pas l’avoir déjà dû manquer de quelque chose. Elle enviait la facilité avec laquelle elle parvenait à obtenir ce qu’elle voulait sans même avoir besoin de jouer les hypocrites, ou du moins c’était ce qu’elle imaginait. Elle n’avait aucun mal à voir une famille unie en toutes circonstances. Sa meilleure amie devait avoir eu une enfance très heureuse et Scarlett n’avait aucune regret concernant la sienne, seulement ça ne l’empêchait pas d’être légèrement envieuse et elle avait parfois beaucoup de mal à le cacher. Cependant, aujourd’hui était complétement différent. Sarah l’avait déçue, et quoi qu’elle puisse lui dire sur sa merveilleuse famille ne suffirait pas à rattraper la chute vertigineuse qu’elle était en train de faire dans son estime. Bien entendu, elle était toujours sa meilleure amie, mais elle n’avait plus la même admiration pour elle qu’auparavant. C’était assez compliqué en fin de compte, mais la rouge et or était convaincue que c’était le bon moment pour aborder un sujet un peu plus délicat que les autres. Au pire, si Sarah se mettait à lui poser des questions, elle pourrait se plaindre pendant deux cent ans de cet horrible anniversaire sans avoir à discuter de tout ce qu’il y avait autour. C’était même une excellente occasion de vider son sac.

« On refait le monde en gloussant. Mais en l'occurrence, c'est plutôt ton monde qui m'intéresse. Tu n’as pas vraiment répondu à ma question et généralement, c’est pas très bon signe. »

Scarlett piocha dans la liste de ses sourires encourageant, regrettant de ne pas avoir un miroir en face pour pouvoir constater sa réussite. Malheureusement, ce n’était pas le cas et elle dut se contenter de regarder Sarah avec attention en se demandant si la réaction qu’elle adopterait lui serait ou non favorable.

« Oh… Personnellement, je pense que je vais éviter Lara, je crois qu’elle ne m’aime plus trop, je ne comprends vraiment pas pourquoi d’ailleurs. Mais pour ce qui est d’Alex, je te trouve bien difficile, il est vraiment pas mal. Enfin, je crache pas dessus, j’ai perdu Tyler, et il me tarde de lui trouver un remplaçant. »

Si ses premiers mots lui tirèrent sans mal un sourire amusé — peut-être que le baiser que Scarlett avait donné au petit-ami de la dite Lara y était vaguement pour quelque chose dans cette soudaine inimitié, bien qu'elle n'ait jamais entendu dire qu'elles étaient de grandes amies — la suite la fit hoqueter de surprise. Elle avait perdu Tyler ? Parce qu'il y avait quelque chose entre elle et Tyler ? Le Tyler, celui dont elle s'était cru proche un jour et l'un des rares à qui elle avait fait confiance, bien à tort d'ailleurs ? Que devenait-il d'ailleurs ? Il avait disparu du jour au lendemain de l'école, certain disait qu'il s'était fait renvoyer, d'autres qu'il était parti de son plein gré et on pouvait même entendre qu'il avait fini à Azkaban, bref autant de théories qu'il y avait d'élèves ou presque. Elle croyait bien volontiers qu'il s'était fait expluser pour d'obscures raisons, il avait essayé de tuer quelques uns de leurs camarades au sein même de l'école, il n'y aurait rien eu d'étonnant à ce qu'il remette le couvert d'une manière plus discrète mais pas suffisamment pour échapper à la direction. Le fait qu'elle cherche un remplaçant à un Tyler absent ne mit pas longtemps à lui rappeler l'absence du Gryffondor au moins qu'elle se demanda même si ce n'était pas volontaire, pour voir si elle se mettait à pleurnicher ou quelque chose dans le genre. Même si elle aurait donné n'importe quoi pour lui hurler dessus de se taire avant de disparaître sous sa couette, elle n'en fit rien, se contentant de sourire d'un air complice et entendu.

"Je n'ai jamais dit qu'il était moche, ce n'est juste pas vers lui que je me tournerai en premier, c'est tout. Je préfère de loin Elliott, voire O'Connor à la limite. J'ai été amené à le côtoyer un moment, je te l'avais dit je crois, et même si c'est un crétin, il est vraiment bien foutu. De toute façon, il ne serait pas là pour faire la conversation alors ça n'a pas grande importance qu'il ait le Q.I d'un petit pois..."

La Poufsouffle soupira doucement, l'air vaguement rêveur, comme si elle s'imaginait mille et un scénarios avec, en guest stars, ses deux anciens collègues. Elle en était pourtant bien loin, et n'avait pas l'intention de s'intéresser à qui que ce soit pour l'instant. Ni Maddox ni personne d'autre... Encore moins Maddox que les autres d'ailleurs. La simple mention de son nom la ramenait à la salle de duel ou pire encore à la salle de bal. Il avait été présent du début à la fin de son histoire avec Scipion... Elle n'avait jamais vraiment fait le rapprochement, parce que ça n'avait aucune importance, mais maintenant qu'il n'y avait plus d'histoire, elle se surprenait souvent à analyser en long, en large et en travers chaque instant qu'elle avait passé en sa compagnie, remarquant des détails insignifiants qui n'avaient d'intérêts que pour elle, comme ça pouvait être le cas pour celui-ci. Sa meilleure amie n'était pas obligée de le savoir, bien au contraire. Il fallait qu'elle soit persuadée qu'elle avait tiré un trait sur le jeune homme, qu'elle était passée à autre chose et que la semaine qu'elle avait passé à Newcastle avait suffit à la remettre sur le droit chemin. Elle ne promettait rien, puisqu'elle n'avait jamais été très douée pour lui faire croire quoi que ce soit depuis qu'elle avait commencé à se poser des questions sur ce qu'elle ressentait réellement envers lui mais ça ne coûtait rien d'essayer. Si elle y arrivait, leur amitié repartirait certainement de plus belle et elle aurait autre chose à faire de son année que de tenir compagnie à Whitby à la bibliothèque, ce qui n'était pas négligeable. Et puis même si elle ne se l'avouait pas, elle lui manquait. Malgré leur réconciliation bancale, ce n'était plus comme avant et elle regrettait le temps où elles règnaient en maître sur les couloirs, critiquant tout et tout le monde de bon coeur comme s'il n'y avait rien d'autre qui comptait.

« On refait le monde en gloussant. Mais en l'occurrence, c'est plutôt ton monde qui m'intéresse. Tu n’as pas vraiment répondu à ma question et généralement, c’est pas très bon signe. »

Sarah resta bien silencieuse après ça. Son monde ? Il se barrait en ruine, il n'y avait plus rien qui tenait debout, plus rien qui lui semblait avoir de l'importance... Elle n'avait pas spécialement envie de lui en faire une quelconque description. Pour lui en dire quoi de toute façon ? Qu'elle détestait sa mère et que le reste de sa famille n'était qu'une illusion, qu'un mensonge ? Que ses véritables amis pourraient rejoindre sans mal le sac de ceux dont elles se fichaient ouvertement à longueur de journée ? Qu'elle jouait un double jeu depuis le début, lui mentant en permanence pour garder l'image parfaite qu'elle avait toujours essayé d'avoir jusque là ? Elle n'était sûre que ce soit bien utile. D'un geste elle agita sa baguette, la bouteille posée sur la table s'ouvrit et remplit elle-même les deux verres avant qu'ils n'atterrissent entre les mains des deux jeunes femmes. Elle vida le sien d'un coup en grimaçant avant de jouer négligemment avec, manquant de le faire tomber plusieurs fois. Scarlett attendait une réponse et continuer à se taire était avouer qu'elle avait des choses à cacher. Tout le monde en avait, c'était certain, mais elle n'était pas censée avoir le moindre secret pour sa "meilleure amie". Les recommandations de Scipion lui revinrent de nouveau en mémoire alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la bouche. Elle ne pouvait pas avoir confiance en elle, elle ne le savait que trop bien. Elle haussa distraitement les épaules.

"Mon monde ? Il est d'un ennui, tu n'imagines même pas à quel point." répliqua t-elle, faussement lasse. "Mais pour répondre à ta question, je ne suis pas pressée de quitter mes parents, je suis très bien chez moi. Pour venir ici, ça ne me gêne pas plus que ça, c'est vrai, mais je crains de ne plus avoir beaucoup de temps à passer à Newcastle, et ça m'embête sincèrement."

Ce n'était pas vraiment un mensonge, elle s'était contentée de sous-entendre qu'elle avait une vie de rêve, dans une famille aimée et aimante sans donner le moindre détail dessus. Elle n'était pas pressée de partir, c'était un fait, elle était on ne pouvait plus honnête en le reconnaissant. Se faire passer pour une pauvre gamine triste de quitter ses géniteurs ne la gênait pas outre mesure, elle ne leur avait jamais cassé de sucre sur le dos devant ses camarades, avait toujours parlé de "son père" même s'il ne l'était pas et n'avait jamais avoué haïr sa mère plus que toute personne au monde, sauf auprès d'Elliott mais il y avait bien peu de chance qu'il en ait parlé à qui que ce soit, aussi pouvait-elle continuer son manège un moment. Elle avait pris grand soin de ne pas faire mention de Danah, s'évitant ainsi des explications supplémentaires et inutiles. Elle n'avait jamais dit à sa meilleure amie qu'elle avait une soeur, notamment parce qu'il était aisé de comprendre qu'elles n'avaient pas le même géniteur. C'était à la portée de Scarlett, il valait donc mieux se taire que d'apprendre à tout le château que sa famille parfaite n'existait pas.

"Je suis traîtée comme une véritable princesse à la maison, alors devoir vivre seule à Londres pour aller à l'université ne m'enchante pas. Je n'aurais pas à travailler, c'est vrai, mais ça ne sera plus jamais pareil. Je pensais que tu comprendrais ça mieux que n'importe qui d'autre pourtant. Il s'est passé quelque chose avec tes parents durant la semaine que tu as passé avec eux ? Tu veux en parler ?"

"Je n'ai jamais dit qu'il était moche, ce n'est juste pas vers lui que je me tournerai en premier, c'est tout. Je préfère de loin Elliott, voire O'Connor à la limite. J'ai été amené à le côtoyer un moment, je te l'avais dit je crois, et même si c'est un crétin, il est vraiment bien foutu. De toute façon, il ne serait pas là pour faire la conversation alors ça n'a pas grande importance qu'il ait le Q.I d'un petit pois..."

En même temps, Sarah n’avait pas forcément besoin d’avoir quelqu’un de très intelligent à ses côtés pour avoir une conversation à son niveau. Mais c’était une simple question de point de vue. La rouge et or n’était pas tout à fait d’accord avec ses choix. Elliott… Franchement. Il était drôle parce qu’il jouait le rôle du curé coincé qu’il fallait dévergonder. Mais d’après ce que tout le monde disait une serpentard s’était chargée de s’occuper de ça avant elle. C’était bien malheureux, à croire que tous ses premiers choix lui passaient sous le nez sans qu’elle ne puisse rien faire pour les retenir. Qu’est-ce que Livy avait de plus qu’elle ? Rien du tout, c’était bien ça le problème, elle avait réussi à s’approprier ce garçon simplement parce qu’elle n’avait eu qu’un seul objectif en vue alors que Scarlett avait toujours beaucoup trop de travail pour réussir à se tenir au courant de tout en permanence. Mais de toute façon, ça n’avait aucune importance. Quoi qu’il puisse se passer, elle parviendrait toujours à faire ce dont elle avait envie un jour ou l’autre. Elle était plus belle, plus intelligente et plus maligne que les autres, bien sûr qu’elle arriverait à ses fins, et si elle devait passer après Livy ou Lara ça n’avait absolument aucune importance. Et puis, prendre son temps lui évitait de faire les mauvais choix. Il fallait simplement voir Sarah pour s’en rendre compte, elle avait foncé avec son abruti de gryffondor et maintenant, elle se retrouvait complétement dans les choux. Normal. Mais à quoi bon répéter à tort et à travers qu’elle avait eu raison depuis le début. De toute façon, elle avait toujours raison, une fois de plus ou une fois de moins… Elle allait tout gentiment attendre que Sarah lui avoue qu’elle avait eu tort de ne pas lui faire confiance. Ca arriverait, un jour, elle en était convaincue.

« Ouais, je sais, j’avais déjà remarqué à Noël. » Répliqua la jeune fille tout en grimaçant. « Franchement, il y a mieux quand même. Et puis, Elliott franchement, il est complétement à l’opposé du garçon fait pour toi. Il faudrait qu’on fasse une liste, un Top 10 en fait. J’ai fait la mienne il y a un bout de temps maintenant. »

En voilà une occupation idéale pour un anniversaire entre filles ! Scarlett avait toujours rêvé de pouvoir critiquer tous les garçons de l’école en gloussant pour pouvoir dresser une vraie liste. Elles pourraient certainement y passer des heures, faire un tableau de plus et de moins, un vrai classement qu’elles pourraient publier à la rentrée dans le journal de l’école. Peut-être même pourraient-elles choisir de leur faire passer à tous des entretiens ? Il faudrait trouver un meilleur motif que l’élection du garçon « à avoir », pourquoi pourraient-elles faire passer ça ? Une recherche de garde du corps ? Le choix de la première page du journal de l’école ? Elle allait bien trouver une bonne excuse pour pouvoir passer un après-midi complet à se rincer l’œil en regardant l’un après l’autre tous les garçons qui lui passaient devant les yeux. Bon, après, il fallait aussi que Sarah approuve l’idée, mais il était évident qu’elle en serait ravie. Elle devait se remettre de sa précédente relation, bien qu’elle ne semble pas franchement traumatisée par l’absence du gryffondor. Scarlett voulait à tout prix faire en sorte qu’ils ne puissent jamais être aussi proches qu’ils l’avaient été à Poudlard et si pour cela, elle devait lui céder tous les garçons de l’école, elle n’aurait aucun problème pour le faire. Après tout, elle pouvait bien se mettre à la diète pendant un an, ça ne lui couterait pas tant que ça. En plus, c’était l’année des ASPIC, elle allait devoir travailler un peu plus que d’habitude si elle voulait réellement réussir ses examens. En plus, comme tous les élèves de son âge, un projet d’avenir s’imposait et les siens étaient tous trop flous ou légèrement trop ambitieux. La rouge et or avait de toute façon prévu de demander conseil à ses professeurs en temps utile, histoire qu’ils puissent voir de leurs propres yeux qu’elle s’investissait à fond dans sa scolarité. C’était un moyen comme un autre de grappiller quelques points.

"Mon monde ? Il est d'un ennui, tu n'imagines même pas à quel point. Mais pour répondre à ta question, je ne suis pas pressée de quitter mes parents, je suis très bien chez moi. Pour venir ici, ça ne me gêne pas plus que ça, c'est vrai, mais je crains de ne plus avoir beaucoup de temps à passer à Newcastle, et ça m'embête sincèrement."

C’était dans ces moments-là que Scarlett constatait à quel point elles pouvaient être différentes. La vie que la jeune fille s’inventait était assez semblable à celle que menait pour de vraie sa meilleure amie. Elle avait la famille parfaite, unie, soudée, merveilleuse. Les activités familiales étaient nombreuses, les adieux douloureux et déchirants. Sa mère lui envoyait des hiboux trois fois par jour en aspergeant son parfum sur les feuilles de papiers, son père pensait à elle quand il passait devant de luxueux magasin et lui envoyait à l’occasion une robe ou deux lorsqu’il prenait le temps de s’arrêter. Après tout, un grand chef d’entreprise comme il l’était avec beaucoup d’occupations et ne savait plus où donner de la tête, cependant, il parvenait toujours à avoir une pensée pour sa fille pendant la journée et se hâtait de la rejoindre le soir venu, désireux de passer de bons moments avec elle. Ca s’était le tableau idéal de la famille, revisité par Scarlett. Vu de sa fenêtre, la préfète semblait connaitre ce genre d’utopie au quotidien, et ça l’énervait d’autant plus qu’elle était obligée de faire d’un rêve une réalité alors que pour d’autre, tout ceci était bien réel. C’était sûrement pour cette raison que la rouge et or nourrissait d’autres ambitions que de rester enterrée dans un trou perdu à attendre que le monde tourne. Elle voulait être célèbre, que le monde entier se souvienne d’elle parce qu’elle aurait fait quelque chose de merveilleux, ou tout simplement parce qu’elle serait devenue quelqu’un de merveilleux. Peut-être aurait-elle une rue à son nom plus tard ? Ou, mieux, un monument ? C’était de l’ordre de l’envisageable. Une statue à son effigie ne pourrait qu’embellir Londres, tout le monde méritait de pouvoir la regarder, elle en était convaincue.

« Newcastle ? Sérieusement ? C’est vraiment là que tu veux passer le restant de tes jours ? C’est petit et perdu, je vois vraiment pas l’intérêt. Je suis sûre qu’ils sont en retard d’au moins trois semaines sur la mode. Allons Chérie, tu peux avoir bien mieux que ça, regarde-toi, tu es jeune, splendide et absolument irrésistible. Rien ne pourra te résister. »

Elle espérait plus ou moins secrètement que Sarah n’arrive jamais à la surpasser. Quelques années auparavant, elle imaginait que la poufsouffle serait toujours au-dessus d’elle quoi qu’il arrive. Vivre dans son ombre ne la dérangeait pas pourvu qu’elle reste la même jeune fille incroyable que d’habitude. Même à onze ans, elle pouvait déjà obtenir tout ce qu’elle voulait avec un simple claquement de doigt, elle était impressionnante. Mais en même temps, être aussi exceptionnelle dès le début, ne pouvait rien lui apporter de bon pour la suite. Elle ne pouvait que rester égale à elle-même ou bien régresser sensiblement au fur et à mesure que les années s’écouleraient. Jusqu’ici, elle avait pourtant bien réussi son coup, pas un seul faux pas, ou en tout cas, pas un dont tout le monde avait pris connaissance. Elle était toujours au top, et cette année… Elle avait dû tomber d’un seul coup au plus bas de l’échelle des loosers. Pas étonnant qu’elle se mette à apprécier un peu plus Flynn maintenant, elle venait de s’arrêter à son niveau, et encore, elle s’accrochait sûrement à sa cravate pour ne pas aller rejoindre Brawne. Il ne manquait plus qu’elle se mette à lire des bouquins à longueur de journée et elle serait devenue Sarah le pathétique rat de bibliothèque. Mais non ! En tant que meilleure amie, elle ne laisserait jamais une chose pareille se produire. La préfère lui témoignerait une reconnaissance éternelle en réalisant que grâce à la rouge et or elle avait échappé à un funeste destin qui essayait de la happer sans qu’elle s’en rende compte.

"Je suis traitée comme une véritable princesse à la maison, alors devoir vivre seule à Londres pour aller à l'université ne m'enchante pas. Je n'aurais pas à travailler, c'est vrai, mais ça ne sera plus jamais pareil. Je pensais que tu comprendrais ça mieux que n'importe qui d'autre pourtant. Il s'est passé quelque chose avec tes parents durant la semaine que tu as passé avec eux ? Tu veux en parler ?"

Le visage de Scarlett se ferma presque instantanément. Pour camoufler son agacement, elle attrapa d’un geste un peu trop vif le verre posé devant elle et le vida d’une seule traite en prenant bien soin de regarder n’importe où sauf dans la direction de sa meilleure amie. Bien sûr qu’il s’était passé quelque chose ! C’était même une évidence. Si Sarah était trop bête pour remarquer qu’aucun cadeau ne lui avait été apporté, c’était son problème, elle n’était pas non plus obligée d’enfoncer le clou plus profondément, encore. Et puis, de toute façon, qu’est-ce qu’elle pouvait bien en avoir à faire réellement ? Ce n’était que de stupides lettres, de personnes toutes aussi stupides qu’elle n’avait jamais eu envie de recevoir et encore moins de lire. Après tout, qu’est-ce que ça pouvait lui apporter ? Rien du tout, ce ne serait que des mots sur une page blanche, et une vraie perte de temps au final. Voilà, ses parents lui avaient justement rendu service en choisissant un silence radio comme cadeau d’anniversaire, elle n’aurait pas pu rêver mieux. Ce n’était pas un oubli, c’était quelque chose de tout à fait volontaire ! La mauvaise foi de la rouge et or faisait peur à voir, et pour une fois, elle n’arrivait même pas à se persuader d’avoir raison. Ses parents l’avaient bel et bien oublié, et le pire était, qu’avec la séparation, ils n’avaient pas pu se concerter dans leur oubli, elle avait donc l’impression d’être doublement passée à la trappe. Au moins, elle aurait une raison toute trouvée pour faire la gueule en rentrant chez elle pour le court laps de temps entre le match et la reprise des cours. Personne ne pourrait lui reprocher quoi que ce soit, sa colère était tout à fait légitime.

« Non, merci, ça va. » Lança-t-elle sur un ton un peu plus sec qu’elle ne l’aurait voulu. « Une princesse ? Vraiment ? Tu veux dire que tu as tout ce que tu veux quand tu le veux ? J’ai du mal à imaginer comment ça peut être chez toi. »

Scarlett avait beau vouloir essayer de se préserver d’une quelconque jalousie, elle était beaucoup trop curieuse pour réussir à contenir toutes les questions qui lui venaient à l’esprit. De toute façon, maintenant qu’elle savait que Sarah avait une vie de princesse, il ne pouvait certainement rien arriver de pire. Tant qu’elle réussissait à l’éloigner des questions qu’elle pouvait bien lui poser sur sa vie à elle, ça ne pouvait être qu’une discussion positive.

« Ouais, je sais, j’avais déjà remarqué à Noël. Franchement, il y a mieux quand même. Et puis, Elliott franchement, il est complétement à l’opposé du garçon fait pour toi. Il faudrait qu’on fasse une liste, un Top 10 en fait. J’ai fait la mienne il y a un bout de temps maintenant. »

Sarah leva les yeux au ciel en souriant doucement. A Noël... Elle avait vaguement laissé sous-entendre qu'elle fréquentait le Serpentard pour ne pas avoir à expliquer les véritables raisons de son malaise à table, ce qui l'arrangeait d'ailleurs très bien. Elle n'aurait cependant jamais imaginé que Scarlett puisse la prendre au sérieux. Il s'agissait de Cooper après tout. Ils se supportaient pas le moins du monde et se côtoyaient quand ils n'en avaient pas le choix, à l'exception de cette collaboration foireuse qui l'avait entraîné sur une pente bien trop glissante à son goût. Ca n'avait plus la moindre importance de toute manière, lui aussi était désormais loin, il ne risquerait pas d'arriver comme une fleur dans sa vie, l'obligeant à faire des choix complètement stupides pour garder la face devant sa meilleure amie. Meilleure amie qui semblait d'ailleurs ne voir que du feu à son petit jeu, se contentant de s'enfoncer dans la conversation le plus normalement du monde comme si l'ombre de Scipion ne planait pas sur tous leurs plans idiots pour occuper l'été. Elle ne pouvait que se réjouir d'être aussi convainquante alors qu'au fond d'elle, elle ne rêvait que de retrouver son lit et de prier pour que le temps passe bien vite. Elle ne supportait plus son absence et craignait que s'imaginer dans les bras du premier mâle potable qui passerait, simplement pour faire bonne impression, ne l'aiderait pas à la supporter davantage. Où pouvait-il bien être, que pouvait-il bien faire pendant qu'elle feignait de rêvasser à des amours de vacances qui ne l'intéressaient pas le moins du monde ? Il était certainement passé à autre chose, vivant sa vie comme bon lui semblait... Et elle ne pouvait pas le lui reprocher. Ils avaient toujours été d'accord là-dessus, à la fin de l'année tout serait terminé. L'année s'était achevée, emportant avec elle ces bonnes résolutions... Elle aurait tant voulu que ça ne se termine jamais. Elle s'était même bêtement attendue à avoir des nouvelles, mais non... Que pouvait-elle espérer encore de toute manière ? Il lui fallait tirer un trait sur toute cette histoire même s'il n'y avait rien qu'elle souhaitait aussi peu... Pour l'heure, il fallait continuer cette masquarade.

"C'était le seul garçon de Poufsouffle à être physiquement intéressant." fit-elle remarquer en s'affalant un peu plus encore dans son fauteuil tout en taisant qu'elle préférait davantage encore sa compagnie à son apparence pourtant bien plaisante."Un Top10 ? Parce que tu crois vraiment qu'on peut trouver dix garçons à mettre dedans ? Sincèrement, je demande à voir !"

Elle finit par glousser et se mit à jouer distraitement avec l'ourlet de son short. Qu'elle fasse toutes les listes qu'elle voulait, il ne serait jamais à la hauteur de ses attentes de toute façon. Comme si elle pouvait se mettre à baver sur la quasi-totalité de la gente masculine de l'école ! Ils étaient tous totalement dénués d'intérêt. Elle n'avait pas envie de passer ses vacances à leur courir derrière pour coller au rôle de pouffe qu'elle avait toujours eu, elle n'avait pas plus envie d'écouter la Gryffondor lui conter combien il lui fallait trouver quelqu'un sur qui jeter son dévolu... Elle ne rêvait que de le voir arriver, lui promettre que ça ne se finirait jamais... Lors du bal, elle avait été prête à tout envoyer valser pour le suivre, il pouvait toujours revenir la chercher et l'emmener loin, là où rien ni personne ne pourrait plus jamais les séparer. Le moindre bruit extérieur attirait son attention, comme s'il était possible qu'il trouve leur tente et vienne l'enlever. Ses parents ne pourraient rien dire, ils seraient là devant le fait accompli, bien obligés d'accepter la situation. Leur brillante aînée ne terminerait jamais ses études, bien trop occupée à roucouler dans les bras d'un jeune homme dont ils ne connaissaient même pas l'existence. Ca ressemblait beaucoup à ces romans stupides qu'elle empruntait à sa mère pour passer le temps lorsqu'elle était en vacances. Elle n'avait jamais voulu en jouer les héroïnes mais leurs vies lui semblaient tellement plus enviables que la sienne à l'heure qu'il était... Bien sûr leur existence aurait été pathétique et décousue mais elle n'en aurait eu que faire, il aurait été là et le reste n'aurait pas eu la moindre importance. Mais non, à la place il était loin, trop loin... Elle ne savait même pas où d'ailleurs. Elle n'avait jamais songé à lui demander ce qu'il ferait de ses vacances, par crainte sûrement d'avoir à accepter la fin trop proche. Elle le regrettait désormais. Elle n'aurait pas été le rejoindre, non, mais le tableau aurait pu avoir un fond. Il était quelque part, mais quelque part restait bien vague...

« Newcastle ? Sérieusement ? C’est vraiment là que tu veux passer le restant de tes jours ? C’est petit et perdu, je vois vraiment pas l’intérêt. Je suis sûre qu’ils sont en retard d’au moins trois semaines sur la mode. Allons Chérie, tu peux avoir bien mieux que ça, regarde-toi, tu es jeune, splendide et absolument irrésistible. Rien ne pourra te résister. »

La blonde gloussa de nouveau face à tous ces compliments. Elle ne savait pas s'ils étaient sincères ou non, mais ils étaient toujours bons à prendre, surtout après l'avoir tant déçue. Savoir — ou du moins imaginer — qu'elle ne la considérait pas simplement comme une idiote lambda comme il y en avait des dizaines et des dizaines à Poudlard avait quelque chose de rassurant, lui laissant même entrevoir un instant la récupération de la place merveilleuse et dorée qu'elle avait autrefois occupée au sein de l'école. Elle avait conscience qu'elle s'était quelque peu laisser aller ces derniers mois, vivant davantage pour le Gryffondor que pour l'image qu'elle avait mis six ans à se forger et qui avait eu le temps de légèrement se dégrader. Bien entendu, avoir été aussi supérieure à toute la marée humaine qu'elle côtoyait par obligation avait été d'une aide précieuse puisqu'elle restait tout de même au dessus d'eux après ce relâchement. Ce n'était plus ce que c'était, c'était vrai, mais il lui aurait fallu plusieurs années pour se retrouver à leur niveau, aussi bas que ça. Scipion parti, elle n'aurait d'autre occupation que de gravir à nouveau un à un les échelons qu'elle avait malheureusement descendu. Poudlard lui appartiendrait pour de bon, et avec sa meilleure amie elles règneraient en maîtres sur le domaine, se retrouvant à la tête d'une foule de sujets stupides et dévoués. C'était de toute façon tout ce qu'elles méritaient, la première place, le trône... Le château s'enfoncerait dans une monarchie absolue dont personne ne voudrait sortir puisqu'elles étaient bien trop fabuleuses pour qu'on puisse vouloir les renier rien qu'un instant. Ce serait la meilleure année qu'elle passerait à l'école, à deux mois près. Un sourire rêveur et satisfait étira ses lèvres alors qu'elle agitait de nouveau sa baguette pour remplir son verre. Dans cette aventure peut-être aurait-elle eu le beurre, l'argent du beurre et même le crémier ? Au fond, la vie était bien faite. Quoi qu'un peu trop cruelle...

"Bien sûr que non. Je n'ai pas l'intention de rester à Newcastle éternellement mais je ne suis pas pressée de quitter mes parents pour autant. Je déménage durant les prochaines grandes vacances, on a eu le temps d'en discuter un peu et ils ne semblent pas y voir d'inconvénients. Je crois qu'ils comprennent que rester là-bas nuirait à ma réussite. Ils sont toujours à se vanter auprès de leurs amis de mes excellentes notes, ils ne peuvent pas se permettre d'entraver l'avenir brillant qu'ils envisagent pour moi."

Elle fit tourner quelques secondes le contenu de son verre et y trempa ses lèvres avant de pianoter dessus du bout de ses ongles parfaitement manucurés. Si ce n'était pas véritablement un mensonge, ce n'était pas non plus totalement la vérité. Bien sûr, ils étaient fiers d'elle et n'hésitaient pas à le lui prouver en cédant à ses caprices à chaque fois qu'ils en avaient l'occasion mais ils ne faisaient pas la moindre remarque élogieuse à son sujet auprès de leurs proches, elle y arrivait très bien toute seule et n'avait guère besoin d'eux. Elle aimait participer aux Tea Parties qu'organisait sa génitrice pour se moquer ouvertement d'elle et de ses idiotes amies bien mariées, expliquant en toute innocence qu'elle préférait réussir par elle-même plutôt que de se faire entretenir éternellement par un mari aisé, ce qui jetait généralement en froid dans la conversation, lui attirait les regards las de sa mère et la satisfaisait au plus au point. — De toute façon, elle n'avait jamais vraiment envisagé de se fixer sentimentalement parlant un jour, ce qui excluait facilement de jouer les épouses modèles et les mères au foyer formidables; la seule fois où elle s'était laissée aller à rêvasser à ce genre de chose, elle s'était lamentablement rendue compte que ça n'arriverait jamais... Encore une fois, toutes ses pensées revenaient d'elles-mêmes vers Scipion... — Elle pouvait ensuite se consacrer toute entière à son thé à la violette en émiettant distraitement son gâteau alors que les conversations reprenaient de plus belle, généralement autour des personnalités sorcières de la ville ou des derniers modèles de robes exposés en vitrine des boutiques de luxe. S'il n'y avait pas eu Danah, ses amis moldus, son beau-père et l'entente inexistente avec cette femme idiote qu'elle devait appeler "Maman", elle aurait été ravie d'inviter Scarlett à l'une de ces délicieuses après-midis... Mais il lui aurait fallu pour ça une vie de parfaite petite princesse sorcière, ce qu'elle n'avait qu'à moitié. Lui expliquer qu'elle lui avait menti depuis six ans ne l'enchantait pas, aussi préférait-elle s'en abstenir totalement.

« Non, merci, ça va. Une princesse ? Vraiment ? Tu veux dire que tu as tout ce que tu veux quand tu le veux ? J’ai du mal à imaginer comment ça peut être chez toi. »

Si Sarah remarqua le changement d'attitude chez sa meilleure amie, elle n'y fit pas plus attention que ça. Elle s'était gentiment proposée de l'écouter si elle en avait besoin, si elle ne souhaitait pas s'épencher alors qu'elle consentait à la laisser faire comme toute amie se le devait, c'était son choix. Elle n'allait pas s'amuser à jouer les Sherlock Holmes pour découvrir ce qui n'allait pas. Ce n'était pas tant qu'elle s'en fichait, juste qu'elle ne voulait pas ouvrir une brèche énorme en se permettant d'insister; brèche dans laquelle Scarlett n'hésiterait pas à s'engouffrer la prochaine fois qu'elle se tairait également. Elle ne chercherait pas plus loin, voyant là davantage ses intérêts futurs que ceux qu'elle pourrait avoir sur l'instant. Elle avala une nouvelle gorgée et soupira légèrement avant de pencher la tête sur le côté, d'un air étonné. Elle avait du mal à imaginer comment c'était chez elle ? Parce qu'elle ne vivait pas exactement la même chose, à la différence près qu'elle n'était pas que la pièce rapportée de sa famille parfaite ? Elle ne comprenait pas. Elle avait toujours cru que la Rouge et Or avait une vie de rêve, et voilà qu'elle insinuait que ce n'était pas le cas. Elle termina rapidement son verre et le reposa sur la table dans un geste un peu plus flou que d'ordinaire avant de se rasseoir correctement sur son siège, fixant sa meilleure amie comme si elle attendait des explications. Se pouvait-il qu'elle ait affaire à un imposteur comme elle-même l'était depuis le début ? Non... Probablement pas. Son imagination lui jouait des tours, rien de plus. La fatigue du voyage, certainement... C'était une excuse foireuse puisqu'elle était arrivée ici le plus normalement du monde par Portoloin, ce qui excluait les heures de train et tout le tralala qu'il y avait autour. Elle n'était pas plus fatiguée que d'habitude, elle se contentait juste de se voiler la face un peu plus encore.

"Oui, c'est ça. Surtout avec mon père d'ailleurs, comme il n'est pas souvent à la maison, on a tout ce qu'on désire. Il suffit de demander avec des yeux de chien battu et le tour est joué." expliqua t-elle avec enthousiasme. "Ce n'est pas ton cas ? C'est bizarre, je croyais qu'on se ressemblait beaucoup sur ce point. Je sais qu'on en a jamais vraiment parlé mais tu n'as jamais rien fait pour me faire croire le contraire. Est-ce que je me trompe sur ton compte depuis qu'on se connait ?"

Il y avait bien peu de chance, mais pas aucune... Elle ne s'était toujours pas défait de son sourire, se faisant discrètement encourageante comme si elle espérait obtenir tous les secrets de sa chère amie. Elle se faisait sûrement des films, croisant les doigts pour tomber sur quelque chose d'intéressant pour sortir le Gryffondor de sa tête un moment. Et autant dire que la vie secrète de Scarlett suffirait certainement à l'en éloigner jusqu'à la fin de la soirée...

"C'était le seul garçon de Poufsouffle à être physiquement intéressant. Un Top10 ? Parce que tu crois vraiment qu'on peut trouver dix garçons à mettre dedans ? Sincèrement, je demande à voir !"

Scarlett fronça les sourcils alors qu’elle tentait de réfléchir au nombre de garçons qu’elle pourrait inscrire sur ladite liste. Choix numéro un ? C’était plutôt facile, il s’agissait d’Alexander. Le beau serdaigle avait toujours fait tourner les têtes et il était préfet ce qui ne gâchait rien, bien au contraire. En seconde position, il était simple de mettre Logan, un poufsouffle sportif, pas très fidèle mais pour la jeune fille, c’était plus une qualité qu’un défaut, il avait donc tout pour plaire, ou en tout cas, tout pour plaire à la rouge et or. Ensuite, ça se compliquait un peu. Il y avait bien Elliott, mais il était difficile de mettre ce garçon inaccessible en troisième position. D’accord il n’était pas moche du tout et le côté chaste et pur pouvait amuser cinq minutes mais à la longue ça devenait frustrant et enquiquinant. Un principe tel que celui défendu par l’ex septième année n’était amusant que s’il pouvait être brisé, or, ça ne semblait pas franchement être le cas pour le poufsouffle. De toute façon, il était dans les bras de sa Livy à présent et il en devenait presque inintéressant. Mais bon, son corps de rêve n’avait pas disparu, il pouvait donc conserver sa place dans sa liste. Jake… Il prenait évidemment la quatrième place, à croire que les jaunes et noir enrôlaient tous les beaux gosses de Poudlard, c’était tout à fait injuste. Est-ce qu’elle avait eu ne serait-ce qu’un garçon correct dans sa maison ? Elle ne s’en souvenait pas et avait d’ailleurs passé toutes ses nuits seule dans son lit depuis six ans, c’était un peu triste tout de même. Sarah avait peut-être raison en fin de compte, il était difficile de trouver dix garçons différents, Scarlett commençait déjà à sécher légèrement, mais, ne serait-ce que par fierté, elle voulait être sûre d’avoir le compte exact. Alors, cinquième place ? Sebastian peut-être ? Elle s’y était plus intéressée en tant qu’ami qu’en tant que conquête, mais ce n’était pas pour autant qu’elle le trouvait laid bien au contraire. Il devait faire tourner bien des têtes lui aussi, même si ce n’était pas la sienne. Sixième position ? La rouge et or aurait bien vu Tyler, en temps normal elle l’aurait mis tout en haut, mais il était parti il y a longtemps et donc bien inutile, si son nom apparaissait à présent, c’était bien parce qu’elle commençait à être à court d’idée. Il lui en manquait encore beaucoup trop et les possibilités se faisaient de plus en plus restreintes… Gabriel en septième position ? Le seul rouge et or à peu près potable, et encore il fallait regarder en plissant les yeux ou vraiment voir flou, et surtout éviter de lui parler parce que ça cassait le mythe immédiatement. Huitième position ? Aïe, aïe, aïe, ça commençait vraiment à être difficile. À contrecœur O’Connor ? Scarlett ne l’aimait pas du tout, mais Sarah semblait lui trouver des charmes certains et au moins, il remplissait un peu sa liste. Sauf que maintenant, elle n’avait plus du tout d’idée. Sarah avait donc raison, mais il était absolument inutile de le lui faire remarquer.

« Le seul ? Et Logan ? Et Jake ? Ils étaient pas trop mal eux aussi, rien que pour ça, je regrette un peu d’être à gryffondor, j’ai jamais eu un seul garçon potable en face de moi. Je commence réellement à croire que je suis maudite. Elle doit être possible cette liste, si on ajoute Tyler qui est parti et qu’on prend en compte ceux qui ne reviendront plus l’année prochaine. »

Oops… Et Scipion ? Scarlett avait pris l’habitude dès sa sortie de Poudlard de faire comme si le jeune homme n’avait jamais existé. De toute façon, elle ne mentait pas sur ce coup-là puisqu’elle ne l’avait jamais réellement trouvé beau. Il n’avait rien pour lui, rien du tout, il en avait autant à l’extérieur qu’à l’extérieur, et ça donnait plus envie de rire que de se jeter dans ses bras. Pour le coup, la rouge et or avait tout à fait conscience d’être d’une mauvaise foi inébranlable, mais elle s’en fichait. Elle se voyait mal rajouter volontairement Scipion à la liste, ça entrainerait inévitablement le retour de son ennemi dans leur sujet de conversation, et elle n’en avait aucune envie. Qu’il reste où il était, c’était parfait, ou mieux il pouvait aussi se déplacer pour aller directement dans la tombe. La gryffondor ne souhaitait pas souvent la mort de ses camarades, préférant largement faire passer ses envies de meurtre sur sa famille, mais là, il le méritait amplement. Le mieux à présent, était de trouver quelqu’un avec qui caser Sarah, elle ne s’y connaissait pas trop en chagrin d’amour puisque par bonheur, elle n’avait jamais eu à en vivre un, mais quelque chose lui disait qu’un autre garçon qui comblerait le vide occasionné par la disparition du premier copain, serait une excellente thérapie. Non ? Au moins, elle jouait à la parfaite amie dévouée. Si la préfète voulait s’assoir dans le canapé toute la nuit, avec un horrible pyjama à nounours et un pot de glace sur les genoux, elle était prête à rester avec elle, peu importe la dose d’anticernes qu’elle aurait à s’appliquer sur le visage le lendemain. Si ce n’était pas de l’amitié ça, elle voulait bien se faire bonne sœur, sur une courte période, mais quand même ! Scarlett regrettait presque de ne pas avoir pris avec elle tous les films à l’eau de rose que sa mère lui avait montré, elles auraient pu chouiner ensemble devant un navet romantique, ça leur aurait certainement pris la soirée et leur aurait évité de devoir rester toutes les deux dans le canapé à se raconter leurs petites vies pas si intéressantes que ça, finalement. Mais bon, elles étaient ensemble et c’était le principal. Elle n’auraient pas une grande soirée avec leurs deux familles et tous leurs amis, mais tant qu’elles étaient là l’une pour l’autre, ça suffisait, non ?

"Bien sûr que non. Je n'ai pas l'intention de rester à Newcastle éternellement mais je ne suis pas pressée de quitter mes parents pour autant. Je déménage durant les prochaines grandes vacances, on a eu le temps d'en discuter un peu et ils ne semblent pas y voir d'inconvénients. Je crois qu'ils comprennent que rester là-bas nuirait à ma réussite. Ils sont toujours à se vanter auprès de leurs amis de mes excellentes notes, ils ne peuvent pas se permettre d'entraver l'avenir brillant qu'ils envisagent pour moi."

Comment ça elle n’était pas pressée de quitter ses parents ? Parce qu’en plus d’avoir tout ce qu’elle voulait grâce à eux, elle les aimait ? Non, ce n’était pas possible, elle les considérait comme des porte-monnaie sur pattes, ou toute autre chose utile qu’elle ne trouverait pas facilement ailleurs, non ? Scarlett avait toujours été plus ou moins convaincue d’être la seule personne à avoir une place enviable dans le cœur de la jaune et or. Grave erreur. Déjà, elle apprenait qu’un certain gryffondor avait obtenu une place qu’elle pensait inexistante pour ce qui était de sa meilleure amie, mais en plus elle était aimée par sa famille et l’aimait en retour. Ça aurait été tellement plus simple si tout cela avait pu se résumer à une simple histoire d’argent. Elles auraient pu peut-être un jour se moquer de leurs géniteurs respectifs. Dans un futur plus que lointain bien sûr, mais il était tout de même arrivé à la jeune fille de l’envisager et maintenant, elle ne pouvait même plus se le permettre. Dommage, ça lui aurait largement simplifié la tâche. Dans l’idéal, la rouge et or aurait attendu quelques années, histoire de consolider au maximum leurs liens, et aurait ensuite fait un joli « coming-out » qui se serait probablement terminé dans les larmes et les mouchoirs en papier. Sarah aurait été attendrie et touchée par son histoire et serait devenue plus attentionnée qu’elle avait pu l’être ces dernières années. Ça ne devait pas être trop difficile à obtenir. Pourquoi fallait-il que rien ne se passe comme elle le voulait ? Il y avait toujours quelque chose qui venait perturber ses plans. Elle parcourait toujours le même chemin en ligne droite, installée dans un splendide carrosse unique en son genre, mais de temps à autre, un minuscule petit gravillon venait se coincer sous une roue, ralentissant sensiblement son avancée. Mais à partir de maintenant, plus rien ne l’arrêterait, même si elle devait distribuer des râteaux à tous les élèves de Poudlard pour qu’ils préparent le terrain qu’elle allait traverser.

« Quoi ?! Tu vas déménager ? Mais pour aller où ? Et pourquoi tu ne m’en as pas parlé ? Je suis ta meilleure amie quand même, je devrais avoir le droit de connaitre tes projets, c’est normal. » Scarlett marqua une pause, hésitant avant de reprendre. « On voit bien que tes parents ne savent pas d’où elles viennent, les bonnes notes. »

Scarlett avait tout prévu pour son avenir et avait bien sur inclus Sarah dedans. Enfin, tout prévu, c’était vite dit, mais au-delà de son projet d’études pour le moment inexistant, elle savait exactement où elle voulait vivre, ce qu’elle voulait faire de ses journées et comment se déroulerait sa première année en dehors de Poudlard. C’était l’évidence même, elle allait rester à Londres, prendre un appartement avec Sarah, puisque vivre avec sa meilleure amie était assez tendance qu’elle ne voulait de toute façon pas de garçon dans sa vie et que vivre seule ne lui disait franchement rien. Bien sûr, il lui faudrait trouver l’appartement de ses rêves, elle avait déjà ciblé le quartier avec précision, en le choisissant près de toutes les boutiques luxueuses qu’elle aimait fréquenter tout en restant le plus loin possible de la maison familiale qu’elle ne pouvait plus voir en peinture. Il y avait fort à parier que sa mère ne lui laisserait jamais faire une chose pareille, elle allait vouloir la garder auprès d’elle pour éviter de perdre sa précieuse maison, et son plaidoyer pour la faire rester serait forcément risible tant il sonnerait faux. Elle lui dirait certainement qu’elle tenait à elle plus que tout au monde, qu’elle était sa fille unique et n’était pas prête à la voir prendre son envol et tout un tas de chose que même le dernier des imbéciles ne serait pas capable de gober. Stéphanie voyait en Scarlett une montagne de billets qu’elle ne retrouverait nulle part ailleurs. Sans fille, plus de pension alimentaire, plus de pension, plus de revenus, plus de revenus, plus de maison. C’était aussi simple que ça, Scarlett était juste là pour payer les factures comme ça avait toujours été le cas jusqu’ici. Visiblement sa chère et tendre mère ne voyait en elle que quelque chose d’utile. Si ça n’avait pas été le cas, elle aurait été probablement virée depuis longtemps, ou reléguée au simple statut d’objet encombrant. La jeune fille s’apprêtait donc à faire face à de rudes négociations qu’elle n’appréhendait absolument pas, ce n’était pas comme si elle allait pouvoir ressentir une quelconque compassion pour sa génitrice, bien au contraire. Il était grand temps qu’elle se bouge un peu les fesses et reprenne sa vie en main, elle n’avait pas été fichue de le comprendre pendant ces seize dernières années, mais avec une fille majeur, son cerveau et son imagination allaient devoir mettre enfin le moteur en marche.

"Oui, c'est ça. Surtout avec mon père d'ailleurs, comme il n'est pas souvent à la maison, on a tout ce qu'on désire. Il suffit de demander avec des yeux de chien battu et le tour est joué. Ce n'est pas ton cas ? C'est bizarre, je croyais qu'on se ressemblait beaucoup sur ce point. Je sais qu'on en a jamais vraiment parlé mais tu n'as jamais rien fait pour me faire croire le contraire. Est-ce que je me trompe sur ton compte depuis qu'on se connait ?"

Les mains de la rouge et or tremblaient légèrement, aussi choisit-elle de se resservir un verre en prenant bien soin de remplir également celui de sa meilleure amie, désormais vide. C’était une manière comme une autre de s’occuper les mains mais aussi les yeux puisqu’elle pouvait aisément feindre une intense concentration visant à ne pas verser une goutte à côté. Elle ne savait pas trop quoi répondre à ça, comment Sarah avait-elle réussi à comprendre qu’elle n’avait pas été totalement sincère depuis le début ? Elle pensait pourtant avoir été assez discrète, elle avait toujours appris à l’être lorsqu’on abordait le sujet douloureux de la famille. Et voilà que Sarah commençait à se poser des questions sur elle et sur sa vie en général. Ce n’était pas bon, pas bon du tout. Pour essayer de retrouver un peu de contenance, la rouge et or avala d’un trait son deuxième verre, tout en sachant pertinemment que ce n’était pas du tout une bonne idée. Le premier avait déjà un peu de mal à passer. La jeune fille n’avait pas du tout l’habitude de boire, si ce n’était du thé pendant les nombreux après-midi qu’elle passait avec sa meilleure amie à Pré-au-Lard. Alors, boire un verre plein en une seule fois sans avoir rien du tout dans l’estomac, ce n’était pas une bonne idée, pas du tout. À ce rythme-là, elle allait se retrouver vite, trop vite dans les choux. Ses idées n’était déjà pas aussi claires qu’avant et Scarlett hésitait, plus vraiment certaine de bien comprendre ce que son amie avait voulu dire. Elle entendait ce qu’elle lui disait bien sûr, mais avait l’impression de comprendre un peu à retardement comme si elle avait choisi de regarder le même film sur deux ordinateurs en même temps en en commençant un légèrement après l’autre. C’était très désagréable comme sensation, mais entièrement de sa faute. La jeune fille ferma les yeux un instant avant de répondre. La tête lui tournait étrangement et elle ne savait plus trop ce qu’elle devait dire. Est-ce que Sarah c’était réellement trompé sur son compte ? Non, bien sûr que non, elle était parfaite merveilleuse…. Mentir ? Non, ce n’était pas réellement un mensonge. Tout était bien trop embrouillé, ça ne présageait rien de bon.

« Euh… Je… Euh… Je ne sais pas. Je ne vois pas souvent mon père parce qu’il est… Loin. » Acheva-t-elle lamentablement sans vraiment se rendre compte de l’énormité qu’elle venait de sortir. « T’as dit « on », c’est qui « on » ? Je croyais que tu étais fille unique. »

C’était une bien piètre tentative de détourner la question, elle n’était même pas sûre de réussir à comprendre la réponse de Sarah. Elle n’avait pas du tout l’habitude de boire autre chose que du thé et détestait cette étrange sensation de perdre le contrôle. Elle avait l’impression d’être dans un univers parallèle, proche de sa meilleure amie tout en étant à des kilomètres d’elle. Elle réfléchissait plus à son état actuel qu’à ce qu’elle devait dire et ça allait lui jouer des tours, si ce n’était pas déjà fait…

« Le seul ? Et Logan ? Et Jake ? Ils étaient pas trop mal eux aussi, rien que pour ça, je regrette un peu d’être à gryffondor, j’ai jamais eu un seul garçon potable en face de moi. Je commence réellement à croire que je suis maudite. Elle doit être possible cette liste, si on ajoute Tyler qui est parti et qu’on prend en compte ceux qui ne reviendront plus l’année prochaine. »

Sarah se retint de justesse d'avouer qu'elle aurait accepté volontiers d'échanger sa place avec la sienne puisque Gryffondor ne lui convenait pas mais ça sous-entendait fortement que Scipion n'y était pas étranger or elle devait faire comme si elle n'y pensait plus, comme si elle avait réussi à tourner la page le plus facilement du monde. Jusque là, elle tenait le rôle à merveilles, de son point de vue du moins. Elle était d'ailleurs plutôt fière d'elle sur ce coup-là, dans d'autres circonstances elle se serait mise à chouiner à la seule mention de leur maison, d'un quelconque garçon ou de quoi que ce soit qui puisse lui faire penser au jeune homme mais elle n'en faisait rien, riant et souriant comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Au début de l'année précédente, elle n'aurait jamais imaginé pouvoir mettre le Gryffondor en tête d'une liste des mâles les plus attirants du château, il n'était qu'un crétin, l'indésirable n°1, la plus grosse tare de Poudlard, il était même difficile de le considérer à part entière comme un garçon et pourtant... Elle n'envisageait plus d'y installer qui que ce soit d'autre, ni à la première place ni à toutes les autres. Ils paraissaient tous si insignifiants, si banals... Indignes d'intérêt, ou de son intérêt en tout cas. Et même avec toute la bonne volonté du monde pour réussir à remplir ce Top10 en l'en évinçant totalement, ce qui se rapprochait du sacrilège, il était tout simplement impossible de trouver dix garçons de l'école à mettre dedans. Scarlett ne pouvait que l'admettre ou alors elle avait certaine dû voir ses exigences à la baisse. Quoi que... Elle ne lui avait jamais semblé vraiment exigente d'un côté. Elle paraissait s'intéresser à tout et n'importe quoi pourvu que ça ressemble à un membre de la gente masculine. Il y avait pourtant de quoi faire à Gryffondor, même si c'était pas franchement brillant c'était vrai.

"Logan ? Tu veux rire ? Même s'il n'y avait que lui sur Terre je m'y intéresserai pas. Mais c'est vrai que Jake est pas mal... Et il embrasse divinement bien, ce qui ne gâche rien. J'ai oublié Simmons, il n'est pas désagréable non plus d'ailleurs. Pour ce qui est des Gryffondors, Baxter est pas mal tant il se tait et je ne dirais pas non à une aventure avec Mangaster. Et tu peux même viser la célébrité avec Potter..." gloussa t-elle avec bonne humeur alors qu'elle comptait sur ses doigts en même temps qu'elle parlait tout en réalisant que c'était peut-être un Top10 réalisable si on était laxiste et qu'on se fichait éperdument de qui on pouvait classer dedans puisque tant qu'il n'y avait pas Scipion, il paraissait totalement stupide, incomplet. "Si on compte ceux qui ne sont plus là, on peut rajouter Richards. Talbot, Blunt... Et je ne laisserai pas Jenkins dormir sur le palier. Elle doit être possible ta liste en fin de compte. Et s'il manque du monde, on a qu'à rajouter Londubat. Il compte, non ?"

Elle était plutôt satisfaite de sa liste bancale des Gryffondors "potables" même si elle n'en pensait pas le moindre mot. Baxter avait le physique de l'emploi, un pathétique rat de bibliothèque, quant à Mangaster elle ne l'aurait probablement jamais remarqué si elle n'avait pas eu la désagréable surprise de le croiser plusieurs fois à Newcastle. Le hasard faisait bien mal les choses... Sa mère lui avait d'ailleurs dit qu'il avait habité à Birmingham également, et pire encore que la mère de ce dernier avait été une de ses camarades de classe, à Serdaigle. Cet imbécile en savait peut-être suffisamment sur elle pour briser sa vie, elle n'avait jamais eu le courage de lui poser la question de peur qu'il finisse par la faire chanter. Il y avait des gens, comme lui, qui méritaient de finir au fond du lac à servir de repas à toutes les créatures étranges qui y habitaient. Elle n'aurait jamais pensé passer sa première soirée de vacances à faire l'inventaire des hypothétiques flirts qu'elle pourrait "désirer avoir" un jour, surtout qu'elle ne désirait aucun d'entre eux, même lors de ses pires moments de délire. Enfin, ça avait au moins le mérite d'éloigner les soupçons de sa possible addiction à Scipion. Elle était Sarah Wotton, la pouffe des blaireaux, elle n'avait que faire du départ d'un garçon puisqu'elle pouvait avoir tous ceux qu'elle souhaitait. Elle avait l'impression de sombrer doucement dans un doux monde de coton, c'était une sensation agréable. Elle était pourtant habituée aux soirées alcoolisées avec ses amis moldus mais il semblait qu'elle ait bien plus de mal à supporter le Whisky Pur Feu que le reste. Ca n'avait pas la moindre importance en fin de compte, elle était avec Scarlett, elle ne risquait absolument rien. Le réveil serait plus compliqué mais elle préférait ne pas y penser. Elle n'avait pas hâte d'aller se coucher et encore moins de revenir à la réalité après avoir passé la nuit à continuer son histoire avec le Gryffondor dans un monde qui n'appartenait qu'à elle.

« Quoi ?! Tu vas déménager ? Mais pour aller où ? Et pourquoi tu ne m’en as pas parlé ? Je suis ta meilleure amie quand même, je devrais avoir le droit de connaitre tes projets, c’est normal. On voit bien que tes parents ne savent pas d’où elles viennent, les bonnes notes. »

Sa dernière phrase lui tira un sourire indéchiffrable, un mélange de déception et de satisfaction, de crainte et d'amusement... D'où venaient ses bonnes notes... Si seulement elle savait. Mais non, elle croyait comme tout le monde qu'elle finissait ses rondes dans les appartements de ses enseignants, à récupérer les points perdus comme elle pouvait. Elle n'avait jamais essayé de nier cette rumeur, elle ne faisait rien en cours et s'amusait parfois à rater merveilleusement les exercices non notés qu'elle devait réaliser, histoire de bien coller au personnage. Elle supposait que les doutes venaient de ses nuits passées dans les salles désertes à travailler ses leçons, à faire ses devoirs, quitte à rentrer à trois ou quatre heures du matin épuisée et pas spécialement aussi apprêtée qu'elle l'avait été en partant. Sa soeur avait sûrement eu vent de ces bruits de couloirs mais elle ne lui en avait jamais fait part et semblait avoir tenu sa langue auprès de leurs parents. Est-ce qu'elle y croyait comme sa meilleure amie ? C'était possible... Elle était tellement crédible dans son rôle de blonde aguicheuse et idiote... Si elle avait songé à mettre un terme à cette illusion par respect pour son petit-ami, elle n'y était plus contrainte désormais. C'était d'ailleurs le seul point positif qu'elle avait vraiment trouvé à son départ et il était bien maigre: ne pas être obligée de révéler au château tout entier qu'elle jouait, tous les deux jours, aux intellos dans les coins abandonnés de l'école. Elle resterait la salope de Poudlard un an encore, et se serait très bien ainsi. Seuls ses professeurs savaient que ce n'était pas vrai, quoi qu'ils pouvaient avoir des doutes quant à ce qu'il se passait avec leurs collègues. Elle aurait ses ASPICs avec brio et tout le monde serait obligé d'admettre qu'elle n'était pas aussi bête qu'elle en avait l'air sans pour autant comprendre ce qu'il se passait.

"Bien sûr que je vais déménager Chérie. Ca s'est vraiment décidé durant le peu de temps que j'ai passé chez moi. Je n'allais pas prendre le risque de t'en parler si ça ne se faisait pas vraiment. Je n'avais pas envie de te faire espérer qu'on pourrait se voir toujours autant même en ayant quitté Poudlard si ce n'était pas le cas... J'avais pas envie que tu sois déçue, tu comprends ?"

Elle n'avait surtout pas eu envie de se la coltiner en sortant de l'école mais maintenant qu'elle n'avait plus qu'elle... Il fallait la ménager. Et puis, quoi qu'elle puisse en dire, elle l'aimait bien et elle était encore et toujours là. Elles n'avaient pas une amitié conventionnelle, c'était certain, mais quelle importance ? Le principal, c'était qu'elle pouvait compter sur elle maintenant que le jeune homme avait disparu. Elle n'était pas toute seule, elle ne le serait jamais. Scarlett ne la laisserait pas tomber malgré les moments difficiles qu'elles avaient dû traverser. Si elles étaient encore proches après tout ça, ce n'était probablement pas pour rien. Elles devaient être des genres d'âmes soeurs ou quelque chose du même goût. Mais Scipion ne pouvait qu'avoir raison en lui conseillant de ne pas lui faire confiance. Il n'avait aucun intérêt à la mettre en garde. Il agissait simplement pour son bien, ce qui n'avait pas toujours été le cas de la jeune femme... Celle-ci remplit d'ailleurs de nouveau leurs verres, elle la regarda faire sans un mot, s'étonnant malgré tout qu'elle n'utilise pas sa baguette pour une tâche aussi élémentaire que ça. Elle ne chercha cependant pas. Elle joua de nouveau avec, se mettant à penser distraitement. Il l'avait mise en garde contre Scarlett, et voilà qu'elle balayait ses recommandations sans réfléchir pour passer ses vacances toute entière avec elle. C'était de sa faute aussi ! Il n'avait qu'à pas la laisser toute seule ici, toute seule tout court. Il aurait très bien pu venir la voir dans le train ou lui écrire pour lui demander de tout abandonner pour qu'ils ne soient jamais séparés. Bien sûr, elle l'aurait fait sans hésiter. Sa vie n'avait de sens que près de lui, et qu'importe ses études, ses proches... Elle n'avait besoin que de lui, et c'était bien le seul sur lequel elle devait tirer définitivement un trait. Ses mains se crispèrent brusquement autour de son verre, en renversant un peu sur ses jambes nues ce qui la fit sursauter et reprendre place dans la réalité. Juste à temps pour écouter sa meilleure amie reprendre la parole... Elle avala une nouvelle gorgée de Whisky Pur Feu et se concentra sur la Gryffondor.

« Euh… Je… Euh… Je ne sais pas. Je ne vois pas souvent mon père parce qu’il est… Loin. T’as dit « on », c’est qui « on » ? Je croyais que tu étais fille unique. »

L'hésitation et le malaise de celle-ci était plus que perceptible mais elle n'y fit pas plus attention que ça, perdant peu à peu toute notion de vérité et de mensonge. Elle en venait même à la plaindre, sachant pertinemment ce que c'était de vivre avec un père qu'on ne voyait pas suffisamment à cause d'un métier prenant et des placements réguliers... Si elle le lui avait dit plus tôt, elle aurait pu la soutenir comme devait le faire une amie, la rassurant en lui disant que ce n'était pas parce qu'il ne la voyait pas qu'il ne l'aimait pas et toutes ces phrases toutes faites que leur avait raconté sa mère, à sa soeur et elle. Pauvre Scarlett... Elle termina son troisième verre, se leva et alla d'un pas mal assuré s'asseoir près de la Gryffondor. Elle posa sa main sur son bras dans un geste réconfortant un peu flou et lui sourit doucement. Elle, elle ne la laisserait pas. Elle partirait pas loin sans faire attention à ce qu'elle pouvait bien en penser... Elle ne ferait rien de tout ça. C'était visiblement typiquement masculin... Son beau-père, le père de Scarlett, Scipion... Elle hoqueta nerveusement, soudainement submergée par une tristesse qu'elle ne comprenait pas mais elle la chassa bien rapidement, resserrant son étreinte sur le bras de sa camarade. Ils ne méritaient pas qu'elles s'attachent à eux, ni même qu'elles se prennent à tête par leur faute. Ils ne les méritaient pas. Elle ferma les yeux quelques secondes et battit plusieurs fois des paupières, ça s'était mis légèrement à tanguer et son estomac ne semblait pas ravi de ce qu'elle lui avait donné.

"Et bien alors j'l'aime pas ton père. Il est bête de laisser une fille aussi géniale que toi pour aller... Loin. Loin où ? Tu vas le voir, loin, parfois ?" lâcha t-elle d'une voix un peu pâteuse avant de se mettre à rire sans raison. "On a qu'à dire que je parlais de ma mère, on s'en fiche, c'est pas important. Ou de Ruby tiens... J'ai dû la laisser à la maison, j'avais peur qu'elle s'échappe et que je la retrouve jamais jamais. C'est pas comme si j'avais une soeur cachée de toute façon."

Elle secoua la tête d'un air convaincu avant de glousser de nouveau et de soupirer, un sourire absent sur les lèvres. La blonde passa une main dans ses cheveux et les décoiffa négligemment avant de tirer sur un noeud. C'était une soirée d'anniversaire étrange mais ça ne faisait rien, elle serait sûrement bonne quand même... Il manquait ses amis, sa soeur, Scipion... Oui bon, elle était sûrement plus pourrie qu'elle voulait se le laisser penser, c'était toujours mieux que rien, ça pourrait être tellement pire... Il pourrait ne pas y avoir Scarlett. Un anniversaire toute seule dans une tente à la décoration douteuse dans un camping miteux, ça aurait vraiment été toucher le fond...

"Logan ? Tu veux rire ? Même s'il n'y avait que lui sur Terre je m'y intéresserai pas. Mais c'est vrai que Jake est pas mal... Et il embrasse divinement bien, ce qui ne gâche rien. J'ai oublié Simmons, il n'est pas désagréable non plus d'ailleurs. Pour ce qui est des Gryffondors, Baxter est pas mal tant il se tait et je ne dirais pas non à une aventure avec Mangaster. Et tu peux même viser la célébrité avec Potter... Si on compte ceux qui ne sont plus là, on peut rajouter Richards. Talbot, Blunt... Et je ne laisserai pas Jenkins dormir sur le palier. Elle doit être possible ta liste en fin de compte. Et s'il manque du monde, on a qu'à rajouter Londubat. Il compte, non ?"

Elle avait réellement cette opinion-là de Logan ? Elle n’avait vraiment pas dû bien regarder Scipion pour dire une chose pareille. Et dire qu’elle ne pouvait même pas se permettre de caser une remarque bien sentie sur le rouge et or dans son argumentation. Il lui était venu plusieurs fois en tête déjà, elle aurait pu l’ajouter un peu partout et s’en moquer délibérément, si seulement Sarah lui avait monté qu’elle pouvait se le permettre. Mais non, celle-ci se gardait bien de prononcer un seul mot à ce sujet, préférant certainement feindre qu’il n’avait jamais existé. Ca convenait plutôt bien à Scarlett en définitive, même si ça lui supprimait un défouloir qu’elle avait l’habitude d’utiliser quasiment au quotidien. Elle en trouverait d’autres. Des élèves stupides, il y en avait beaucoup, presque trop même, elle n’aurait qu’à claquer des doigts pour qu’une toute nouvelle victime lui tombe dans la main, il devait même y en avoir une au camping. Lara par exemple, même si c’était une proie un peu trop facile. Quoi que… Elle avait tendance à être aimée un peu par tout le monde parce qu’elle était gentille en permanence, semblait pardonner un peu trop rapidement les erreurs de chacun et voyait le bien chez toutes personnes avant d’essayer de lui trouver des mauvais côtés. C’était justement ça le problème, ça sonnait bien trop faux pour être vrai. Que faisait-elle de toutes ses journées si elle ne les passait pas à critiquer tout le monde ? Scarlett la voyait bien en train de nouer des fleurs et des brins d’herbes pour en faire des couronnes, de courir dans les prés parmi les fleurs et les petits lapins bondissant un peu partout… C’était assez risible. Elle avait la chance inouïe de rencontrer la réincarnation de la déesse de la paix et de l’amour. Ô joie. Cependant, ce n’était pas en se penchant sur le cas de la rouge et or qu’elle parviendrait à affiner son top dix, il était bien plus important que cette cruche, aussi se hâta-t-elle de la chasser de son esprit pour revenir sur les beaux mâles du château.

« Non, Londubat compte pas, il est carrément trop vieux, c’est un minable. Je te trouve bien difficile pour ce pauvre Logan, il a un physique de sportif, je le trouve plutôt pas mal. L’avantage c’est qu’on a visiblement pas les mêmes gouts, on risque pas de tomber sur le même garçon. » Reconnut-elle en gloussant. « On oublie Blunt, il a une de ces têtes… Je peux même pas le regarder en face. Pour les autres, je suis d’accord. »

Lewis… Comment avait-elle pu ne serait-ce que vouloir le rajouter dans la liste ? Scarlett en avait fini par oublier jusqu’à son existence, ce qui n’était pas franchement étonnant lorsqu’on y réfléchissait bien. Il n’avait rien pour lui, il était presque invisible, elle ne savait même pas s’il avait réussi à se faire des amis. Certains disaient qu’il était sorti avec une certaine Cecily, élève de serpentard elle aussi. Apparemment, ils avaient dû fonder un club pour élèves inintéressants et inconnus, c’était probablement ce qui leur avait permis de se rencontrer. En quelle année étaient-ils ? Même ça elle ne le savait pas, alors que normalement, elle connaissait tout et tout le monde, sans avoir besoin de trop réfléchir pour retrouver leur tête, leurs défauts, leurs qualités, les rumeurs qu’elle avait balancé sur eux et ce que ça avait entrainé par la suite. Évidemment, elle ne pouvait pas s’acharner sur trop d’élèves en même temps, elle devait choisir ses cibles avec soin, courir trop de lièvres à la fois pourrait se révéler bien trop dangereux, elle préférait laisser le sale boulot à sa dévouée Isis plutôt que de le faire elle-même. Après tout, les tâches ingrates n’étaient pas appropriées à sa grandeur, il fallait être complétement stupide pour ne pas le réaliser. Même Sarah ne pouvait plus la regarder de haut comme il lui était sûrement arrivé de le faire ces dernières années. Elle avait continué à gravir les échelons de la gloire pendant que sa meilleure amie les descendait un à un, sans doute parce que tout ce succès lui donnait le vertige. Tant mieux, au moins, Scarlett pouvait savourer davantage sa réussite, en sachant qu’elle n’avait personne pour lui voler la vedette.

"Bien sûr que je vais déménager Chérie. Ça s'est vraiment décidé durant le peu de temps que j'ai passé chez moi. Je n'allais pas prendre le risque de t'en parler si ça ne se faisait pas vraiment. Je n'avais pas envie de te faire espérer qu'on pourrait se voir toujours autant même en ayant quitté Poudlard si ce n'était pas le cas... J'avais pas envie que tu sois déçue, tu comprends ?"

Une moue boudeuse vint s’installer sur le visage de la rouge et or. Elle n’était pas sûre de bien comprendre justement, ou en tout cas, elle ne comprenait pas ce qu’il pouvait y avoir de positif dans les cachoteries que pouvait tenter de lui faire Sarah. Peut-être qu’elle avait eu une bonne raison de ne pas lui parler de son déménagement, mais la préserver d’une quelconque déception, ce n’était pas possible. Si c’était ça qu’elle avait toujours voulu faire, il lui aurait fallu ne pas sortir avec Scipion, ne pas lui faire la tronche inutilement lorsqu’elle avait appris ce que Scarlett avait fait, ne pas tomber encore et toujours plus bas dans son estime parce qu’elle ne ressemblait plus à la meilleure amie qu’elle avait tant admiré ces six dernières années. Un déménagement, même s’il finissait par ne pas se faire ne pouvait que lui rendre le sourire. Alors pourquoi ne pas lui avoir dit ? Est-ce qu’elle aurait tout simplement continué à lui cacher ce gros secret si elle ne lui avait pas posé la question ? Probablement. Et dire qu’elle s’était interrogée sur le sujet en pensant qu’elles allaient pouvoir échafauder de nouveaux plans complétement abstraits qui ne nécessiteraient pas forcément qu’elle les mette en pratique plus tard. Après tout, elles étaient tout juste majeur, de nombreuses portes s’ouvraient devant elles, il fallait simplement qu’elles en profitent pour au moins tenter d’imaginer les franchir un jour même si elles choisissaient finalement de ne pas le faire pour de multiples raisons qu’elle ne connaissait pas encore. Non, décidément, ce qu’elle venait d’apprendre ne lui plaisait pas.

« Oui, mais ça dépend d’où tu déménages surtout. Si c’est pour t’éloigner de Londres, on sera pas ensemble. Tu veux pas me quitter, hein ? Je pensais que rien ne nous séparerait. »

Son inquiétude était sans doute visible à des kilomètres à la ronde, mais elle ne s’en formalisait pas plus que ça. C’était leur soirée d’anniversaire, elles allaient s’amuser une bonne partie de la nuit et le lendemain, elles auraient peut-être oublié une partie de leur conversation, celle-ci en particulier. Scarlett ne tarda pas à quitter sa moue enfantine pour un sourire un peu plus plaisant. Elle n’avait pas envie de se mettre en colère contre sa meilleure amie, ou en tout cas, pas aujourd’hui. De toute façon, elle était plus effrayée qu’énerver en définitive. Elle ne voulait surtout pas que Sarah l’abandonne et elle n’avait jamais imaginé que ça puisse être possible jusqu’à aujourd’hui. Pour la rouge et or, leurs deux vies allaient être étroitement liées jusqu’à ce qu’elles soient vieilles et beaucoup moins jolies qu’avant. Elles pourraient alors ressasser inlassablement tous leurs souvenirs, se rappeler qu’elles étaient totalement merveilleuses pendant leur adolescente et que ça avait été certainement pareil l’âge adulte. Il était compliqué de prévoir l’avenir qu’elles auraient l’une comme l’autre à la sortie de Poudlard, mais une chose était sûre, elles seraient ensemble. Scarlett n’en démordrait pas avant que Sarah lui promette qu’elle n’avait pas l’intention de fuir, de changer de pays, de partir le plus loin possible d’elle sans possibilité de retour. Si elle aspirait réellement à voyager, elle pourrait toujours le faire, mais en emportant la rouge et or avec elle. Ce n’était sans doute pas trop demander que de vouloir faire partie de la vie de la préfète. Après tout, depuis six ans, elle était toujours là, elle ne pourrait pas être supprimée si rapidement, comme si elle n’avait jamais existé, c’était une certitude.

"Et bien alors j'l'aime pas ton père. Il est bête de laisser une fille aussi géniale que toi pour aller... Loin. Loin où ? Tu vas le voir, loin, parfois ? On a qu'à dire que je parlais de ma mère, on s'en fiche, c'est pas important. Ou de Ruby tiens... J'ai dû la laisser à la maison, j'avais peur qu'elle s'échappe et que je la retrouve jamais jamais. C'est pas comme si j'avais une sœur cachée de toute façon."

Scarlett regretta presque immédiatement d’avoir reposé son verre si loin d’elle. Le contact de la main de sa meilleure amie sur son bras était particulièrement désagréable presque autant que toute cette conversation. La jeune fille avait bien conscience de ne pas être au mieux de sa forme. Elle n’avait pas les idées claires et peinait à faire le tri entre ce qu’elle avait droit de dire et ce qu’elle ne pouvait pas révéler. La frontière qu’elle avait toujours veillé à garder intacte venait de se briser en mille morceaux, la laissant complétement perdue et désemparée. Comment pouvait-elle rattraper le coup maintenant ? Elle n’en savait rien. Ses pensées ne voulaient pas se tourner dans la bonne direction, elle avait surtout envie de se blottir contre sa meilleure amie et de pleurer toutes les larmes de son corps. Mauvaise idée, très mauvais idée. Il était impensable qu’elle la mette en application, un autre verre ne serait pas de refus. Scarlett étendit une nouvelle fois son bras libre vers la table pour attraper la bouteille d’un geste tremblant qu’elle essayait pourtant de contrôler du mieux qu’elle pouvait. Elle remplit son verre à ras-bord et le porta doucement à ses lèvres pour ne pas en renverser partout. Cette fois-ci, elle eut tout de même la présence d’esprit de ne pas tout avaler d’un trait et reposa le verre à moitié plein sur la table. Si elle avait réussi à retarder la réponse à la question en s’occupant, elle ne pouvait plus l’éviter à présent. Sarah semblait si… Compréhensive ? Elle ne savait pas si elle devait simplement lui faire confiance ou s’étonner de ce brusque changement de comportement, aussi choisit-elle ses mots avec prudence, tout en ayant bien conscience que son peu de lucidité lui faisait cruellement défaut.

« Loin… Dans un autre quartier de Londres. Je le vois quand… quand… quand je suis obligée. » Finit-elle par avouer en baissant les yeux vers ses genoux. « Mais on s’en fiche ! Alors cette sœur ? Comment elle s’appelle ? Elle est à Poudlard ? »

Comment avait-elle pu ignorer pendant six longues années que Sarah n’était pas fille unique ? Ce n’était pas possible ! Elle savait tout sur tout le monde et n’était pas capable de recueillir la moindre information concernant sa meilleure amie. Avec un peu de chance, elle allait pouvoir rattraper toutes ses lacunes ce soir, et personne n’apprendrait qu’elle avait été aussi nulle.

« Non, Londubat compte pas, il est carrément trop vieux, c’est un minable. Je te trouve bien difficile pour ce pauvre Logan, il a un physique de sportif, je le trouve plutôt pas mal. L’avantage c’est qu’on a visiblement pas les mêmes gouts, on risque pas de tomber sur le même garçon. On oublie Blunt, il a une de ces têtes… Je peux même pas le regarder en face. Pour les autres, je suis d’accord. »

Neville, un minable ? Et c'était elle qui disait cela alors qu'elle bavait ostensiblement sur Honeycutt ? C'était l'hôpital qui se foutait de la charité là ! Certes, il avait largement le double de leur âge mais il était incroyablement bien conservé. Si elle avait continué la botanique après ses BUSEs, ce n'était certainement pas parce que cette matière l'intéressait, bien au contraire. Si elle devait véritablement renoncer à Scipion, ce qui était fort probable puisqu'elle ne le reverrait jamais et qu'elle ne pouvait pas se permettre de passer sa vie à attendre quelqu'un qui ne reviendrait pas, elle jeterait certainement son dévolu sur leur professeur. Elle n'aurait pas à se faire d'illusion, rien ne serait jamais possible, il n'y aurait ni début ni fin, tout ne serait qu'un jeu de séduction stupide et inutile qui l'occuperait pendant un an. Il était facilement accessible et elle s'était toujours montrée suffisamment attentive en cours pour qu'il accepte de la voir en dehors de ceux-ci. Et quand leur liaison finirait par se savoir, son nom resterait dans l'histoire de l'école jusqu'à la fin des temps. En plus, elle était majeure, qui pourrait réellement faire quelque chose contre eux ? C'était une hypothèse à envisager même si ce n'était pas très légal de ce qu'elle en savait. Quelle importance ? Ce serait comme un challenge, il était marié et serait sûrement bien plus dur à obtenir que tous les crétins de leur classe. S'il lui suffisait de minauder en roulant des hanches pour terminer dans les bras du premier venu, ça n'avait pas le moindre intérêt. Non, c'était définitif, Londubat était loin d'être un minable, comme elle le prétendait. Elle n'avait pas spécialement envie d'oublier le Gryffondor, de tirer un trait sur leur histoire, persuadée qu'elle pourrait reprendre de plus belle si seulement il daignait donner signe de vie mais s'il le fallait, celui qui lui servirait de pansement humain était tout trouvé, que ça plaise ou non à Scarlett. Elle était capable de s'intéresser à un bouffon de Poufsouffle, alors elle ne pourrait pas dire grand chose de toute manière.

"J'ai toujours entendu dire que c'était dans les vieux pots qu'on faisait les meilleures confitures." répliqua t-elle en gloussant de nouveau. "Je ne comprends pas comment tu peux t'intéresser à lui, il est tellement... Insignifiant. Je ne vois vraiment pas ce que tu peux lui trouver. Le pauvre n'a rien pour lui. Il ferait partie des premiers que j'enverrai à Azkaban si la laideur était un crime."

C'était certain qu'elles ne risquaient pas de tomber sur le même garçon puisque la blonde était bien décidée à tous les lui laisser. Elle ne voulait que Scipion, les autres étaient dénués d'importance, ils ne méritaient même pas d'être mentionnés dans une quelconque conversation venant d'elle. Elle se gardait bien de faire part de cette conclusion à son amie, certaine qu'elle n'apprécierait guère le retour du Gryffondor dans leur vie alors qu'il n'en était pourtant jamais sorti. Comment ferait-elle pour l'oublier, pour accepter de passer à autre chose, pour se reprendre enfin et surtout pour reprendre sa vie en main ? Elle n'en avait même pas envie, préférant de loin imaginer parcourir le monde de long en large jusqu'à le retrouver avant de le supplier de ne pas l'abandonner une nouvelle fois. A quoi pouvait-il bien penser à cet instant ? Se doutait-il une seule seconde de l'existence insipide qu'elle menait depuis qu'il avait disparu ? Il ne se passait pas une nuit sans qu'il ne vienne la hanter. Danah s'était même gentiment moquée d'elle un matin, lui apprenant avec amusement sous le regard attendri de leur génitrice qu'elle avait passé sa nuit à l'appeler, sur quoi elle était partie en claquant la porte et n'était rentrée que bien plus tard en prenant bien soin d'éviter la Serpentard et sans adresser le moindre mot à sa mère. Elle espérait qu'elle n'aurait pas à en faire de même avec sa meilleure amie, qu'il ne se passerait rien de semblable et que la comédie durerait jusqu'à ce qu'elle finisse par se convaincre elle-même qu'elle l'avait oublié, ou du moins qu'elle vivait merveilleusement bien son absence. Elle craignait qu'elle ne soit pas assez bête pour y croire elle-même alors qu'elle s'enfonçait un peu plus chaque jour dans un manque étrange et inédit qui n'avait de cesse de lui rappeler combien elle avait été bête de s'attacher à lui en sachant qu'ils n'avaient que deux mois à partager. Elle n'avait jamais imaginé que quelqu'un puisse lui manquer à ce point, chaque chose le lui rappelait, de ses livres de cours à ses vêtements, comme s'il était normal qu'elle ne puisse faire un geste sans en revenir à lui.

« Oui, mais ça dépend d’où tu déménages surtout. Si c’est pour t’éloigner de Londres, on sera pas ensemble. Tu veux pas me quitter, hein ? Je pensais que rien ne nous séparerait. »

L'inquiétude qui se peignit sur le visage de la jeune fille la toucha plus encore que ses propos. Elle n'avait jamais été convaincue que Scarlett la considérait vraiment comme une amie, tout d'abord parce qu'elle ne le faisait pas elle-même puis parce qu'elle n'avait jamais rien fait qui allait dans ce sens, s'amusant à mettre sa réputation en péril et à lui mentir pour rejeter ses fautes sur le dos de Scipion mais peut-être était-elle véritablement attachée à elle, du moins autant qu'elle pouvait l'être sans oser vraiment se l'avouer ? Craignait-elle sincèrement de la voir s'éloigner, de devoir renoncer à leur amitié hypocrite ? A moins qu'elle ne le soit plus tant que ça... Elles ne se faisaient pas confiance le moins du monde mais peut-être n'attendait-elle que ça en fin de compte ? Si la Poufsouffle ne l'avait jamais trahi, elle n'avait jamais cherché à lui prouver qu'elle ne le ferait pas. Peut-être même qu'elle s'attendait à ce qu'elle se venge ? Elle y avait longtemps songé mais avait fini par y renoncer. Elle avait bien plus à perdre qu'à gagner dans cette histoire. Elle avait déjà perdu le jeune homme, elle n'était pas prête à voir sa meilleure amie s'éloigner pour des histoires qui n'en valaient pas la peine. Que lui resterait-il si ça venait qu'à arriver ? Elle n'avait jamais eu de véritables amis, la seule qu'elle appréciait suffisamment pour la considérer ainsi n'était autre que Scarlett, elle n'était pas véritablement appréciée même si elle était souvent entourée d'idiotes gloussantes et décérébrées... De plus, elle ne pouvait que reconnaître qu'elle avait perdu de son éclat. Quelques déceptions de plus et ce serait immanquablement la fin. Elle n'aurait plus qu'à rester cloîtrée à la Bibliothèque en attendant que le temps passe et qu'elle puisse enfin quitter l'école.

"Scarlett Chérie, je viens de te dire que j'allais devoir vivre seule à Londres. Tu ne crois quand même pas que je quitterai Newcastle pour autre chose que la capitale, tout de même ? Tu devras encore me supporter un temps, je le crains. Mes parents m'enverront les informations sur les appartements suceptibles de me convenir, je choisirai le plus près de chez toi si tu veux. On se verra tout le temps, ce sera trop bien !"

Elle n'avait plus les idées bien claires mais la perspective de passer tout son temps avec Scarlett, à faire du shopping dans toutes les boutiques luxueuses de Londres lui paraissait être le meilleur avenir possible. Bien sûr, il lui faudrait trouver une place dans son emploi du temps d'acheteuse complusive pour suivre ses cours à l'Université mais elle supposait que ça ne serait pas dramatique si elle en loupait un ou deux dans la semaine, histoire de passer plus de temps encore avec la Rouge et Or. Et puis, avec un peu de chance elles s'y retrouveraient toutes les deux et se retrouveraient pour déjeuner dans un restaurant chic du coin pour échapper à tous les imbéciles qu'il y aurait dans leur classe. Elles seraient les reines de l'enseignement supérieur comme elles avaient été les reines du château, tout le monde les envierait, rêverait de faire partie de leur cour à défaut de pouvoir être elles et leurs noms résonneraient comme le summum de la branchitude londonienne. Elles assisteraient à tous les évènements mondains possibles et se retrouveraient sans cesse dans les pages modes des magazines, elles finiraient par devenir célèbres et seraient considérées comme la nouvelle génération de It-Girls. Elles feraient fortune grâce à leur image et passeraient leur temps à écumer les soirées branchées, à se faire poursuivre par les paparazzis, deviendraient des modèles pour toutes les gamines du pays... Et Sélené, regrettant très certainement d'avoir disparu sans même daigner lui écrire rien qu'une fois depuis l'obtention de ses ASPICs, finirait par revenir en lui promettant monts et merveilles, s'empressant de la demander en mariage avant qu'elle ne trouve mieux que lui, ce qui serait aisé pour le commun des mortels puisque la totalité des jeunes éphèbes du Royaume-Uni se précipiteraient à ses pieds. C'était une vie prometteuse, celle-là même qu'elle méritait, elle en était intimement convaincue. Au diable les études à rallonge et ses ambitions d'obtenir la direction d'un département prestigieux du Ministère. Sarah Wotton avait mieux à faire que de rester enfermée dans un bureau jusqu'à la fin de ses jours.

« Loin… Dans un autre quartier de Londres. Je le vois quand… quand… quand je suis obligée. Mais on s’en fiche ! Alors cette sœur ? Comment elle s’appelle ? Elle est à Poudlard ? »

La blonde dut renoncer, non sans mal, à ses rêves de gloire. La conversation prenait un tournant beaucoup plus sérieux qu'elle s'y attendait. Elle sentait bien qu'il y avait quelque chose à découvrir en grattant un peu mais son esprit bien trop embrumé refusait de comprendre quoi. Il fallait gratter, mais si elle n'avait en général aucun mal à le faire, pour le moment elle aurait préféré faire part de ses perspectives d'avenir à sa meilleure amie pour qu'elles puissent mettre tout en oeuvre dès maintenant pour que la célébrité leur tombe dessus sitôt qu'elle aurait posé son dernier carton à Londres. Elle se redressa, s'accrochant à moitié au dossier du canapé alors qu'elle fixait la jeune fille sans ciller, cherchant à mettre un sens sous ses mots. Et autant dire qu'elle peinait à les comprendre réellement. Un autre quartier de Londres, c'était pas loin quand même... Il devait pouvoir rentrer tous les soirs. Ou alors il habitait pas avec elle ? Peut-être avait-elle déjà son propre chez-elle, loin de ses parents, ce qui expliquerait l'étonnement qu'elle avait éprouvé en l'entendant dire qu'elle n'était pas pressée de quitter les siens ? Mais pourquoi se sentirait-elle obligée de le voir ? La seule personne de sa famille qu'elle se sentait obligée de voir, s'était sa grand-mère maternelle qui la regardait toujours avec un air désapprobateur comme si le simple fait d'exister lui faisait mériter la potence. Elle n'aimait pas sa grand-mère, c'était un fait. Scarlett pouvait-elle ne pas aimer son père ? Théoriquement oui, elle n'aimait bien pas sa mère, c'était réaliste. Mais ça gâchait un peu le côté parfait de sa vie si c'était le cas... A moins que sa vie parfaite existe aussi peu que la sienne. Non, sa meilleure amie n'aurait pas pu lui mentir depuis six ans, c'était sa meilleure amie après tout. Elle n'était pas convaincue du tout, ni par ce qu'elle avançait, ni par les possibles révélations qu'elle venait d'entrevoir. Elle avait dû comprendre de travers, en même temps ce n'avait rien de bien étonnant. Peut-être aurait-elle dû se contenter de ramener une bouteille d'Hydromel ?

"Mais de Londres à Londres, c'est pas très loin quand même, et comment tu peux le voir que quand t'es obligée ? Tu le vois pas tout le temps quand t'es chez toi ? Non, on s'en fiche pas ! J'veux comprendre. C'est très flou ton truc... T'habites plus avec tes parents ? Ou alors ils sont plus ensemble ? Ou alors ton père travaille pour les services secrets et veut pas prendre le risque de te mettre en danger ? C'est possible ça ? Ma mère m'a prêté un livre nul où y'avait un truc comme ça dedans, mais je me souviens pas du titre."

Elle se perdait un peu dans ce qu'elle racontait, imaginant tout et n'importe quoi pour un peu que ça puisse expliquer les paroles décousues de sa meilleure amie. Elle était prête à croire n'importe quoi qui lui prouverait que Scarlett ne lui avait pas volontairement caché des choses, que c'était simplement la vie qui avait voulu qu'elle ne soit pas au courant, qu'elle ne puisse rien lui dire pour les meilleures raisons du monde, sans penser un seul instant qu'elle-même s'était bien gardée de lui raconter la vérité au sujet de sa vie merveilleuse. Elle avait d'ailleurs bien soigneusement évité de répondre à ses questions quant à sa frangine, feignant d'être bien trop prise dans une réflexion existentielle, censée la mener à la révélation des vacances, à savoir, vu son état actuel, l'implication de Mr Levinson dans le gouvernement britanique, qui était probablement espion au compte du Ministre de la Magie en personne. Ca n'avait aucun sens mais ça lui apparaissait comme étant la seule explication digne de ce nom qu'elle puisse trouver, et ça expliquait en même temps le malaise de la Gryffondor lorsqu'elle avait abordé le sujet: elle n'avait pas le droit d'en parler étant donné que c'était très certainement un secret d'Etat. Sarah ne pouvait pourtant pas faire semblant de réfléchir indéfiniment, son regard aussi lointain que vitreux ne laissait guère le doute bien longtemps. Il fallait se résoudre à lui répondre, en tentant de supprimer le questionnement de son amie. D'ailleurs comment pouvait-elle savoir qu'elle avait une soeur alors qu'elle venait justement d'affirmer le contraire ? Elle savait que Scipion la connaissait, elle se doutait que Mangaster les avait vu ensemble, et probablement O'Neil aussi, elle en avait parlé à Elliott de son plein gré mais elle ne souvenait pas qu'il y avait qui que ce soit d'autre qui puisse lui en avoir parlé. C'était surprenant, et déstabilisant également...

"Quelle soeur ? J'ai une soeur moi ? Pas à ma connaiss... Oui, bon, d'accord. Elle existe peut-être un peu..." concéda t-elle en soupirant. "C'est pas très important j't'assure. Tu la connais pas en plus."

Bien décidée à lui prouver qu'elle n'en avait jamais entendu parler et qu'elle ne l'avait probablement jamais remarqué, elle agita sa baguette dans un mouvement approximatif et manqua de faire tomber la bouteille au passage. Son sac à main, posé sur son lit, se traîna laborieusement jusqu'à elle, renversant une chaise sur son chemin alors que la Poufsouffle laissait échapper un "Oops" machinal avant de l'attraper distraitement et d'en sortir son porte-feuille. Elle avait bien vite laissé tomber l'idée de lui raconter n'importe quoi. Puisqu'elle savait, lui mentir ne servirait qu'à la faire s'éloigner davantage et c'était bien la dernière chose dont elle avait envie à l'instant. Elle fouilla un instant dans les photos qu'elle avait, les posant sur ses genoux pour mieux les voir sans penser un instant que Scarlett pourrait les observer sans mal... Une bande de losers sans aucun style dont elles se seraient très certainement moquées s'ils avaient été à Poudlard, Scipion, les deux filles au salon de thé alors que leur amitié était encore merveilleuse... Elle finit par lui en tendre une qui datait de plusieurs années déjà. Deux gamines aussi blondes l'une que l'autre s'enlaçaient en souriant devant une mer magnifique. C'était ses dernières vacances avant de rentrer à Poudlard, ses parents l'avaient emmené fêter son onzième anniversaire aux Maldives parce qu'elle avait entendu à la radio que l'un de ses chanteurs favoris y était, elle ne l'avait jamais trouvé mais avait passé des vacances extraordinaires. Malgré le temps qui s'était écoulé depuis, on reconnaissait très facilement Danah, même sans la connaître particulièrement bien. Dans la tête de la jeune fille, ce n'était pas aussi évident. Elle admettrait qu'elle avait bel et bien une soeur mais ne ferait pas le rapprochement entre l'image et la Serpentard.

"Ca te va ? Tu peux me raconter la vérité sur ton père maintenant ?"

"J'ai toujours entendu dire que c'était dans les vieux pots qu'on faisait les meilleures confitures. Je ne comprends pas comment tu peux t'intéresser à lui, il est tellement... Insignifiant. Je ne vois vraiment pas ce que tu peux lui trouver. Le pauvre n'a rien pour lui. Il ferait partie des premiers que j'enverrai à Azkaban si la laideur était un crime."

Beurk, beurk, beurk ! Comment pouvait-elle dire un truc pareil avec le sourire ?! D’accord, c’était grâce à ses professeurs qu’elle obtenait ses bonnes notes et il était normal qu’elle cherche à se convaincre qu’elle agissait d’une bonne façon, mais ce n’était pas vraiment le cas. Scarlett savait très bien, que même en risquant de ne pas avoir ses ASPICs, jamais elle n’aurait osé s’approcher de l’un de ses enseignants. Ils avaient tous largement plus du double de son âge, ils devaient être fripés et… Beurk, non décidément, elle préférait vraiment ne pas imaginer être avec l’un d’entre eux. D’un autre côté, elle avait toujours trouvé ça culoté de la part de Sarah d’avoir osé draguer ouvertement un de ses professeurs dans le seul but d’avoir de bonnes notes à ses examens. Le pire dans tout ça restait qu’elle avait réussi brillamment. Ses résultats scolaires prouvaient bien qu’ils étaient tous dans sa poche, elle pouvait en faire ce qu’elle voulait, et arrêter de travailler si l’envie lui en prenait, elle resterait toujours une élève brillante. Bien entendu, elle ne dépassait pas les petits rats de bibliothèque, mais ça devait être purement stratégique, tout le monde se serait posé des questions si elle avait dépassé tous les élèves qui mangeaient travail, dormaient travail et pensaient travail. La rouge et or était beaucoup plus admirative qu’elle voulait bien le laisser croire. Ce genre de petits détails lui prouvaient qu’elle n’avait pas totalement perdu la meilleure amie dont elle était si fière. Sa Sarah ne serait jamais totalement à Scipion puisque c’était l’année des ASPICs et qu’il lui faudrait conserver ses excellents résultats pendant une année de plus. Peut-être lui avait-elle expliqué son infidélité, la présentant comme une nécessité absolue pour sa future réussite ? Scarlett aurait adoré assister à ça, la scène devait être particulièrement comique et le rouge et or avait dû tomber de haut. Dommage qu’elle ne puisse pas poser directement la question.

« Ah beurk, aucune personne saine d’esprit de voudrait de Londubat. Il faut avoir de sacrés motivations pour vouloir d’un type comme lui. Franchement Sarah, tu vaux bien mieux que ça. » Dit-elle avec une petite moue de dégout. « Je suis sûre que tu te trompes pour Logan, tu n’as pas dû le regarder d’assez près, il est plutôt craquant. Peut-être qu’il ne te plait pas, mais il n’est pas laid, pas du tout ! Je n’aurais rien contre une nuit en sa compagnie. »

En même temps, Scarlett aurait pu aisément vouloir la moitié des garçons du château pour peu qu’ils soient un peu connu dans l’école, qu’ils n’aient pas un physique trop ingrat ou mieux qu’ils puissent lui apporter une information intéressante concernant un des ragots circulant dans les couloirs. La rouge et or ne savait pas vraiment si sa meilleure amie procédait de la même façon qu’elle puisque en général, c’était elle qui se chargeait de dévoiler à Sarah tout ce qu’elle apprenait afin qu’elle puisse faire passer les informations dans l’école toute entière. Tous ces stratagèmes avaient été créés dans un seul et unique but, celui de la faire passer pour adorable petite sainte auprès de la plupart de ses camarades pour qu’elle puisse continuer à leur parler quand elle le voulait sans voir une quelconque méfiance. Jusqu’ici, ça marchait plutôt bien, même si certains élèves commençaient à se méfier un peu trop d’elle. C’était certainement pour ça qu’elle avait totalement échoué en s’approchant de Sasha. Enfin, elle avait simplement eu un problème au premier round mais rien ne lui disait qu’elle n’aurait pas plus de chance un peu plus tard. Elle aurait certainement d’autres occasions de croiser la poufsouffle dans les couloirs. D’accord, beaucoup de gens disaient que cette fille si mystérieuse était incapable de se confier, mais il serait certainement plus facile pour elle de lui révéler les informations manquantes en sachant que Scarlett en connaissait déjà une bonne partie. Elle ne savait pas si la jeune fille s’était donné la peine de venir au camping, mais la probabilité qu’elle s’y trouve devait être très mince. De toute façon, elle avait d’autres chats à fouetter pour le moment, Sasha ne serait probablement pas morte à la rentrée, son interrogatoire pouvait attendre jusque-là.

"Scarlett Chérie, je viens de te dire que j'allais devoir vivre seule à Londres. Tu ne crois quand même pas que je quitterai Newcastle pour autre chose que la capitale, tout de même ? Tu devras encore me supporter un temps, je le crains. Mes parents m'enverront les informations sur les appartements susceptibles de me convenir, je choisirai le plus près de chez toi si tu veux. On se verra tout le temps, ce sera trop bien !"

Un grand sourire illumina le visage de la rouge et or. Alors comme ça, même si Scipion était entré dans sa vie, elle avait toujours comme projet de rester vivre à ses côtés ? Finalement, elle avait eu réellement tort de s’interposer entre elle et le gryffondor. Elle avait bêtement imaginé que ce serait la fin de leur amitié et que tout changerait entre elles, mais Sarah avait tout prévu. Peut-être qu’elle savait depuis déjà des années qu’elle viendrait vite près de la rouge et or, qu’elles auraient encore de nombreuses années à passer ensemble et que ce n’était pas Scipion, Pierre, Paul ou Jacques qui pourrait les séparer un jour. Bon, il y avait tout de même un problème, la jeune fille n’était pas sûre de vouloir voir la préfète emménager juste à côté de chez elle. Il faudrait lui expliquer pour cela la particularité de sa vie familiale, peut-être même l’inviter chez sa mère une fois ou deux. Elle ne pourrait malheureusement pas le faire sans qu’elle constate de ses propres yeux que sa maman était une véritable ruine humaine et ça n’avait rien de très enthousiasmant. Cependant, elle ne pouvait pas non plus interdire ce projet à sa meilleure amie sans trouver un excellent prétexte. Bien sûr qu’elle avait envie de l’avoir auprès d’elle, et elle ne se voyait pas provoquer elle-même sa perte. Au pire, Scarlett pouvait imaginer révéler quelques-unes de ces informations à Sarah. Après tout, si elles devaient être de vraies amies, autant commencer à se comporter comme telles. Elle n’avait jamais eu l’habitude ni l’envie de se confier à quelqu’un, craignant que ces confidences se retournent contre elle et qu’elle finisse par s’en mordre les doigts. Sauf que là, c’était Sarah, elle lui faisait confiance ou tout du moins, elle essayait. Personne ne pouvait plus mériter sa confiance que sa meilleure amie, mais elle appréhendait quand même ce qu’il pourrait se passer ensuite.

« Te supporter ? Tu plaisantes ? Je serais ravie de t’avoir pour moi toute seule, ou presque, je suppose qu’on devra travailler un peu quand même. Tu veux faire quoi plus tard ? »

C’était tout de même un comble, Scarlett ne savait même pas comment sa meilleure amie voyait son avenir. Pourtant, elle pensait avoir déjà eu des discussions sérieuses avec la poufsouffle. Elles avaient parlé de plein de choses depuis le temps qu’elles étaient ensemble, c’était évident. Par exemple… Bon, aucun ne lui venait en tête pour le moment, mais il devait bien y avoir au moins une fois où elles avaient parlé autre chose que du shopping, des fringues et des différentes relations naissantes entre les autres élèves de l’école, non ? Au moins, il y avait eu leur discussion dans la salle sur demande, celle où Sarah avait pleuré toutes les larmes de son corps en lui avouant qu’elle était tombée amoureuse de son ennemi, c’était quand même plus sérieux que tout ce qu’elles avaient pu se dire juste avant. Certes, elle était allée tout révéler au principal intéressé, trahissant le peu de confiance que la préfète lui avait accordé, mais ça ne comptait pas vraiment. Il fallait surtout retenir là-dedans qu’elles s’étaient comportées comme de véritables amies, c’était ce qu’il y avait de plus important. Et puis, elles avaient toutes leurs vacances d’été pour rattraper le temps perdu. Pendant l’année, elles étaient bien trop préoccupées par les cours et leurs préoccupations habituelles, avoir autant de responsabilités les empêchait certainement de parler de tout un tas de choses qu’elles auraient certainement aimé se confier si elles en avaient eu la possibilité. Oui, ça devait être ça, leur volonté n’était pas à remettre en cause, tout était simplement un problème de timing. Et puis, ce n’était pas très grave, elles étaient toutes les deux exceptionnelles, il était tout à fait normal que leur amitié sorte de l’ordinaire, ça leur ressemblait tout simplement, personne ne trouverait quelque chose à y redire.

"Mais de Londres à Londres, c'est pas très loin quand même, et comment tu peux le voir que quand t'es obligée ? Tu le vois pas tout le temps quand t'es chez toi ? Non, on s'en fiche pas ! J'veux comprendre. C'est très flou ton truc... T'habites plus avec tes parents ? Ou alors ils sont plus ensemble ? Ou alors ton père travaille pour les services secrets et veut pas prendre le risque de te mettre en danger ? C'est possible ça ? Ma mère m'a prêté un livre nul où y'avait un truc comme ça dedans, mais je me souviens pas du titre."

Scarlett se contenta de baisser les yeux vers ses jambes, cherchant à tout prix à éviter le regard de sa meilleure amie. Comment pouvait-elle répondre à ça ? Bien sûr que non son père n’était pas un super héros venant en aide à l’humanité tout entière, sauvant des vies et bravant des dangers quotidiennement et elle aurait largement préféré que ce soit ça, le lourd secret qu’elle avait à porter. Mais ce genre de choses arrivait si rarement et évidement, elle devait hériter de l’histoire tristement banale qui ne lui ressemblait absolument pas. Elle s’était un peu trop enfoncer pour faire marche arrière à présent. Tout ce qu’elle pourrait dire ne servirait qu’à l’enfoncer davantage. Elle pouvait toujours tenter de sauver les apparences, de dire que le travail de son père était très prenant et qu’elle était obligée de le voir sur des plages horaires fixes qu’il lui imposait, que cette rigueur quasi militaire l’agaçait parce que son papa lui manquait beaucoup et qu’elle avait l’impression de le voir s’éloigner au fur et à mesure des années sans qu’elle ne puisse rien faire pour le retenir. Même si Sarah lui posait plus de questions à ce sujet, elle n’avait pas grand-chose à craindre, son pathétique petit discours tenait plutôt bien la route et cette soirée assez étrange se finirait probablement dans des fausses larmes qu’elle aurait totalement inventées. Mais n’en avait-elle pas déjà trop dit ? Il aurait été tellement plus simple pour elle de se laisser entrainer dans des révélations qu’elle n’avait jamais osé faire. Maintenant, elle en avait la possibilité, ses aveux n’arriveraient pas comme un cheveu sur la soupe, ils étaient plus qu’attendus. Et puis, c’était Sarah, jamais elle ne révélerait son lourd secret, sachant pertinemment à quel point il pourrait être dévastateur pour elle. Scarlett voulait y croire, mais l’hésitation ne parvenait pas à la quitter. Heureusement, sa meilleure amie sembla imaginer qu’elle attendait toujours une réponse à sa question et coupa court à ses réflexions, au moins pour le moment.

"Quelle soeur ? J'ai une soeur moi ? Pas à ma connaiss... Oui, bon, d'accord. Elle existe peut-être un peu... C'est pas très important j't'assure. Tu la connais pas en plus."

Scarlett écarquilla les yeux en entendant Sarah lui avouer qu’elle avait bel et bien une sœur. En six ans, elle n’avait pas réussi à comprendre que sa meilleure amie n’était pas fille unique ? Pourquoi le lui avoir caché ? Est-ce que sa frangine lui faisait honte ? Est-ce qu’il y avait un lourd secret familial là-dessous ? Finalement la préfète n’avait peut-être pas la vie rêvée qu’elle s’était imaginée, elles avaient sans doute toutes les deux arrangés les choses à leur sauce sans tenter une seule fois de s’avouer mutuellement la vérité. Ou alors, elle était complétement à côté de la plaque. Peut-être qu’elle ne lui en avait jamais parlé simplement parce que Scarlett ne lui avait rien demandé à ce sujet. La rouge et or ne se souvenait pas avoir une seule fois abordé le sujet de la fratrie pendant leurs conversations. Et pour cause, elle n’aimait pas forcément avoir à mentionner la présence de Leanna dans sa vie et si elle avait tout de même déjà dû le faire au moins une fois, elle ne s’était probablement pas attardée sur la question, s’empressant d’aller sur un territoire où elle se trouverait plus à l’aise. Les questions se bousculaient dans la tête de la jeune fille sans qu’elle ne puisse déterminer avec précision laquelle il valait mieux poser en premier. Tout cela devenait particulièrement intéressant. Elle aurait adoré pouvoir y réfléchir sans avoir l’esprit aussi embrouillé que maintenant, elle regrettait presque d’avoir bu ces deux verres un petit peu avant, maintenant, elle avait beaucoup de mal à faire la part des choses. Elle dut d’ailleurs s’y reprendre à deux fois pour regarder la photo que lui tendait son amie. Elle ne voyait pas tout très clairement mais finit tout de même par reconnaitre la jeune fille qui se tenait à côté de Sarah, ce qui lui arracha une exclamation de surprise.

« Oh mon Dieu ! C’est Danah… Attend un peu, elle s’appelle pas du tout Danah Wotton. Son nom… C’est Marshall, je crois ? » Tenta-t-elle sur un ton mal assuré alors que son cerveau peinait à lier les informations entre elles. « C’est pas ta vraie sœur alors… Tes parents ont divorcé ? Ou il y a eu un adultère ? Pourquoi tu m’as jamais rien dit ? Ça doit être dur. »

C’était bien à elle de dire une chose pareille alors qu’elle avait déjà presque lâché sa bombe concernant ses différentes aventures familiales. Au moins, ni l’une ni l’autre ne pourraient se reprocher quoi que ce soit, puisqu’elles avaient chacune un petit secret qu’elles avaient tenté de dissimuler à l’autre. Cependant, si celui de Scarlett était tout de même assez étranger à sa vie à Poudlard, celui de Sarah devait être bien plus compliqué que ça à dissimuler. Alors comme ça, sa meilleure amie était la grande sœur de Danah Marshall, la fille que tout le monde connaissait ? Ce n’était pas possible. Jamais elle ne les avait vues ensemble alors qu’il lui était arrivé assez souvent de croiser la vipère dans les couloirs. D’accord, elle n’avait jamais été proche d’elle et ne se souvenait pas lui avoir adressé la parole pour autre chose que pour obtenir un quelconque renseignement, mais tout de même ! Deux frangines dans la même école, ça ne devait pas passer aussi inaperçu, si ? Enfin, pour quelqu’un qui ne s’intéressait pas du tout à ce qu’il pouvait se passer dans le château, peut-être, mais ce n’était justement pas le cas, elle pouvait connaitre l’emploi du temps de la journée d’un élève lambda en claquant des doigts si elle le souhaitait et avec le nombre de fois où elle s’était mis en tête de retrouver Sarah pour lui annoncer une extraordinaire nouvelle en plein milieu d’une journée où elles n’avaient pas prévu de se voir, jamais elle ne l’avait retrouvé en compagnie de Danah. Peut-être qu’il y avait bien plus qu’un problème de nom de famille alors ? Une histoire d’adoption ? De trahison ? Une énorme querelle qui faisait qu’elles ne s’entendaient plus depuis des années ? Oui, mais sur la photo, elles avaient l’air de plutôt s’apprécier même si elles étaient encore un peu jeunes à l’époque. Scarlett avait beaucoup de mal à comprendre et le monde qui commençait légèrement à tourner autour d’elle ne l’aidait pas.

"Ça te va ? Tu peux me raconter la vérité sur ton père maintenant ?"

La jeune fille croisa les bras sur son ventre, visiblement mal à l’aise. Elle pensait en avoir terminé avec cette histoire, celle de sa meilleure amie l’intéressait beaucoup plus et elle avait envie de se pencher sur la question plus que de raconter ses propres malheurs et pleurer sur son sort. Finalement, il n’était plus si étrange que ça d’avoir envie d’un petit remontant en plus, elle s’était pourtant dit il y a à peine une minute qu’elle avait eu tort de boire et que ça allait lui jouer des tours plus tard, mais maintenant, son verre lui paraissait très loin, trop loin. Elle décroisa les bras pour l’attraper et le termina rapidement, lançant tout de même des coups d’œil inquiets vers sa meilleure amie. Elle ne faisait que gagner du temps et c’était certainement minable de sa part, mais elle avait bien trop peur d’exploser. Était-elle réellement obligée de raconter son histoire en commençant par sa naissance, jusqu’au divorce de ses parents, ce qu’elle avait ressenti pendant toutes ces années, la façon dont sa mère parvenait tout de même à la faire vivre, comment elle trouvait ses vêtements et tout un tas d’autres choses qu’elle aurait aimé garder pour elle pendant encore un moment ? Elle pouvait toujours demander un échéancier ? Bon, d’accord, ça ne devait certainement pas exister pour les secrets mais elle pouvait toujours l’inventer. Elle préférait nettement avoir le droit de donner les informations au compte-goutte plutôt que de se sentir obligée de toutes les donner en un seul gros bloc. Elle savait déjà qu’elle aurait du mal à tout étaler sans que des sanglots ne viennent interrompre ses aveux. Après tout, c’était la première fois qu’elle en parlerait à quelqu’un, personne ne le savait, elle n’en avait jamais parlé et sa mère semblait éviter le sujet comme la peste. Petites, elle avait pourtant eu tout un tas de question à poser, mais devant l’incapacité de sa maman de lui apporter de vraies réponses, elle avait fini par les oublier dans un coin de sa tête. Elle ne voulait surtout pas y repenser maintenant, sauf qu’elle n’avait plus le choix.

« Quelle vérité ? Il y a pas grand-chose à raconter. Je… Je ne sais pas trop de quoi tu parles. » Lâcha-t-elle, cherchant une dernière fois à sauver les apparences, tout en sachant pertinemment qu’elle avait perdu la partie. « Je t’ai parlé de ma sœur ? Je crois que oui. Elle va avoir dix-sept ans elle aussi, en octobre. »

Bon, elle continuait à parler par énigmes, mais c’était mieux que rien. À moins que Sarah ait de gros problèmes de calcul mental, elle n’allait pas tarder à se rendre compte que la même de Scarlett n’avait pas pu porter elle-même les deux petites filles. Il y avait donc un énorme bug qu’elle s’était bien gardé de révéler à qui que ce soit pour le moment. Elle n’était pas certaine de réussir à pouvoir le faire sans verser quelques larmes au passage, aussi redoutait-elle le manque de tact de sa meilleure amie. Sur ce plan-là, elle n’avait rien à lui envier, l’alcool ne les aidait pas vraiment et la conversation semblait un peu floue, comme si elle n’était pas spécialement réelle. La rouge et or aurait beaucoup aimé que ça soit vrai, même si malheureusement, il y avait peu de chance que ça soit vrai.

« Ah beurk, aucune personne saine d’esprit de voudrait de Londubat. Il faut avoir de sacrés motivations pour vouloir d’un type comme lui. Franchement Sarah, tu vaux bien mieux que ça. Je suis sûre que tu te trompes pour Logan, tu n’as pas dû le regarder d’assez près, il est plutôt craquant. Peut-être qu’il ne te plait pas, mais il n’est pas laid, pas du tout ! Je n’aurais rien contre une nuit en sa compagnie. »

La Poufsouffle haussa distraitement les épaules. Si le monde entier pouvait penser que ses motivations étaient des plus réelles, il n'en était pourtant rien. Lui ou n'importe qui d'autre, le résultat était le même à part qu'en s'attaquant à son professeur, elle visait plus haut encore qu'elle ne l'avait fait jusque là. C'était tellement simple de mettre la main sur un crétin aussi mignon qu'il puisse être, ça n'avait rien d'intéressant. Bien sûr, elle était loin de considérer le Gryffondor comme l'un de ces crétins-là, fort heureusement d'ailleurs. Il n'avait rien eu d'un jeu, d'un passe-temps. Peut-être aurait-elle dû le voir ainsi, en fin de compte ? Ca aurait été certainement plus plus facile de faire face à son absence s'il n'avait rien représenté d'important à ses yeux mais non... Ce n'était pas le moment de se laisser rattraper par son souvenir, elle parvenait plus ou moins à s'en défaire en se concentrant maladroitement sur ce que pourrait être son année, "sentimentalement" parlant, inutile de tout mettre par terre pour l'instant. Que dirait Scarlett si elle ne venait qu'à comprendre à quel point il lui manquait ? Elle l'avait bien trop déçue ces derniers mois pour avoir envie de recommencer maintenant. Elle n'avait pourtant jamais voulu en arriver là, et si elle ne regrettait en rien ce qui était arrivé, elle peinait à réaliser qu'elle avait bel et bien failli perdre sa meilleure amie à cause d'un garçon. Elles avaient toujours été inséparables, intouchables, survolant tout et tout le monde sans se laisser atteindre par quoi que ce soit et tout s'était effondré avant même qu'elle n'ait eu le temps de le remarquer. Elle n'en était pas la principale fautive puisqu'elle s'était bêtement contentée d'imaginer qu'elle pouvait faire confiance à la Rouge et Or mais le résultat restait le même, tout avait failli s'envoler en fumée pour deux mois à peine passer auprès de Scipion... Si elles ne s'étaient pas réconciliées, est-ce qu'elle aurait toujours eu l'impression que ça en valait quand même la peine ? Oui, certainement... Elle n'était d'ailleurs pas convaincue de l'utiliter d'une telle question. Sa vie toute entière aurait pu être réduite en cendres que ces quelques semaines l'aurait largement valu.

"Je ne suis pas sûre de pouvoir me fier à ton jugement sur ce point-là... Honeycutt, sérieusement ! De près, de loin, c'est exactement la même chose. J'ai passé ces dernières années à le croiser dans ma salle commune, je sais de quoi je parle ! Les beaux garçons de Poufsouffle, je les reconnais, et lui n'en fait vraiment pas partie. Mais libre à toi de passer une nuit en sa compagnie si le coeur t'en dit, je saurais m'occuper pendant ce temps-là."

Elle ne se faisait pas le moindre soucis là-dessus. Elle avait prévu que sa meilleure amie ne resterait pas en permanence avec elle, préférant sûrement aller flirter à droite à gauche que lui tenir compagnie à longueur de journées, surtout si c'était pour discuter mode et mâles à tout bout de champ. Elles n'étaient de toute façon pas bien douées pour parler d'autre chose... Sarah avait beau cherché aussi loin que ses souvenirs le lui permettaient, elle ne se souvenait pas avoir eu une seule conversation intéressante et constructive avec la jeune fille... Bien sûr, il y avait eu le sombre épisode de la salle sur demande, leur dispute et leur réconciliation mais elle peinait à compter cela comme des conversations intéressantes puisqu'elle n'en avait retenu rien d'autre que la traîtrise dont elle pouvait faire preuve. Après, tout n'était pas perdu. Peut-être que ces vacances sonneraient comme un nouveau tournant dans leur amitié, peut-être s'aventureraient-elles sur un terrain plus sincère, plus normal ? Elle ne comptait pas trop dessus, elles n'avaient jamais paru adapter à ce genre de relations. Elle-même avait réussi à oublier égoïsme et hypocrisie aux côtés de Scipion mais elle n'était pas convaincue quant à la réussite de cette entreprise auprès de qui que ce soit d'autre, Scarlett comprise. Que deviendraient-elles si elles en venaient à abandonner potins et compagnie pour se raconter leur vie, leur vraie vie en tout cas ? Sauraient-elles rester aussi proches qu'elles l'avaient été si elles devaient s'épauler, s'entraider réellement ? La seule fois où la Rouge et Or y avait été confrontée, elle s'était empressée de tout envoyer valser pour servir ses propres intérêts, intérêts que la blonde ne parvenait toujours pas à entrevoir. Non, si elles en arrivaient là ce serait très certainement la fin de leur amitié. Il ne resterait plus rien que des sourires faux et des supplications silencieuses pour que tout prenne fin au plus vite. Elles étaient condamnées à passer leur vie à parler ragots, chiffons et garçons...

« Te supporter ? Tu plaisantes ? Je serais ravie de t’avoir pour moi toute seule, ou presque, je suppose qu’on devra travailler un peu quand même. Tu veux faire quoi plus tard ? »

Le sourire qui avait éclairé le visage de sa meilleure amie la fit sourire également. Bon, ce n'était pas vraiment ce qu'elle avait espéré ces derniers mois mais elle saurait certainement s'en contenter. Elle aurait au moins Scarlett près d'elle jusqu'à ce que la mort les sépare, quelqu'un avec qui elle s'entendait bien, qui pouvait lui promettre d'ors et déjà des séances shopping extraordinaires, des après-midis entre filles merveilleuses. Elle ne pouvait espérer mieux. C'était bien difficile de s'en convaincre après avoir espéré tout quitter pour suivre Scipion où bon lui semblerait mais elle n'avait d'autre choix que d'y parvenir. Il l'avait lâchement abandonnée, ne semblait pas enclin à donner des nouvelles un jour, il fallait qu'elle passe au dessus, qu'elle fasse presque comme s'il ne s'était jamais rien passé. Même si elle lui avait promis qu'elle ne le ferait pas... Comme s'il ne s'était rien passé, c'était de toute façon impossible, même avec toute la bonne volonté du monde. Elle avait très certainement passé les deux plus beaux mois de sa scolarité à Poudlard, elle ne pouvait pas les renier simplement parce qu'il avait réussi à faire comme si elle n'existait pas. Elle aurait dû le détester plus encore qu'elle ne l'avait jamais fait pour avoir ainsi disparu de sa vie mais il n'y avait rien à faire, elle passait son temps à lui trouver toutes les excuses possibles pour expliquer ce silence, même si elle ne croyait pas vraiment la moitié de celles-ci. Il l'avait oubliée, c'était tout ce qu'il y avait à retenir. Son sourire s'effaça légèrement à cette pensée. Il l'avait oubliée... C'était la seule explication plausible de toute manière. Peut-être avait-il joué avec elle jusqu'au bout, endormant sa vigilence pour accomplir elle ne savait quel dessein qu'il pouvait avoir en tête à ce moment-là. Elle avait tant délaissé le monde, Scarlett et sa place de commère qu'elle aurait pu facilement passer à côté... Ou bien il était dans un état aussi lamentable qu'elle et s'imaginait les mêmes scénarios en espérant bêtement qu'un signe de vie apparaisse comme par enchantement. Elle avait beau garder espoir quant au fait qu'elle pourrait le revoir un jour, même si c'était dans dix ou quinze ans, elle ne pouvait pas décemment croire qu'il puisse être tombé aussi pas. Pas lui...

"Je ne suis pas encore parfaitement décidée... Neville m'a donné les adresses d'Hermione Granger et de Percy Weasley, il dit que si je leur écris de sa part, j'aurais peut-être la chance d'avoir des conseils quant à mon orientation future au sein du Ministère... Je comptais le faire pendant les vacances, si je dois passer une journée sur Londres ce sera faisable comme ça. Enfin... On verra bien." expliqua t-elle avec un manque de conviction affolant, comme si ce qu'elle espérait depuis son entrée au château lui paraissait d'un coup morne et sans intérêt. "Ou alors on deviendra célèbres, on aura la vie exceptionnelle qu'on mérite sans rien faire d'autre de nos journées que d'être jolies. Comme d'habitude mais en étant payées pour ça... Ce serait bien, non ? Tu voudrais faire quoi toi ?"

Elle n'avait pas pensé une seule seconde, l'alcool sans doute, que ses perspectives d'avenir ne collaient rien avec l'image que sa meilleure amie et l'école toute entière pouvaient avoir d'elle. Comment une idiote qui était obligée de coucher avec ses professeurs pour avoir des notes correctes pourraient entrer un jour au Ministère de la Magie ? Ca n'avait aucun sens mais pour l'heure, ça lui semblait d'une logique imparable, comme si elle allait comprendre d'elle-même qu'elle travaillait bien plus qu'elle ne le laissait penser. Elle la connaissait depuis six ans maintenant, elle ne pouvait pas passer à côté de ça, elle avait dû le remarquer depuis des années déjà mais n'avait rien dit, ne souhaitant pas la laisser croire une seule seconde que sa couverture ne tenait pas la route. Elle avait toujours été une amie formidable mais l'avait caché toutes ces années pour coller à son personnage à elle, rien de plus. Ca devait être ça. Ca ne pouvait être que ça. Et elle, pauvre imbécile qu'elle était, n'avait strictement rien compris, rejetant sans cesse toutes les fautes sur elle au lieu de se remettre en question comme elle l'aurait sûrement dû. Elle avait presque envie de la prendre dans ses bras et de lui demander pardon un million de fois au moins, jusqu'à ce que ce soit suffisant pour excuser sa négligence. Ca ne le serait probablement jamais, il lui faudrait plus d'une vie pour parvenir à effacer tant de bêtises de sa part mais au moins elle finirait par comprendre qu'elle s'en voulait réellement et qu'elle était prête à repartir sur de meilleures bases...

Lancée dans sa réflexion quant aux possibles raisons qui poussaient Scarlett à ne voir son père qui habitait la même ville qu'elle seulement quand elle y était obligée, elle ne remarqua pas le malaise de celle-ci. Elle allait bien finir par trouver, c'était certain, mais chaque hypothèse paraissait être plus foireuse que la précédente, l'éloignant de la réalité. Elle ne la connaissait pourtant pas mais elle avait l'impression de se savoir sur une fausse piste, pataugeant dans des délires qu'elle-seule pouvait contrôler sans pour autant y parvenir. Que ça aurait été amusant d'apprendre que sa meilleure amie était la fille d'un haut dirigeant étranger toujours en voyage ou d'elle ne savait encore trop quel père hors du commun. Elle aurait pu lui poser mille et une questions à son sujet et lui promettre de garder le secret, ce qu'elle n'aurait bien entendu fait qu'un temps, bien trop fière de pouvoir se vanter d'être la meilleure amie de Miss Levinson. Mais quelque chose clochait... Ca n'allait pas avec l'attitude de Scarlett. Elle n'avait rien dit mais si elle s'était approchée bien près de la vérité, elle se serait empressée de tout lui raconter, les yeux brillants et le sourire satisfait, ne serait-ce que pour voir s'allumer au fond de ses prunelles claires une lueur d'envie. Elle n'avait jamais tu que son père, ou beau-père en l'occurence, était un Médicomage relativement réputé ce qui le poussait à passer le plus clair de son temps hors du domicile familial mais qu'était un simple médecin face au Premier Ministre de la Magie australien, américain ou d'elle ne savait trop quel pays anglophone ? Bien sûr qu'elle l'aurait jalousée, comme n'importe quelle fille normalement constituée d'ailleurs. Elle était jolie, elle savait s'y prendre avec les garçons, réussissait à arracher n'importe quelle information à n'importe qui, alors si en plus elle avait une famille extraordinaire et puissante...

Sarah lâcha tout de même ses réflexions pour l'éclairer sur sa situation familiale autant que sur sa fratrie, existant bien davantage qu'elle ne le lui avait avoué jusque là. Elle n'aurait jamais dû se laisser aller à parler à ce point mais elle ne s'en rendait pas vraiment compte, entrevoyant seulement la possibilité que la Gryffondor s'étale à son tour, lui en apprenant bien plus qu'elle ne l'aurait espéré, qu'elle-même n'en avait dit... Elle avait pourtant bien vu ce que ça donnait de se confier à Scarlett. Combien de temps mettrait-elle à divulguer ce qu'elle savait au camping tout entier ? Peut-être irait-elle même jusqu'à écrire à toutes ses connaissances pour le leur apprendre sans avoir à attendre de les revoir sur le quai... Tout se saurait, de ses projets en Botanique à l'existence d'une demi-soeur, en passant par ses heures de travail cachées... Sa vie serait foutue et elle ne pourrait s'en prendre qu'à elle. Sauf que pour l'instant, elle était bien loin d'avoir de telles préoccupations. Elle était à deux doigts d'obtenir des révélations inespérées quant à sa meilleure amie ! Enfin presque... Le nez sur la photo qu'elle venait de lui tendre, le visage de la blonde se peignit de stupeur. Sur le coup, elle imagina qu'elle s'étonnait devant le paysage, ou devant leurs lignes irréprochables, leurs bikinis de marque... Que seuls les détails sans grande importance lui apparaissaient réellement. Elle avait une soeur, oui, et après ? Personne ne savait qui elle était, elle n'aurait qu'à inventer un prénom, voire même à filer le deuxième prénom de Danah et on en parlerait plus. Personne ne comprendrait jamais qui elle était réellement et sa vie resterait aussi merveilleuse qu'elle l'avait toujours été...

« Oh mon Dieu ! C’est Danah… Attend un peu, elle s’appelle pas du tout Danah Wotton. Son nom… C’est Marshall, je crois ? C’est pas ta vraie sœur alors… Tes parents ont divorcé ? Ou il y a eu un adultère ? Pourquoi tu m’as jamais rien dit ? Ça doit être dur. »

La Poufsouffle sursauta violemment, faisant tomber son sac dont le contenu se répendit sur le sol dans une myriade de bruits désordonnés. Ses joues avaient perdu toutes leurs couleurs tandis que son regard se faisait plus perdu qu'il ne l'avait jamais été. Elle ne comprenait pas. Quelque chose lui échappait. Elle avait pourtant tout prévu: elle lui avouait qu'elle avait une frangine, le lui prouvait même mais elle n'aurait jamais eu à être confrontée réellement à la réalité. Au pire, elle aurait pu expliquer qu'elle était cracmol et comme personne n'aurait jamais été vérifié, elle s'enlevait elle-même un poids. Mais non... Rien ne s'était passé comme elle l'avait souhaité. Scarlett avait reconnu Danah. Scarlett avait compris. Scarlett savait... Et avec elle, probablement tous les gens qu'elles pouvaient côtoyer. Abassourdie, elle était incapable de prononcer le moindre mot, de se justifier, de trouver un mensonge pour se sortir de là... Elle se contentait de fixer son interlocutrice comme si elle venait de lui annoncer qu'elle était venue au camping pour la tuer, les mains crispées sur son porte-feuille qui n'avait strictement rien demandé. Elle pouvait toujours retenter le sortilège d'Oubliettes, avec un peu de chance il marcherait mieux que sur Scipion... Mais si elle échouait, ce serait en avouer bien plus qu'elle avait pu en dire jusque là, comme ça avait été le cas avec le jeune homme. Elle hoqueta nerveusement, et s'éloigna d'un geste approximatif, manquant de tomber au passage. Son coeur battait à tout rompre, elle comprenait seulement dans quel piège elle venait de tomber. Il ne fallait pas lui faire confiance, il lui avait dit pourtant ! Elle s'était promis de suivre ses conseils... Machinalement, elle se mit à mordiller distraitement l'ongle de son petit doigt, ruinant sa manucure au passage.

"Si. Enfin presque... C'est que je ne... Je le... Je... Qu'importe. Non, ça va."

Elle avait perdu toute assurance et ressemblait davantage à une enfant paniquée qu'à l'une des plus grandes menteuses de l'école. Elle ne savait plus très bien si elle devait continuer dans sa lancée au risque de s'enfoncer encore plus ou s'il valait mieux pour elle battre en retraite, prétextant qu'elle était fatiguée, qu'elle voulait aller se coucher... Ce serait certainement plus sage. Protéger ce qu'il pouvait encore l'être... Elle en savait déjà trop, beaucoup trop. L'envie de la planter là et de filer écrire au Gryffondor en le suppliant de l'aider lui traversa l'esprit et s'y installa bien sagement. Il paraissait assez bien la connaître, il saurait sûrement quoi faire. Que risquait-elle ? Qu'il ne lui réponde pas ? Que son hibou tourne en rond pendant des mois sans jamais le trouver ? Qu'il lui fasse remarquer qu'il l'avait prévenue et que c'était bien fait pour elle ? Qu'il lui demande explicitement de l'oublier et de ne plus jamais chercher à le recontacter, surtout pour des idioties comme ça...? Si elle était prête à tout supporter juste en se disant qu'elle avait au moins fait tout ce qui était possible pour garder un semblant de lien, même sur le dos de Scarlett, elle savait qu'elle ne pourrait pas faire face à cette dernière possibilité. Que deviendrait-elle si tous ses rêves de le voir revenir un jour se brisaient nets ? Elle peinait déjà à se dire qu'il lui faudrait passer au dessus pendant un an, alors pendant toute une vie... Elle voulait qu'il revienne. Il ne pouvait que revenir un jour de toute façon, il finirait par comprendre qu'il ne pouvait pas vivre sans elle, n'est-ce pas ? Elle n'y croyait malheureusement pas vraiment... Scarlett coupa court à ses tristes réflexions, se ruant à moitié sur son verre qu'elle avait posé sur la table peu de temps auparavant avant de le porter à ses lèvres en la surveillant du coin de l'oeil d'un air inquiet comme si elle craignait qu'elle eut pour mission de lui faire avaler du Véritaserum. Elle ne comprenait pas son attitude mais ne cherchait pas pour autant à le faire, se contentant d'attendre sans broncher, priant pour que la conversation se termine enfin. Il n'était pourtant pas tard mais elle n'avait jamais autant souhaité retrouver son lit. Elle voulait échapper à tout ça, en finir avec ces confessions stupides qui ne mèneraient jamais à rien ou mieux, se réveiller pour se rendre compte qu'elle était toujours dans sa chambre et qu'elle n'aurait jamais à mettre les pieds dans ce maudit camping.

« Quelle vérité ? Il y a pas grand-chose à raconter. Je… Je ne sais pas trop de quoi tu parles. Je t’ai parlé de ma sœur ? Je crois que oui. Elle va avoir dix-sept ans elle aussi, en octobre. »

Elle fronça légèrement les sourcils en l'entendant. Pas grand chose ne signifiait pas rien, aussi elle venait elle-même d'admettre qu'elle lui cachait quelque chose. C'était vraiment injuste ! Elle venait de lui raconter quasiment toute sa vie et voilà que Madame préférait garder la sienne pour elle. Ce fut seulement à ce moment-là, après avoir silencieusement pesté contre sa meilleure amie, qu'elle réalisa qu'elle venait de mentionner une soeur dont elle ne se souvenait pas avoir entendu parler un jour, quoi qu'en dise Scarlett. Il lui semblait tout d'un coup qu'elles menaient à peu de choses près la même existence secrète, faite de chemins tortueux qui n'avaient rien de plaisant et qu'elles tentaient au mieux de dissimuler. Et dire qu'elle avait été à deux doigts d'y parvenir complètement. Ou presque... Scipion avait réussi à apprendre de lui-même le lien qui l'unissait à Danah, aussi il était possible que d'autres aient pu le faire même s'il paraîtrait bizarre que quelqu'un cherche à en apprendre à son sujet sans jamais rien révéler. Les similitudes étaient telles qu'elle ne put s'empêcher de se demander si elle ne lui mentait pas pour l'attendrir, pour la pousser à se dévoiler davantage en pensant qu'elle se trouvait auprès de la personne la plus apte à la comprendre. Ca ressemblait bien à la Scarlett à laquelle elle avait eu tort de faire confiance quelques mois plus tôt mais guère à celle qu'elle voulait avoir en face d'elle ce soir. Cette Scarlett-là était sincère, elle tenait à elle et n'avait pas envie de briser leur amitié pour quelques bribes de secrets qu'elle pourrait aller révéler à qui voudrait l'écouter. Malgré les recommandations du Gryffondor, elle avait envie de lui faire confiance. C'était sa meilleure amie après tout, et elle, elle était encore là. Sarah se détendit enfin, les idées toujours aussi peu claires mais le coeur léger.

"Non, tu m'avais pas dit que tu avais une jum... Ah bah n... Oh." bredouilla t-elle en réalisant qu'elles ne pouvaient pas être jumelles puisque la blonde fêtait son anniversaire ce soir, en même temps qu'elle et non en Octobre. "Je vois... Tu ne dois pas l'aimer beaucoup."

Bien sûr, elle pouvait toujours se tromper lamentablement mais à sa place, les envies de meurtre seraient nombreuses. Elle avait toujours eu, depuis ses sept ans et le détestable aveux de sa génitrice, l'étrange impression que son père avait fondé une famille ailleurs sans en avoir le coeur net alors elle n'osait pas imaginer ce que devait ressentir sa meilleure amie en l'ayant sous le nez. Puisque c'était le cas, non ? Elle voyait son père, elle le lui avait dit, donc si elle avait une soeur de quelques mois plus jeune, elle devait sûrement la voir également. Pauvre Scarlett...

"Je ne suis pas sûre de pouvoir me fier à ton jugement sur ce point-là... Honeycutt, sérieusement ! De près, de loin, c'est exactement la même chose. J'ai passé ces dernières années à le croiser dans ma salle commune, je sais de quoi je parle ! Les beaux garçons de Poufsouffle, je les reconnais, et lui n'en fait vraiment pas partie. Mais libre à toi de passer une nuit en sa compagnie si le coeur t'en dit, je saurais m'occuper pendant ce temps-là."

Scarlett se contenta de sourire de toutes ses dents, ravie que la conversation prenne cette tournure pour le moins inattendue. Bien sûr, il leur arrivait assez souvent de parler garçon, mais généralement pas des garçons qu’elles voulaient pour elles. Il était nettement plus amusant de tenter de faire des pronostics sur les couples qui allaient se former au château dans les prochaines semaines ou les prochains moi. Généralement, elles réussissaient plutôt bien leur pari, pour ce qui était des élèves de leur classe, en tout cas. Pour le reste, c’était nettement plus compliqué, elles ne pouvaient pas connaitre tous les élèves, ni même être témoin des petits regards ou des mots échangés sous les tables. Rien que pour ça, Scarlett regrettait amèrement de ne pas pouvoir suivre les cours de toutes les années confondues. Déjà, ça lui donnerait l’impression de travailler beaucoup plus que les autres même si en vérité, elle ne faisait rien et en plus, elle donnerait une excellente image d’elle à ses professeurs qui la verraient en cours plus souvent que n’importe qui. Personne n’était obligé de savoir qu’elle venait dans les salles de classes en tant qu’espion, il y avait tellement d’avantages à tirer de cette situation. Cependant, il y avait tout de même un léger problème. La rouge et or ne savait pas du tout comment elle pourrait expliquer à la directrice qu’elle voulait retourner dans les classes inférieures. C’était certainement impossible. Peut-être pourrait-elle simplement dire qu’elle tenait à combler ses lacunes ? Oui, mais dans ce cas-là, il était fort probable qu’elle se retrouver en cours particulier, ce qui ne l’avancerait pas à grand-chose si ce n’était qu’elle serait inévitablement obligée de travailler cette fois-ci. Scarlett était déjà certaine qu’avec un peu d’efforts et les tenues vestimentaires appropriées, elle parviendrait fort bien à obtenir ses ASPICs, elle n’allait tout de même pas se mettre à ressembler aux petits rats de bibliothèque, ce serait toucher le fond.

« Tu as tort, je ne me souviens pas m’être déjà trompée sur ce point. Et puis, même si tu ne le trouves pas spécialement beau, il a d’autres avantages non négligeables. »

Et quels avantages ! Il était plutôt populaire parmi les autres élèves puisqu’il faisait partie de l’équipe de quidditch des poufsouffles. Il y avait fort à parier qu’il souhaitait évoluer dans ce domaine à la fin de sa scolarité, fin qui approchait très bientôt, d’ailleurs. S’il devait devenir joueur professionnel, il aurait tout un tas de filles à ses pieds, il serait donc un réel privilège pour la rouge et or de l’avoir uniquement pour elle et de pouvoir narguer toutes les autres greluches qui tenteraient de s’en approcher. Il serait célèbre et adulé ce qui ouvrirait de nombreuses portes à Scarlett qui pourrait certainement accéder nettement plus facilement à la gloire dont elle rêvait. Il n’y avait que des avantages à rester auprès de Logan et il était tout de même étonnant que Sarah n’arrive pas vraiment à les concevoir. Mais qu’importe, si la préfète ne convoitait pas ce garçon, ça lui faisait une concurrente de taille, en moins. C’était d’ailleurs le seul avantage que la gryffondor avait réussi à trouver à Scipion. Au moins, il éloignait une très jolie fille de tous les autres proies potentielles qu’elle pouvait avoir au château, laissant à Scarlett qui n’avait pas manqué d’en profiter. En plus, elle avait choisi le seul garçon qu’elle trouvait trop répugnant pour avoir un jour envie de se l’approprier, c’était merveilleux, un vrai conte de fée. Enfin, ça l’aurait beaucoup moins été si le jeune homme était resté plus longtemps dans leurs vies, elle ne le supportait déjà pas à l’origine et avait fait une croix sur toute tentative d’acceptation en se rendant compte qu’elle ne pouvait le regarder sans avoir envie de jouer aux fléchettes avec sa tête. Autant dire qu’elle avait eu beaucoup de mal à feindre un semblant d’amitié qui n’existait pas et n’existerait probablement jamais. Mais tant que Sarah était tombée dans le panneau, c’était le principal.

"Je ne suis pas encore parfaitement décidée... Neville m'a donné les adresses d'Hermione Granger et de Percy Weasley, il dit que si je leur écris de sa part, j'aurais peut-être la chance d'avoir des conseils quant à mon orientation future au sein du Ministère... Je comptais le faire pendant les vacances, si je dois passer une journée sur Londres ce sera faisable comme ça. Enfin... On verra bien. Ou alors on deviendra célèbres, on aura la vie exceptionnelle qu'on mérite sans rien faire d'autre de nos journées que d'être jolies. Comme d'habitude mais en étant payées pour ça... Ce serait bien, non ? Tu voudrais faire quoi toi ?"

Scarlett ouvrit de grands yeux, loin de se préoccuper directement de la question posée par sa meilleure amie. Alors comme ça, elle voulait travailler au ministère ? Sarah ? Sa Sarah ? Peut-être qu’elle avait mal entendu ? Sa vision n’était déjà pas très net, il était également fort possible qu’elle ait mal entendu. La préfète avait dû simplement dire qu’elle voulait travailler sur les trottoirs devant le ministère ou quelque chose dans ce genre-là. Sauf que ça ne tenait absolument pas la route, pourquoi aurait-elle eu besoin d’une lettre de Percy Weasley ou d’Hermione Granger ? Et puis, qui c’était d’ailleurs ? Sûrement des gens importants pour qu’ils puissent lui donner des conseils d’orientation mais la rouge et or avait tout de même beaucoup du mal à envisager la réussite potentielle de la poufsouffle. Ne devrait-elle pas faire des études assez longues pour entrer là-dedans ? Enfin, ça dépendait de ce qu’elle voulait faire, elle avait probablement toutes ses chances si elle voulait y entrer comme secrétaire, ses bonnes notes le lui permettait et elle n’avait pas forcément besoin de suivre un cursus au-dessus de ses capacités pour se retrouver dans le métier. D’un autre côté, sa meilleure amie était toujours arrivée à ses fins quoi qu’il puisse se passer, elle avait peut-être déjà tout prévu pour réussir. Il y aurait bien des professeurs séduisants à la fac, et personne ne pouvait résister très longtemps à Sarah. L’adultère n’était même pas vraiment un péché avec elle, c’était sûrement quelque chose de normal puisque la préfète était exceptionnelle ou en tout cas elle l’avait été et le redeviendrait certainement dans les semaines à venir. Maintenant qu’elles étaient débarrassé du boulet numéro un, la rouge et or était sûre de retrouver très bientôt sa meilleure amie, et non pas la loque humaine qu’elle avait essayé tant bien que mal de remettre dans le droit chemin. Elle pouvait retrouver sa place au sein du château en un claquement de doigts, Scarlett en était plus que convaincue.

« Au ministère ? Vraiment ? Je n’aurais jamais cru que tu aurais voulu te lancer dans des études, il ne faut pas un minimum de travail personnel pour réussir là-dedans ? En même temps, ça dépend de ce que tu vises et de qui tu réussis à séduire là-bas. Si tu fais craquer le ministre de la magie en personne, tu devrais y arriver. Waow, c’est ambitieux. » Remarqua-t-elle avec un enthousiasme mal dissimulé. « Mais je suis plutôt d’accord pour la célébrité, c’est ce qui nous ressemble le plus de toute façon. On est des vedettes, j’en suis sûre, il ne reste plus qu’à le prouver au monde entier. Mais en attendant de le devenir, je vais faire des études de stylisme, je crois, rien de bien certain pour le moment. »

Bon, maintenant qu’elle avait craché le morceau avec calme et sérénité, il fallait espérer que Sarah ne lui pose pas plus de questions à ce sujet. Jusqu’ici, ça pouvait encore passer pour une décision logique et réfléchie, Scarlett avait toujours évolué dans ce milieu-là en tentant les concours de beauté, elle avait pris l’habitude de suivre la mode et les tendances et Sarah savait à quel point elle aimait le shopping, les nouveaux vêtements et elle s’était toujours beaucoup intéressés aux nouveaux mannequins, aux égéries et à tous les petits détails qui paraissaient dérisoires aux yeux de nombreuses filles. Cependant, ces études nécessitaient un certain talent, elle ne pouvait pas prétendre suivre ce cursus en tant que réelle amatrice, il fallait qu’elle soit prise à l’université pour ça et pour cela, elle voulait pouvoir présenter certaines de ses créations en rendant son dossier. Là était le problème, Sarah ignorait tout de sa passion et elle aurait aimé qu’elle continue. Si jamais elle venait à savoir qu’elle s’occupait elle-même de ses vêtements, elle passerait certainement pour une moins que rien, elle ne voulait surtout pas que ça arrive. Elle voulait rester riche, du moins, en apparence. Un stratagème qui avait fonctionné pendant six ans, ou en tout cas depuis qu’elle l’avait instauré, ne pouvait pas se briser alors qu’elle était si proche de la fin de sa scolarité, c’était totalement impensable. En même temps, si elle devait réellement suivre ce cursus plus tard, sa meilleure amie verrait bien qu’elle n’était pas si nulle que ça et qu’en plus elle n’était pas franchement une débutante dans le domaine. Scarlett avait commencé son travail de couturière dès l’école primaire, même si ses créations étaient légèrement bancales à cette époque, elle avait tout de suite eu beaucoup d’imagination et même si elle buttait très souvent sur la réalisation des projets qu’elle échafaudait elle avait très vite progressé. À son arrivée à Poudlard, elle savait déjà faire un maximum de choses et elle avait rapidement appris à se perfectionner. Tout ce travail ne pourrait pas passer inaperçu indéfiniment.

"Si. Enfin presque... C'est que je ne... Je le... Je... Qu'importe. Non, ça va."

Non, non, non et non ! Elle ne pouvait certainement pas la laisser comme ça ! Elle venait de lui faire une monstrueuse révélation, quelque chose dont Scarlett n’aurait jamais pu se douter si elle n’en avait pas fait la remarque et voilà que maintenant, elle reculait, tentant tant bien que mal de dissimuler un secret dont elle ignorait tout mis à part son existence. Ne pouvait-elle pas tout simplement reconnaitre qu’il était trop tard ? Maintenant, la rouge et or savait et ne lâcherait pas avant d’avoir obtenu le fin mot de l’histoire. Tout cela était si étrange. Danah Marshall ? Vraiment ? C’était une jeune fille exceptionnelle, comme sa sœur finalement, alors pourquoi faisaient-elles comme si elles ne se connaissaient pas lorsqu’elles étaient à l’école ? Était-ce une question de maisons ? La rouge et or n’avait jamais eu de réticences pour l’une ou l’autre d’entre elles, se fichant bien de qui elle pouvait bien fréquenter. Alors qu’y avait-il ? Qu’est-ce que Sarah pouvait bien avoir à cacher de si important ? Cette différence de noms de familles… Il y avait forcément une explication logique et censée, Sarah n’arrêtait pas de lui dire à quel point son père était merveilleux, est-ce que ça voulait dire que sa mère l’avait trompé mais qu’il était resté quand même malgré tout ? Dans ce cas, Scarlett aurait été certainement bien inspiré de lui faire rencontrer son propre géniteur pour qu’il en tire une bonne leçon. Mais là n’était pas la question, elle voulait découvrir ce que lui cachait sa meilleure amie et rien ne semblait plus important à côté de cette histoire un peu floue dont elle ignorait tout. Une chose était sûre, elle ne lâcherait pas l’affaire avant que la préfète ne soit passée à table, elle lui devait ces explications. Elles étaient les meilleures amies du monde, comment pouvaient-elles en ignorer autant l’une sur l’autre ? C’était invraisemblable, il fallait rattraper ce petit défaut immédiatement.

« Non, pas qu’importe ! Explique-moi, c’est quoi cette histoire ? J’ai un peu de mal à comprendre. Peut-être que je me fais des idées, il y a une explication toute simple, hein ? Et puis, je vois pas pourquoi tu le caches, elle est géniale Danah, enfin pour le peu que je connais d’elle. »

Étrangement, Scarlett n’avait jamais essayé de se rapprocher de la vipère plus que ça. Peut-être aurait-elle dû finalement, ça lui aurait au moins permis de prendre connaissance de ce secret un peu plus tôt. Les deux sœurs n’auraient certainement pas pu être amies avec elle sans lui révéler la véritable nature de leurs liens, c’était quasiment impossible. Et puis de toute façon, pourquoi lui faire des cachoteries à elle ? Bon, d’accord comme pierre tombale, on faisait certainement beaucoup mieux, elle était loin, très loin de savoir tenir sa langue, et il était évident que sa meilleure amie ne devait pas forcément apprécier qu’elle divulgue ce genre d’informations, mais avoir une sœur aussi géniale que Danah, en quoi ça pourrait bien lui nuire ? Peut-être avait-elle tout simplement peur de se retrouver dans l’ombre de sa frangine après tout, pourtant, il n’y avait pas beaucoup de risques. Les deux jeunes filles étaient tout de même incroyablement différentes, au niveau du style en tout cas puisque la personnalité de la vipère lui était encore inconnue à ce jour. Une chose était sûre, à la rentrée elle essaierait de se lier un peu plus avec cette fille mystérieuse. Avec un peu de chance, elle avait la langue bien pendue et lui raconterait tous les petits secrets de Sarah sans qu’elle ait à les demander à la principale intéressée. Il fallait bien essayer de trouver un quelconque intérêt à cette situation. Scarlett savait pertinemment que tout ce qu’elle apprendrait sur la préfète devrait rester secret. Sa meilleure amie lui donnait une seconde chance qui serait probablement la dernière, autant s’en montrer digne et tâcher de lui prouver qu’elle était capable d’apprendre de ses erreurs et d’être une amie convenable. Ce serait au moins le moyen de lui prouver qu’elle comptait pour elle et qu’elle ne voulait plus la voir partir. Enfin, Sarah avait déjà dû le comprendre, mais il n’était jamais inutile d’en rajouter une couche.

"Non, tu m'avais pas dit que tu avais une jum... Ah bah n... Oh. Je vois... Tu ne dois pas l'aimer beaucoup."

Sarah ne semblait pas avoir eu tant de mal à comprendre. Que faire maintenant ? Ouvrir les vannes et laisser libre cours à son chagrin ? Ce n’était certainement pas l’idée du siècle, d’accord la préfète connaissait la vérité à présent, mais ce n’était pas pour autant qu’elle se doutait à quel point Scarlett détestait son père et la vie qu’il menait avec sa famille reconstituée. En même temps, c’était la première fois qu’elle pouvait tenter de se confier si elle en avait réellement envie. Jamais la rouge et or ne s’était laissée aller à parler de ses problèmes familiaux, et elle n’en avait pas franchement ressenti le besoin. Mais c’était son anniversaire, elle n’avait reçu aucune lettre venant de ses parents et encore moins des cadeaux. Toute la journée elle avait vainement espéré et aurait aimé pouvoir partager son désarroi avec quelqu’un, sauf qu’elle ne pouvait pas. Maintenant, les choses avaient légèrement évoluées… Il restait tout de même des zones d’ombres qui l’empêchaient d’ouvrir vraiment la bouche pour dire tout ce qu’elle avait sur le cœur. C’était Sarah, en tant que commère, elle était encore pire que la rouge et or, si jamais l’envie lui en prenait elle pourrait tout révéler et il en serait définitivement terminé de la belle réputation de Scarlett. En plus, elle avait toutes les raisons du monde d’avoir envie de la détruire. Après tout, la poufsouffle n’avait pour le moment pas du tout tenté de mettre au point une vengeance, mais rien ne lui indiquait qu’elle n’en ait pas envie en fin de compte, ce serait même tout à fait légitime. D’un autre côté, Sarah était sa meilleure amie et méritait certainement qu’elle lui accorde le peu de confiance qu’elle était capable de donner à quelqu’un. Et si elle la trahissait ? Tant pis, au moins, elles seraient quittes et son propre sentiment de culpabilité disparaitrait inévitablement. C’était probablement la solution la plus sage.

« C’est peu de le dire, elle m’a volé mon père, la garce. J’ai eu de la chance, elle entre en sixième année du coup puisqu’elle est d’octobre et en plus elle n’est pas à gryffondor, plutôt mourir que de l’avoir avec moi. Mon père et l’espèce de dinde qui lui sert de femme veulent instaurer une belle harmonie familiale, quand ils auront compris que je ne fais pas partie de leur famille, peut-être qu’ils me ficheront enfin la paix. »

Scarlett marqua tout de même une pause, guettant un éventuel éclat de rire qui ne semblait pas disposé à se faire entendre. Rassurée sur les intentions de sa meilleure amie, elle décroisa les jambes pour se rapprocher sensiblement de sa meilleure amie et poser la tête sur son épaule, ayant soudain l’air d’une enfant de cinq ans qui avait simplement besoin d’être consolé. La rouge et or s’était toujours vantée de tout faire par rapport à son image et à sa réputation. Elle devait bien reconnaitre que ce soir, elle en prenait tout de même un sacré coup.

« Tu as tort, je ne me souviens pas m’être déjà trompée sur ce point. Et puis, même si tu ne le trouves pas spécialement beau, il a d’autres avantages non négligeables. »

Sarah se redressa, soudainement bien plus intéressée par cette conversation qu'elle ne l'avait été jusque là. Débattre au sujet de Logan n'avait rien de passionnant, elle ne voyait d'ailleurs pas bien ce qu'elle pouvait lui trouver. Il n'avait pas l'air particulièrement intelligent, le nombre de ses sujets de conversation devait être bien limité, elle ne se souvenait pas avoir entendu dire qu'il jouissait de relations particulières avec ses professeurs, et comme si tout ça ne suffisait pas, il n'avait rien du garçon physiquement parfait. Elle n'avait jamais compris ce que les filles pouvaient bien lui trouver. Elle avait essayé de se convaincre qu'il n'était pas si mal, que le Quidditch avait des effets bénéfiques sur lui mais rien à faire. Elle n'en croyait pas le moindre mot et elle lui trouvait des défauts supplémentaires à chaque fois que son regard se posait sur le jeune homme. Scarlett méritait tellement mieux que lui. Bien sûr, elle n'imaginait pas sa meilleure amie s'attarder aux côtés de qui que ce soit, mais tout de même. Être vue avec ça risquait de lui nuire plus qu'elle ne pouvait l'imaginer. Elle était incontestablement l'une des filles les plus jolies du château, elle ne pouvait pas se permettre de traîner avec un pauvre type comme Honeycutt. Après, elle était suffisamment grande pour savoir ce qu'elle avait à faire, mais ça semblait être une manie de se mêler de sa vie, aussi devait-elle avoir le droit de faire la même chose. Maintenant, si elle pouvait véritablement avancer des avantages non-négligeables, peut-être reverrait-elle son jugement mais elle doutait fortement que les avantages puissent surpasser les inconvénients. Ca tirerait du miracle et ces derniers jours, elle avait fini par apprendre à ne plus les attendre.

"Des avantages ? Logan ? J'ai hâte d'entendre ça !"

Après tout, il devait certainement avoir un truc. Tant de monde ne s'intéressait pas à quelqu'un sans la moindre raison, et si elle avait toujours penché pour un stock de philtre d'amour caché quelque part dans son dortoir, elle n'avait jamais eu le loisir de vérifier. Peut-être que sa meilleure amie serait capable de lui en apprendre davantage ? Un crétin comme lui ne pouvait sûrement pas être à l'origine d'un sortilège de confusion suffisamment puissant pour toucher une si grande part de la population féminine de Poudlard. Ou alors il cachait bien son jeu... Non, non. C'était un crétin, point final. Et voir la Gryffondor en extase devant lui avait quelque chose d'affreusement désagréable. Elles avaient souvent été sur la même longueur d'ondes et comprendre à quel point elles avaient pu s'éloigner, ne serait-ce que sur ce plan-là, l'effrayait. Elle voulait bien concevoir que tout avait commencé par sa faute, lorsqu'elle avait délaissé sa place de reine de l'école parce qu'elle était bien trop perturbée de se savoir plus sentimentalement normale qu'elle ne l'aurait voulu mais elle n'était pas entièrement responsable de tout ce carnage. Comment en étaient-elles arrivées là ? Et est-ce que même avec tous les efforts du monde elles pourraient redevenir celles qu'elles étaient avant ? La Poufsouffle ne voulait pas entrevoir l'ombre d'une réponse, craignant bien malgré elle qu'elle soit négative. C'était sa Scarlett, sa meilleure amie, la seule qui était restée depuis le début, elle ne voulait pas se résoudre à la perdre maintenant. Ni maintenant ni jamais d'ailleurs. Elle avait toujours supposé que leur amitié n'était que de la poudre aux yeux, des paillettes factices là dans le seul but d'avoir l'air plus parfaites encore qu'elles n'auraient pu l'être seule mais elle commençait sincèrement à en douter. Elle lui avait tant manqué qu'elle ne pouvait pas n'être qu'un jouet, qu'une marionnette qu'on gardait par intérêt... Tout irait pour le mieux. Elle ferait éternellement semblant d'avoir oublié Scipion, se metterait à baver devant Honeycutt s'il le fallait mais elle retrouverait le lien qu'elles avaient eu.

« Au ministère ? Vraiment ? Je n’aurais jamais cru que tu aurais voulu te lancer dans des études, il ne faut pas un minimum de travail personnel pour réussir là-dedans ? En même temps, ça dépend de ce que tu vises et de qui tu réussis à séduire là-bas. Si tu fais craquer le ministre de la magie en personne, tu devrais y arriver. Waow, c’est ambitieux. »

L'étonnement et l'enthousiasme de la Rouge et Or l'amusèrent. Elle jouait divinement bien la comédie, c'était un fait. Si elle ne l'avait pas compris plus tôt, elle n'aurait jamais imaginé un seul instant qu'elle puisse avoir remarqué son manège depuis le début. Elle paraissait vraiment avoir été surprise par de telles ambitions, comme si elle ne voyait que l'idiote qu'elle faisait semblant d'être depuis six ans maintenant. Les doutes assaillirent la blonde. Et si elle ne jouait pas la comédie ? Et si elle la croyait vraiment stupide ? Qu'elle ne croyait pas un seul instant qu'elle puisse arriver à atteindre son but ? Y avait-il rien qu'une personne dans cette école, ou du moins une seule personne qui y resterait, à savoir qu'elle n'était pas qu'une écervellée à la limite de l'illettrisme ? Enfin... Si ce n'était pas le cas, c'était parce qu'elle était merveilleusement douée, que son rôle était joué à la perfection. Après six ans, c'était presque un exploit que personne ne se soit jamais posé la moindre question, se contentant simplement de bavasser sur son dos lorsque l'occasion se présentait. Elle n'avait rien à regretter, rien à se reprocher. Elle était une actrice fabuleuse et si jamais sa carrière au Ministère ne marchait pas, elle pourrait toujours se tourner vers le cinéma. Elle en revenait toujours aux strass et aux paillettes, et au loin, derrière la nuée de flashes des appareils photos braqués sur elle, la silhouette incertaine du Gryffondor. C'était vraiment le seul moyen de le récupérer un jour ? Devenir célèbre ? Elle peinait à s'y accrocher puisqu'il lui faudrait renoncer à tout ce qui avait fait un jour sa vie pour ça mais n'aurait-elle pas été prête à le faire s'il le lui avait demandé ? Quelle différence que ce soit pour le suivre ou pour le retrouver... Résolue, elle voulait tout plaquer sur le champ et entrer dans une école de théâtre pour être sûre et certaine de mettre toutes les chances de son côté. Enfin... Ca attendrait demain. Elle n'était pas convaincue de pouvoir arriver jusqu'à la gare de Pré-Au-Lard dans son état actuel. Tout n'était pas perdu, son nom finirait en haut des affiches et lui sur le pas de sa porte d'hôtel. L'ombre d'un sourire rassuré passa sur ses lèvres alors qu'elle reportait son attention sur sa meilleure amie, presque étonnée qu'elle ne se réjouisse pas pour elle.

"Je deviendrai peut-être Première Dame du Monde Magique, qui sait ? Shacklebolt n'est pas forcément le genre d'hommes sur lequel je me retournerai mais quelle importance ? Je suppose que le pouvoir ne s'encombre pas de ces détails-là."

Elle était pourtant à des années lumières d'espérer un jour embrasser un tel destin. Elle voulait le sien bien plus modeste. Elle était prête à tout essayer pour qu'il la remarque de nouveau et qu'il se rende compte à quel point il avait besoin d'elle, qu'il remue ciel et terre pour qu'elle retombe dans ses bras alors qu'il n'avait guère besoin de ça. Elle ferait des déclarations distraites durant ses interviews qui parleraient de l'homme de sa vie qui avait un beau jour disparu, des sentiments qu'elle ressentait toujours pour son premier amour qui avait pris le large dès qu'il en avait eu l'occasion... Bref, autant de choses qu'il ne pourrait que comprendre et qui lui prouverait sans mal qu'elle ne l'avait pas oublié, et encore moins remplacé, qu'elle l'attendait et qu'elle l'attendrait certainement jusque à la fin des temps. Elle n'avait jamais eu l'intention de se lancer dans des histoires de mariage arrangé, et n'aurait pas besoin de se marier pour l'argent, si bien qu'elle aurait tout le loisir d'attendre patiemment son retour. Qui aurait lieu un jour, elle en était persuadée. Lui-même avait dit qu'il ne voulait pas que ça se termine. Il reviendrait et tout reprendrait de plus belle, et qu'importe si c'était dans trois semaines ou dans quinze ans. Si on lui avait dit un jour qu'elle tiendrait un tel raisonnement, elle ne l'aurait jamais cru. C'était tellement loin de celle qu'elle avait toujours été, de ses principes, de ses attentes... A croire qu'elle avait passé sa vie à se tromper. C'était probablement ça... Elle ne pouvait comprendre que maintenant qu'elle se retrouvait prise au piège. C'était tellement abstrait avant, tellement ridicule de s'imaginer attacher à ce point. A qui ? Elle ne regrettait rien, sauf peut-être de ne pas s'être laissée avoir plus tôt...

« Mais je suis plutôt d’accord pour la célébrité, c’est ce qui nous ressemble le plus de toute façon. On est des vedettes, j’en suis sûre, il ne reste plus qu’à le prouver au monde entier. Mais en attendant de le devenir, je vais faire des études de stylisme, je crois, rien de bien certain pour le moment. »

Sarah observa la jeune fille à la recherche d'un rire retenu, d'un sourire caché, quelque chose qui lui prouve qu'elle plaisantait. Scarlett n'était-elle pas le genre de fille à épouser un homme riche et vieux avant de profiter pleinement de l'héritage ? C'était toujours comme ça qu'elle l'avait perçue et apprendre qu'elle pouvait avoir d'autres projets était vraiment destabilisant. Des études de stylisme... Où allait-elle chercher des idées pareilles ? Elle n'y connaissait pas grand chose mais elle ne pensait pas que s'habiller convenablement suffisait pour percer dans le milieu. Ca se saurait tout de même, non ? Elle pourrait certainement être mannequin, elle était bien assez jolie pour ça mais delà à devenir styliste. Il y avait quelque chose qui clochait sans qu'elle ne puisse savoir quoi. Le fossé qui s'étendait entre elles, probablement. Comment pouvaient-elles être aussi différentes ? Pendant que l'une rêvait de voir briller d'hypothétiques créations sur un podium, l'autre espérait moisir dans un bureau, le nez plongé dans des dossiers plus gros qu'elle... Enfin, l'avait espéré en tout cas puisqu'elle n'en était plus convaincue le moins du monde pour le moment. Bien sûr, elle ne pouvait pas en espérer davantage de la part de sa meilleure amie, mais tout de même. Et si elles venaient à garder contact jusque là, qu'auraient-elles encore en commun ? Elle n'aurait plus la même vie, la Gryffondor aurait sûrement trouvé quelqu'un avec qui partager sa vie pendant qu'elle attendrait encore et toujours un signe de Scipion, elle vivrait sous les projecteurs pendant qu'elle négocierait elle ne savait trop quoi avec elle ne savait trop qui dans les sous-sol de Londres sans que personne n'en ait jamais rien à faire. Pour l'instant, ce n'était que des mots échangés sans grande certitude mais elle commençait déjà à envier sa vie merveilleuse et enthousiasmante.

"Je ne doute pas de ton sens de la mode, si on oublie ton affreuse robe d... du bal mais je doute que ça suffise. Il ne faut pas capable de faire quelque chose de ses dix doigts pour entrer là-dedans ?"

Sa gorge s'était serrée à la simple évocation du bal de fin d'année. Elle avait l'impression que ça faisait des mois qu'il s'était produit mais elle n'avait aucun mal à sentir le corps du jeune homme si près du sien, à entendre sa voix s'étonner qu'elle soit prête à tout quitter pour lui ou la mettre en garde contre la pauvre Scarlett... Parfois, ça lui semblait un peu irréel, comme un rêve étrange qu'elle aurait fait suffisamment de fois pour s'en souvenir parfaitement. Elle se rappelait de chaque geste, chaque mot, des inquiétudes qui l'avaient envahie lorsqu'elle les avait retrouvés tous les deux, de la peur qui s'était installée à l'approche de la fin de la soirée... Si elle n'avait pas fui en pleurant, comment seraient les choses désormais ? Lui aurait-il demandé de l'accompagner à l'autre bout du pays ? Ne se seraient-ils séparés que sur le quai de King's Cross ? Elle s'en voulait d'avoir préféré retrouver son dortoir plutôt que de s'être risquée à jouer publiquement les pleurnicheuses... Tout aurait peut-être été différent. Elle n'était même pas sûre qu'il soit convaincu de n'avoir rien fait de mal... Et dire qu'elle lui avait reproché de faire la même chose, sauf qu'elle n'aurait jamais la possibilité de se racheter, de rattraper les dégâts, de lui demander pardon un million de fois. C'était trop tard, il fallait juste espérer qu'il se souviendrait d'elle pendant encore quelques années, jusqu'à ce que son plan extraordinaire fonctionne comme elle le souhaitait. La Poufsouffle secoua doucement la tête comme pour le chasser de ses pensées. Elle avait presque réussi à l'oublier totalement un moment mais voilà qu'il revenait encore et toujours, persuadé qu'elle n'avait rien de mieux à penser qu'à lui. Ce n'était certes pas spécialement faux mais ce n'était surtout pas le bon moment...

« Non, pas qu’importe ! Explique-moi, c’est quoi cette histoire ? J’ai un peu de mal à comprendre. Peut-être que je me fais des idées, il y a une explication toute simple, hein ? Et puis, je vois pas pourquoi tu le caches, elle est géniale Danah, enfin pour le peu que je connais d’elle. »

Sarah se crispa de plus belle. Qu'elle se taise, par pitié qu'elle se taise ! Elle ne savait rien, elle n'avait rien à dire, rien à demander, rien à chercher. Si elle n'avait jamais eu la bêtise de lui en parler plus tôt, ce n'était pas pour rien, si ? Et dire qu'il l'avait prévenue, il avait tout fait pour la mettre en garde, pour la protéger de ses griffes asserrées, toujours prêtes à s'accrocher à leur proie jusqu'à ce qu'il n'y ait plus le moindre secret dans leur pauvre vie sans intérêt, dans leur esprit trop désespéré pour résister... Combien de fois avait-elle tenté de lui faire subir ses interrogatoires douteux ? Elle avait toujours réussi à résister, toujours sauf une fois... Et elle s'était empressée d'aller faire partager ses trouvailles. Ce serait certainement le cas cette fois-ci également. On ne se refaisait pas après tout. Il s'agissait de Scarlett, de Scarlett. Elle hoqueta alors qu'elle commençait à suffoquer. Elle avait chaud, son coeur s'était emballé. Le monde commençait à tourner autour d'elle. Elle lâcha son porte-feuille qui tomba faiblement sur le foutoir de son sac toujours gisant toujours sur le sol tandis que ses ongles s'enfonçaient dans ses cuisses sans qu'elle ne le remarque vraiment. Comment avait-elle pu être aussi stupide ? N'importe qui s'y serait attendu mais pas elle alors qu'elle connaissait la jeune fille mieux que tout le monde. Enfin... C'était toujours ce qu'elle avait cru en tout cas, maintenant c'était différent. Qui était-elle vraiment ? Elle pouvait décliner son identité, expliquer qu'elle habitait à Londres et après...? Elle se plantait sur toute la ligne, et se confiait à moitié à une fille dont elle ne savait rien. Elle était en plein cauchemar, il fallait qu'elle se réveille. Elle allait se réveiller...

"Oui, elle est géniale..." admit-elle dans un murmure alors que ses jambes se mettaient à trembler nerveusement.

C'était digne des pires scénarios. Elle lança un regard perdu à la bouteille quasiment vide qui trônait encore sur la table à quelques centimètres d'elle mais elle n'eut pas le courage de bouger, comme si le moindre geste pouvait lui nuire, comme si le monde risquait de s'effondrer si elle se risquait à gigoter. Elle voulait rentrer chez elle, retrouver sa chambre, son lit, aller toquer à la première porte amicale qu'elle trouverait sur son chemin et pleurnicher jusqu'à ce qu'elle se dessèche en expliquant à ses amis que sa vie était fichue, qu'elle n'était qu'une idiote inconsciente et qu'elle ne voulait plus jamais retourner à Poudlard. Ils n'y comprendraient sûrement rien mais la laisseraient se plaindre pendant des heures en lançant parfois des blagues nulles pour la faire sourire, comme ils l'avaient fait durant les quelques jours qu'elle avait passé auprès d'eux sans vraiment savoir ce qui clochait chez elle. Et puis zut ! De toute façon, est-ce que c'était de sa faute si sa vie était nulle ? Si sa famille n'avait rien d'idyllique ? Si elle n'était pas suffisamment importante aux yeux de son géniteur pour qu'il daigne rester avec elle ? Elle n'avait rien demandé, à personne, elle s'était contentée de composer avec les débris qu'on lui avait laissé et d'avoir l'air parfaite et merveilleuse malgré tout. Qu'importe ce qui faisait sa vie en dehors de Poudlard, elle était Sarah Wotton et il n'y avait pas la moindre fille qui lui arrivait à la cheville. Et les secrets qu'elle avait pu cacher jusque là ne faisait que le confirmer. Qui aurait pu être aussi extraordinaire avec tout ça ? Certainement personne. Elle était géniale, et ce quoi qu'il arrive.

« C’est peu de le dire, elle m’a volé mon père, la garce. J’ai eu de la chance, elle entre en sixième année du coup puisqu’elle est d’octobre et en plus elle n’est pas à gryffondor, plutôt mourir que de l’avoir avec moi. Mon père et l’espèce de dinde qui lui sert de femme veulent instaurer une belle harmonie familiale, quand ils auront compris que je ne fais pas partie de leur famille, peut-être qu’ils me ficheront enfin la paix. »

Elle sursauta et fixa la Gryffondor sans savoir comment réagir. Parfaite, merveilleuse, extraordinaire, géniale et blablabla... Ou pas. Pour la deuxième fois en trop peu de temps, l'assurance bancale qu'elle parvenait à récupérer se faisait la malle, la laissant seule au milieu de rien, obligée de se dépatouiller avec plus d'incertitudes qu'il n'en existait sur Terre. Scarlett ne venait-elle pas de se confier ? Celle-ci finit par poser sa tête sur son épaule, aussi se mit-elle à lui caresser les cheveux d'un geste machinal et maladroit. Elle n'avait jamais imaginé une seule seconde que les rôles pourraient être inversés un jour. Qu'était-elle censée faire désormais ? Se confier à son tour ? Lui raconter sa vie comme elle venait de lui raconter la sienne ? C'était certainement le mieux à faire. Et puis, elle y était bien parvenue avec Elliott, non ? Mais Elliott n'était pas connu pour être l'une des pires commères de l'école, bien loin de là. Elle n'osait plus bouger et faisait attention de respirer lentement, persuadée qu'il ne fallait pas déranger la pauvre Rouge et Or. Elle n'avait jamais eu affaire à ce genre de situation et n'avait jamais espéré y avoir le droit un jour. Elle se laissa doucement tomber contre le dossier du canapé sans virer sa meilleure amie, continuant de jouer distraitement dans ses cheveux. La peur la quittait peu à peu. Que risquait-elle ? Il ne pouvait rien lui arriver. Elle se réveillerait demain en ayant mal à la tête mais se rendrait compte que leurs confessions les auraient plus rapprochées que des années entières de vacances ensemble. Elles passeraient le reste de ces deux mois dans une complicité inédite dont elles profiteraient comme jamais, craignant sûrement que tout s'envole aussi vite que tout était apparu...

"Au moins, il essaye de t'intégrer à sa famille... Le mien est parti quand j'étais encore un bébé. Je l'ai jamais connu. Jamais... Le père de ma soeur me considère comme sa fille... Mais c'est pas pareil. Mon père n'est pas mon père, ma soeur l'est qu'à moitié... Quel tableau merveilleux, n'est-ce pas ? Parfois, je déteste Danah. J'aimerai être à sa place. J'aimerai ma mère, j'aurais un véritable père et qu'importe si ma soeur n'est que la pièce rapportée puisque ça ne serait pas moi..."

Elle soupira doucement, un peu mal à l'aise. Le pire était derrière elle, elle venait de révéler à sa meilleure amie tout ce qu'elle avait pu lui cacher un jour quant à sa vie familiale digne d'un conte de fée. La perfection venait d'éclater en morceaux. Et elle l'avait fait de son plein gré... Quelle étrange soirée d'anniversaire. Elle n'était pas certaine de l'apprécier réellement, plongée dans un monde désagréable et oppressant dont elle ne savait pas vraiment se sortir. Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, elle sentit les larmes qu'elle avait retenues plus tôt se mettre à couler sur ses joues sans qu'elle ne prenne la peine d'essayer de les retenir. Elle se contenta de les essuyer de sa main de libre, mais ce geste fut des plus inutiles, il y en avait toujours autant, si ce n'était plus. Joyeux anniversaire... Tu parles ! Ce n'était que des conneries. Elle avait plus envie de visiter les profondeurs du lac et d'y rester éternellement que de faire la fête, c'était certain. Et dire qu'elle avait espéré que leur premier anniversaire ensemble serait mémorable... Enfin, il l'était à coup sûr mais certainement pas pour les bonnes raisons.

"Dis, qu'est-ce qui cloche avec moi ? D'abord mon géniteur, maintenant Scipion... Pourquoi ils m'abandonnent tous ?"

Tous deux, peut-être, mais ce soir il lui semblait que ça en faisait toujours deux de trop...

"Des avantages ? Logan ? J'ai hâte d'entendre ça !"

Pour toute réponse, Scarlett prit un petit air mystérieux, avant de plonger son regard vers le canapé qu’elle trouvait à présent fort intéressant. En réalité, elle n’avait absolument rien à dire sur Logan, il n’avait d’intéressant que son physique de rêve et les relations qu’il pouvait entretenir avec d’autres élèves populaires du château, mais ça, Sarah n’était absolument pas obligé de le savoir. En plus, elle était plus que convaincue d'avoir toutes ses chances avec le jeune homme. Certes, elle n'avait pas trop tenté d'aller vers lui cette année, mais elle avait été un peu accaparée par sa dispute avec sa meilleure amie et n'avait pas du tout songé s'intéresser plus que ça aux garçons. De toute façon, ils étaient toujours passé largement au second plan pour la jeune fille. Tout ce qui comptait, c'était sa si merveilleuse réputation et ce qu'elle pouvait réussir à connaître des autres. Tout le reste ne servait qu'à lui prouver qu'elle était toujours une jeune fille exceptionnellement séduisante qui pouvait faire craquer n'importer quel membre de la gente masculine si elle en avait envie. Peut-être n'était-elle aussi douée que sa meilleure amie dans ce domaine mais elle trouvait jusqu'ici qu'elle se débrouillait plutôt bien et n'avait pas du tout l'intention de laisser son passe-temps de croqueuse d'hommes de côté. Tant qu'elle arrivait à se faire passer pour une vraie sainte auprès de ses professeurs et des élèves qu'elle n'avait pas envie de voir atterrir dans ses filets. Est-ce que quelqu'un se doutait de quelque chose ? Mis à part Sarah à qui elle ne cachait rien de sa façon de penser et des plans qu'elle échafaudait il était tout de même difficile de lire en elle comme dans un livre ouvert. Elle s'efforçait à passer pour une jeune fille adorable, gentille et agréable à vivre et pensait y arriver particulièrement bien. Devoir sympathiser avec tous les boulets de l'école ne lui plaisait pas spécialement mais c'était son ticket pour accéder au sommet et elle ne comptait pas cracher dessus. Elle devait se lier avec le plus de personnes possibles si elle voulait réussir à être la personne la plus aimée de Poudlard. Il n'y avait absolument aucune raison pour qu'elle échoue.

"Je deviendrai peut-être Première Dame du Monde Magique, qui sait ? Shacklebolt n'est pas forcément le genre d'hommes sur lequel je me retournerai mais quelle importance ? Je suppose que le pouvoir ne s'encombre pas de ces détails-là."

Ouais, enfin, il aurait pu avoir un troisième bras dans le dos, des yeux globuleux, la peau verte et mesurer un mètre trente, il restait le Ministre de la Magie, et ce n'était pas rien. Le projet de Sarah était tout de même sacrément ambitieux ! Déjà pour pouvoir draguer le ministre, il fallait qu'elle trouve un moyen de le rencontrer et pour cela, il fallait certainement qu'elle fasse un minimum d'études pour rentrer au ministère ou bien qu'elle obtienne un stage pour y aller, ou encore qu'elle commette un crime pour avoir le droit de s'y rendre. Scarlett n'avait jamais su si on pouvait entrer au ministère sans un motif valable pour le faire, mais ce n'était certainement pas le cas. Après tout, c'était un lieu important du Monde Magique pas un parc d'attraction. Mais bon, c'était Sarah et non pas une vulgaire élève incapable de faire quelque chose de sa vie. Sa meilleure amie n'échouerait pas, c'était une évidence. Bon, sa vie ne serait peut-être pas la plus agréable possible puisqu'elle allait être obligé de se coltiner un homme beaucoup plus vieux qu'elle jusqu'à la fin de sa vie, mais pour ce qui était de son rôle, elle serait sûrement la meilleure Première Dame de l'univers. Multiplier les courbettes pour se faire bien voir, elle savait faire il n'y avait aucun problème pour ça. Par contre, elle devrait revoir sa tenue vestimentaire qui n'allait pas très bien avec son nouveau rôle. Au moins, ça donnerait du boulot à la rouge et or qui n'avait aucun mal à se voir confectionner des tenues pour la Première Dame du Monde Magique. Certes, ça ferait d'elle la simple employé de Sarah, mais c'était tout de même le meilleur moyen de se faire connaître et de montrer au monde entier qu'elle avait beaucoup de talent. Après ça, tout le monde s'arracherait ses créations et elle deviendrait riche et célèbre. Finalement, le projet de la poufsouffle n'était pas seulement excellent pour elle, il servirait aussi à Scarlett. Leurs vies allaient donc être incroyablement merveilleuse, et quoi qu'il puisse se passer entre elles, la rouge et or tenterait tout ce qui était son pouvoir pour aider Sarah à parvenir à sa fin. Sa meilleure amie avait beau être un peu hors jeu ces derniers temps, elle n'en avait pas moins des idées merveilleuses.

« C’est sûr ! Waow ! Première Dame ! Tu imagines ?! Franchement, ce rôle t’irait super bien, elles sont toujours très belles les Premières Dames. En plus, tu feras les couvertures de beaucoup de magasines très prestigieux. Enfin, au moins dans le monde magique. »

Enfin, pour ce qui était des couvertures de magasine, ça restait tout de même assez restreint. Certes, le monde magique était assez grand mais il aurait été plus prestigieux pour elle de pouvoir faire également les premières pages des magasines de mode moldus. Scarlett n'avait jamais été une pro Sang-pur. De toute façon, sa mère était moldue donc elle ne côtoyait que très peu la magie, seulement lorsque son père l'emmenait chez lui pour une semaine ou deux a milieu des vacances scolaires. La rouge et or n'avait donc pas du tout le réflexe d'utiliser la magie lorsqu'elle devait s'occuper d'une tâche ménagère, se lever pour aller chercher quelque chose ou n'importe quoi d'autre que beaucoup de ses camarades accomplissait avec leur baguette. La jeune fille n'avait pas forcément l'intention de faire évoluer son comportement à ce sujet. De toute façon, il était mieux pour sa ligne de se bouger les fesses dès qu'elle avait besoin de quelque chose au lieu de rester assise dans son canapé avec simplement un petit mouvement du bras pour que tout vienne à elle sans qu'elle ait à se lever. Scarlett ne faisait pas franchement de sport mais tenait tout de même à bouger le plus possible pour rester au poids idéal. Faire attention à son alimentation ne suffisait malheureusement pas à garantir qu'elle resterait la plus jolie fille de Poudlard et peut-être même de l'univers et ce titre lui tenait presque autant à cœur que sa belle réputation. Enfin, de toute façon, ce problème de magie ne se posait pas vraiment puisqu'elle était bien trop nulle pour pouvoir prétendre réussir ses sortilèges à chaque fois. La rouge et or avait toujours été bien incapable de réussir deux fois de suite le même sortilège. Ses professeurs disaient que c'était à cause de ses mouvements imprécis et de son manque de concentration. En général, face à ces reproches qui n'en étaient pas vraiment, elle se contentait de sourire bêtement en attendant qu'on la laisser retourner vaquer à ses occupations sans plus attendre. Pour ce qui était de la précision, elle pouvait toujours travailler, mais pour la concentration, ce n'était pas de sa faute si les cours étaient aussi ennuyeux. C'était donc aux professeurs d'améliorer les choses. Heureusement, elle n'avait plus qu'une seule année à affronter et elle serait libre de faire ce qu'elle aimait. Le pied.

"Je ne doute pas de ton sens de la mode, si on oublie ton affreuse robe d... du bal mais je doute que ça suffise. Il ne faut pas être capable de faire quelque chose de ses dix doigts pour entrer là-dedans ?"

Sa robe du bal ? Parce qu'après tout ce temps elle était encore la-dessus ? Franchement, sa robe n'était pas si moche que ça. Certes, elle ne la mettait pas franchement en valeur, mais c'était fait exprès puisqu'elle voulait attendrir les rares professeurs qui avaient fait le déplacement au bal. Bon, embrasser un garçon en plein milieu de la soirée avait dû entacher légèrement l'image de sainte qu'elle avait essayé de renvoyer mais peu importe. Ce soir encore, elle avait brillé aux yeux de tous en accomplissant de grandes choses, ce n'était pas Sarah qui pourrait dire le contraire. Elle s'était contentée de rester collée à son petit ami comme si elle avait peur qu'il disparaisse subitement si elle le lâchait une seule seconde. Et dire qu'elle s'apprêtait à faire équipe pour de vrai avec Scipion pour rendre le bal en peu plus joyeux. A la limite, ils auraient presque pu devenir un peu proches que d'habitude grâce à ça ce qui n'était pas un mal. Peut-être que le gryffondor lui aurait encore fait un coup dans le dos pour s'approprier sa meilleure amie mais au moins, elle n'aurait eu rien à se reprocher et peut-être que Sarah aurait subitement ouvert les yeux sur la véritable nature de Scipion. Il n'était pas fait pour jouer les guimauves, c'était un garçon calculateur, manipulateur, arrogant et trop sûr de lui. Il était insupportable et ce n'était pas possible qu'elle soit véritablement la seule à en avoir conscience. A cause de lui, elle avait dû quitter le bal prématurément, loupant une grosse partie de la soirée ce qui ne lui ressemblait absolument pas. Et en plus de lui avoir caché sa soirée, le petit couple semblait avoir bien regardé sa robe et devait s'en être moqué en plus de tout. Scarlett détestait qu'on critique ses créations. Certes, elle n'était pas encore styliste et certains de ses vêtements présentaient des défauts qu'elle parvenait en général à dissimuler de multiples façon. Mais Sarah n'avait pas le droit de ne pas aimer ce qu'elle faisait. Elle était sa meilleure amie et donc sa première fan. Elle devait croire en elle et pas l'enfoncer. Mais c'était probablement trop lui demander pour le moment. La rouge et or avait bien conscience de ne pas avoir été une amie formidable toute l'année et ne pouvait donc pas lui demander d'en être une à sa place.

« Elle n’était pas si affreuse que ça ! Pas très avantageuse, certes, mais j’étais quand même la plus jolie fille du bal, si je ne te compte pas, bien sûr. Mes dix doigts se portent très bien, je te remercie, jusqu’à preuve du contraire, ils sont en parfaits états et aptes à fonctionner. »

Est-ce qu'elle devait vraiment révéler à Sarah qu'elle savait coudre des vêtements depuis un bout de temps maintenant ? Que bien avant son entrée à Poudlard, cette idée lui était venue et qu'à présent elle parvenait presque à faire des copies conformes de ce qu'elle achetait dans les magasins histoire de donner le change ? Sa meilleure amie risquait de ne pas comprendre du tout pourquoi elle faisait ça. Certes, elle pouvait lui dire que c'était par plaisir, qu'elle s'était toujours passionnée par la mode et qu'elle voulait plus tard que son nom soit à la tête d'une grande marque de vêtements, mais ce n'était pas la vraie vérité et bien qu'elle ait passé un bout de temps à dissimuler la vérité aux yeux de sa meilleure amie, elle tentait la plupart du temps d'éviter de lui mentir, ou en tout cas de lui mentir sur sa vie familiale, et même sur sa vie en générale. Elle préférait de très loin omettre des détails qu'elle pourrait ajouter un jour sans que leur non-révélation passe pour une vraie trahison mais simplement pour une omission. Avec un peu de chance, Sarah ne chercherait pas plus loin. Beaucoup de jeunes devaient entreprendre des études de stylisme sans s'être découvert un talent dans ce domaine au préalable, elle pouvait très bien faire partie de l'un d'entre eux ? Personne ne devait s'imaginer qu'elle était plus qu'une riche et jolie jeune fille, même pas Sarah. Elle avait mis des années à se confectionner un passé et un présent qui colle parfaitement à l'image qu'elle voulait renvoyer. Il était hors de question que son futur vienne tout gâcher. Sauf qu'elle ne pouvait pas non plus abandonner son projet d'étude rien que pour préserver son image. Elle avait beau faire attention avant tout à sa réputation, elle savait que son avenir était bien plus important que tout le reste et qu'elle ne pouvait pas se permettre de gâcher sa vie comme l'avait fait sa mère avant elle. Il était hors de question qu'elle ressemble un jour à son horrible génitrice. Ce n'était peut-être pas très gentil pour la pauvre Stéphanie, mais il fallait être aveugle pour ne pas remarquer que sur ses quarante années de vie, elle en avait gâché presque vingt déjà, et avait atteint depuis un moment les limites du pitoyable.

"Oui, elle est géniale..."

Sarah ne semblait pas très enthousiasme, mais la rouge et or eut la bonne idée de ne pas insister. Peut-être qu'elle n'aimait pas tant que ça sa sœur finalement. C'était tout à fait possible et dans ce cas, il n'y avait rien de pire que d'être comparé à celle qui venait s’immiscer dans sa vie sans qu'elle ait rien demandé. Peut-être faisait-elle simplement semblant de bien s'entendre avec Danah ? Sarah avait toujours été presque aussi douée qu'elle pour jouer sur les apparences et si elle tenait absolument à préserver la bonne ambiance familiale, ce comportement n'était pas impossible. Il était même nettement meilleur que celui de Scarlett. Elle avait toujours pensé que se rebeller contre son père était le meilleur moyen de lui faire ouvrir les yeux, qu'elle devait lui montrer à quel point elle lui en voulait. Mais finalement, ce n'était peut-être pas la bonne solution. Après tout, Sarah ne cessait de recevoir des cadeaux de la part de son père, elle était chouchoutée et c'était sans doute parce qu'elle se comportait en adolescente modèle au quotidien. Alors que de son côté, la gryffondor était bien trop souvent sur le banc de touche. Personne ne voulait d'elle parce qu'elle était en permanence aigrie et sur la défensive. Mais quoi de plus normal ? Elle avait toujours l'impression d'être sur l'intruse lorsqu'elle arrivait dans la famille de son père. Sa fille faisait semblant de l'aimer pour passer pour la gentille, ce qui marchait incroyablement bien et sa femme faisait tout pour l'enfoncer en abordant leurs résultats scolaires respectifs à chaque repas. Était-elle la seule à voir tout ça ? Visiblement puisque c'était toujours elle qu'on blâmait pour la mauvaise ambiance qui régnait chez son père dès qu'elle était obligée d'être présente. Finalement, elle avait peut-être eu tort de dissimuler toute sa vie à sa meilleure amie. Elles semblaient vivre quelque chose d'assez similaire, et les conseils de Sarah auraient pu lui être précieux pour améliorer son quotidien. Elle avait été bien bête de ne pas lui accorder sa confiance. Heureusement, il n'était pas trop tard.

"Au moins, il essaye de t'intégrer à sa famille... Le mien est parti quand j'étais encore un bébé. Je l'ai jamais connu. Jamais... Le père de ma sœur me considère comme sa fille... Mais c'est pas pareil. Mon père n'est pas mon père, ma sœur l'est qu'à moitié... Quel tableau merveilleux, n'est-ce pas ? Parfois, je déteste Danah. J'aimerai être à sa place. J'aimerai ma mère, j'aurais un véritable père et qu'importe si ma sœur n'est que la pièce rapportée puisque ça ne serait pas moi..."

Alors son père n'était pas vraiment son père ? Scarlett ne pouvait que s'en étonner. Il passait son temps à lui faire des cadeaux magnifiques et il aurait été possible que ça soit pour se faire pardonner de quelque chose, peut-être de lui imposer une petite sœur qu'elle n'avait pas voulu ou quelque chose du genre, mais même pas ! En fait, il était le père de Danah avant toute chose. Ça devait être incroyablement frustrant d'être dans une famille qui n'était pas vraiment la sienne, en ayant l'impression d'être la pièce rapportée en permanence. C'était une impression que connaissait très bien Scarlett et elle ne pouvait que comprendre Sarah et sa façon de voir les choses. Mais d'un côté, elle avait quand même de la chance. Bien sûr, ce n'était pas la même chose d'avoir un père de substitution et d'avoir un vrai papa, mais au moins, il l'avait adopté, la considérait comme sa fille et tentait de lui rendre la vie la plus agréable possible, c'était déjà ça de gagné. Scarlett aurait aimé avoir cette chance, mais sa mère ne semblait pas prête à rencontrer un nouvel homme et ne le serait sans doute jamais. La préfète n'avait peut-être pas une vraie famille, mais elle en avait une quand même chose que Scarlett ne pouvait pas vraiment espérer avoir un jour. Bien sûr qu'elle détestait Danah et tout ce qu'elle possédait, c'était une réaction normale, elle aussi avait toujours détesté Leanna et la chance qu'elle avait, ce n'était pas pour autant qu'elle allait lui trancher la gorge dans son sommeil. Quoi que... Elle pourrait toujours accuser sa mère qui ferait une coupable idéale. Elle ne pourrait pas nier avoir voulu supprimer la sale gosse qui avait brisé son mariage. Sa maman avait toujours vécu dans le passé, ça paraissait tout à fait réaliste. En plus, c'était faire d'une pierre deux coups, elle se débarrassait de sa génitrice et de sa demi sœur. Elle ne pouvait pas rêver mieux. C'était sans doute un projet irréalisable, mais rien que l'imaginer l'aiderait certainement à supporter les nombreux jours qu'elle aurait encore à passer chez celui qu'elle considérait de moins en moins comme son père.

« Mieux vaut avoir un faux père qui s’intéresse à toi qu’un vrai père qui se fiche de ton existence comme de ta première paire de chaussette. T’as jamais pensé à essayer de retrouver la trace de ton père ? Peut-être qu’il est parti pour une bonne raison et que personne n’a jugé bon de te tenir informé ? Toi au moins tu peux avoir de l’espoir. Moi je suis sûre que c’est parce que son autre fille était carrément mieux que moi et son autre femme carrément mieux que ma mère. Enfin, sur ce dernier point, je ne peux pas vraiment le contredire. Quand je pense que depuis que je suis bébé je paye les factures, ça me rend malade, elle sert vraiment à rien. » Cracha-t-elle avant de se radoucir légèrement. « Si Danah et toi vous vous entendez bien, c’est le principal tu ne crois pas ? Au moins, tu es considérée comme un membre de la famille à part entière. »

Retrouver la trace de son père biologique... Était-ce vraiment une bonne idée ? Elle avait certainement des questions à lui poser, elle aurait pu vouloir des réponses. Pourquoi il était parti ? Pourquoi il l'avait laissé ? Qu'est-ce qu'elle avait bien pu faire pour qu'il n'ait pas envie de rester avec elle ? Ce genre de choses... Pour Scarlett, il était très simple d'envisager les questions qui pouvaient probablement traverser l'esprit de Sarah, tout simplement parce qu'elle s'était demandé exactement la même chose. Certes, leurs deux situations étaient légèrement différentes puisque son père n'était pas totalement parti. Il habitait toujours à Londres à quelques kilomètres de chez elle et elle pouvait le voir autant de fois qu'elle le voulait. Ou plutôt, elle devait le voir autant de fois que sa mère voulait se débarrasser d'elle. Mais ce n'était pas pour autant qu'elle ne s'interrogeait pas sur le choix qu'avait eu à faire son géniteur. Après tout, on lui avait posé une question simple. Il avait deux familles différentes et avait dû choisir de rester avec l'une ou avec l'autre. Il ne pouvait même pas dire que son mariage battait de l'aile puisque Stéphanie lui avait toujours été entièrement dévouée. Elle aurait fait n'importe quoi pour que son mari reste et il devait tout de même en être conscient. En même temps, pour qu'il aille se chercher une maîtresse, tout ne devait pas aller si bien que ça. Mais ça n'empêchait pas qu'il aurait pu vouloir essayer de sauver son mariage. Entre revenir auprès des siens quitte à payer une pension alimentaire pour sa deuxième fille et affronter un long et douloureux divorce pour rester auprès d'une femme avec laquelle il n'avait aucun lien, il avait réussi à choisir la deuxième option, et Scarlett ne parvenait pas du tout à le comprendre. Il n'avait même pas pris la peine de penser aux deux bébés qui allaient voir le jour. Enfin, de toute façon, tant qu'il ne lui donnerait pas une explication satisfaisante pour justifier ce choix, elle ne parviendrait probablement pas à lui pardonner. Seulement, ce sujet était interdit dans les conversations familiales et elle se ferait lapider avant d'avoir pu en arriver au sujet qui l'intéressait. Mais maintenant qu'elle en avait parlé à sa meilleure amie, elle pourrait peut-être lui donner des réponses ? Elle pouvait toujours rêver un peu.

"Dis, qu'est-ce qui cloche avec moi ? D'abord mon géniteur, maintenant Scipion... Pourquoi ils m'abandonnent tous ?"

Scarlett se redressa, s’agenouillant soudainement en face de sa meilleure amie, qui versait une fois de plus toutes les larmes de son corps. Sauf que cette fois-ci, elle n’avait pas vraiment de problèmes pour savoir quelle attitude adopter, l’alcool aidant sûrement un peu. Elle entreprit d’effacer les larmes qui coulaient sur les joues de Sarah d’un geste maternel qui ne lui ressemblait absolument pas. Sa main tremblait légèrement malgré tout, mais elle ne se démonta pas pour autant, se contentant de sourire légèrement alors qu'elle réfléchissait à ce qu'elle pourrait dire pour consoler sa meilleure amie. Ce n'était pas évident, loin de là. Sarah avait beau être quelqu'un d'adorable, elle avait quand même réussi à faire plus ou moins fuir les deux hommes de sa vie et ce sans bouger le petit doigt. Même si elle était une personne merveilleuse, elle ne pouvait pas expliquer l'inexplicable et dans le cas présent, elle ne savait pas du tout pourquoi le père de la poufsouffle était parti. Au moins, pour Scipion, il n'était pas trop compliqué de savoir ce qui avait ben pu se passer. C'était tout simplement un crétin qui avait prouvé qu'il en était bien un en agissant comme tel. Il ne fallait pas être un génie pour tirer ses conclusions mais Sarah devait probablement être aveuglée par les sentiments qu'elle éprouvait encore, malheureusement. C'était pour cette raison que Scarlett avait pris soin d'éviter le sujet, elle savait pertinemment que son amie pouvait craquer et elle ne voulait pas avoir à affronter cette situation. Là encore, elle avait lâchement échouée et ne savait pas du tout comment elle était censée gérer tant de chagrin. Une chose était sûre, la rouge et or ne pouvait pas dire ce qu'elle pensait, c'était totalement impossible. Critiquer Scipion risquerait de donner envie à la préfète de le défendre et c'était la dernière chose que voulait Scarlett. Pour une fois, elle devait être à la hauteur de son rôle d'amie, et étrangement, elle était cette fois-ci convaincue de pouvoir y arriver.

« Je ne sais pas, tu n’es peut-être pas tombée sur les bonnes personnes. Une chose est sûre, ils ne méritent pas que tu verses autant de larmes pour eux, Chérie. »

Scarlett tenta de lui adresser un pâle sourire. Elle qui avait été convaincue que son anniversaire ne pouvait que mieux se dérouler si elle n'était pas obligée de le passer avec sa famille recomposée. Malheureusement, elle devait bien reconnaître que ça n'en prenait pas vraiment le chemin pour l'instant. Avec un peu de chances, ce n'était qu'un mauvais moment à passer et le reste de la soirée se déroulerait beaucoup mieux.

Le silence de Scarlett quant aux soi-disants avantages du Poufsouffle avait la meilleure sonorité du monde: celle de la victoire. Comment mieux lui prouver qu'elle avait bien raison qu'en se taisant de la sorte ? Le sourire de la blonde s'agrandit rapidement alors qu'elle posait sur sa meilleure amie un regard satisfait. La conversation prenait enfin une tournure des plus plaisantes et elle n'aurait laissé passer cette occasion pour rien au monde. Qu'importe si le début n'avait pas véritablement été à la hauteur de ses espérances, juste ce morceau-là valait tout l'ennui et tous les mensonges du monde !

"Je vois que nous sommes d'accord. Honeycutt n'est qu'un inutile crétin. Il ne mérite vraiment pas que tu t'intéresses à lui." conclut-elle avec un sourire rayonnant.

C'était peut-être un peu trop résumé mais l'essentiel y était. Un veracrasse n'avait absolument rien à envier au jeune homme et il était largement temps pour elle de le remarquer enfin. Elle pouvait dire non sans raison que Scipion l'avait largement fait changer notamment auprès de ka gebte masculine, mais si elle ne lui avait jamais trouvé le moindre intérêt en six longues années, ce n'était certainement pas pour rien et ce n'était pas un détail à prendre à la légère. Elle n'avait jamais été la dernière à se rapprocher de ses camarades qui avaient des choses à lui apporter, or lui, à part des migraines et des nausées, elle ne voyait vraiment pas ce qu'il pouvait avoir à offrir. C'était déstabilisant de voir que Scarlett ne remarquait rien et restait persuadée qu'il était digne d'être vu en sa compagnie. Déstabilisant pour ne pas dire carrément décevant. Elle avait toujours été à la limite du modèle quant à sa facilité à cerner les garçons dignes de ce nom, et voilà qu'elle se mettait à avoir Honeycutt comme future cible. Si c'était un cauchemar, elle voulait se réveiller au plus vite et retrouver sa meilleure amie. Elle n'avait jamais été parfaite, loin de là, mais elle était toujours mieux que cette espèce de chose étrange qui bavait sur le pire abruti de l'histoire de Poufsouffle et pire encore de l'histoire de Poudlard. Elle aurait pu s'intéresser à tellement d'autres élèves qui s'approchaient un tant soit peu de son niveau, mais non, il avait fallu qu'elle en choisisse un au ras des paquerettes... C'était une bien triste histoire mais elle ne rajouta rien dessus, préférant laisser à sa meilleure amie le choix de s'enfoncer davantage. Elle ne pourrait plus se plaindre de rien la concernant une fois qu'elle serait tombée bien plus "bas" qu'elle, même si elle n'avait jamais vu sa relation avec le Gryffondor comme une quelconque chute, bien loin de là.

« C’est sûr ! Waow ! Première Dame ! Tu imagines ?! Franchement, ce rôle t’irait super bien, elles sont toujours très belles les Premières Dames. En plus, tu feras les couvertures de beaucoup de magasines très prestigieux. Enfin, au moins dans le monde magique. »

La Poufsouffle resta interdit un moment, attendant un rire qui lui prouverait qu'elle n'y croyait pas le moins du monde, mais ce rire-là ne vint pas. Alors elle la croyait vraiment capable d'aller s'encombrer d'un type comme ça simplement pour atteindre les sommets de la hiérarchie sociale ? C'était stupide, complètement insensé ! Quelle fille étant un tant soit peu attachée à son amour propre ferait une telle chose ? D'accord, elle avait toujours été vaguement vénale et intéressée, elle ne cherchait même pas à le nier, les cadeaux de l'hérédité sûrement, mais de là s'offrir à un homme qui pourrait largement être son grand-père simplement pour avoir un véritable rôle dans la société magique, plutôt mourir oui ! C'était au moins rassurant de comprendre de quelle manière la Gryffondor pouvait l'imaginer... Elle lui laissait volontiers sa place, si celle-ci l'intéressait. Elle préférait encore bosser à la Tête de Sanglier, si c'était ainsi. Beaucoup moins glorieux, certes, mais beaucoup plus simple à assumer psychologiquement. Loin de laisser paraître quoi que ce soit, Sarah sourit de plus belle, faussement flattée par les compliments et la confiance qu'elle mettait dans son entreprise, se laissait même aller à glousser en l'entendant parler de couvertures de magazines et compagnie. L'ombre d'espoir qu'elle se moque gentiment d'elle et n'y croit pas une seule seconde s'était envolée avec l'enthousiasme qu'elle avait mis à lui répondre. Non, sa meilleure amie ne la connaissait pas plus que les autres gens, elle était aussi bête qu'eux, capable de gober n'importe quoi qui soit énoncé avec un minimum de convictions...

"Oui, ce serait fantastique ! Je participerai à pleins de soirées grandioses et je recontrerai tous les gens connus de notre monde ! Ce sera trop bien..."

Elle avait parlé d'un ton faussement rêveur, laissant penser sans mal qu'elle ne voyait plus ça comme une hypothèse mais comme un avenir certain. Après tout, qui pourrait lui résister ? Elle était la fille la plus merveilleuse que l'école ait connue, et que certainement même le monde ait portée, personne ne pourrait refuser de s'attacher à elle un jour, pas même le Ministre de la Magie. Tu parles ! Comme si ce vieux scroutt en avait quelque chose à faire d'une adolescente de dix-sept ans même pas encore sortie de Poudlard et qui passait bien davantage pour une fille de joie qu'un futur espoir d'on ne savait quel enseignement magique. Il était tout de même étonnant que Scarlett puisse y croire, elle n'était certes pas réputée pour son intelligence hors du commun mais là, ça s'apparentait plus à un impressionnant déficit intellectuel. Enfin... Elle ne pouvait pas véritablement lui en vouloir, tout le monde n'avait pas la chance d'être elle, et c'était bien pour ça qu'elle laissait à certaine pauvres filles l'occasion de la côtoyer pour combler un peu le fossé que Dame Nature avait creusé entre elle et le reste des filles de son âge. Elles avaient l'air plus intelligentes, plus belles, plus exceptionnelles alors qu'en réalité ce n'était que son aura qui se reflétait sur leur silhouette terne et sans intérêt. L'illusion était parfaite et donnait l'impression qu'elle vivait au milieu d'une cour de filles fantastiques, Scarlett en tête... Pour l'heure, il ne venait pas à l'esprit de la Poufsouffle qu'elle délirait totalement, que son habituelle supériorité reprenait le dessus sur le reste alors qu'elle avait passé ces dernières semaines à la remettre en question comme jamais elle ne l'avait fait jusque là.

« Elle n’était pas si affreuse que ça ! Pas très avantageuse, certes, mais j’étais quand même la plus jolie fille du bal, si je ne te compte pas, bien sûr. Mes dix doigts se portent très bien, je te remercie, jusqu’à preuve du contraire, ils sont en parfaits états et aptes à fonctionner. »

Elle n'était pas si affreuse que ça ? Elle s'était regardée dans un miroir avant de descendre de la tour des Gryffondor ou bien elle avait préféré se convaincre qu'elle était magnifique et ne pas prendre la peine de regarder l'étendue des dégâts ? Sa robe avait été particulièrement moche ! Si elle n'avait généralement aucun mal à la voir comme l'une des plus jolies filles de l'école, là, elle peinait à l'admettre. Déjà, on ne lui donnait certainement pas le bon Dieu sans confession parce qu'il s'agissait malgré tout de Scarlett Levinson aussi mal fringuée fut-elle, et puis elle donnait en plus l'impression d'avoir choisi ses vêtements dans le noir, quoi qu'encore le résultat aurait été plus concluant. C'était bien beau de vouloir jouer les filles exemplaires en cette fin d'année mais ce n'était certainement pas une robe qui allait changer quoi que ce soit, aussi aurait-elle pu faire des efforts et se montrer à la hauteur de sa réputation. Bien sûr, le lui faire remarquer n'aurait été d'aucune utilité puisqu'elle ne pouvait pas revenir en arrière. Il y avait sûrement des élèves qui ne garderaient d'elle que l'image d'une fausse nonne embrasser Alexander, autant dire que ce n'était pas franchement grandiose. Enfin qu'importe, c'était sa vie, pas la sienne et elle était intimement persuadée que ça n'entâcherait pas sa propre image. Si elle n'avait pas joué les pouffes insupportables durant cette soirée, bien trop occupée à en profiter pour y penser, elle ne s'était pas laissée aller à se fagotter comme l'As de pique. C'était toujours ça de pris. Aussi peut-être risquait-elle ne de pas être forcément prise au sérieux quand elle se remettrait à jouer les pestes à la rentrée, mais c'était bien le cadet de ses soucis.

"Si tu en es convaincue, c'est le principal Chérie." souffla t-elle avec un sourire qui sonnait faux. "C'est bien d'avoir dix doigts en état de fonctionner, mais encore faut-il savoir s'en servir."

Maintenant, si elle n'avait qu'à retirer des vêtements de leurs cintres et ce pendant trois ans, il y avait de fortes chances qu'elle soit dans les premières de sa classe mais Sarah en doutait fortement. Ca se saurait si c'était aussi simple de réussir dans ce milieu. Bien entendu elle n'avait jamais fait la moindre recherche sur le sujet, mais à force de lire Vogue, Sorcière Hebdo et compagnie, elle aurait fini par tomber sur un article le disant, rien qu'une fois, or il n'en fut rien, ce qui n'était pas qu'une simple coïncidence, elle en était convaincue. Après, son rôle d'amie aurait voulu qu'elle l'encourage, qu'elle se montre persuadée qu'elle avait trouvé sa voie et qu'elle y réussirait à merveille, sauf qu'elle lui avait elle-même fait remarquer qu'elle était bien nulle comme amie, si bien qu'elle n'avait pas envie de faire de véritables efforts sur ce plan-là. Elle n'y croyait pas et elle ne s'en cacherait pas, point. Et tant pis si ça ne lui plaisait pas, que ça la blessait ou quoi que ce soit d'autre, ce n'était pas son problème. Elle ne lui avait certes pas demandé son avis mais au fond c'était quasiment pareil, elle n'avait plus désormais qu'à en assumer les conséquences. Bien peu lourdes, il était vrai, mais aucune importance. Elle se rattraperait pendant les vacances, avec d'autres sujets, d'autres conversations. Elle se montrerait adorable et attentionnée, l'amie parfaite que tout le monde rêverait d'avoir mais pour l'heure, elle avait d'autres choses à penser que de se montrer plus extraordinaire encore qu'elle ne l'était d'ordinaire.

« Mieux vaut avoir un faux père qui s’intéresse à toi qu’un vrai père qui se fiche de ton existence comme de ta première paire de chaussette. T’as jamais pensé à essayer de retrouver la trace de ton père ? Peut-être qu’il est parti pour une bonne raison et que personne n’a jugé bon de te tenir informé ? Toi au moins tu peux avoir de l’espoir. Moi je suis sûre que c’est parce que son autre fille était carrément mieux que moi et son autre femme carrément mieux que ma mère. Enfin, sur ce dernier point, je ne peux pas vraiment le contredire. Quand je pense que depuis que je suis bébé je paye les factures, ça me rend malade, elle sert vraiment à rien. Si Danah et toi vous vous entendez bien, c’est le principal tu ne crois pas ? Au moins, tu es considérée comme un membre de la famille à part entière. »

Elle haussa tristement les épaules. Bien sûr qu'elle n'était pas franchement à plaindre mais au fond, n'avait-elle pas les deux ? Pouvait-elle dire réellement que son vrai père ne se fichait pas de son existence ? Elle avait dix-sept ans et n'avait jamais eu la moindre nouvelle de sa vie. Quoi que pouvait en dire la Rouge et Or, le sien ne semblait s'en ficher qu'à moitié puisqu'elle avait avoué qu'il tentait de l'intégrer à sa famille. A choisir, elle aurait préféré avoir à partager son géniteur avec une autre adolescente en sachant qu'il était quand même là pour elle un minimum que comprendre à peine sortie de l'enfance qu'elle n'était pas suffisamment importante à ses yeux pour qu'il daigne garder un semblant de contact. Se souvenait-il au moins qu'il avait une fille ? Elle ne pouvait même pas en être convaincue puisqu'il n'avait jamais donné signe de vie. Elle aurait pu bien plus mal tomber, mais c'était suffisamment traumatisant pour ne pas avoir envie d'imaginer ce que ça aurait pu être. Elle avait grandi en étant sûre d'être une personne importante, du moins dans le coeur de ses parents, pour apprendre qu'en fin de compte c'était loin d'être le cas, qu'après quelques mois passés en sa compagnie, son paternel s'était fait la malle sans daigner donner d'adresse ni de raison... Qu'il avait été capable de la rayer totalement de sa vie alors qu'il s'en était occupé un moment, comme si elle n'avait été rien d'autre qu'un paquet encombrant et inutile dont il fallait se débarrasser au plus vite.

"Il serait mort, je l'aurais trouvé excusable. Mais ce n'est pas le cas, il n'a donc aucune raison suffisamment bonne pour cela. Je suis concidérée comme membre à part entière d'une famille qui n'est pas la mienne, merveilleux." déclara t-elle d'une voix neutre et lointaine, comme si elle tâchait de s'éloigner au maximum de ce qu'elle pouvait bien penser de tout ça. "Tu payes les factures depuis que tu es bébé ? C'est à dire ?"

Comment un bébé pouvait-il payer quoi que ce soit ? Et surtout pourquoi ? N'avait-elle pas vécu dans une famille aisée comme elle l'avait toujours cru ? Non, elle avait sûrement dû mal comprendre, il y avait eu une erreur dans son interprétation, rien de plus. Elle ne pouvait pas être tombée aussi à côté sans même avoir le moindre petit soupçon. Elles allaient toujours faire les boutiques ensemble et une chose était sûre, les sacs remplis de vêtements qu'elles ramenaient à chaque fois n'étaient pas une illusion, et Scarlett les payait bien. C'était à ses yeux une preuve largement suffisante, qui excluait sans ménagement qu'elle ait pu lui cacher de quelconques problèmes financiers. Ou alors c'était elle qui les créait, ce qui était bien plus envisageable. Peut-être que la Rouge et Or vivait un peu au dessus de ses moyens lorsqu'elle était à Poudlard, ce qui pouvait avoir des répercutions désagréables sur ses parents mais certainement rien d'insurmontable. Elle espérait en savoir un peu plus, ou du moins avoir confirmation de ce qu'elle venait de comprendre d'elle-même, mais elle n'en était malheureusement pas convaincue. Lorsqu'elle se mit à chouiner, pour la première fois depuis qu'elle avait mis les pieds au camping, la blonde se redressa, s'agenouilla face à elle et entreprit d'essuyer les larmes qui coulaient sur ses joues. Sarah se laissa faire, n'ayant pas le courage de la repousser alors qu'elle savait très bien qu'elle n'avait plus qu'elle. Et puis, elle se montrait adorable depuis le début de la soirée, comme si elle avait véritablement l'intention d'être une amie formidable, elle se devait d'en faire autant.

« Je ne sais pas, tu n’es peut-être pas tombée sur les bonnes personnes. Une chose est sûre, ils ne méritent pas que tu verses autant de larmes pour eux, Chérie. »

Elle resta immobile et silencieuse un instant, se laissant bercer par les gestes de son amie sans penser à lui répondre, puis elle finit tout de même par hocher doucement la tête. Elle avait raison, elle n'y était pour rien, elle n'avait strictement rien fait. Tout était de leurs fautes, à eux, et elle n'avait pas à pleurer pour ça. C'était néanmoins bien plus facile à dire qu'à faire... La Poufsouffle finit par se reprendre, et essuya à son tour les quelques suicidaires qui courraient encore sur son visage. Elle soupira longuement, un peu perdue malgré tout, avant de lui adresser un sourire timide mais plein d'un merci silencieux.

"Tu as raison. Et puis tu es là, toi. J'ai pas l'intention de gâcher notre anniversaire pour des bêtises pareilles !"

Sans savoir pourquoi, elle finit par poser furtivement ses lèvres sur les siennes, avant de se reculer en souriant de plus belle. Cependant, il ne fallut pas longtemps à l'information pour arriver jusqu'à son cerveau et s'y imposer avec force comme une énorme connerie. Et Scipion, qu'en faisait-elle ? C'était bien beau d'embrasser la première personne à lui tomber sous la main lorsqu'il n'était pas là mais n'avait-elle pas été prête à l'attendre des années s'il le fallait ? C'était bien mal commencé ! Son sourire s'effaça légèrement mais elle tenta de ne rien laisser paraître. Non mais quelle idiote... Elle se leva d'un bond, perdant l'équilibre au passage avant de se rattraper de justesse au dossier du canapé puis, une fois sur de ses appuis, elle lissa son tee-shirt d'un geste inutile et nerveux. Elle hésita un instant mais finit par relever les yeux vers sa meilleure amie. Il fallait aller ailleurs, là où il y avait du monde. Elle n'avait pas envie de rester seule avec elle ce soir. N'importe qui, juste quelqu'un...

"Ce n'est pas digne de nous de passer notre soirée ici, en plus elle est pas super très joyeuse pour l'instant, faut arranger ça. Les Trois-Balais, ça te va ? Oui... C'est bien les Trois-Balais."

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre qu'elle se baissa pour ramasser son sac et son contenu qui s'était étalé sur le sol, se relevant non sans mal, avant de se diriger d'un pas incertain jusqu'à l'entrée de leur tente. N'importe où, n'importe qui...

"Je vois que nous sommes d'accord. Honeycutt n'est qu'un inutile crétin. Il ne mérite vraiment pas que tu t'intéresses à lui."

La jeune fille se contenta de hausser les épaules avant de glousser joyeusement. Les critiques de sa meilleure amie sur ce sujet étaient très loin de l'atteindre. Franchement, pour ce qui était de choisir un garçon potable, Sarah était particulièrement nulle et le fait qu'elle critique son choix la confortait presque dans son choix. Quoi qu'elle puisse en penser, Logan était quelqu'un de très bien et elle avait tout à fait raison de le choisir. Il l'aiderait au moins à se populariser puisqu'il devait avoir des amis un peu partout notamment auprès des autres joueurs. Elle détestait le quidditch alors quoi de mieux que de se rapprocher de quelqu'un qui adorait ça pour pouvoir côtoyer tout de même ce monde ? Toutes les critiques que pourraient faire sa meilleure amie n'y changeraient rien, elle avait raison et c'était tout ce qui comptait. Et puis, de toute façon, elle ne le connaissait pas vraiment, elle avait passé bien trop de temps avec son amoureux ces derniers temps pour savoir de quoi elle parlait. Avant d'être en désaccord avec elle, Sarah ferait bien de se remettre un peu dans le bain, niveau crédibilité, ça serait sans doute mieux. Mais bon, il était plutôt amusant de voir que la poufsouffle était capable de se remettre aussi rapidement d'une relation qui l'avait totalement engloutie pendant de longues semaines. Elle n'avait pas eu l'air de vouloir mentionner le prénom du gryffondor depuis leur fameuse rupture. Certes, ça ne faisait que deux semaines, mais justement, n'était-elle pas censée pleurer sur son sort, manger de la glace et regarder des films à l'eau de rose ? Scarlett n'y connaissait pas grand-chose, et elle avait sans doute seulement des clichés en tête, mais il y avait certainement une part de vérité dans tout ça. Peut-être s'était-elle moins attachée au garçon qu'elle n'avait voulu le faire croire à sa meilleure amie ? Après tout, il était arrivé tellement souvent qu'elles feignent des liens inexistants pour telle ou telle personne que ça ne paraissait pas si improbable que ça. Mais dans le cas présent, son histoire avait pris de telles proportions qu'il paraissait presque impossible de remettre en doute sa sincérité. La poufsouffle avait versé une grande quantité de larmes cette année, chose qui ne lui était pas vraiment arrivée auparavant. Pauvre Sarah, la rouge et or se serait presque surprise à la plaindre si elle n'avait pas l'impression d'avoir eu raison depuis le début.

"Oui, ce serait fantastique ! Je participerai à pleins de soirées grandioses et je rencontrerai tous les gens connus de notre monde ! Ce sera trop bien..."

La rouge et or battit des mains comme une enfant attendant son tour devant un manège. Ce projet lui plaisait vraiment. Enfin, elle retrouvait sa Sarah, la jeune fille ambitieuse que rien ni personne ne pouvait arrêter. Elle en aurait presque fait une danse de la joie en plein milieu de la tente. Son apparence lui importait peu pour le coup, personne ne pouvait la voir à part sa meilleure amie, qui n'oserait jamais lui dire quoi que ce soit ou ne la jugerait pas tant qu'elles n'avaient pas à sortir, si ? C'était bien là le problème, les vraies amies étaient censées se soutenir, et elles étaient toutes les deux plutôt douées pour s'enfoncer mutuellement. Scarlett n'avait absolument pas soutenue la poufsouffle lorsqu'elle lui avait avoué ses sentiments pour Scipion, elle était même allée jusqu'à la trahir assez lâchement en vérité, pour avoir des informations qu'elle ne savait pas toujours comment utiliser. En parlant de cette pauvre Sasha, elle n'avait même pas parlé à Sarah de ses soupçons concernant la jeune fille ou en tout cas ne se souvenait pas l'avoir fait un jour. Pourtant, c'était un peu grâce à elle qu'elle avait le dossier scolaire de la jaune et noir en sa possession, il aurait été plutôt sympathique de partager. D'autant plus que sa meilleure amie n'était pas forcément en bons termes avec la jeune fille, et elle serait sûrement ravie d'avoir de quoi livrer une bataille si bataille il y avait. Seulement, Scarlett avait peur qu'en abordant ce sujet, elles soient obligées de revenir sur leur vieille dispute qui n'était pas assez bien enterrée aux yeux de la rouge et or. Elle était restée en surface, menaçant de resurgir à chaque faux-pas. La gryffondor détestait devoir marcher sur des œufs, de toute façon, c'était les contraintes en général qu'elle haïssait. Jusqu'ici devoir préserver sa relation avec sa meilleure amie ne lui avait mis aucune barrière, mai rien ne lui disait que ça ne changerait pas à la rentrée. Dans ce cas, Scarlett vivrait beaucoup moins bien le fait de devoir s'écraser en permanence. Pour l'instant, s'effacer légèrement pour laisser Sarah reprendre sa vie en main ne la dérangeait pas mais lorsqu'elle rentrerait au château et tenterait de reprendre ses anciennes habitudes, ça risquait de moins lui plaire. Sa meilleure amie faisait partie de son quotidien et elle avait bien l'intention de l'y réintégrer très rapidement.

"Si tu en es convaincue, c'est le principal Chérie. C'est bien d'avoir dix doigts en état de fonctionner, mais encore faut-il savoir s'en servir."

Gna, gna, gna. La jeune fille ne l'avouerait certainement jamais, mais les remarques de Sarah la piquaient au vif. Comment pouvait-elle douter à ce point-là de ses capacités alors qu'elle lui avait toujours prouvé qu'elle était une personne merveilleuse. Lorsque sa meilleure amie avait besoin d'être soutenue, elle était sans doute la première à le faire, elle était toujours convaincue que la poufsouffle était merveilleuse. Elle aurait pu lui dire que son projet de vouloir se retrouver avec le ministre était un peu trop ambitieux mais elle s'était contentée d'être enthousiaste et de pousser la jeune fille à mettre en pratique toutes ses idées qui, il fallait bien le reconnaître, étaient absolument géniales. Mais bon, peu importait. Sarah n'était pas censée savoir que la robe en question, c'était elle et elle seule qui l'avait créé. Certes, elle utilisait un modèle à chaque fois, donc elle n'avait pas inventé grand-chose, si ce n'était les quelques modifications qu'elle avait apporté à la robe de base, mais c'était tout de même son œuvre et elle y avait passé un certain temps. Alors bien sûr qu'elle était convaincue que cette robe était géniale. Elle ne s'était pas habillée comme une trainée et n'avait pas eu l'intention de le faire, trop de professeurs seraient présents ce soir-là. Était-ce simplement cela qui dérangeait tellement sa meilleure amie ? C'était tout de même un peu dommage, elle devait avoir l'habitude des changements de style de son amie qui correspondaient plus aux situations qu'elle rencontrait qu'à ses humeurs. Elle pouvait passer de la bimbo à la dernière des coincées en un rien de temps, sans que ça la perturbe plus que cela. Après tout, avec son physique, elle pouvait très certainement tout se permettre, de la robe tuyau hyper moulante jusqu'au jean et T-shirt ample, ressemblant plus à une version plus étroite du parachute qu'autre chose. Quoi qu'elle puisse se mettre sur le dos, elle serait toujours magnifique, elle n'avait absolument rien à craindre à ce sujet. Elle arrivait bien à être fabuleuse rien qu'en portant l'uniforme de l'école, c'était bien un signe. Seulement, malgré toute la confiance qu'elle avait en elle, Scarlett trouvait que ces critiques avaient un goût particulièrement amer, et elle aurait très certainement beaucoup de mal à les digérer.

« Je sais ce que je fais. » Trancha-t-elle sur un ton sec.

N'avait-elle pas pu envisager ne serait-ce qu'une seule seconde qu'elle avait une bonne raison de vouloir tenter une école de stylisme ? En même temps, c'était un peu rassurant. Ça voulait dire que Sarah ne soupçonnait pas une seule seconde qu'elle ait pu reproduire les vêtements achetés dans les magasins lors de leurs nombreuses virées shopping et qu'en plus elle ne voyait que du feu lorsque Scarlett portait les reproductions qu'elle avait pris des heures à recréer. Donc finalement, derrière cette méchante critique, elle parvenait presque à déceler un beau compliment. Malheureusement pour la poufsouffle, il était totalement involontaire et la rouge et or trouvait tout de même particulièrement agaçant que sa meilleure amie ne soit pas capable de voir en elle autre chose qu'une commère incapable de faire quelque chose de ses doigts. D'ailleurs, de quoi la croyait-elle capable finalement ? Elle était bien placée pour savoir que ses notes n'étaient pas forcément merveilleuses et que donc elle ne pourrait pas prétendre entrer à l'université à la fin de sa scolarité. Ou en tout cas, son choix de cursus serait vraiment très restreint. Peut-être serait-elle même obligée d'étudier les runes pendant encore cinq ans avec une bande de ploucs insignifiant. Cette pensée lui donnait la chair de poule, aussi préférait-elle s'imaginer qu'elle pourrait faire un pied de nez à tous ceux qui ne croyaient pas en elle, y compris sa mère et sa meilleure amie, lorsqu'elle réussirait brillamment à intégrer cette école. Elle ne s'était pas encore vraiment renseignée sur le sujet, mais il y avait fort à parier qu'elle n'aurait aucune mal à parvenir à ses fins, comme d'habitude. De toute façon, elle avait prévu de s'en donner les moyens. La jeune fille comptait bien profiter du court laps de temps qu'elle aurait entre la fin de ses vacances au camping et la reprise des cours pour se renseigner sur les nouvelles techniques moldues qu'elle pourrait approfondir ou pour racheter de nouveaux tissus. Peut-être même aurait-elle le temps de faire un tout sur le Chemin de Traverse pour voir si elle pouvait ajouter un peu de sorcellerie à tout ça. Elle trouverait forcément un moyen, c'était une évidence, et dans très peu de temps, elle aurait une marque à son nom, reconnue dans tout le monde entier. Peut-être même réussirait-elle à associer sa meilleure amie à son projet ? Elles seraient célèbres toutes les deux en même temps comme cela, et aurait, grâce à elle, tout ce qu'elles avaient toujours voulu avoir. Seulement, il fallait que Sarah se montre un peu plus coopérative sur ce coup-là, il était hors de question qu'elle récompense tant de scepticisme, même s'il s'agissait de la personne qui comptait le plus dans sa vie. Si elle continuait à se montrer si réticente, elle s'en mordrait les doigts à coup sûr.

"Il serait mort, je l'aurais trouvé excusable. Mais ce n'est pas le cas, il n'a donc aucune raison suffisamment bonne pour cela. Je suis considérée comme membre à part entière d'une famille qui n'est pas la mienne, merveilleux. Tu payes les factures depuis que tu es bébé ? C'est à dire ?"

Scarlett ne savait pas trop quoi répondre, elle aurait pu aisément embrayer sur l'histoire du père de la jeune fille, feignant de ne pas entendre la question posée par sa meilleure amie, sauf que même sur ce sujet là, elle ne savait pas quoi dire. Il était certainement plus facile de trouver des excuses aux personnes qu'on ne connaissait pas. Vu de la fenêtre de la jeune fille, il paraissait bien plus simple d'abandonner totalement sa famille plutôt que de rester proche d'elle en étalant son nouveau bonheur au grand jour. Mais pour Sarah, ça devait bien sûr être l'inverse. Elle devait souffrir de cette situation beaucoup plus qu'elle ne le laissait paraître au quotidien, mais c'était aussi le cas de Scarlett et si leur deux situations avaient été inversée, ça aurait été probablement exactement pareil. Mais pour le moment, la rouge et or trouvait surtout qu'il aurait été bien plus agréable de ne pas se retrouver constamment en face de celui qui l'avait trahi. Elle avait l'impression qu'il venait la chercher avec un lot de petites cuillères dont il se servait pour lui triturer le cœur jusqu'à ce qu'elle craque et passe inévitablement pour la garce de l'histoire. Au moins, Sarah n'était pas confronté à ça. Elle pouvait haïr son géniteur en paix, sans qu'il vienne l'embêter ni même lui exposer sa nouvelle vie sous les yeux. Bien sûr, il y avait toujours un risque qu'il ait soudainement envie de viser la béatification et cherche à se faire pardonner, mais ce genre de choses n'arrivait probablement que dans les films, sa meilleure amie devait se sentir à l'abri de ce genre de chose. Ou pas... Peut-être avait-il déjà essayé de la contacter en fait ? Scarlett trouvait assez hallucinant qu'elle ne soit pas au courant de ce genre de choses alors que la poufsouffle était la personne qui comptait le plus dans sa vie. Est-ce qu'elle s'était confiée à Scipion ? Probablement pas. Cette idée horrifiait la jeune fille, mais elle ne paraissait pas si stupide que ça finalement. Elle voyait en son ancien amoureux quelqu'un que n'était absolument pas le gryffondor, et il était plutôt normal qu'elle se soit crue en sécurité à ses côtés. Sauf qu'elle ne l'était pas et qu'elle n'avait pas semblé prendre en compte les avertissements, certes maladroit, de la rouge et or. Enfin, il n'était pas forcément nécessaire de revenir sur cette sombre histoire. La période Scipion était maintenant loin derrière elles. Elles allaient pouvoir aller de l'avant. Il fallait qu'elles arrivent à retrouver leur amitié et qu'aucun garçon ne puisse se mettre entre elles dorénavant. C'était impératif.

« Il avait peut-être une bonne raison, mais il n'a pas pu te la dire... » tenta-t-elle sans être convaincue le moins du monde de ce qu'elle disait. « Avec mes concours, on gagne de l'argent en général. »

Quelle bonne raison pouvait-on avoir pour abandonner son enfant ? Une maîtresse ou une peur chronique de l'engagement, il n'y avait que ça. Au pire, il pouvait avoir découvert qu'il était atteint d'une maladie grave et il avait choisi d'épargner sa famille en prenant le large. Seulement, il avait trahi la mère de Sarah et sa future fille par la même occasion et personne de sensé n'aurait voulu se faire haïr par sa propre famille, surtout pour une raison aussi stupide. Et puis, il y avait une chance sur un million, si ce n'était moins. En fin de compte, la jeune fille avait probablement raison, sa maman était tombé sur un sale type qui lui avait fait un sale coup. Mais même si ce n'était pas sa propre famille, elle en avait une, qui l'accueillait à bras ouverts et ne faisait pas la différence entre enfant biologique et enfant adopté, c'était déjà une sacré chance. Sarah ne s'en rendait pas compte parce qu'elle voyait forcément ce qu'il y avait à améliorer dans sa vie et non pas de quelles façon les choses auraient pu être pires. Mais pour le coup, Scarlett comprenait quand même sa réaction, et sa faible tentative pour défendre le géniteur de sa meilleure amie le prouvait bien. Déjà, l'excuse était mauvaise, et en plus, elle n'y avait pas mis une once de conviction, elle aurait pu aussi bien se taire, ça aurait eu le même effet, mais au moins, ça avait le mérite de camoufler légèrement l'information complémentaire qu'elle avait essayé de camoufler du mieux qu'elle pouvait. La jeune fille avait beau être ravie de s'être un peu plus confiée que d'habitude, elle ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer une potentielle vengeance qui viendrait ruiner sa vie, sans qu'elle ne puisse rien faire pour recoller les morceaux. Il n'y avait aucune raison pour qu'elle le fasse, cependant, et avec toutes les informations que Sarah possédait déjà, elle pouvait déjà ruiner toute son existence, un peu plus ou un peu moins ne ferait pas grande différence. Cependant, la rouge et or préférait être un minimum discrète, quitte à distiller les informations au compte-goutte tout au long de l'année. Elle pouvait faire confiance à sa meilleure amie, il n'y avait aucune raison pour que ça ne soit pas le cas, il fallait juste qu'elle apprenne à se livrer un peu plus et à se poser un peu moins de questions à ce sujet.

"Tu as raison. Et puis tu es là, toi. J'ai pas l'intention de gâcher notre anniversaire pour des bêtises pareilles !"

Scarlett ne broncha pas lorsque les lèvres de son amie se posèrent sur les siennes, sans doute parce que l'information était assez compliquée à assimiler dans son état. Elle avait l'impression que tout se déroulait au ralenti, elle était un peu trop éloignée de la réalité et avait du mal à comprendre tout ce qui se passait autour d'elle. Elle se contenta de sourire bêtement sans rien dire, loin de savoir si elle devait réagir ou non. Il était tout de même étonnant que sa meilleure amie l'embrasse. Qu'est-ce que c'était censé vouloir dire ? Qu'elle lui pardonnait enfin sa trahison et qu'elles pouvaient redevenir de vraies amies ? Voulait-elle faire un pied de nez à Scipion en lui prouvant qu'elle était libre de faire ce qu'elle avait envie et qu'il ne lui manquait pas ? Après tout, la conversation s'y prêtait, elle venait de lui dire qu'elle avait eu le sentiment d'être abandonnée, ça pouvait être une explication plausible. Ou alors, c'était un simple test, Sarah voulait voir si elle allait s'enfuir en courant ou si malgré tout, elle allait rester là, sans partir elle aussi. En tout cas, si tel était son objectif, Scarlett était certaine d'avoir réussi haut la main, elle n'avait pas du tout l'intention de partir. Ce n'était pas la première fois qu'elle embrassait quelqu'un et honnêtement, que ce soit Sarah ou quelqu'un d'autre, elle ne voyait pas du tout la différence et s'en fichait éperdument. Si sa meilleure amie s'attendait à ce qu'elle réagisse, elle allait être bien déçue mais tant pis, au pire, elles se disputeraient une nouvelle fois ce qui paraissait très peu probable. Quand on y réfléchissait un peu plus, la situation était plutôt comique et très peu appropriée pour un anniversaire. Pourtant, c'était plutôt bien parti puisqu'elles avaient commencé par parler commérages. Cependant, la conversation avait vite dévié et entre les larmes de Sarah, leurs douloureuses révélations et cet étrange baiser, elles étaient en train de faire de leur soirée, le pire anniversaire possible. La poufsouffle semblait d'ailleurs s'en être rendu compte puisqu'elle se leva subitement, probablement avec l'espoir qu'elles pourraient se bouger un peu et se changer les idées. Avec la quantité d'alcool qu'elles avaient ingurgitées, elles s'amuseraient certainement n'importe où.

"Ce n'est pas digne de nous de passer notre soirée ici, en plus elle est pas super très joyeuse pour l'instant, faut arranger ça. Les Trois-Balais, ça te va ? Oui... C'est bien les Trois-Balais."

La rouge et or se leva en souriant, suivant sa meilleure amie sans aucune réticence. Elle n'avait pas tort, elles avaient besoin de fêter leur anniversaire dignement. Que ses parents aillent au diable, ils ne la méritaient pas, et même si elle était toujours contrainte de les respecter à l'heure actuelle, le jour viendrait où elle pourrait leur faire payer tout ça, et ce n'était pas les idées qui lui manquaient.